Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Supfiction »

hellrick a écrit :En enlevant toutes ces scènes inutiles je suis sur qu'il y a moyen d'arriver à un montage rentre dedans de 80 minutes bien tassé.
C'est vrai que ça aurait été mieux encore avec une course poursuite plus péchue et Dwayne Johnson à la place d'Amy Adams, avec un bon règlement de compte final dans le restaurant. :mrgreen:
DannyBiker
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par DannyBiker »

Je n'ai vu le film qu'une fois (pas suffisant au vu de sa densité) mais j'avais remarqué que le nom de famille de Edward est barré dans la lettre qu'il écrit à Susan :

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Intriguant mais comme pour le reste des indices laissés par Tom Ford, peu bavard. C'est d'ailleurs l'un des reproches que je ferais au film, une certaine tendance à trop se reposer sur son sous-texte pour exister...
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Supfiction
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Supfiction »

tenia a écrit :Sur la séquence de danse du générique alors que Ford lui-même s'en est expliqué de façon très claire :
I found them so beautiful, so joyful, and so happy to be there. They were so uninhibited, and I realized that actually, they were a microcosm of what the whole film was saying. They had let go of what our culture had said they’re supposed to be, and because of that, they were so totally free. This is what’s restricting Susan. She’s being who she thinks she needs to be: I need to live this way, I need to look like that. It certainly wasn’t fat-shaming — if anything, it’s a celebration of the beauty of their bodies, and a challenge to what we think of beauty.
Elles sont donc simplement en opposé au personnage de Adams, engoncé dans des carcans sociétaux alors que ces danseuses sont totalement libérées. Ce n’est aucunement censé être obscène, bien au contraire, donc.
Je me repasse le film pour la première fois depuis mon coup de coeur en salles. Mais j’avoue que le générique d’introduction est pour le moins déplaisant les premières secondes. J’avais oublié à quel point car en salle cela m’avait plutôt amusé et bluffé. Passé la (mauvaise) surprise, on finit par en rire puis à devenir presque neutre à mesure que le regard s’habitue à « l’horreur » des corps. Je n’irai cependant pas jusqu'à parler de célébration de la beauté comme en parlait Tom Ford. Mais ce laissé aller est raccord avec l’extreme soin accordé à son apparence physique par le personnage d’Amy Adam qui porte tes talons aiguille même à la maison.

Entre cette entrée en matière et la léthargie du personnage de Gyllenhaal, on peut dire que Ford prend Hollywwod à rebrousse-poil.
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tenia
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par tenia »

Supfiction a écrit :Mais ce laissé aller est raccord avec l’extreme soin accordé à son apparence physique par le personnage d’Amy Adam qui porte tes talons aiguille même à la maison.
Très précisément. On a ces femmes qui sont contraires aux canons de la beauté et qui n'en ont rien à foutre, qui sont complètement libres, là où Adams, qui est censé être plutôt le contraire, qui est complètement cadenassée.
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Omael
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Omael »

Découvert hier soir et ai vraiment beaucoup aimé !

Je ne m'attendais vraiment pas du tout à ça !

A vrai dire je n'en attendais rien, n'ayant rien lu à son sujet, que ce soit dans la presse ou à travers le résumé du film sur la jaquette du Bluray une fois acheté (hormis le finalement mensonger "vénéneux (ma foi, oui) et sexy (heu...)", même si ce n'est pas cette mention qui m'a poussé à l'acheter ( :mrgreen: )), mais c'est peu dire que j'ai été surpris et progressivement happé par le film, jusqu'à sa fin déstabilisante.

Cette fin
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a quelque chose de réellement inconfortable. Après coup, le fait que la camera semble embrasser le point de vue d'Edward - qu'on ne verra pas (alors même que j'ai eu la sensation étrange de sa présence derrière la porte opaque du restaurant, et donc derrière la camera) - qui pourrait observer de loin une Susan éconduite et acculée dans sa solitude et sa culpabilité, est franchement malaisant, sans réellement prendre conscience d'emblée des origines de ce malaise. C'est à mesure que le restaurant se vide, quand on pressent (et qu'on appréhende pour ma part) de plus en plus que ce vide n'accouche d'un abîme qui va se refermer sur Susan et sur lequel va se clore le film... ma compréhension progressive de la situation, le long de cette minute, et ce noir final, ça m'a glacé le sang !
Sinon, le dialogue qui est établi entre les différentes strates de réalités (ou de fictions ?) est assez prodigieux : leur imbrication, leur agencement, en termes de rythme et de transition, de générateur de tension ou de malaise, j'ai trouvé ça parfaitement maîtrisé !

