Song to song (Terrence Malick - 2017)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Demi-Lune
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Song to song (Terrence Malick - 2017)

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Dans cette histoire d’amour moderne, qui se déroule au Texas, sur la scène musicale d’Austin, deux couples - d'un côté Faye et le chanteur BV, et de l’autre un magnat de l’industrie musicale et une serveuse qu’il entretient - sont en quête de succès dans cet univers rock’n’roll fait de séduction et de trahison.
tenia a écrit :C’est pour l’instant encore en vrac, parce que je suis définitivement nul à écrire de façon fluide (ironie, compte tenu des reproches que je fais sur le film) mais je dois de toute manière faire une version plus propre pour Retro HD, qui devrait y apparaître d’ici quelques jours. Le film dure 2h04, 2h09 avec le générique de fin.


Après avoir changé 2 fois de titre (le film s’appelait d’abord Lawless puis Weightless), le nouveau film de Terrence Malick, Song to Song, commence à pointer le bout de son nez en salles, notamment en faisant le tour des festivals.

Style : continuité directe des procédés mis en place sur The Tree of Life et poussés sur To The Wonder et Knight of Cups : multiplicité des caméras de tournage (y compris les résolutions minimales vues sur les 2 derniers films), Steadicam ultra mobile, éclatement narratif poussé en flux d’idées. On retrouve même des plans rappelant directement ceux vus sur To The Wonder (ces gros plans légèrement en plongée sur l’actrice principale regardant par la fenêtre), voire des images qui semblent carrément avoir été originellement tournées pour ces précédents films. Sur ce point d’ailleurs, on se demande quand a été tourné quoi, tant les tournages et montages des 4 (5 avec Voyage of Time) derniers films de Malick semblent s’être fortement superposés chronologiquement.

Ceux qui avaient été happés par ces 2 derniers films devraient succomber à Song to Song, mais ceux qui n’avaient pas été particulièrement marqués par les élans émotionnels de ces 2 films risquent de retrouver ici exactement les mêmes soucis. D’un point de vue plus général, Song to Song est de toute façon dans la lignée technique des films post-The Thin Red Line, ce qui explique certainement que, malgré une salle comble pour la séance à laquelle nous avons assisté (séance de clôture du Luxembourg Film Festival), une bonne quinzaine de spectateurs sont partis en cours de séance...

Le sur-fractionnement du film et ses très nombreuses digressions, notamment, tendent à blesser la construction émotionnelle du film. Non pas que le montage éclaté soit un problème (il fonctionnait parfaitement sur The New World et The Tree of Life, et fonctionne toujours depuis, mais seulement par moments), mais il confère souvent à aller chercher des éléments hors-sujet qui alourdissent le film en donnant constamment l’impression d’être face à plusieurs films incomplets regroupés en un montage. Avait-on réellement besoin de ces 3 minutes de Gosling en foreur de pétrole en fin de film ? Probablement pas : ça sort de nulle part et ne va nulle part. Les digressions de The New World et The Tree of Life servaient le propos car elles restaient dans la continuité contextuelle des films. Là, comme pour TTW et KoC, ce n’est malheureusement pas le cas, et s’il y a définitivement quelque chose qu’on aimerait voir changer chez le style de Malick, c’est un retour à quelque chose de plus percutant.

L’autre souci, c’est que ces digressions gênent aussi la fluidité du film. La force des réussites de Malick est leur fluidité sidérante, chose que Malick espère probablement approfondir en poussant l’éclatement du montage vers un flux d’idées (« stream of consciousness »). Force est de constater que cette fluidité était parfaitement atteinte il y a 12 ans et que la pousser plus loin s’avère en fait contre-productif.

