Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
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- Alexandre Angel
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Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Indéniablement un beau film, I Daniel Blake confirme cette mystérieuse impression donnée au spectateur que Loach fait toujours la même chose tout en se renouvelant, en réajustant son discours au gré de variations dont un équivalent cinématographique pourrait être repéré chez Woody Allen, la comparaison s'arrêtant, bien évidemment, là où elle s'arrête. Mais là où Woody Allen donne le sentiment de ronronner malgré toute l'estime que je lui porte, Ken Loach nous réveille régulièrement de sa fougue engagée et fébrile, et de sa méthode, toujours impressionnante. Moi, Daniel Blake n'est pas sans maladresses formelles (fondus au noir inutiles et grossiers, montage par moment un peu erratique) mais curieusement, elles contribuent à nous toucher de par la rupture qu'elles induisent par rapport au côté plus léché de La Part des Anges, ou de Jimmy's Hall, d'une part, mais aussi de par ce qu'elles reflètent du regard octogénaire de Loach, qui prend avec ce film, et j'ai trouvé cela assez émouvant, une texture testamentaire en phase avec la lettre lue en public, à la dernière minute, qui donne la parole à l'usager. Cet usager des administrations post-thatchériennes comme celui de nos CAF, CCAS ou Pôle Emploi. Cette dignité redonnée à tous les "assistés" d'Angleterre et de Navarre est peut-être le plus beau geste de toute la filmographie de Ken Loach.
Et comme toujours avec Loach, la distribution est un point fort avec Dave Johns, comique de stand-up inconnu pour moi, dans le rôle-titre, dont la tête de cabochard et la répartie résignée m'ont rappelé l'acteur américain Red Buttons. Haylay Squires, quant à elle, est bouleversante. Mignonne juste ce qu'il faut de cinématographique, elle est hyper-crédible en mère isolée dont je reconnais bien ce regard lourd, accablé de fatigue morale. Il est celui que je croise souvent dans le cadre de mon boulot, en service social.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Oui, c'est un Loach qui m'a vraiment passionné, bousculé, bouleversé, énervé dans son sens le plus noble.
Au-delà de ce qu'il parvient à montrer comme violent socialement dans le film (avec l'aide de son fidèle scénariste), ce qui m'a fortement interpellé, c'est à quel point c'est rare de voir autant la personnalité du cinéaste se calquait avec son protagoniste. Le personnage n'a même pas soixante ans et suite à son accident cardiaque, il en ferait presque 15 ans de plus et j'ai beaucoup aimé ce réalisme même dans le choix judicieux de cet acteur, Dave Johns, réellement excellent et dont c'est sa première expérience au cinéma, et qui s'est révélé surtout en tant que comique de stand-up, comme l'a écrit Alexandre plus haut. Et puis tout semble couler de source, comme dans les plus grands Ken Loach.
On peut admirer la justesse d'observation, la mise en scène discrète mais qui sait à chaque fois comment filmer cet enchaînement de situations quasiment kafkaïennes en en évitant les boursouflures, les caricatures outrancières. Un film qui trouve, au fur et à mesure qu'il avance, une énergie, une dynamique présentes, qui semblent constamment être la réponse d'une contre-attaque des maux sociaux qui explosent contre des êtres qui ont dû faire des choix par rapport à des situations obligées.
Grand film, qui remue par des séquences fortes, qui apaise face aux apparitions bienvenues de mouvements solidaires, qui trouble par la mixture d'émotions puissamment liées entre elles.
Au-delà de ce qu'il parvient à montrer comme violent socialement dans le film (avec l'aide de son fidèle scénariste), ce qui m'a fortement interpellé, c'est à quel point c'est rare de voir autant la personnalité du cinéaste se calquait avec son protagoniste. Le personnage n'a même pas soixante ans et suite à son accident cardiaque, il en ferait presque 15 ans de plus et j'ai beaucoup aimé ce réalisme même dans le choix judicieux de cet acteur, Dave Johns, réellement excellent et dont c'est sa première expérience au cinéma, et qui s'est révélé surtout en tant que comique de stand-up, comme l'a écrit Alexandre plus haut. Et puis tout semble couler de source, comme dans les plus grands Ken Loach.
