La théorie selon laquelle Refn "plagie", "décline" à chaque nouveau film, le style d’un cinéaste voire de plusieurs, se vérifie ici une fois de plus ici avec son nouveau film, The Neon Demon, ce p'tit prout post-moderne inoffensif, vaste entreprise de profanation cinéphile (Bava, Argento, Lynch, Kubrick), expérience sensorielle à l’étrangeté brevetée, véritable “éléphant blanc” claironnant sa grandeur et son hermétisme, fable abstraite, livide et symboliste ayant pour toile de fond l’univers de la mode et ses douleurs. Un conte de fée décrivant l’histoire canonique de Jessie, gentille à la maladresse touchante dans la lignée de Carrie, découvert, propulsée et dévorée par le milieu, par une horde d'ogresses.
Un univers décrit comme il se doit par Refn; à savoir, avide, superficiel, dur, pervers. En un mot, cliché. Ce qui, pour le cinéma de Refn, constitue un défi à relever. Partir du cliché pour tenter, par l’esthétique, de le dépasser ou de le renverser. Moins dans le but de proposer une nouvelle représentation mais un nouveau revêtement. Echec d'une démarche aboutissant à la production d’une parabole à la banalité confondante, surenchère sémantique ne devant changer ni l’itinéraire ( histoire canonique de la gentille se faisant bouffer par des ogresses ) ni le ressenti ( fascination, répulsion). Traduction : dévorer par le milieu, sacrifié sur l’autel de l’image. Voilà, pour ce qui est de l'adéquation du "fond" avec la forme. Il n'en fallait pas plus, vu l’évidence du thème abordé et les nombreux clins d’oeil à la forme du conte ( mirroir à la Lewis Carroll), pour que les commentaires tombent dans le piège tendu d’une lecture réflexive, sur l’image - forcément. Des commentaires rendu possibles par l’extrême simplicité du film qui confine à l’abstraction, que ce soit en terme de figures ( j’ose à peine parler de personnages ) ou de situations rencontrées. Et, si de cette piste fertile le film ne nourrit rien ou presque, au même titre que les lens-flares dans l’image au cours dans la scène de boite qui ont fait couiner quelques uns ( c’est beau et ? ), c’est aussi parce qu’au-delà de cette esthétique, Refn ne propose rien. Il se contente, comme souvent, de redistribuer les cartes avant de rabattre son jeu, comme un joueur de seconde zone. Refn n'est pas ce que l'on appele un "game-changer". C'est un bluffeur, un petit malin qui ne veut ni changer les règles ni le jeu. Et si son cinéma aspire à la grandeur, il redonne, pourtant, de curieux gages au respect des règles. Aux clichés qu'il prétend inverser, dépasser, échouant lamentablement à livrer une cartographie émotionnelle différente. Mais aussi à inverser l’ordre d’une morale un peu édifiante, victoire de cette société du spectacle, à travers un banal repas cannibale finale qui, dans son extrême naiveté, retrouve une théatralité grand-guignolesque et amenuise, définitivement, les chances d’un film au KO technique. En cela, Refn est l’anti-thèse de son idole Kubrick : malgré la variété des sujets abordés, il n’apporte aucune brique supplémentaire à son art de la dépense energétique, résolument interdit à la maturité, sourd au changement de paradigme émotionnel. Adage des cinéastes post-modernes à la cinéphilie hyper-trophiée et autre provocateurs naifs au rang desquels il l'est rejoint glorieusement : Tarantino et Noé. Mouais.