Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Alexandre Angel
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Alexandre Angel »

Michel2 a écrit :je suis même prêt à remettre le couvert et à relancer le débat sur "Scott : auteur ou non ?" si d'aventure quelqu'un cherche des diptères à sodomiser )
Certainement pas moi..
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Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Eusebio Cafarelli
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Eusebio Cafarelli »

Xavier a écrit :
Commissaire Juve a écrit : A propos d'androïde : c'est quoi ce...
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... goût prononcé de David pour Wagner ? Une façon de nous dire que c'est un put*** de nazi, un put*** d'eugéniste ?
Désolé, Xavier ! :mrgreen: (mais c'est difficile de ne pas y penser)
:mrgreen:

Non, pas un nazi, évidemment, mais l'analogie est intéressante: un créateur mégalo, prêt à tout pour aller au bout de son projet démesuré, y compris manipuler, trahir, voire "éliminer" les autres. C'est ce qu'était Wagner également.

Sinon, deux erreurs dans cette utilisation de Wagner: quand il joue au piano au début, ce n'est pas l'entrée des dieux au Walhalla mais la toute première apparition de Wotan et des dieux, et à la fin quand il demande l'acte 2 de l'Or du Rhin... eh bien là c'est bien l'entrée des dieux au Walhalla qu'on entend, mais il n'y a pas d'acte 2 dans l'Or du Rhin, qui est en un seul acte!
Pauvre Wagner...

Sinon, comme compilation d'emprunts faits aux Alien I à IV et comme film de SF pas trop mal fait, ça se regarde. Avec des passages assez ridicules
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(Alien naissant devant son créateur et le saluant... Scott ne respecte même pas la morphologie du bébé Alien d'origine...)
quand même...
Mais ça peut devenir carrément intéressant avec une grille d'analyse capillo-tractée : David c'est Ridley, Walter c'est Tony. Ridley tâtonne avant de créer le monstre parfait et a un sens artistique de créateur, pendant que Tony apprend le pipeau. Puis ça se termine en baston familiale et le vainqueur est désigné par la postérité :mrgreen:
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Commissaire Juve
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Commissaire Juve »

Eusebio Cafarelli a écrit : Avec des passages assez ridicules
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(Alien naissant devant son créateur et le saluant... Scott ne respecte même pas la morphologie du bébé Alien d'origine...)
quand même...
Pas faux. Mais en 1979, techniquement parlant, c'était difficile à réaliser (il n'allait quand même pas faire du Ray Harryhausen).

En y repensant, James Cameron a gardé la même représentation. Ce n'est qu'à partir du David Fincher que...
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... l'alien prend une forme en rapport avec son hôte. Une fois sorti du chien, le bébé prend une posture de chien.

Cela dit, connaissant la bestiole, l'histoire du salut est assez déconcertante.
Eusebio Cafarelli a écrit : Mais ça peut devenir carrément intéressant avec une grille d'analyse capillo-tractée : David c'est Ridley, Walter c'est Tony. Ridley tâtonne avant de créer le monstre parfait et a un sens artistique de créateur, pendant que Tony apprend le pipeau. Puis ça se termine en baston familiale et le vainqueur est désigné par la postérité :mrgreen:
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Avec un twist ? :mrgreen:
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Flol »

Mosin-Nagant a écrit :
Et comme ils avaient fait avec Prometheus, ils ont posté une vidéo (drôle) listant toutes les questions et incohérences laissées volontairement ou non dans le film :


Ecran Large a écrit :Bref, on ne peut que fantasmer de ce que le script aurait donné…
Non.
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Michel2
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Michel2 »

Alexandre Angel a écrit :
Michel2 a écrit :je suis même prêt à remettre le couvert et à relancer le débat sur "Scott : auteur ou non ?" si d'aventure quelqu'un cherche des diptères à sodomiser )
Certainement pas moi..
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Elle a pourtant la croupe avenante, Zobi la mouche... 8)
David Locke
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par David Locke »

Pour ma part, je dois avouer qu'Alien Convenant m'a plutôt intéressé.

Attention : SPOILERS multiples

La limite évidente, déjà évoquée, étant que Ridley a dû se coltiner un cahier des charges dont il n'avait visiblement pas envie. On peut s'imaginer Ridley se disant : "Quitte à avoir un Xénomorphe qui trucide des humains, autant refaire le Alien d'origine, mais en moins bien, histoire de montrer que ce n'est pas ce qui compte".
Sur cette partie du film, on a quand même droit à une cascade d'événements vertigineuse, proprement catastrophique, qui m'a bien plu, et qui conduit au cœur du film et sa signification.

