Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Jeremy Fox »

D'abord fasciné par tant de maitrise picturale, un tel sens du cadre -mais ça je le savais déjà-, des comédiens en roue libre qui au départ m'ont amusé (même Binoche lors de sa première apparition)... puis dès la deuxième heure consterné par le néant de ce que Dumont est en train de nous raconter, sorte de mélange improbable entre Massacre à la tronçonneuse, Bunuel et Laurel et Hardy. Un ersatz raté de son savoureux P'tit quinquin qui était je trouve autrement plus drôle et intrigant. Si Dumont poursuit ainsi, je pense arrêter le de suivre car son génie plastique ne me suffit plus. Je continue en revanche de découvrir le talent phénoménal du compositeur Guillaume Lekeu dont j'adorais la musique de chambre. Son morceau très malhérien est sublime.
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Supfiction
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :Massacre à la tronçonneuse, Bunuel et Laurel et Hardy
Pourquoi Massacre à la tronçonneuse spécifiquement ?

Moi j'aime bien ce film, mélange improbable de comédie burlesque et social avec une pincée de gore.
Ne serait-ce que pour le shoot qu'il donne à la comédie française.

C’est l’heure de l’apéri, c’est l’heure de l’apéri, c’est l’heure de l’apéritif !
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Jeremy Fox
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Massacre à la tronçonneuse, Bunuel et Laurel et Hardy
Pourquoi Massacre à la tronçonneuse spécifiquement ?
Spoiler (cliquez pour afficher)
Parce que la famille des ch'tis cannibales m'y a fait penser. J'aurais pu en citer d'autres mais ce n'est pas du tout mon genre de prédilection.
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Duke Red »

S'il y a vraiment deux trucs à retenir dans ce film, c'est Fabrice Luchini (cette démarche, ce phrasé ^^) et une photo de toute beauté. Après, je rejoins Mister Fox, passé le plaisir de la découverte de ces personnages, ça vire un peu au n'importe quoi non-sensique. Juliette Binoche devient carrément pénible sur la fin.
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Supfiction
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Supfiction »

Duke Red a écrit : Fabrice Luchini (cette démarche, ce phrasé ^^)
C'est énorme. :lol: J'ai passé le film à mon père qui est fan de Luchini et il ne l'a même pas reconnu, à ma grande surprise.
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Jeremy Fox
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Jeremy Fox »

Duke Red a écrit : une photo de toute beauté.
C'est peu de le dire : son travail sur la couleur -les bleus en particulier- en extérieurs est phénoménale. C'est d'ailleurs ce qui m'a permis de suivre la première heure sans ennui.
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Flol »

Duke Red a écrit :S'il y a vraiment deux trucs à retenir dans ce film, c'est Fabrice Luchini (cette démarche, ce phrasé ^^)
Phrasé et démarche qu'il abandonne par la suite environ 1 fois sur 3.
Duke Red a écrit :Juliette Binoche devient carrément pénible sur la fin.
Au bout de 3mn, j'avais envie de l'égorger.
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Colqhoun »

Un peu resté en retrait aussi. Le film possède son lot de qualités que l'on peut difficilement remettre en question. Que ce soit l'image, toujours superbe chez Dumont, une bonne partie du casting (mention, une fois de plus, aux enfants et notamment à "Raph", cette actrice sur laquelle Dumont a tenté de garder le mystère) et des choix musicaux qui font mouche. A côté de ça, effectivement, on ressort du film avec ce sentiment qu'on ne sait pas trop ce que voulait raconter Dumont. Enfin si, il y a bien cette histoire, récurrente chez lui, de contamination du Mal, couplée ici à des observations sur ces familles dégénérées (d'un côté les pêcheurs cannibales, de l'autre les bourgeois incestueux), d'où feront irruption ces deux personnages lumineux que sont Ma Loute et Billie. Une disruption dans les cellules familiales respectives qui vont les obliger à se rencontrer et à se confronter, sans que l'une ne se doute des déviances de l'autre. Il y a plusieurs moments brillants (cette sortie en mer et le sauvetage qui s'en suit), dans un film qui semble vouloir pousser à l'absurde le principe de comédie démarré dans Ptit Quinquin, quitte à se prendre un peu les pieds dans le tapis du récit. J'en été sorti décontenancé, mais comme tous les autres Dumont, j'ai déjà envie de le revoir.
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Demi-Lune
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Demi-Lune »

Jeremy Fox a écrit :Je continue en revanche de découvrir le talent phénoménal du compositeur Guillaume Lekeu dont j'adorais la musique de chambre. Son morceau très malhérien est sublime.
Plus wagnérien que malhérien, pour moi. Les accords du début du morceau évoquent le prélude à l'Acte I de Lohengrin.