Je me posais d'ailleurs la question, en voyant le film, si j'avais souvent vu des films dans lequel on assiste à la "mentalisation" que produit un personnage de la lecture qu'il est en train de faire (je pense, dans d'autres genres, à L'Histoire sans fin (où c'est l'inverse finalement : le réel contaminant la fiction), à Le Magnifique, ...) mais je n'ai pas souvenir d'avoir vu beaucoup d'autres films ayant une trame construite sur ce principe.

En littérature par contre (même si j'ai très peu de connaissance dans ce domaine), cela m'a immédiatement fait pensé à Le Monde selon Bensenhaver, roman à l'intérieur du roman Le Monde selon Garp de John Irving :
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où un écrivain face à l’adultère de sa femme et la perte de son enfant écrit ce roman, une histoire de viol, de policier, etc...

Je n'avais pas fait attention au fait que le film est déjà adapté d'un roman, le générique étrange m'ayant complètement détourné des crédits qui y étaient inscrits :mrgreen: .

La beauté hypnotique des plans, les acteurs prodigieux (mis à part pour Aaron Taylor-Johnson, correct mais que j'ai trouvé trop "cool" pour le rôle - ma seule grosse réserve sur ce film), la musique hermannienne, bref, tout est au diapason pour former cet objet assez étrange, singulier, malin (par analogie à quelque chose de la maladie, de la tumeur, d'avantage que parce que le film serait méchant ou roublard, ce qu'il n'est pas à mon sens).

Un peu en vrac, mais voilà, c'est un film qui laisse comme ça.

Bref, petit coup de cœur.

Et j'aime beaucoup tout ce qui en a été dit ici. :D
Dernière modification par Omael le 16 août 19, 16:53, modifié 3 fois.
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Alexandre Angel
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Alexandre Angel »

Omael a écrit :Je me posais d'ailleurs la question, en voyant le film, si j'avais souvent vu des films dans lequel on assiste à la "mentalisation" que produit un personnage de la lecture qu'il est en train de faire (je pense, dans d'autres genres, à L'Histoire sans fin (où c'est l'inverse finalement : le réel contaminant la fiction), à Le Magnifique, ...) mais je n'ai pas souvenir d'avoir vu beaucoup d'autres films ayant une trame construite sur ce principe.
Je ne sais si ça correspond exactement à ce que tu dis mais je penserais à certains travaux scénaristiques d'Harold Pinter, notamment pour Alain Resnais (Providence) ou Karel Reisz (La Maîtresse du lieutenant français). Dans ce dernier cas, c'est la réalité d'un tournage qui "mentalise" le contenu du scénario qui est tourné. Suis-je clair? :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Omael
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Omael »

Oui :mrgreen:

J'avais plus en tête quelque chose de strictement cloisonné à la lecture, mais c'est vrai que la question peut s'étendre à la réalisation d'un scénario.

Je note les films, que je ne connais pas. :D
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Torrente »

Il y a quelques années, j'ai eu un choc cinématographique en découvrant Road to nowhere.
Et Nocturnal Animals, quelques années après, m'a fait un effet similaire.
Il y aurait un triple programme à faire avec Lost Highway.
J'aime beaucoup ces films veloutés-satinés sur une couche de chair en putréfaction. Ils me repoussent et me fascinent dans le même mouvement.
Dernière modification par Torrente le 9 sept. 18, 18:43, modifié 1 fois.
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par moonfleet »

Alexandre Angel a écrit : Je ne sais si ça correspond exactement à ce que tu dis mais je penserais à certains travaux scénaristiques d'Harold Pinter, notamment pour Alain Resnais (Providence) ....
C'est David Mercer et pas Harold sur ce coup là :wink:
Les lois de nos désirs sont des dés sans loisirs
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Alexandre Angel
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Alexandre Angel »

moonfleet a écrit :
Alexandre Angel a écrit : Je ne sais si ça correspond exactement à ce que tu dis mais je penserais à certains travaux scénaristiques d'Harold Pinter, notamment pour Alain Resnais (Providence) ....
C'est David Mercer et pas Harold sur ce coup là :wink:
Confuses :lol:
Omael doit se dire que je déconne : déjà que je me suis planté sur le budget du 6ème Continent
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Omael »

Torrente a écrit : J'aime beaucoup ces films veloutés-satinés sur une couche de chair en putréfaction. Ils me repoussent et me fascinent dans le même mouvement.
Exactement ! C'est un peu ce qui me faisait parler maladroitement de "malin", de tumeur, cette sensation de quelque chose de vicié et de morbide qui suinte à travers le papier glacé des images et qui dévore et contamine le coeur invible du film. Cette tumeur, c'est la rancoeur noire et inconsolable d'Edward, qui, à rebours, fait l'effet d'agir presque comme une force surnaturelle et menaçante.