Tout d'abord, je n'oublie pas que Ridley Scott est un cinéaste, et pas un simple faiseur. Par conséquent, chacune de ses œuvres, quel que soit son degré de réussite, s'adresse à des spectateurs adultes qui vivent dans un contexte particulier (le monde d'aujourd'hui, pour faire simple).
Ce qui rend le projet intéressant pour Scott, ce n'est pas de donner une suite qui tienne la route à son film initial, mais c'est se servir de ce prétexte pour commenter notre réalité aujourd'hui.

Ainsi, il est pour moi évident que le véritable personnage principal d'Alien Covenant (comme de Prometheus d'ailleurs), est David, et non pas les ersatz de Ripley, ni même le bestiaire qui va nous être servi.

J'ai l'impression que les commentaires omettent le prologue, alors qu'il est essentiel. Il dit tout du projet, et c'est vertigineux !
Imaginez une seconde : un être humain (Weyland) parvient à créer une machine dotée d'intelligence artificielle afin, grâce à son horizon de vie infini, de percer les secrets de l'origine de la vie / de l'Homme... bref, de toutes les questions fondamentales que l'Humanité se pose depuis qu'elle est dotée de réflexivité.
Or, quelques minutes après sa "naissance", l'androïde remet déjà en cause le bienfondé de ce qui a motivé sa création ! Lui sait très bien d'où il vient et n'en est pas plus avancé !
Dès lors, David ne va vivre que dans le souci de la préservation de soi de façon à pouvoir expérimenter, créer autant que possible. S'il choisit d'obéir à son créateur, c'est qu'il pressent qu'il pourrait lui en coûter de ne pas obéir (il verse le thé...). David s'oppose en cela à Walter pour qui l'obéissance, la servitude (le fait d'être absolument au service des humains, jusqu'au sacrifice) est inscrit dans son programme.

Ainsi, on peut comprendre les 2 films comme les voyages de David, avide d'expériences, et pour qui les humains/demi-dieux/bestioles, sont simplement des moyens de déployer sa créativité. Pourquoi sauve-t-il les quelques rescapés du Covenant, si ce n'est pour s'en servir de chair à expérimentation ?

C'est donc un avertissement que Scott nous adresse : l'IA peut très bien signifier la fin de l'Humanité, et ce à très court terme !
Ce qu'il développe sur ce thème m'a paru assez intéressant : une intelligence qui n'est pas arrimée à un corps souffrant (telle l'intelligence humaine) devient une intelligence purement esthétique. Elle œuvre dans le monde des idées, en parfaite indépendance de ce qui fait notre humanité : la compassion. Il en ressort que David juge l'Homme laid et le Xénomorphe beau, et que le premier peut bien disparaitre au profit du second : il en ressentira une émotion esthétique majeure ! De la même façon, on a l'impression qu'il n'a mis fin à la civilisation des demi-dieux que pour pouvoir se le remémorer comme un acte créateur, que pour pouvoir psalmodier tel Néron devant Rome en flammes.
Et l'on rejoint ici les derniers mots prononcé dans Blade Runner par l'Androïde qui se souvient avec une émotion esthétique marquée des voyages qu'il a faits aux confins de l'Univers.

A cet avertissement, s'ajoute aussi le risque lié à la manipulation du vivant (notamment génétique) en l'absence d'éthique. A ce titre, le symbole du blé géant que plus personne n'est là pour manger est assez frappant, je trouve.

Encore une fois, si on prend David comme point focal, le film devient assez puissant : si cet androïde a pu remettre en cause son géniteur après quelques phrases de conversation, imaginez ce qui a pu traverser son esprit en plusieurs années de solitude ! Fassbaender parvient bien à rendre compte, malgré un visage impassible de rigueur, de ce qui est en jeu dans la tête de David, notamment dans son interaction avec son double.