Autre élément évolutif chez Malick, c’est le recours de plus en plus poussé au numérique. Après le tournage partiel de The Tree of Life en 65mm, TTW et KoC avait vu l’entrée du numérique chez Malick (y compris à travers certains plans tournés carrément en Go Pro). Si cela offre probablement plus de latitude côté photographie lors de certaines scènes (on pense notamment aux fabuleuses séquences nocturnes en boîte de nuit), il faut avouer que l’aspect de nombreuses images y perd en beauté. Le numérique, c’est aussi un rendu visuel typé, lisse, avec une retranscription moins artistique des mouvements. Malheureusement, surtout avec des caméras de plus en plus mobiles, ce rendu semble inadéquat à la beauté visuelle à laquelle nous a habitué Malick jusqu’ici. Fini donc les longs mouvements d’appareil à la beauté exacerbée, et bonjour au rendu visuel ultra-numérique façon Danny Boyle. Pas sûr qu’on y a gagne au change…

Dernière évolution stylistique : la musique, élément primordial au montage des films de Malick, est ici logiquement différente de celle de ses précédents films. Song to Song, situé (vaguement…) dans la scène musicale d’Austin, Texas, s’appuie beaucoup sur des chansons « normales » là où les compositions étaient jusqu’ici quasi-exclusivement de la musique classique. On retrouve ces compositions classiques ici aussi (Debussy, Ravel, Preisner, Saint-Saëns principalement), ne vous inquiétez pas, mais elles sont très certainement minoritaires face aux chansons de Patti Smith, Iggy Pop, Sharon Van Etten, Lykke Li ou Julianna Barwick (pour ne citer qu’eux, mais la liste est beaucoup plus longue encore). Plus encore, probablement pour la première fois et autre signe que le montage du film laisse un peu à désirer, cette évolution musicale se fait parfois au détriment de l’efficacité qu’on attend d’elle : certains choix sont approximatifs (Thee Oh Sees comme catalyseur émotionnel chez Malick ? Hum non, mauvaise idée), tandis que d’autres sont juste carrément à la ramasse (c’est la première fois qu’on se surprend à trouver une composition classique inadéquate chez Malick). Là encore, le sur-éclatement parait contre-productif.

Il est intéressant de voir aussi Malick sortir de sa tanière : alors qu’il s’est toujours tenu très loin du public et des caméras, vivant quasiment en ermite, le voici qui enchaîne pour la promo de son dernier film 1 session de questions-réponses avec Werner Herzog et une table ronde avec Michael Fassbender et Richard Linklater. Du jamais vu depuis 1974.

Est-ce que Malick serait en train de changer, évoluer ? Ce qu’on sait déjà, c’est que son prochain film, Radegund (à moins qu’il ne change lui aussi de titre), reviendra à un tournage plus classique : 40 jours, et un script plus complet qui sera suivi de plus près. Plus qu’une évolution, ce serait donc plutôt une expérimentation non-définitive.

Thèmes : là encore, on retrouve les éléments discutés dans To The Wonder (volatilité des sentiments, interchangeabilité des partenaires) et Knight of Cups (ambition VS passion, une fluidité des sentiments qui répond à un vide intérieur). Ici, c’est une succession de triangles amoureux entre Gosling, Mara et Fassbender, puis Mara, Fassbender et Portman, puis Mara, Gosling et Marlohe, etc etc.

La continuité avec TTW et KoC se fait aussi dans l’importance toujours plus grande donnée par Malick au sexe. Comme dans KoC, le sexe est avant tout une affaire de domination et un élément perturbateur avant tout. Malick semble nous dire « tout va bien, tout est simple, jusqu’à ce que le sexe entre en compte ». De fait, le trio principal vit plutôt bien son triangle amoureux (pourtant précaire) tant que le sexe n’est pas particulièrement présent. Au contraire, notamment à travers un voyage au Mexique, le trio semble vivre une parenthèse enchantée, sorte de paradis avant de sombrer dans les difficultés. Ce point n’est pas forcément inintéressant en soi, mais Malick le traite avec un certain manichéisme superficiel. Si certains plans fonctionnent parfaitement, le propos général du film est somme toute très candide et trop peu nuancé pour convaincre.

