Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

cinephage a écrit :C'est une question de pouvoir sur un plateau, personne n'ira cafter le chef s'il ne suit pas les règles, voila tout, un durcissement des règles n'y changera pas grand chose.
C'est ce que je suppose aussi. Je pense que c'est vraiment une pure politique entrepreneuriale pour se défausser de toute responsabilité, pas un durcissement fait pour faire chier les gens ou par excès de zèle.
Je vois des tas de politiques de sécurité en usine par exemple et qui sont complètement connes (obligation de se tenir à la rampe dans les escaliers, par ex). Mais si tu ne la suis pas, c'est pour ta pomme.
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cinephage
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par cinephage »

tenia a écrit :
cinephage a écrit :C'est une question de pouvoir sur un plateau, personne n'ira cafter le chef s'il ne suit pas les règles, voila tout, un durcissement des règles n'y changera pas grand chose.
C'est ce que je suppose aussi. Je pense que c'est vraiment une pure politique entrepreneuriale pour se défausser de toute responsabilité, pas un durcissement fait pour faire chier les gens ou par excès de zèle.
Bien sur ! Mais le zèle anglo-saxon pour répondre à ce type de sensibilité peut aller sans hésiter jusqu'à l'absurde, c'est toujours un peu navrant.
La formation qui aurait pu empêcher le gros weinstein d'agir comme il l'a fait n'est pas de celles qu'on prodigue dans une entreprise (merdre, on va me taxer de grossophobie)... Il faudrait surtout miner la forme hiérarchique du pouvoir, où un "talent" peut tout, et 15 grouillots interchangeables doivent subvenir à ses besoins réels ou supposés. C'est reflété dans la structure même des budgets de film, qui distingue l'above the line (les types connus, en gros, ceux qui comptent) du below the line (les anonymes). Et ça, ça n'est pas près de se produire.
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Rockatansky
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Message par Rockatansky »

Oui, mais ça dans notre industrie c'est parce que c'est le above the line qui fait que les films peuvent se faire.
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cinephage
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par cinephage »

Rockatansky a écrit :Oui, mais ça dans notre industrie c'est parce que c'est le above the line qui fait que les films peuvent se faire.
Complètement, mais c'est aussi pour ça que le jour où un acteur dit "je ne veux plus voir untel sur le plateau", la prod cherche à écarter untel du plateau, certes en minimisant l'impact légal, mais bon... En tout cas, dans la plupart de ces cas de harcèlement très agressif, c'est plus la structure du pouvoir qui rend la dénonciation hasardeuse que l'ignorance qui est à l'origine des mauvais comportements. Stagiaire régie plutôt que producteur, Harvey Weinstein se serait pris une claque dans la figure, s'il s'était branlé sur une plante à un diner avec une actrice ou une technicienne...
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

cinephage a écrit :La formation qui aurait pu empêcher le gros weinstein d'agir comme il l'a fait n'est pas de celles qu'on prodigue dans une entreprise (merdre, on va me taxer de grossophobie)...
Oui, enfin, il y a déjà souvent une grosse différence entre la possibilité de pouvoir d'un producteur comme Weinstein dans le cinéma et ce qui peut se passer dans une entreprise plus classique.
Dans notre usine, on est 250, et y a beau avoir des rapports hiérarchiques très clairs, des gros egos partout, etc, ça n'a pas empêché plusieurs plaintes pour harcèlement moral ou sexuel de voir le jour.
Et à ma connaissance, on n'a pas eu de formation sur ces sujets (enfin pas à mon niveau en tout cas).

Après, je ne nie aucunement l'absurdité de certaines règles qui sont clairement le fait de la volonté de la société de se couvrir et qui ne pense aucunement aux possibles conséquences sur la liberté des employés. Mais ce n'est pas un sujet nouveau, et le cinéma reste une industrie particulièrement à part dans son jeu de rapport à ceux qui ont le pouvoir et comment ils peuvent l'exercer.