Bref, pour conclure, ce n'est vraiment pas un film pour fans d'Alien, mais bien une œuvre de SF à part, dont la partie spectaculaire est anecdotique, tandis que ses thématiques profondes sont bien actuelles.
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Michel2
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Michel2 »

Je suis assez d'accord avec cette analyse, mais j'y mettrais un bémol majeur. Que David soit un démiurge esthétique et que Scott souhaite faire un film qui ne soit au fond pas vraiment un Alien destiné aux fans de la série, j'en conviens volontiers et c'est d'ailleurs un peu ce que j'écrivais à la page précédente, mais le souci est que la partie spectaculaire "anecdotique" occupe quand même deux gros tiers du film, ce qui rend l'anecdote envahissante.

Et tout le problème de Covenant, c'est justement ce déséquilibre entre une thématique prométhéenne réduite à la portion (très) congrue et le lourd dispositif d'un blockbuster bêtasson qui passe l'original de 1979 à la photocopieuse pour ne pas en tirer beaucoup plus qu'un concert de casseroles.
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Flol
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Flol »

David Locke a écrit :
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Pour ma part, je dois avouer qu'Alien Convenant m'a plutôt intéressé.

Attention : SPOILERS multiples

La limite évidente, déjà évoquée, étant que Ridley a dû se coltiner un cahier des charges dont il n'avait visiblement pas envie. On peut s'imaginer Ridley se disant : "Quitte à avoir un Xénomorphe qui trucide des humains, autant refaire le Alien d'origine, mais en moins bien, histoire de montrer que ce n'est pas ce qui compte".
Sur cette partie du film, on a quand même droit à une cascade d'événements vertigineuse, proprement catastrophique, qui m'a bien plu, et qui conduit au cœur du film et sa signification.

Tout d'abord, je n'oublie pas que Ridley Scott est un cinéaste, et pas un simple faiseur. Par conséquent, chacune de ses œuvres, quel que soit son degré de réussite, s'adresse à des spectateurs adultes qui vivent dans un contexte particulier (le monde d'aujourd'hui, pour faire simple).
Ce qui rend le projet intéressant pour Scott, ce n'est pas de donner une suite qui tienne la route à son film initial, mais c'est se servir de ce prétexte pour commenter notre réalité aujourd'hui.

Ainsi, il est pour moi évident que le véritable personnage principal d'Alien Covenant (comme de Prometheus d'ailleurs), est David, et non pas les ersatz de Ripley, ni même le bestiaire qui va nous être servi.

J'ai l'impression que les commentaires omettent le prologue, alors qu'il est essentiel. Il dit tout du projet, et c'est vertigineux !
Imaginez une seconde : un être humain (Weyland) parvient à créer une machine dotée d'intelligence artificielle afin, grâce à son horizon de vie infini, de percer les secrets de l'origine de la vie / de l'Homme... bref, de toutes les questions fondamentales que l'Humanité se pose depuis qu'elle est dotée de réflexivité.
Or, quelques minutes après sa "naissance", l'androïde remet déjà en cause le bienfondé de ce qui a motivé sa création ! Lui sait très bien d'où il vient et n'en est pas plus avancé !
Dès lors, David ne va vivre que dans le souci de la préservation de soi de façon à pouvoir expérimenter, créer autant que possible. S'il choisit d'obéir à son créateur, c'est qu'il pressent qu'il pourrait lui en coûter de ne pas obéir (il verse le thé...). David s'oppose en cela à Walter pour qui l'obéissance, la servitude (le fait d'être absolument au service des humains, jusqu'au sacrifice) est inscrit dans son programme.

Ainsi, on peut comprendre les 2 films comme les voyages de David, avide d'expériences, et pour qui les humains/demi-dieux/bestioles, sont simplement des moyens de déployer sa créativité. Pourquoi sauve-t-il les quelques rescapés du Covenant, si ce n'est pour s'en servir de chair à expérimentation ?

C'est donc un avertissement que Scott nous adresse : l'IA peut très bien signifier la fin de l'Humanité, et ce à très court terme !
Ce qu'il développe sur ce thème m'a paru assez intéressant : une intelligence qui n'est pas arrimée à un corps souffrant (telle l'intelligence humaine) devient une intelligence purement esthétique. Elle œuvre dans le monde des idées, en parfaite indépendance de ce qui fait notre humanité : la compassion. Il en ressort que David juge l'Homme laid et le Xénomorphe beau, et que le premier peut bien disparaitre au profit du second : il en ressentira une émotion esthétique majeure ! De la même façon, on a l'impression qu'il n'a mis fin à la civilisation des demi-dieux que pour pouvoir se le remémorer comme un acte créateur, que pour pouvoir psalmodier tel Néron devant Rome en flammes.
Et l'on rejoint ici les derniers mots prononcé dans Blade Runner par l'Androïde qui se souvient avec une émotion esthétique marquée des voyages qu'il a faits aux confins de l'Univers.