Cependant, le trio principal convainc sans aucune difficulté : Mara est impeccable dans la nymphe innocente mais pas que, Fassbender excelle dans une tristesse et un vide existentiel sourd qui peine à percer derrière une carapace tandis que Gosling semble simplement parfait pour le rôle, sorte de monsieur tout le monde aspirant à plus de choses de la vie mais finalement cloué par la réalité. En ce sens, et dans la lignée des personnages masculins centraux à la filmographie de Malick, il faut probablement insister sur la qualité exceptionnelle des 2 acteurs principaux, probablement ce que le film a de mieux à proposer. Dès que le film les suit, ils le transcendent, portant parfaitement sur leurs épaules les thématiques chères au réalisateur. Difficile de ne pas penser à Martin Sheen dans Badlands, Jim Caviezel dans The Thin Red Line ou Colin Farrell dans The New World. En cela, le montage sur-éclaté est là aussi préjudiciable car il nous retire trop souvent ce trio d’acteurs de l’écran alors qu’il est ce qui en constitue le cœur le plus fascinant.

Ce qui est certain, par contre, c’est qu’on retrouve toujours ce qui a souvent été raillé comme composants du « Bingo Malick » : Malick filmant une libellule plutôt que les acteurs, musique classique, voix off, héroïne jouant dans des rideaux blancs, une certaine naïveté dans les dialogues, des références culturelles très spécifiques (ici, c’est carrément des gros plans sur des tentures antiques), un montage éclaté, des atermoiements spirituels, et évidemment des images d’une plage. On retrouve aussi, comme d’habitude avec Malick, des acteurs coupés au montage :Christian Bale est totalement absent du film, Cate Blanchett doit avoir environ 4 minutes de temps d’écran, même Natalie Portman est finalement relégué au 3e plan (allez Natalie, encore un 3e film avec Malick et tu auras eu autant de temps d’écran qu’avec un second rôle classique) tandis que Val Kilmer est parachuté 2 minutes, juste le temps de découper sur scène une enceinte à la tronçonneuse avant de se faire huer par le public.


Du coup, quand on fait la synthèse, que reste-il ?
Le sur-éclatement du montage vers des digressions hors-sujet nuit à la construction émotionnelle. The New World et The Tree Of Life réussissait à trouver l’équilibre. Ce n’était plus le cas sur To The Wonder et Knight of Cups, ce n’est malheureusement pas le cas ici non plus. On aimerait un retour à un cinéma plus fluide et plus direct thématiquement. Cependant, Song to Song est probablement le meilleur film de Malick depuis The Tree of Life… même si ça ne veut pas forcément dire grand-chose.
Le numérique nuit à la beauté de l’image mais n’empêche pas la patte Malick d’être de tous les plans. Cependant, un retour à la pellicule serait probablement bénéfique visuellement. La marche est d’autant plus grande que The New World et The Tree Of Life mettaient la barre extrêmement haut.
Les thématiques émotionnelles et psychologiques fonctionnent pourtant bien, même si certains développements paraissent manichéens et candides. Cependant, le trio d’acteurs principaux transcendent cela à travers une impeccable adéquation et des interactions convaincantes. Ils sont sans aucun doute le point fort du film.


7/10


Classement Malick :
1. The Tree of Life / The New World
3. The Thin Red Line
4. Badlands
5. Days of Heaven
6. Song to Song
7. To The Wonder
8. Knight of Cups
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

