Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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AtCloseRange
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par AtCloseRange »

Jeremy Fox a écrit :Une vision manichéenne des choses, à condition d'en être conscient, n'est pas forcément un défaut pour un film. D'innombrables films de genre hollywoodien sont basés là dessus. Après, tout dépend comment c'est écrit et mise en scène ; on en revient toujours à la même chose.
Y a une toute petite différence d'intentions entre Robin des Bois et un Ken Loach.
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Watkinssien
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par Watkinssien »

Dans ce film, la bureaucratie administrative est infernale, mais les personnages qui y travaillent ne m'apparaissent jamais comme des enflures sans nom. Ce sont des gens qui bossent et qui font ce qu'ils peuvent et ce que le système leur demande. Donc le manichéisme n'est pas aussi définitif que cela.
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AtCloseRange
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par AtCloseRange »

Watkinssien a écrit :Dans ce film, la bureaucratie administrative est infernale, mais les personnages qui y travaillent ne m'apparaissent jamais comme des enflures sans nom. Ce sont des gens qui bossent et qui font ce qu'ils peuvent et ce que le système leur demande. Donc le manichéisme n'est pas aussi définitif que cela.
on a dérivé en parlant de Ladybird en fait.
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Thaddeus
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par Thaddeus »

Watkinssien a écrit :Dans ce film, la bureaucratie administrative est infernale, mais les personnages qui y travaillent ne m'apparaissent jamais comme des enflures sans nom. Ce sont des gens qui bossent et qui font ce qu'ils peuvent et ce que le système leur demande. Donc le manichéisme n'est pas aussi définitif que cela.
C'est évident. Rien de manichéen dans le propos de Loach sur ce film (oui, je reviens sur lui et m'éloigne de Ladybird), qui ne dresse pas de ligne de partage entre les bons et les méchants mais s'indigne seulement contre les injustices d'un système. D'ailleurs une réplique de Dan, vers la fin, le dit clairement, lorsqu'il constate navré que ses mésaventures font perdent du temps à tout le monde : lui, ses employeurs et les salariés des organismes sociaux. Tout le monde est "victime", dans cette histoire.
A cet égard, pour Jack : la femme blonde qui peut sembler beaucoup plus froide, sèche et cassante que sa collègue (conciliante, empathique) ne m'a pas jamais semblé être une enflure, mais seulement une personne qui réagit à sa manière et avec ses moyens à une pression sans doute très forte. La justesse du regard dont témoigne le cinéaste, elle est aussi là : tout le monde est humain, certains sont faits pour ce métier (ils réagissent ainsi avec compréhension, avec tact), d'autres moins (et ils se rétractent sur la rigidité doctrinale du système, laissant apparaître un comportement peu amène). EDIT : Bon, manifestement Jack a supprimé entretemps le message sur lequel je réagissais...

Par ailleurs et pour en finir sur le manichéisme supposé de ce dernier Loach, je renvoie à l'attitude du gérant de supermarché devant lequel est amené Katie, prise la main dans le sac, et qui ne réagit pas tout à fait comme un enfoiré de capitaliste déshumanisé.
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Jack Carter
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par Jack Carter »

Thaddeus a écrit :
Watkinssien a écrit :Dans ce film, la bureaucratie administrative est infernale, mais les personnages qui y travaillent ne m'apparaissent jamais comme des enflures sans nom. Ce sont des gens qui bossent et qui font ce qu'ils peuvent et ce que le système leur demande. Donc le manichéisme n'est pas aussi définitif que cela.
C'est évident. Rien de manichéen dans le propos de Loach sur ce film (oui, je reviens sur lui et m'éloigne de Ladybird), qui ne dresse pas de ligne de partage entre les bons et les méchants mais s'indigne seulement contre les injustices d'un système. D'ailleurs une réplique de Dan, vers la fin, le dit clairement, lorsqu'il constate navré que ses mésaventures font perdent du temps à tout le monde : lui, ses employeurs et les salariés des organismes sociaux. Tout le monde est "victime", dans cette histoire.
A cet égard, pour Jack : la femme blonde qui peut sembler beaucoup plus froide, sèche et cassante que sa collègue (conciliante, empathique) ne m'a pas jamais semblé être une enflure, mais seulement une personne qui réagit à sa manière et avec ses moyens à une pression sans doute très forte. La justesse du regard dont témoigne le cinéaste, elle est aussi là : tout le monde est humain, certains sont faits pour ce métier (ils réagissent ainsi avec compréhension, avec tact), d'autres moins (et ils se rétractent sur la rigidité doctrinale du système, laissant apparaître un comportement peu amène). EDIT : Bon, manifestement Jack a supprimé entretemps le message sur lequel je réagissais...
desolé :oops:
Tu as raison sur le personnage, c'est juste qu'elle apparait au spectateur comme antipathique malgré tout, meme si elle n'est effectivment pas une enflure comme je l'entendais.
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Jeremy Fox
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par Jeremy Fox »

Vu dans des conditions difficiles (tour à tour et parfois simultanément mal de crane, froid et sommeil - tout ça pour dire que je pourrais le revoir encore à la hausse), le dernier opus de Ken Loach est pour moi l'un de ses plus réussis. Voulant dénoncer les aberrations administratives des services sociaux britanniques, le cinéaste ne lâche pas le morceau et presque sans digressions suit le parcours de deux laissés pour compte à la recherche d'indemnités -dont ils auraient droit au vu de leur parcours- ou du travail.