Je note pour Road To Nowhere
Alexandre Angel a écrit : Omael doit se dire que je déconne : déjà que je me suis planté sur le budget du 6ème Continent
Pas de souci. :wink: :mrgreen:
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par Addis-Abeba »

Rarement vu un générique de début aussi surprenant , aussi incroyable, je regarde le nom du réalisateur, Tom Ford tout s'explique, il n'y a qu'un styliste pour faire un truc pareil.
Réalisation très (trop ?) maitrisée de Tom Ford , il aurait pu lâcher un peu les chevaux, ca donne un film par moment un peu trop froid à l'image de son héroïne Amy Adams, mais c'est voulu sans aucun doute. Tout le casting est parfait, mais surtout bluffé par Aaron Johnson, je ne l'avais même pas reconnu au début :shock:
Typiquement le genre de film qu'il faut vite revoir,pour comprendre toute les métaphores, regrouper toutes les pistes, mais ca fait du bien de voir ce genre de film, on a malheureusement plus trop besoin de réfléchir au cinéma. Chapeau bas Mr Ford et vivement votre troisième long métrage.
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AtCloseRange
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par AtCloseRange »

Demi-Lune a écrit : 8 janv. 17, 16:42 Image

- SPOILERS -

Intérieurement, je me lamente souvent de ne plus voir dans le cinéma américain contemporain ce que j'appellerai le style total - celui qui a par exemple mu Hitchcock et David Lynch au faite de leur inspiration, lorsque la création cinématographique est une conjonction d'intuitions et d'obsessions plastiques (vêtements, coupes de cheveux, intérieurs, agencement des couleurs, etc) qui ont toutes leur importance pour faire plus qu'un film au sens purement technique, mais un monde à part entière, évocateur, obéissant à ses propres lois. Avec The neon demon, Nocturnal animals marque le retour du style total cette année : moins radical et provocateur dans sa proposition que Refn, le film de Tom Ford semble pour autant agréger autour de lui le même scepticisme quant à la primeur d'une forme racée qui enluminerait une histoire conventionnelle, sinon faillible.

Racée, la forme l'est, indubitablement. Quiconque se passionnant pour des aspects aussi faussement secondaires que la manière dont telle ou telle couleur fonctionne (et pourquoi) dans l'harmonie d'un plan, pourra goûter à loisir au geste esthétique, glacé et d'une classe sans faille - la maîtrise princière d'un quasi novice en cinéma, qui appose ses goûts très sûrs à la fois dans sa zone de confort (la partie "réelle" avec Amy Adams dans le monde artistique, qui aurait pu faire un film à elle toute seule) et dans les détours du cinéma de genre (la partie "littéraire", crado et caniculaire). A lire certains papiers, j'ai du mal à comprendre comment on peut reprocher au film de rester classique lorsque celui-ci ne cesse d'intriguer par ses moyens de forme et de narration : si le montage désarçonne régulièrement et maintient un inconfort permanent, la manière dont on navigue d'une strate de narration à l'autre cesse vite d'obéir à un quelconque système (aller-retour entre la lecture du manuscrit et le trouble que cela provoque chez Adams) pour suivre quelque chose de plus ténu, de plus fuyant, lancinant, dérangeant, comme si les premières pages lues avaient brisé une fiole de poison qui se répandrait de façon lente et évanescente sur tout le film (pour tout dire, lors du premier rejet éprouvé par Amy Adams à la lecture, je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux mécanismes de vertige de L'antre de la folie). Si le film n'est pas à proprement parler ardu, je le trouve donc quand même retors et gonflé et typique de ces films vénéneux qui paraissent superficiellement accessibles mais qui distillent dans le même temps un piège indéfinissable.