tenia a écrit : Le sur-fractionnement du film et ses très nombreuses digressions, notamment, tendent à blesser la construction émotionnelle du film. Non pas que le montage éclaté soit un problème (il fonctionnait parfaitement sur The New World et The Tree of Life, et fonctionne toujours depuis, mais seulement par moments), mais il confère souvent à aller chercher des éléments hors-sujet qui alourdissent le film en donnant constamment l’impression d’être face à plusieurs films incomplets regroupés en un montage. Avait-on réellement besoin de ces 3 minutes de Gosling en foreur de pétrole en fin de film ? Probablement pas : ça sort de nulle part et ne va nulle part. Les digressions de The New World et The Tree of Life servaient le propos car elles restaient dans la continuité contextuelle des films. Là, comme pour TTW et KoC, ce n’est malheureusement pas le cas, et s’il y a définitivement quelque chose qu’on aimerait voir changer chez le style de Malick, c’est un retour à quelque chose de plus percutant.
C’est marrant cette notion de "hors-sujet" ou bien encore d’un tout librement associé que l’on a pu entendre au moment de KOC et plus généralement attribué au Malick post Tree of Life.
On ne peut être dans le sujet ou certain du statut des images, qu’à la condition que ledit sujet soit bel et bien cerné. Or, le sujet me parait difficilement saisissable à la lumière de ce qu'a fait Malick avant TOL, au risque de se méprendre.
Ce qui a changé radicalement ou à tout le moins évolué ce n’est pas son style visuel ou ces procédés ( voix-off…). Mais bien la soumission de toute la matière filmée à une intériorité. Ou si on veut la disparition d’une réalité extérieure, description de faits. D’une certaine littéralité. Il n y a plus d’extérieur ou d’intérieur ou même de réalité. Les plans hors-sujet ne le sont plus si on les considère comme des divagations d’une conscience, visions, fantasmes... C'est le statut de ce qui est montré qui a changé. Les personnages n’agissent plus directement, ils ne sont plus qu' émanations, projections, souvenirs d’un conscience qui les réutilisant dans des scènes, remémoré dans des moments remarquables. D’où aussi ce problème d'incarnation qui est le revers de cette abstraction grandissante mais aussi explication d'une présentation incomplète, fragmentée de l'action, non linéaire.
Il existait encore dans l’ancien Malick la description d’une réalité, avec des personnages agissant. Plus maintenant. Cette réalité est déjà une évocation, produit d'une conscience. Ça change tout.


tenia a écrit : Autre élément évolutif chez Malick, c’est le recours de plus en plus poussé au numérique. Après le tournage partiel de The Tree of Life en 65mm, TTW et KoC avait vu l’entrée du numérique chez Malick (y compris à travers certains plans tournés carrément en Go Pro). Si cela offre probablement plus de latitude côté photographie lors de certaines scènes (on pense notamment aux fabuleuses séquences nocturnes en boîte de nuit), il faut avouer que l’aspect de nombreuses images y perd en beauté. Le numérique, c’est aussi un rendu visuel typé, lisse, avec une retranscription moins artistique des mouvements. Malheureusement, surtout avec des caméras de plus en plus mobiles, ce rendu semble inadéquat à la beauté visuelle à laquelle nous a habitué Malick jusqu’ici. Fini donc les longs mouvements d’appareil à la beauté exacerbée, et bonjour au rendu visuel ultra-numérique façon Danny Boyle. Pas sûr qu’on y a gagne au change…
...
Mais justement Tenia , tu ne t’es pas dit à un moment donné que le projet de Malick était peut être différent; moins animé par une quête du beau que celui du sublime, avec ce sa dose inhérente de laideur. Là encore, si on le compare au Malick d’avant, on fait fausse route. J'ai l’impression que Malick cherche moins à faire un film homogène, harmonieux, qu'à jouer sur des ruptures, à mettre en conflit des régimes d’images différents.
Dernière modification par G.T.O le 14 mars 17, 13:18, modifié 3 fois.
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Message par Flol »

D'après Le Film Français, il sortira finalement le 12 juillet et non plus le 7 juin.
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

Ratatouille a écrit :D'après Le Film Français, il sortira finalement le 12 juillet et non plus le 7 juin.
`

Avec gros décalage de sortie, sans doute profitable au film...Plus de 3 mois de décalage entre les US et la France : résultat le Bluray sortira avant la sortie française. :roll:
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par tenia »

G.T.O a écrit :C’est marrant cette notion de "hors-sujet" ou bien encore d’un tout librement associé que l’on a pu entendre au moment de KOC et plus généralement attribué au Malick post Tree of Life.
On ne peut être dans le sujet ou certain du statut des images, qu’à la condition que ledit sujet soit bel et bien cerné. Or, le sujet me parait difficilement saisissable à la lumière de ce qu'a fait Malick avant TOL, au risque de se méprendre.
Je suis le premier à dire qu’absolument tout dans The Tree of Life est utile. Je pense qu’il y a de nombreux morceaux de TTW, KoC et Song to Song qui ne le sont pas.