A cet avertissement, s'ajoute aussi le risque lié à la manipulation du vivant (notamment génétique) en l'absence d'éthique. A ce titre, le symbole du blé géant que plus personne n'est là pour manger est assez frappant, je trouve.

Encore une fois, si on prend David comme point focal, le film devient assez puissant : si cet androïde a pu remettre en cause son géniteur après quelques phrases de conversation, imaginez ce qui a pu traverser son esprit en plusieurs années de solitude ! Fassbaender parvient bien à rendre compte, malgré un visage impassible de rigueur, de ce qui est en jeu dans la tête de David, notamment dans son interaction avec son double.

Bref, pour conclure, ce n'est vraiment pas un film pour fans d'Alien, mais bien une œuvre de SF à part, dont la partie spectaculaire est anecdotique, tandis que ses thématiques profondes sont bien actuelles.
Tout ce que tu dis est très intéressant, et effectivement on sent tout le potentiel que pourrait avoir de telles thématiques (après, pour ce qui est du traitement des dites thématiques, c'est un autre débat).
Le problème, c'est de vouloir raccrocher vainement ces éléments à la saga Alien. Je n'aurais pas été contre une trilogie (ou quadrilogie ou ce que Scott & Co veulent) sur ces thématiques, mais alors ils auraient dû en faire une oeuvre à part entière, et pas un truc jouant bêtement sur la nostalgie d'une saga culte à qui ces nouveaux films font beaucoup de mal.
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Commissaire Juve »

Ratatouille a écrit :
David Locke a écrit :... Bref, pour conclure, ce n'est vraiment pas un film pour fans d'Alien, mais bien une œuvre de SF à part, dont la partie spectaculaire est anecdotique, tandis que ses thématiques profondes sont bien actuelles.
Tout ce que tu dis est très intéressant...
Effectivement.

Cela dit, en tant que fan d'Alien, j'y ai quand même trouvé mon compte (tout en étant sorti démoralisé de la salle).
Michel2 a écrit :... un blockbuster bêtasson qui passe l'original de 1979 à la photocopieuse pour ne pas en tirer beaucoup plus qu'un concert de casseroles.
Flaubert aurait parlé de "mélodies à faire danser les ours" ! :mrgreen:
La parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles.
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Supfiction »

Ratatouille a écrit :
David Locke a écrit :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Pour ma part, je dois avouer qu'Alien Convenant m'a plutôt intéressé.

Attention : SPOILERS multiples

La limite évidente, déjà évoquée, étant que Ridley a dû se coltiner un cahier des charges dont il n'avait visiblement pas envie. On peut s'imaginer Ridley se disant : "Quitte à avoir un Xénomorphe qui trucide des humains, autant refaire le Alien d'origine, mais en moins bien, histoire de montrer que ce n'est pas ce qui compte".
Sur cette partie du film, on a quand même droit à une cascade d'événements vertigineuse, proprement catastrophique, qui m'a bien plu, et qui conduit au cœur du film et sa signification.

Tout d'abord, je n'oublie pas que Ridley Scott est un cinéaste, et pas un simple faiseur. Par conséquent, chacune de ses œuvres, quel que soit son degré de réussite, s'adresse à des spectateurs adultes qui vivent dans un contexte particulier (le monde d'aujourd'hui, pour faire simple).
Ce qui rend le projet intéressant pour Scott, ce n'est pas de donner une suite qui tienne la route à son film initial, mais c'est se servir de ce prétexte pour commenter notre réalité aujourd'hui.

Ainsi, il est pour moi évident que le véritable personnage principal d'Alien Covenant (comme de Prometheus d'ailleurs), est David, et non pas les ersatz de Ripley, ni même le bestiaire qui va nous être servi.