Je m'attendais à un film plombant, ce qui n'a pas été le cas, Loach évitant le manichéisme (c'est le système qui est vérolé et non les agents, la plupart compatissants et généreux même s'il y en a -comme dans la vraie vie- véritablement psycho-rigides et du même coup insupportables) et insuffle même à son film quelques bouffées d'humour et d'air frais (le voisin black est excellent) qui nous évitent tout misérabilisme. La direction d'acteurs est prodigieuse (ses deux héros sont étonnants et profondément attachants), la sobriété de la mise en scène est en phase avec l'implacabilité du scénario et Loach a toujours cette aptitude à réussir à nous faire nous insurger, ici sans prendre de trop gros sabots car - à quelques petites exceptions, et encore- son film ne semble pas du tout caricatural. Une grande réussite du film social.
Max Schreck
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par Max Schreck »

Le film m'a complètement cueilli. On va dire que j'ai suivi ça gentiment pendant un premier tiers, concerné par le parcours du personnage-titre et la peinture touchante de la petite tribu qui l'entoure, qui nous épargne les clichés manichéens ou misérabilistes (le jeune voisin notamment). L'impression d'avoir affaire à une sorte de fable, qui dénoncerait l'absurdité d'une situation bien réelle. C'est souvent grinçant (et on est autorisé à sourire), mais sans jamais sombrer dans la démonstration, Loach et Laverty progressant au contraire par petites touches, sans volonté de susciter grossièrement l'indignation : durant tout ce temps, Blake n'est pas vraiment un personnage en révolte, il s'efforce de comprendre et de respecter les procédures qu'on lui impose, quand bien même il tente d'en démontrer le caractère pervers. La seule chose qui lui reste c'est sa dignité. En d'autres mains, cela aurait sans doute donné un genre de thriller avec musique angoissante, sur un rythme infernal où le quotidien est magnifié en épopée. Ici, c'est posé, donc, et j'en venais à penser que ça ne méritait quand même pas non plus une Palme d'or.

Et puis, ça a soudainement basculé avec la scène
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de la banque alimentaire, où le personnage de Katie craque, s'abandonne, et où sa carapace se brise définitivement sous le regard de sa fille. A partir de là, tout le reste du film m'a pris aux tripes pour m'abandonner bouleversé. Si le final n'a rien de surprenant, conclusion logique de ce que le système aura fait vivre au protagoniste, il n'en est pas moins poignant. Ce personnage qui a tout encaissé se retrouve soudain légitimement envahi par le stress au moment le plus critique, celui de sa libération.
C'est là que j'ai réalisé toute la force et la maîtrise de la mécanique mise en place depuis le début par le réalisateur, qui mène sa barque avec assurance, sans doute bien aidé par un Dave Johns absolument admirable de justesse.
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Mama Grande!
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)

Message par Mama Grande! »

Comme ce n'est que mon deuxième Loach après le très bon It's a free world, je ne peux pas comparer au reste de sa filmo. Néanmoins j'en sors très emballé.
Ce n'était pas gagné d'avance, car je ne suis pas très client des films "à message". Mais comme dans It's a free world, ça passe car le but n'est pas de donner une solution, ni de démontrer, mais de montrer un constat. Un constat accablant et kafkaien sur un système qui au nom de considérations macroéconomiques et idéologiques écrase les plus fragiles. Loin de ronronner derrière son savoir-faire et sa réputation, Loach porte son film grâce à sa colère et à son amour pour les gens qu'il filme. Aucun n'est vraiment à blâmer, même le vigil mac. Le système est inhumain, et chacun survit, ou pas, à sa manière. Soit en en tirant parti (le voisin et son trafic mondialisé, le vigil), soit en en étant un rouage. Certains cherchent à conserver leur dignité, mais le prix à payer est considérable. C'est un film dur, enragé, mais qui jamais ne verse dans le pathos ou le chantage à l'émotion, qui permet de voir le monde plus clairement. N'est-ce pas au fond le rôle de l'artiste?

Pour l'anecdote, comme Daniel Blake, j'avais fait une demande des allocations de chercheur d'emploi au Japon (où je réside depuis plusieurs années), et je devais aussi chaque mois prouver que je cherchais effectivement un emploi. C'était tout le contraire du film :lol: Il suffisait de voir son conseiller pour un entretien de 30 secondes et d'envoyer un CV (de déclarer qu'on avait envoyé un CV plus précisément) et hop, on avait le jour suivant l'allocation :o
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