Ce n'est donc pour moi pas qu'une question de miner le forme hiérarchique du pouvoir, mais une question de respect et de relationnel, y compris en transversal. Les cas de harcèlements sexuels dénoncés dans mon entreprise étaient d'ailleurs entre personnes du même niveau hiérarchique.
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cinephage
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par cinephage »

C'est-à-dire que le sujet, c'était les plateaux de cinéma, ceux de Netflix pour être plus exact. Dont je suis bien d'accord pour dire que les usages et règles y sont particuliers.

Je n'ai pas d'avis sur les usages dans ta boite, mais je suis bien d'accord pour imaginer que ce qui s'y passe est différent d'un plateau de cinéma. Mais ce n'est pas l'article qu'a posté hellrick, et ça me dépasse un peu, pour tout dire. Dans ma boite, une blague salée racontée à la machine à café est une pratique jugée tolérable (jusqu'à ce qu'une plainte soit déposée, on verra alors). Pas de chansons grivoises, en revanche.
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

cinephage a écrit :Je n'ai pas d'avis sur les usages dans ta boite, mais je suis bien d'accord pour imaginer que ce qui s'y passe est différent d'un plateau de cinéma. Mais ce n'est pas l'article qu'a posté hellrick, et ça me dépasse un peu, pour tout dire.
Ce n'est pas l'article, mais on peut légitimement penser que le triple facepalm d'hellrick n'est pas tant sur ce que fait Netflix comme entreprise dans l'industrie du cinéma, mais comme entreprise tout court. D'où le fait que je fasse tout de même le distinguo.
cinephage a écrit :Dans ma boite, une blague salée racontée à la machine à café est une pratique jugée tolérable.
Moi aussi, mais ça dépend laquelle. :idea:
J'ai un collègue (vieux et blanc, tiens, pour faire du cross topic :mrgreen: ) qui a voulu taquiner une stagiaire en lui demandant si elle était vierge (suite à une conversation qui avait dérivé) et une autre en faisant remarquer qu'elle avait du monde au balcon.
C'est moyen moyen, hein, même sous couvert du vieux papy gateau un peu lubrique mais qui fait quand même rigoler depuis le temps qu'il est là et puis oh c'est bon il part en retraite dans 6 mois.
Et oui, il fait aussi 4 à 6 bises aux filles. Mais les jeunes, uniquement. Les plus âgées, il leur sert la main. :mrgreen:
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Sgt Hartman »

Sacré Gilliam :)
Je ne veux plus être un mâle blanc, je ne veux plus qu’on me reproche tout ce qui ne tourne pas rond dans le monde : maintenant, je dis aux gens que je suis une lesbienne noire. Je m’appelle Loretta, je suis une LNT, une lesbienne noire en transition.
https://www.theguardian.com/film/2018/j ... ck-lesbian
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Message par Flol »

Une étude exhaustive (je n'ai évidemment pas tout lu) à base de male gaze, d'inclusivité et de gender fluid. Le genre de docs un peu flippant que seuls les Ricains peuvent nous sortir :
Inequality in 1,100 Popular Films: Examining Portrayals of Gender, Race/Ethnicity, LGBT & Disability from 2007 to 2017
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Message par Supfiction »

Flol a écrit :Une étude exhaustive (je n'ai évidemment pas tout lu) à base de male gaze, d'inclusivité et de gender fluid. Le genre de docs un peu flippant que seuls les Ricains peuvent nous sortir :
Inequality in 1,100 Popular Films: Examining Portrayals of Gender, Race/Ethnicity, LGBT & Disability from 2007 to 2017
Ils ont compté les Wachowski dans les statistiques du nombre de femmes réalisatrices. :P
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Message par Mama Grande! »

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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par harry »

Flol a écrit :Une étude exhaustive (je n'ai évidemment pas tout lu) à base de male gaze, d'inclusivité et de gender fluid. Le genre de docs un peu flippant que seuls les Ricains peuvent nous sortir :
Inequality in 1,100 Popular Films: Examining Portrayals of Gender, Race/Ethnicity, LGBT & Disability from 2007 to 2017
En survolant le lien, je pense j'ai du faire la meme tronche que ton avatar.
Dans tout ces tableaux, graphiques et pourcentages, j'imagine y'a a un aucun endroit "Et si on faisait des bons films?"
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Ce type d'étude implique obligatoirement de pré-supposer des compétences dépassant complètement le sexe, l'origine ethnique et/ou l'orientation sexuelle des personnes prises en compte d'où le fait que non, on n'y parlera jamais de la qualité des films pris en compte.