J'ai l'impression que les commentaires omettent le prologue, alors qu'il est essentiel. Il dit tout du projet, et c'est vertigineux !
Imaginez une seconde : un être humain (Weyland) parvient à créer une machine dotée d'intelligence artificielle afin, grâce à son horizon de vie infini, de percer les secrets de l'origine de la vie / de l'Homme... bref, de toutes les questions fondamentales que l'Humanité se pose depuis qu'elle est dotée de réflexivité.
Or, quelques minutes après sa "naissance", l'androïde remet déjà en cause le bienfondé de ce qui a motivé sa création ! Lui sait très bien d'où il vient et n'en est pas plus avancé !
Dès lors, David ne va vivre que dans le souci de la préservation de soi de façon à pouvoir expérimenter, créer autant que possible. S'il choisit d'obéir à son créateur, c'est qu'il pressent qu'il pourrait lui en coûter de ne pas obéir (il verse le thé...). David s'oppose en cela à Walter pour qui l'obéissance, la servitude (le fait d'être absolument au service des humains, jusqu'au sacrifice) est inscrit dans son programme.

Ainsi, on peut comprendre les 2 films comme les voyages de David, avide d'expériences, et pour qui les humains/demi-dieux/bestioles, sont simplement des moyens de déployer sa créativité. Pourquoi sauve-t-il les quelques rescapés du Covenant, si ce n'est pour s'en servir de chair à expérimentation ?

C'est donc un avertissement que Scott nous adresse : l'IA peut très bien signifier la fin de l'Humanité, et ce à très court terme !
Ce qu'il développe sur ce thème m'a paru assez intéressant : une intelligence qui n'est pas arrimée à un corps souffrant (telle l'intelligence humaine) devient une intelligence purement esthétique. Elle œuvre dans le monde des idées, en parfaite indépendance de ce qui fait notre humanité : la compassion. Il en ressort que David juge l'Homme laid et le Xénomorphe beau, et que le premier peut bien disparaitre au profit du second : il en ressentira une émotion esthétique majeure ! De la même façon, on a l'impression qu'il n'a mis fin à la civilisation des demi-dieux que pour pouvoir se le remémorer comme un acte créateur, que pour pouvoir psalmodier tel Néron devant Rome en flammes.
Et l'on rejoint ici les derniers mots prononcé dans Blade Runner par l'Androïde qui se souvient avec une émotion esthétique marquée des voyages qu'il a faits aux confins de l'Univers.

A cet avertissement, s'ajoute aussi le risque lié à la manipulation du vivant (notamment génétique) en l'absence d'éthique. A ce titre, le symbole du blé géant que plus personne n'est là pour manger est assez frappant, je trouve.

Encore une fois, si on prend David comme point focal, le film devient assez puissant : si cet androïde a pu remettre en cause son géniteur après quelques phrases de conversation, imaginez ce qui a pu traverser son esprit en plusieurs années de solitude ! Fassbaender parvient bien à rendre compte, malgré un visage impassible de rigueur, de ce qui est en jeu dans la tête de David, notamment dans son interaction avec son double.

Bref, pour conclure, ce n'est vraiment pas un film pour fans d'Alien, mais bien une œuvre de SF à part, dont la partie spectaculaire est anecdotique, tandis que ses thématiques profondes sont bien actuelles.
Tout ce que tu dis est très intéressant, et effectivement on sent tout le potentiel que pourrait avoir de telles thématiques (après, pour ce qui est du traitement des dites thématiques, c'est un autre débat).
Le problème, c'est de vouloir raccrocher vainement ces éléments à la saga Alien. Je n'aurais pas été contre une trilogie (ou quadrilogie ou ce que Scott & Co veulent) sur ces thématiques, mais alors ils auraient dû en faire une oeuvre à part entière, et pas un truc jouant bêtement sur la nostalgie d'une saga culte à qui ces nouveaux films font beaucoup de mal.

Si je comprends bien (désolé de faire mon ACR, je n'ai pas vu le film), Ridley Scott a recommencé avec Alien le même coup qu'avec Robin des bois, à savoir utiliser comme prétexte commercial un mythe existant pour faire quelque-chose qui n'a pratiquement plus rien à voir et qui n'est même pas un remake.
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Jeremy Fox
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit :
Si je comprends bien (désolé de faire mon ACR, je n'ai pas vu le film), Ridley Scott a recommencé avec Alien le même coup qu'avec Robin des bois, à savoir utiliser comme prétexte commercial un mythe existant pour faire quelque-chose qui n'a pratiquement plus rien à voir et qui n'est même pas un remake.
Je continue pour ma part à ne voir aucun problème là dedans. Dans l'absolu, en quoi ceci pourrait empêcher le résultat d'être bon ?
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par David Locke »

Supfiction a écrit :
Ratatouille a écrit : Tout ce que tu dis est très intéressant, et effectivement on sent tout le potentiel que pourrait avoir de telles thématiques (après, pour ce qui est du traitement des dites thématiques, c'est un autre débat).
Le problème, c'est de vouloir raccrocher vainement ces éléments à la saga Alien. Je n'aurais pas été contre une trilogie (ou quadrilogie ou ce que Scott & Co veulent) sur ces thématiques, mais alors ils auraient dû en faire une oeuvre à part entière, et pas un truc jouant bêtement sur la nostalgie d'une saga culte à qui ces nouveaux films font beaucoup de mal.