Faillible, l'histoire ne me paraît pas l'être. L'écueil majeur de ces films qui ont une foi absolue dans leur expression artistique est de ne rester que des exercices de style, supérieurement conçus peut-être, mais en définitive n'allant pas chercher bien loin. Ce n'est pas le cas ici, pour moi. D'une part parce qu'on peut "vivre" la partie littéraire pour ce qu'elle est, un polar McCormackien poisseux et viscéral dans son épure, ce qui suffirait déjà à faire un bon film. Mais aussi parce que ce polar ne prend évidemment tout son sens que dans le dialogue fictionnel et méta qu'il entretient avec la partie "réelle", bien moins évidente à suivre et à cerner parce qu'elle ratiboise les prises saillantes auxquelles pourrait se raccrocher le spectateur. C'est ce dialogue qui fait passer pour moi l'expérience dans une autre catégorie, tout à fait étonnante dans la manière dont elle décale la ligne de fuite du film et extirpe de toute cette opacité un mélo plein de rancœur. Tom Ford orchestre en effet un double récit de vengeance et de sa corolaire, la destruction morale : avec ce manuscrit, Edward l'écrivain met en scène des figures inconscientes chez Susan au regard de leur histoire d'amour brisée (disparition de la femme - c'est-à-dire, Amy Adams "réelle" -, disparition de la fille - avortement -, sentiment de culpabilité et de refoulé), et assouvit sur elle la vengeance symbolique à laquelle parvient son avatar littéraire en se faisant justice. L'humiliation infligée à Susan de ne pas venir au dîner de rendez-vous (et ainsi de lui signifier tout ce qui est fini) est exactement la même catharsis que de supprimer littérairement l'assassin/violeur, celui qui a fait du mal, qui a tout détruit. C'est la chute sordide d'une histoire de haine tenace par narration interposée, je trouve ça fort... fort parce que le spectateur est dans la même position que Susan en tant que lectrice, troublé et subjugué par le brio de cette manière de raconter et désireux de connaître le fin mot de l'histoire, qui est alors une bombe qui explose à la gueule et ne laisse qu'un goût amer en bouche, celui d'une vie gâchée et celui d'une vengeance froide et inguérissable pour les deux reflets de l'histoire. Jake Gyllenhaal est arraché à double titre de son amour et de sa progéniture et son manuscrit comme le film agissent dès lors comme une maïeutique, qui implique une appropriation inconsciente des personnages et des situations par Susan. Tout cela, cet entremêlement narratif, ce trouble qui monte, est fait avec une finesse presque diabolique.

Certains papiers trouvent néanmoins trop lisible ou peu original ce thème de la vengeance, et considèrent que le film se dégonfle et déçoit en poursuivant ce lièvre du règlement de comptes lâche, contre les promesses soulevées au début. Mais je crois qu'il y a quelque chose d'intentionnellement déceptif dans cette construction, dans cette sophistication narrative qui fait effectivement monter la sauce tout en criant d'un autre côté lucidement sa nature d'artifice (la narration dans la narration, dont on sort par bruitages intempestifs). L'histoire est un trompe-l’œil luxueux dans lequel le plus intéressant se niche, par onde de choc, dans les interstices du segment le plus immédiatement captivant (celui du polar texan). En tout cas, je crois que l'on ne peut pas retenir à charge contre le film le fait que son véritable point de mire soit celui, vicieux, domestique, de la vengeance sentimentale parce que le film laisserait supposer une autre direction au début. Le film est simplement très habile pour préserver jusqu'à un certain point l'idée qui le meut, tout en n'étant pas pute et incohérent dans les effets qu'il met en œuvre pour ce faire (cette vengeance se laisse subodorer par touches successives). Le générique controversé sonne en effet presque comme une note d'intention en nous prenant dès le début à partie (de façon facile, hors-sujet, obscène, culottée, chacun se fera son opinion) sur ce qu'on veut bien voir face à l'incongruité. Le procédé inspire des sentiments complexes et contradictoires et ce trouble devrait précisément guider le spectateur dans son appréhension de ce qui va suivre... Bref, l'impression qu'on fait un mauvais procès contre ce point particulier du film, qui emmène ailleurs, échappe à la catégorisation lambda.

Cette œuvre opiacée, qui confirme l'exceptionnel talent d'actrice d'Amy Adams, et qui ressemble lointainement à un bad trip lynchien tout en traçant en réalité sa propre route singulière, honore le cinéma américain à l'heure où les espoirs sont au plus bas.
Rien d'autre à rajouter à la critique de Demi-Lune. Enfin si, un point: la scène de l'altercation sur la route est une des plus viscérales que j'ai vu depuis longtemps.
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AtCloseRange
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Re: Nocturnal animals (Tom Ford - 2016)

Message par AtCloseRange »

Révision et ravi de voir que le film garde son pouvoir de fascination.
Quelques réflexions par rapport aux thèses abordées sur le topic
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- il me semble que la piste de la fille fantasmée se tient d'autant qu'elle a l'air d'avoir l'âge requis: 19 ans
- pour ce qui est de la fin, j'y vois vraiment un aboutissement très sombre pour les deux protagonistes. Il est sans doute encore amoureux d'elle mais ce qu'elle lui a fait subir (la rupture suivi de l'avortement) a finalement fait de lui ce qu'elle attendait. Il n'est effectivement plus la garçon "faible" qu'elle a aimé et il est capable d'écrire une histoire sombre et désespérée et également capable de cruauté en la "séduisant" à nouveau avec le contenu de son livre pour mieux la crucifier en ne venant pas au rendez-vous. On peut aussi y voir une référence aux Liaisons Dangereuses.
- le choix d'Isla Fisher pour jouer sa femme dans le livre est assez ironique vu que sa ressemblance avec Amy Adams est de notoriété publique https://www.elle.fr/People/La-vie-des-p ... er-2640195
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