A nouveau, quand soudainement, après 1h55 de film, on voit Gosling s’affairer sur un forage pétrolier l’espace de 3 minutes, ça n’a aucune utilité c'est-à-dire que ces 3 minutes ne seraient pas dans le film que ça ne changerait absolument rien, à part faire que le film soit 3 minutes plus court. Elles ne sortent de nulle part, elles ne vont nulle part. Ca renvoie aux quelques minutes superflues passées dans TTW à montrer Affleck en collecteur d’échantillons d’eau contaminée. Ces 5 minutes là peuvent totalement disparaitre du film sans en altérer un instant le propos. Même principe, même côté superflu.

C’est ça que je reproche aux 3 derniers films de Malick : je pense qu’il a dépassé la notion de rappels poétiques et métaphoriques et a atteint le moment où ces ajouts sont superflus.

La limite est ténue cependant, je le conçois, peut-être ai-je simplement raté le raccord, mais j’en doute.
G.T.O a écrit :Mais justement Ténia, tu ne t’es pas dit à un moment donné que le projet de Malick était peut être différent; moins animé par une quête du beau que celui du sublime, avec ce sa dose inhérente de laideur. Là encore, si on le compare au Malick d’avant, on fait fausse route. Là encore, j’ai l’impression que Malick cherche moins à faire un film homogène, harmonieux, qu'à jouer sur des disjonctions, à mettre en conflit des régimes d’images différents.
C’est probablement vrai sur le fond, mais c’est la forme qui me gêne, en fait. Ce n’est d’ailleurs pas tant les différents formats ou résolutions que l’aspect technique lié au numérique. Son style est devenu très mobile, et couplé au numérique, un paquet de plans est assez moche.
Après, ce n’est pas non plus impossible qu’il n’y ait aucune intention artistique, mais une simple praticité technique.
Quoiqu’il en soit, il y a les intentions d’un côté et le résultat de l’autre, et à nouveau, la restitution floue des mouvements en numérique est constamment visible dans Song to Song, et je trouve ça vraiment moche.
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Message par Rockatansky »

GTO après avoir descendu les films qu'il regarde à peine, défend maintenant les films qu'il n'a pas vu :mrgreen:
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Message par mannhunter »

C'est son "Bingo Malick" personnel qui s'est soudainement allumé à la lecture de l'avis de Ténia! :mrgreen:
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

tenia a écrit :
Je suis le premier à dire qu’absolument tout dans The Tree of Life est utile. Je pense qu’il y a de nombreux morceaux de TTW, KoC et Song to Song qui ne le sont pas.

A nouveau, quand soudainement, après 1h55 de film, on voit Gosling s’affairer sur un forage pétrolier l’espace de 3 minutes, ça n’a aucune utilité c'est-à-dire que ces 3 minutes ne seraient pas dans le film que ça ne changerait absolument rien, à part faire que le film soit 3 minutes plus court. Elles ne sortent de nulle part, elles ne vont nulle part. Ca renvoie aux quelques minutes superflues passées dans TTW à montrer Affleck en collecteur d’échantillons d’eau contaminée. Ces 5 minutes là peuvent totalement disparaitre du film sans en altérer un instant le propos. Même principe, même côté superflu.

C’est ça que je reproche aux 3 derniers films de Malick : je pense qu’il a dépassé la notion de rappels poétiques et métaphoriques et a atteint le moment où ces ajouts sont superflus.

La limite est ténue cependant, je le conçois, peut-être ai-je simplement raté le raccord, mais j’en doute.