Si je comprends bien (désolé de faire mon ACR, je n'ai pas vu le film), Ridley Scott a recommencé avec Alien le même coup qu'avec Robin des bois, à savoir utiliser comme prétexte commercial un mythe existant pour faire quelque-chose qui n'a pratiquement plus rien à voir et qui n'est même pas un remake.
A mon sens, Scott utilise tout de même assez habilement l'imagerie d'Alien, notamment les multiples incarnations de la bestioles issues des divagations de Giger (et même les dessins de celui-ci, soi-disant de la main de David dans le film).
Il aurait tort de se priver de cet exemple de création absolument fascinante, tout en étant également absolument inhumaine. Alien, c'est non seulement le corps étranger embarqué avec l'homme dans son milieu (cf. la traduction littérale de "passager clandestin"), mais aussi, de façon frappante, une créature en tous points opposée à l'humain : il suffit de comparer un bébé humain, sans défense et ayant un besoin constant de soins pendant des années, avec la façon dont naît le xénomorphe, qui se comporte immédiatement en prédateur...
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Flol »

Mais pourquoi vouloir nous expliquer A TOUT PRIX les origines de l'Alien ? Ça n'a pour moi aucun intérêt et ça a tendance au contraire à annihiler le pouvoir de fascination que la bête exerce, en particulier dans le film de 79.
Et c'est justement ça qui la rend d'autant plus flippante : on ne sait pas qui elle est, on ne sait pas d'où elle vient, on ne sait pas quelles sont ses intentions. Cette entité, c'est l'inconnu dans ce que ça a de plus pur et de plus flippant.
J'arrive encore à me détacher des 2 derniers opus de la saga lorsque je revois le 1er, mais je comprends tout à fait ceux pour qui c'est de plus en plus difficile.

Prochaine étape : on va nous expliquer pourquoi elle a de l'acide en guise de sang (encore une expérimentation chelou de David ?) et une double paire de mâchoire (David avait trop de stocks de xénomorphes sous le coude et a juste voulu tenter un truc, on verra si ça passe ?).
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par cinephage »

Entièrement d'accord. L'alien était terrifiant lorsqu'il émanait de l'Inconnu, de ces espaces infinis où règnent le vide et où l'on pressent la cruauté d'un monde où l'homme n'a pas sa place. Aucun des films de la série initiale n'a eu le tort d'épuiser la bestiole en lui donnant une bonne explication rationnelle.

Ici, on bascule vers la création un peu fofolle d'un type dénué de scrupules (enfin, d'un robot). C'est une explication qui met tout à plat en appauvrissant le mystère, qui n'a pas grand intérêt narratif. Je ne vois sincèrement pas en quoi David viendrait enrichir le déja long corpus des films réfléchissant à la nature d'une intelligence artificielle, sa seule spécificité, tautologique, c'est qu'il aime les aliens/super-prédateurs. Ca n'apporte rien à la réflexion de fond sur le sujet. Un film comme Ex Machina aborde la question de façon bien plus pertinente, par exemple.
Si encore on s'attachait à un monde d'origine, la xénofiction d'un écosystème hors-norme où dominent (ou pas) les xenomorphes aurait pu donner un super film très original, mais là, c'est juste une histoire de savant fou...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Alien: Covenant (Ridley Scott - 2017)

Message par Strum »

En effet, cette volonté de tout rationaliser, de tout expliquer, de chercher une origine et un responsable à tout, bien dans notre époque, brise la magie des premiers films (enfin surtout celle du premier, le seul exceptionnel) et le prive dorénavant de son mystère, de cette pénombre visuelle et causale reflétant la peur de l'inconnu qui le caractérisait. Le "savant/créateur fou" n'est pas le robot, mais Scott lui-même qui détruit en le déconstruisant ce qu'il a créé.
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