On peut admirer la justesse d'observation, la mise en scène discrète mais qui sait à chaque fois comment filmer cet enchaînement de situations quasiment kafkaïennes en en évitant les boursouflures, les caricatures outrancières. Un film qui trouve, au fur et à mesure qu'il avance, une énergie, une dynamique présentes, qui semblent constamment être la réponse d'une contre-attaque des maux sociaux qui explosent contre des êtres qui ont dû faire des choix par rapport à des situations obligées.
Grand film, qui remue par des séquences fortes, qui apaise face aux apparitions bienvenues de mouvements solidaires, qui trouble par la mixture d'émotions puissamment liées entre elles.
Dernière modification par Watkinssien le 31 oct. 16, 12:36, modifié 1 fois.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
En tant qu'admirateur du cinéaste depuis la fin des années 80 et même si je suis loin d'avoir tout apprécié, autant dire que j'attends celui-ci avec impatience. Merci pour vos avis.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
J'aime bien Loach également malgré la fadeur générale de ses films des années 2000 (Route Irish étant son plus gros ratage). Le dernier Loach que j'avais trouvé vraiment sympa est Looking for Eric.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Est-ce que c'est crédible en 2016 un mec (même de 60 ans) qui soulève la souris de l'ordinateur pour essayer de pointer en haut de l'écran ?
Sinon je me demande si l'histoire est transposable en France. J'ai quand même l'impression que le pôle emploi, à défaut d'etre plus efficace, est plus humain. Les paradoxes administeatifs par contre, aucun soucis.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Non Mais ça, c'est le côté un peu lourd de Ken Loach, parfois, qui est un défaut constitutif de sa personnalité. Maintenant, tout existe mais j'avoue avoir aussi tiqué en me disant qu'il exagérait un peu.Supfiction a écrit :Est-ce que c'est crédible en 2016 un mec (même de 60 ans) qui soulève la souris de l'ordinateur pour essayer de pointer en haut de l'écran ?
Je sais que Margaret Thatcher a fait du mal à tout le système administratif en Angleterre, qui en subit encore les conséquences. Mais si l'on se base sur ce que l'on voit dans le film, et malgré la présence d'ordinateurs et d'internet, on a vraiment le sentiment d'un archaïsme terrible par rapport à l'équivalent français, dont l'outillage d'accompagnement est autrement plus sophistiqué. Cela dit, attention, on est pas à l'abri des dérives statisticiennes et coercitives dénoncées dans le film, sans parler des nombreuses carences (je pense aussi à la CAF) et d'une certaine déshumanisation technologique (plateformes téléphoniques gigognes, dématérialisation à gogo).Supfiction a écrit :Sinon je me demande si l'histoire est transposable en France. J'ai quand même l'impression que le pôle emploi, à défaut d'etre plus efficace, est plus humain
.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
L'idée en elle-même n'est pas fine, mais on évite la grosse lourdeur par la sobriété de la réaction de la femme qui lui apprend à s'en servir.Supfiction a écrit :Est-ce que c'est crédible en 2016 un mec (même de 60 ans) qui soulève la souris de l'ordinateur pour essayer de pointer en haut de l'écran ?
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Je n'ai pas vu tous ses films sur la période dont tu parles, mais pour moi Le Vent se lève est un très bon film, et j'ai aussi beaucoup beaucoup aimé Just A Kiss et It's A Free World.Jack Griffin a écrit :J'aime bien Loach également malgré la fadeur générale de ses films des années 2000 (Route Irish étant son plus gros ratage). Le dernier Loach que j'avais trouvé vraiment sympa est Looking for Eric.