Le film est complètement suicidaire et ne ressemble à rien que je connaisse. Cet espèce de croisement entre Tardi et Eugène Boudin fait non seulement mentir la fatalité d'une démission esthétique dans la production hexagonale, mais aussi celle de l'offre en matière de comédie (même si la catégorisation est restrictive dans le cas présent, et ne paraîtra pas forcément probante aux yeux de ceux que l'humour du film a consternés).
Ça n'en fait pas un film forcément réussi pour autant, mais Dumont propose quelque chose de tellement spécial que je ne suis pas sûr que l'évaluer à l'aune de critères classiques fasse vraiment sens. Il y a quelque chose de surréaliste et malsain (presque autiste, n'en déplaise à la campagne de pub qui misait sur un aspect léger et accessible) qui relèverait plutôt pour moi des univers dérangés et absurdes du Buñuel des débuts ou du Cul-de-sac de Polanski. Autrement dit, des films faisant appel à l'inconscient et générant souvent des réactions tranchées parce qu'ils se situent au-delà de la norme et du lisible. Dire ça, ce n'est pas justifier ou absoudre tout ce que Ma Loute tente ou propose, c'est simplement postuler d'entrée de jeu que l'humour immédiatement consommable du film (les accents, les jeux d'acteur, etc) est une illusion d'optique qui laisse progressivement fondre sur la langue la véritable nature du projet, qui répond à beaucoup de préoccupations du surréalisme (notamment l'hostilité contre la bourgeoisie et une forme d'iconoclasme genré). En d'autres termes, comme l'aurait dit Simone Choule, Ma Loute est un film buñuelien. La grille d'appréciation ne peut donc pas être totalement la même.
La tronche de Luchini, son phrasé et sa démarche ont fait que je n'avais pas autant ri devant un film depuis Le loup de Wall Street, mais l'euphorie fut malheureusement de courte durée. La seconde heure tourne autant en rond qu'à la complaisance : Dumont s'égare et son film devient épouvantablement chiant. On en vient à prier pour que ça se termine vite ou que tout le monde passe dans la marmite. Le tout de se finir de manière embarrassante, comme si Dumont avait complètement renoncé, avait déchargé toutes ses batteries dès le début. Et comme on peut difficilement faire émouvant lorsque les personnages procèdent d'une caricature voire d'une abstraction pure et simple, la relation Billie/Ma Loute tant vantée ici ou là ne m'a jamais paru probante ou même conséquente : c'est creux. Le delta entre ce qui est enthousiasmant au début puis horripilant à la fin est assez remarquable et devrait logiquement plaider en la défaveur du film...
... n'empêche, ça ne parvient pas à ternir l'estime que m'inspire un tel geste de cinéma. Ça me donne donc l'occasion de faire plus largement une déclaration d'amour envers tout ce qui bouillonne en ce moment dans le cinoche français : Ma Loute confirme de mon côté que le cinéma français, quand il s'en donne les moyens et l'ambition, revient lentement mais sûrement aux avant-postes de ce qui se fait de plus stimulant à l'heure actuelle dans la création cinématographique. Quoi qu'on puisse penser de ces films qui contiennent dans leur ADN-même les conditions du clivage, je crois profondément qu'aucun autre pays que la France n'est capable aujourd'hui de faire un Ma Loute, ou un Nocturama, ou un Évolution, et ce, pas pour de simples raisons de culture, mais parce que ces films continuent de faire avancer les lignes dans des propositions fortes, sans minage de références ou de post-modernisme brandis comme des nec plus ultra de la créativité. Ces films prouvent qu'il est toujours possible de créer et ça, ça donne foi en l'avenir, de la même manière que l'accolade entre Almodovar et Verhoeven aux Césars sublime à elle seule la fierté d'un dénominateur commun, qui est le discernement et le goût français. Voilà.
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par batfunk »

Pas grand chose à rajouter à vos propos. :D
Ce film est un pur ovni dans le paysage cinématographique français, je n'avais pas autant halluciné devant un film depuis Delicatessen, voire Sitcom.
Les acteur sont fabuleux, même Binoche :lol: et voir Luchini jouait un vrai rôle de composition est un régal.
Techniquement, le scope et la photo sont à tomber, j'ai hate de mater le blu ray. :o
Le propos sociologique est certain et fait écho à la France d'aujourd'hui:Les moqueries des Van peteghem par rapport au nom et à l'accent de Ma Loute, la famille pauvre de ma Loute reduite au cannibalisme(expression ultime de la faim),la Classe ouvrière qui porte littéralement la Bourgeoisie, l'incompréhension de l'entourage de Billy vis à vis de sa sexualité....
Le constat de Dumont est plutôt pessimiste(la
decouvert par Ma Loute de la différence de Billy) mais celà est tempéré par le dénouement, qui laisse esperer un rapprochement entre ces 2 mondes.
Et ce message est enveloppé dans un écrin de surréalisme, de drôlerie et de beauté irrésistible.
Quelle évolution depuis la Vie De Jésus.. :shock:
16/20
Ps:Et je n'ai pas encore vu Le P'tit Quinquin.
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Supfiction
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Supfiction »