Par ailleurs, par définition, à l'heure actuelle, l'extrême majorité des bouses et autres nanars, navetes et co sont majoritairement écrits, produits et réalisés par des hommes blancs.

Et si on peut évidemment trouver cet état des lieux clinique peu représentatifs de plein de choses, je trouve assez amusant ce réflexe de dénigrement, un peu comme si cet état des lieux ne voulait pas dire grand chose, et donc qu'on pouvait gentiment le balayer de la main.
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Message par Flol »

Alors j'ai peut-être eu l'air de le dénigrer dans mon post initial...mais en vrai, je trouve ça hyper intéressant.
Même si cette vision ultra statistique et détaillée, à base de petits comptes d'apothicaire sur la race, le sexe et tout ce qui constitue un être humain, comme je le disais je trouve ça aussi un tout petit peu flippant. Mais j'imagine que toi, ça te parle quand il y a plein de chiffres partout. :P
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Flol a écrit :Alors j'ai peut-être eu l'air de le dénigrer dans mon post initial...mais en vrai, je trouve ça hyper intéressant.
Je pense plus aux réponses de Mama Grande et harry.
Flol a écrit :Même si cette vision ultra statistique et détaillée, à base de petits comptes d'apothicaire sur la race, le sexe et tout ce qui constitue un être humain, comme je le disais je trouve ça aussi un tout petit peu flippant. Mais j'imagine que toi, ça te parle quand il y a plein de chiffres partout. :P
C'est pas une question d'être plus ou moins ouverts aux chiffres (sincèrement, t'as juste à lire les 5 premières pages, et t'as fait le plus gros à travers une poignée de graphique), mais de ne pas spontanément balayer ça parce que ça veut rien dire sur la qualité des films, parce que c'est froid, parce que c'est clinique, parce que c'est juste du chiffre d'apothicaire donc forcément chiant donc forcément on peut passer à autre chose et mettre ça sous le tapis.

Je pense qu'au contraire, ce type d'étude permet surtout de regarder l'état des lieux en face de façon précis et chiffré, et le dédain pour ces études semble surtout être une façon de détourner le regard plus que de trouver véritablement son contenu ou sa méthodologie discutable.

Il n'y a à aucun endroit "Et si on faisait des bons films?" ? Parce qu'il y aurait une corrélation entre un changement dans ce qui est mesuré dans cette étude et le résultat à l'écran ? Plus de femmes ou de LGBT ou de persos LGBT ou de persos féminins réduits à autre chose que "something for the dad" voudraient dire plus ou moins de bons films ? Plus ou moins de mauvais films ? Ah bon.
En fait, l'étude s'en fout (encore heureux), tout simplement parce que l'aspect brut de l'état des lieux est son seul intérêt. Est-ce qu'on est dans un cinéma masculin blanc hétéronormé ou dans quelque chose qui évolue avec son temps ? Le résultat, le voilà.

On pourrait d'ailleurs prendre un peu comme exemple ce qui se passe chez les super héros : est-ce que les films respectifs de Joss Whedon, Patty Jenkins ou Ryan Coogler sont qualitativement très différents les uns des autres ? Perso, entre Ultron, Black Panther et Wonder Woman, c'est difficile pour moi d'y trouver autre chose qu'une médiocrité ambiante très indépendante des catégories sociologiques auxquelles appartiennent leurs réalisateurs.
Et on rappellera à nouveau que les hommes blancs étant donc presque exclusivement aux manettes jusqu'ici, ce sont eux les principaux artisans de toutes les merdes sorties au fil des décennies de toute manière.

Libre ensuite aux gens d'essayer de balayer cela avec telle ou telle excuse, mais ça ne fait que confirmer que pour certains, peu importe la taille de l'étude, peu importe sa tentative d'exhaustivité, y aura toujours à redire. Je trouve ça dommage.
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