Je n'ai pas vu Song to song. Je me contenterai de répondre à l'exemple cité de TTW : celui où l'on voit Neil en inspecteur sanitaire ou inspectant la pollution relative au chantier. Ces scènes que tu juges "superflues" sont au contraires très utiles et cohérentes car elles nous permettent de comprendre qu'une pollution touche la communauté en la rendant malade ( de nombreuses scènes l'attestent) et à un autre niveau de traiter métaphoriquement de la toxicité amoureuse, réciproque entre deux personnage unis par le jeu des apparences. Ce sont les nombreuses images d'eau stagnante, flaques...que le film s'emploie à décliner pour commenter, par l'image, la dégradation de la relation.



tenia a écrit : C’est probablement vrai sur le fond, mais c’est la forme qui me gêne, en fait. Ce n’est d’ailleurs pas tant les différents formats ou résolutions que l’aspect technique lié au numérique. Son style est devenu très mobile, et couplé au numérique, un paquet de plans est assez moche.
Après, ce n’est pas non plus impossible qu’il n’y ait aucune intention artistique, mais une simple praticité technique.
Quoiqu’il en soit, il y a les intentions d’un côté et le résultat de l’autre, et à nouveau, la restitution floue des mouvements en numérique est constamment visible dans Song to Song, et je trouve ça vraiment moche.

Ok, je peux comprendre.
Juste que le changement de braquet opéré par Malick n'est pas réductible à des simples question de choix techniques. Que cette confrontation entre plusieurs régimes d'images ( pellicules, numériques, lisses, granuleuses, portable) est assumée car elle introduit de la disharmonie, du conflit, du relief, dans un système esthétique condamné à l'asphyxie ou à la superficialité. C'est cela qui est nouveau chez Malick : une place accordée à la laideur.
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

Rockatansky a écrit :GTO après avoir descendu les films qu'il regarde à peine, défend maintenant les films qu'il n'a pas vu :mrgreen:

"A peine", tu penses à quoi là ? Parce que moi, je vois pas...
L'échange entre moi et Tenia ne se base évidemment pas sur son dernier film puisque je ne l'ai pas vu. Si tu avais lu, tu saurais que nous parlions de l'évolution post Tree of life. J'en ai vu deux sur les trois. :D
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par Rockatansky »

J'ai lu, et Teni parle de Song to song et tu lui réponds.
Mais je ne dois pas savoir lire :mrgreen:
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par tenia »

G.T.O a écrit : Je me contenterai de répondre à l'exemple cité de TTW : celui où l'on voit Neil en inspecteur sanitaire ou inspectant la pollution relative au chantier. Ces scènes que tu juges "superflues" sont au contraires très utiles et cohérentes car elles nous permettent de comprendre qu'une pollution touche la communauté en la rendant malade ( de nombreuses scènes l'attestent) et à un autre niveau de traiter métaphoriquement de la toxicité amoureuse, réciproque entre deux personnage unis par le jeu des apparences. Ce sont les nombreuses images d'eau stagnante, flaques...que le film s'emploie à décliner pour commenter, par l'image, la dégradation de la relation
Et je pense que c’est superflu, ou du moins au moins redondant. Ce sont des éléments qui sont déjà traités ailleurs dans le film et qui convoient déjà largement les thèmes dont tu parles.
Faut-il ajouter des éléments supplémentaires, qui semblent sortir de nulle part (le travail d’inspecteur sanitaire n’a finalement aucune « justification » ni conséquence. Il aurait pu être un simple habitant du quartier discutant de cela avec ses voisins, par exemple) pour appuyer une 9e fois la chose de façon étrangement hors-contexte ?
La frontière est ténue et c’est une appréciation subjective, donc j’espère m’expliquer suffisamment clairement là-dessus…

Je ne peux pas faire plus simple que de dire que ça semble sortir de nulle part, et que le film peut parfaitement s’en passer, ce qui permettrait d’être plus court (ce qui, je pense, serait bénéfique aux 3 derniers Malick).
Juste que le changement de braquet opéré par Malick n'est pas réductible à des simples question de choix techniques. Que cette confrontation entre plusieurs régimes d'images ( pellicules, numériques, lisses, granuleuses, portable) est assumée car elle introduit de la disharmonie, du conflit, du relief, dans un système esthétique condamné à l'asphyxie ou à la superficialité.
Justement, je ne sais pas, factuellement parlant, si c’est effectivement autre chose qu’une simple question de choix technique ou s’il y a autre chose (et personne sauf l’équipe du film ne le sait vraiment).