Et finalement j'ai très envie de voir ce Moi Daniel Blake.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Oui j'aurais du dire depuis Looking for Eric-Kaonashi Yupa- a écrit :Je n'ai pas vu tous ses films sur la période dont tu parles, mais pour moi Le Vent se lève est un très bon film, et j'ai aussi beaucoup beaucoup aimé Just A Kiss et It's A Free World.Jack Griffin a écrit :J'aime bien Loach également malgré la fadeur générale de ses films des années 2000 (Route Irish étant son plus gros ratage). Le dernier Loach que j'avais trouvé vraiment sympa est Looking for Eric.
Et finalement j'ai très envie de voir ce Moi Daniel Blake.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Mon premier 10/10 depuis que je mets des notes chez Karras...
top 10, top de tous les temps, films ***** par année
top film par année
actrices, acteurs de l'année
mucho, mucho, mucho nullos
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
J'avoue mon incompréhension devant cette quasi unanimité pour le dernier Loach (que j'ai trouvé moyen pour ma part). A croire qu'il a livré son testament cinématographique et que le film est le sommet de son oeuvre.
Je n'ai pourtant pas eu l'impression de passer à côté du chef d'oeuvre absolu....
Je le reverrai à l'occasion mais je reste dubitatif..
Apres le fait de l'avoir vu fin juin en AVP, le film un peu cassé par certaines critiques, j'ai été peut-être inconsciemment influencé mais non, le film est sympa, c'est du pur Loach mais pas meilleur que d'autres de ses films sociaux...
Je sens que ça va être le film de l'année de Jeremy
Je n'ai pourtant pas eu l'impression de passer à côté du chef d'oeuvre absolu....
Je le reverrai à l'occasion mais je reste dubitatif..
Apres le fait de l'avoir vu fin juin en AVP, le film un peu cassé par certaines critiques, j'ai été peut-être inconsciemment influencé mais non, le film est sympa, c'est du pur Loach mais pas meilleur que d'autres de ses films sociaux...
Je sens que ça va être le film de l'année de Jeremy
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
- Alexandre Angel
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
@Jack
A part Origan42et son 10/10, qui dit chef d'œuvre, en tous cas ici? Par ailleurs, j'ai écouté Le Masque et la Plume Dimanche dernier et c'était pas le giga emballement. Mais tous reconnaissaient que, passé l'énervement consécutif au palmarès du dernier festival de Cannes, ils ont appris à l'apprécier à l'occasion d'une seconde vision. Ce qu'il y a de fort, à mon sens, est la simplicité bouleversante de la lettre lue qui emporte le morceau. C'est comme si tous les personnages de laissés pour compte de toute la filmo de Loach l'avaient co-écrit.
A part Origan42et son 10/10, qui dit chef d'œuvre, en tous cas ici? Par ailleurs, j'ai écouté Le Masque et la Plume Dimanche dernier et c'était pas le giga emballement. Mais tous reconnaissaient que, passé l'énervement consécutif au palmarès du dernier festival de Cannes, ils ont appris à l'apprécier à l'occasion d'une seconde vision. Ce qu'il y a de fort, à mon sens, est la simplicité bouleversante de la lettre lue qui emporte le morceau. C'est comme si tous les personnages de laissés pour compte de toute la filmo de Loach l'avaient co-écrit.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Alexandre Angel a écrit :@Jack
A part Origan42et son 10/10, qui dit chef d'œuvre, en tous cas ici?
Joe Gillis : 9/10
Locktal : 8.5/10
poet 77 : 9/10
Watkinssien : 8.5/10
Thaddeus : 8/10
Best 8/10
....
On s'en rapproche quand même
- Alexandre Angel
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Re: Moi, Daniel Blake (Ken Loach - 2016)
Certes, cahin caha, clopint clopantJeremy Fox a écrit :Alexandre Angel a écrit :@Jack
A part Origan42et son 10/10, qui dit chef d'œuvre, en tous cas ici?
Joe Gillis : 9/10
Locktal : 8.5/10
poet 77 : 9/10
Watkinssien : 8.5/10
Thaddeus : 8/10
Best 8/10
....
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Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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