batfunk a écrit :Pas grand chose à rajouter à vos propos. :D
Ce film est un pur ovni dans le paysage cinématographique français, je n'avais pas autant halluciné devant un film depuis Delicatessen, voire Sitcom.
Les acteur sont fabuleux, même Binoche :lol: et voir Luchini jouait un vrai rôle de composition est un régal.
Techniquement, le scope et la photo sont à tomber, j'ai hate de mater le blu ray. :o
Le propos sociologique est certain et fait écho à la France d'aujourd'hui:Les moqueries des Van peteghem par rapport au nom et à l'accent de Ma Loute, la famille pauvre de ma Loute reduite au cannibalisme(expression ultime de la faim),la Classe ouvrière qui porte littéralement la Bourgeoisie, l'incompréhension de l'entourage de Billy vis à vis de sa sexualité....
Le constat de Dumont est plutôt pessimiste(la
decouvert par Ma Loute de la différence de Billy) mais celà est tempéré par le dénouement, qui laisse esperer un rapprochement entre ces 2 mondes.
Et ce message est enveloppé dans un écrin de surréalisme, de drôlerie et de beauté irrésistible.
Quelle évolution depuis la Vie De Jésus.. :shock:
16/20
Ps:Et je n'ai pas encore vu Le P'tit Quinquin.
:D
Concernant le jeu de Binoche et Luchini (qui annonce celui également en roue libre du commandant Van der Weyden dans Coincoin et les Z'inhumains), c'est effectivement d'une audace surprenante. Ils ont apparemment fait confiance au réalisateur quitte à être qualifiés de très mauvais. Car à chaque moment on hallucine en se demandant s'ils jouent très mal ou génialement. Chacun choisira.

Pour ce qui est des échos à la France périphérique d'aujourd'hui, tu as raison, cela m'a frappé hier en revoyant un bout du film. La grande ville n'est pas Paris, Tourcoing leur suffit amplement! :P
Le cannibalisme comme "expression ultime de la faim", je ne l'avais pas vu ainsi. J'ai toujours du mal à voir où il veut en venir à part choquer.
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par batfunk »

Mon interpretation du cannibalisme est peut être erronée, mais j'ai vu récemment "la colline a des yeux" et un doc hallucinant d'Arte sur l'expedition Franklin, qui ne s'est pas très bien finie :lol:
J'ai oublié de citer la charge anti-dévot de tout poil de Dumont avec le personnage de Mme Van Peteghem, qui atteint sa pleinitude au zenith :lol:.Sans compter la remarque des enfant de choeur, ecrasés par le poids du christ:
Spoiler (cliquez pour afficher)
si ça continue, je vais le balancer le petit Jésus
:lol:
Et la jeune actrice Raph est d'une beauté et d'un charisme insolent :oops:, j'espère qu'on la reverra, même avec sa voix à la Virginie Ledoyen... :D
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par eastcaspari »

Dumont le DJ director! Antonioni, Cimino, George Miller, Friedkin! Bresson bien sûr! Dumont mixe tout. Daech, FN, transgenre, Michel Onfray. Exténuant. Louis Skorecki écrivait que L'Humanité était un film "dégueulasse". Et sans grâce.
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Supfiction »

Luchini hallucinant compose un personnage marchant comme Aldo Maccione, constamment en train d’inventer et de jouer de son corps comme De Funes et parlant comme Giscard d’Estaing.
Quant à Binoche à chaque fois que je la revoie jouer aussi mal l’évanouissement, j’en reste stupéfait et déconcerté.
J’étais passé à côté de ça à la première vision : billy est l’enfant que Binoche a eu à l’issu d’une relation avec son père et son frère.
eastcaspari a écrit :Dumont le DJ director! Antonioni, Cimino, George Miller, Friedkin! Bresson bien sûr! Dumont mixe tout.
Les bons artistes copient, les grands artistes volent.
Je vois pas trop les références mais bon, éclaire nous.

Sinon, Ma loute s’appelle Brandon, ça s’invente pas :
http://www.nordlittoral.fr/40158/articl ... e-replonge
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Re: Ma Loute (Bruno Dumont - 2016)

Message par Supfiction »

batfunk a écrit : mais celà est tempéré par le dénouement, qui laisse esperer un rapprochement entre ces 2 mondes.
Tu en es sûr ? Le regard de Joconde de Ma loute face à Billy ne semble rien donner à espérer pourtant.
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