Je ne saurais donner un chiffre précis, mais Song to Song est probablement tourné à :
10% en Super 35
5% en Go Pro
1% en résolution 640 x 480
Le reste en Arri Alexa et en Red Epic

Et mon souci n’est pas dans l’alternance entre ces 4 formats mais au sein du gros du film tourné en Arri et en Red (les prises de vue « classiques »). J’ai eu le même souci récemment avec Room, par exemple, aussi tourné en Red Epic, et qui avait aussi de nombreux plans à l’aspect très numérique.

D’où ma question entre ce qui tient de l’intention artistique et de ce qui tient des limites techniques. Vu où se situe techniquement mon souci, je ne suis pas sûr qu’il vienne d’autre chose que les limites techniques. L’alternance prises de vue classiques / Go Pro / résolution 640 x 480 ne me gêne pas.
Dernière modification par tenia le 14 mars 17, 15:20, modifié 1 fois.
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

Rockatansky a écrit :J'ai lu, et Teni parle de Song to song et tu lui réponds.
Mais je ne dois pas savoir lire :mrgreen:
Pas que dans la mesure où Tenia caractérise le style et les avancées de Song to Song à la lumière à ce qu'a fait précédemment Malick, en parlant donc de l'évolution stylistique générale entrepris par Malick depuis Tree of Life. Film pivot, s'il en est. Et notamment sur deux questions : celle du "sur-fractionnement" et de l'hétérogénéité esthétique ( phénomène existant déjà dans le TTW et KOC). Tu sais peut être lire mais dans ta précipitation tu te hâtes et loupes certaines nuances...:mrgreen:
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

tenia a écrit :
G.T.O a écrit : Je me contenterai de répondre à l'exemple cité de TTW : celui où l'on voit Neil en inspecteur sanitaire ou inspectant la pollution relative au chantier. Ces scènes que tu juges "superflues" sont au contraires très utiles et cohérentes car elles nous permettent de comprendre qu'une pollution touche la communauté en la rendant malade ( de nombreuses scènes l'attestent) et à un autre niveau de traiter métaphoriquement de la toxicité amoureuse, réciproque entre deux personnage unis par le jeu des apparences. Ce sont les nombreuses images d'eau stagnante, flaques...que le film s'emploie à décliner pour commenter, par l'image, la dégradation de la relation
Et je pense que c’est superflu, ou du moins au moins redondant. Ce sont des éléments qui sont déjà traités ailleurs dans le film et qui convoient déjà largement les thèmes dont tu parles.
Faut-il ajouter des éléments supplémentaires, qui semblent sortir de nulle part (le travail d’inspecteur sanitaire n’a finalement aucune « justification » ni conséquence. Il aurait pu être un simple habitant du quartier discutant de cela avec ses voisins, par exemple) pour appuyer une 9e fois la chose de façon étrangement hors-contexte ?
La frontière est ténue et c’est une appréciation subjective, donc j’espère m’expliquer suffisamment clairement là-dessus…

Je ne peux pas faire plus simple que de dire que ça semble sortir de nulle part, et que le film peut parfaitement s’en passer, ce qui permettrait d’être plus court (ce qui, je pense, serait bénéfique aux 3 derniers Malick).

Redondant, je ne sais pas. Répétitif, oui certainement. Je vois ça comme l'équivalent d'un champ lexical. Je m'efforce de comprendre la démarche. Et de ce que je vois, c'est loin d'êtres des images gratuites, inutiles. D'ailleurs plutôt le terme d'utilité n'est peut être pas le mot adéquat...De la même manière qu'un écrivain épuise un champ lexical pour décrire un thème ou bien représenter un niveau supplémentaire, Malick décline les images d'eau croupies, opposé à l'eau vive. D'où aussi l'aspect répétitif inhérent à la déclinaison du thème. Mais à bien y regarder, toutes ces images, tout comme les termes d'un champ lexical, ne sont pas exactement les mêmes.



Tenia a écrit :
Justement, je ne sais pas, factuellement parlant, si c’est effectivement autre chose qu’une simple question de choix technique ou s’il y a autre chose (et personne sauf l’équipe du film ne le sait vraiment).

Je ne saurais donner un chiffre précis, mais Song to Song est probablement tourné à :
10% en Super 35
5% en Go Pro
1% en résolution 640 x 480
Le reste en Arri Alexa et en Red Epic

Et mon souci n’est pas dans l’alternance entre ces 4 formats mais au sein du gros du film tourné en Arri et en Red (les prises de vue « classiques »). J’ai eu le même souci récemment avec Room, par exemple, aussi tourné en Red Epic, et qui avait aussi de nombreux plans à l’aspect très numérique.

D’où ma question entre ce qui tient de l’intention artistique et de ce qui tient des limites techniques. Vu où se situe techniquement mon souci, je ne suis pas sûr qu’il vienne d’autre chose que les limites techniques. L’alternance prises de vue classiques / Go Pro / résolution 640 x 480 ne me gêne pas.

Là encore, je ne peux pas répondre pour ce dernier film. Mais la démarche me parait s'inscrire ou au moins avoir débuté au moment de TTW, où le film s'ouvrait déjà sur des images granuleuses issues d'un portable ayant surpris quelque uns ( dont les Cahiers). Démarche poursuivie et accentuée avec KOC avec déjà ce mélange hétérogène de formats. Je vois plutôt cela comme une recherche de contraste, de conflit entre plusieurs régimes destiné à explorer différents régimes de représentations. Après que cela soit le résultat de contrainte budgétaires, nul ne peut le savoir et cela se révèle au final sans importance pour juger de l'intérêt artistique.
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par tenia »

G.T.O a écrit :Pas que dans la mesure où Tenia caractérise le style et les avancées de Song to Song à la lumière à ce qu'a fait précédemment Malick, en parlant donc de l'évolution stylistique générale entrepris par Malick depuis Tree of Life. Film pivot, s'il en est.
Chronologiquement parlant, il y a de toute manière un groupement assez net des 4 films :
- Des rushes de The Tree of Life ont fini dans To The Wonder
- Knight of Cups et Song to Song ont été tournés “back to back”

Au-delà de la notion de film pivot, je suis très curieux de savoir quoi a été tourné quand.
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Re: Song to song (Terrence Malick - 2017)

Message par G.T.O »

tenia a écrit :
G.T.O a écrit :Pas que dans la mesure où Tenia caractérise le style et les avancées de Song to Song à la lumière à ce qu'a fait précédemment Malick, en parlant donc de l'évolution stylistique générale entrepris par Malick depuis Tree of Life. Film pivot, s'il en est.
Chronologiquement parlant, il y a de toute manière un groupement assez net des 4 films :
- Des rushes de The Tree of Life ont fini dans To The Wonder
- Knight of Cups et Song to Song ont été tournés “back to back”

Au-delà de la notion de film pivot, je suis très curieux de savoir quoi a été tourné quand.

Oui, effectivement. On peut se demander jusqu'à quel point les films ne sont pas nourris eux-mêmes ( sachant que Malick tourne beaucoup et que l'on sait que les rushes alimentent d'autres films). De là, à imaginer ces 4 films comme un seul et même film, au tournage quasi continu, monté en quatre segments. Lorsque tu vois l'armée de monteurs du dernier Song to Song, l'idée n'est pas totalement saugrenue...
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