The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Demi-Lune
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Demi-Lune »

The Boogeyman a écrit :
Demi-Lune a écrit :"[Je voulais] que Sarah devienne comme les pubs pour des parfums que j'avais tournées, d'où le logo NWR qui réapparaît à la fin."
et c'est comme ça que je l'ai perçu des le générique de début. On pense tout de suite à YSL (Yves Saint Laurent)
Idem lorsqu'il est accolé au logo titre à la fin, on pense au "John Carpenter's". Et l'effet est en soit plutôt "marrant" et au final bien anecdotique
Anecdotique ou pas, on peut quand même concéder que cela participe d'une démarche théorique puisque à ma connaissance, c'est justement la première fois que le réalisateur signe ainsi un de ses films. Il y a un logo pour ce film-ci, ce qui n'est évidemment pas neutre. Peut-être le réutilisera-t-il désormais à chaque fois, auquel cas mon argumentaire prendra du plomb dans l'aile, mais sur le plan de la cohérence interne, cette invention fait sens, que Refn soit prétentieux ou non.
(Au passage, j'ai également perçu ce logo sous l'angle humoristique... finalement un signe avant-coureur de la farce au énième degré vers laquelle le film tend)
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Supfiction
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Supfiction »

Demi-Lune a écrit : un signe avant-coureur de la farce au énième degré vers laquelle le film tend)
Je repense à ces dernières minutes de projection. Certains spectateurs sont partis avant la fin, d'autres (ma voisine entre autres) se cachaient les yeux et certains riaient de stupéfaction comme ce fut mon cas. L'atmosphère était assez particulière. Ceci dit je ne vais jamais voir de films d'horreur, c'est peut-être la norme (à la difference prêt que ce n'était pas le même public à priori).
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The Boogeyman
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par The Boogeyman »

Demi-Lune a écrit :Anecdotique ou pas, on peut quand même concéder que cela participe d'une démarche théorique puisque à ma connaissance, c'est justement la première fois que le réalisateur signe ainsi un de ses films. Il y a un logo pour ce film-ci, ce qui n'est évidemment pas neutre.
le "logo" était déjà apparu avant le générique de Neon Demon. Sur le Blu-ray de SORCERER de Friedkin et sur l'affiche de LA PLANETE DES VAMPIRES de Mario Bava qui était présenté à Cannes Classics cette année.
De là a ce qu'il devienne un Label qualité façon Label Rouge :D (après tout, Tarantino est bien devenu un adjectif... tout est possible)
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Mosin-Nagant »

Le gros "beau livre" L'Art du regard de Alan Jones, également estampillé NWR...
https://www.amazon.fr/LArt-du-regard-Al ... +du+regard
Le clin d'œil à YSL, j'y crois pas. Je pense plus à une réponse-pirouette pour les journalistes qui auraient voulu le coincer sur la question de son égo surdimensionné.
Enfin, tout de même, superbe lumière dans ce film : il peut être fier de son chef op'.
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Anorya
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Anorya »

AtCloseRange a écrit :
Demi-Lune a écrit : C'est un agacement qui revient souvent, mais j'aimerais demander aux concernés : êtes-vous pareillement agacés par Fellini, lorsqu'il apposait carrément son nom au titre de certains de ses films (Le Casanova de Federico Fellini, Fellini Roma...) ? Êtes-vous agacés par la coquetterie de Pedro Almodovar, qui ne précise pas son prénom au générique, comme s'il était une marque déposée (un film de Almodovar)* ? Étiez-vous agacés lorsque vous découvriez le "John Carpenter's" précédant le titre en ouverture d'un film ? Ou est-ce que c'est corrélé au phénomène de recul critique, qui a assis ces exemples dans une forme de consensus (en gros, des cinéastes dont l’œuvre a prouvé qu'ils pouvaient se permettre ce signe distinctif) ? Recul dont ne bénéficie pas (encore) NWR ?
Euh, ils ont attendu infiniment plus longtemps dans leur carrière avant que ça ne leur arrive.
Surtout, dans le cas de Fellini, le nom apparaît comme une caution sur ce qui est des représentations personnelles de mythes que ce soit une ville légendaire (Rome), ou un personnage apprécié ou contesté (Casanova), voire des écrits (Satyricon). Quand on voit d'autres films avant mais surtout après (E la nave va, La città delle donne), la "caution Fellini" qui marque une réappropriation personnelle disparaît car le cinéaste revient à des sujets plus libres et directement venant de lui. Plus besoin dès lors de préciser quelque chose. Je n'y vois aucunement de l'égo mais une justification d'auteur ici qui se réappropie quelque chose et qui fait montre d'un certain respect pour son public en y mettant d'emblée les formes.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Carlito Brigante »

Anorya a écrit :Surtout, dans le cas de Fellini, le nom apparaît comme une caution sur ce qui est des représentations personnelles de mythes que ce soit une ville légendaire (Rome), ou un personnage apprécié ou contesté (Casanova), voire des écrits (Satyricon). Quand on voit d'autres films avant mais surtout après (E la nave va, La città delle donne), la "caution Fellini" qui marque une réappropriation personnelle disparaît car le cinéaste revient à des sujets plus libres et directement venant de lui. Plus besoin dès lors de préciser quelque chose. Je n'y vois aucunement de l'égo mais une justification d'auteur ici qui se réappropie quelque chose et qui fait montre d'un certain respect pour son public en y mettant d'emblée les formes.[/justify]
Déjà ça mais aussi le fait que le premier film à avoir son nom accolé, Satyricon, devait pouvoir être différentiable d'une autre adaptation du livre éponyme par Gian Luigi Polidoro sortie à peine 6 mois plus tôt en Italie.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Flol »

The Boogeyman a écrit :Faut dire que quelques jours avant de découvrir Neon Demon j'ai regardé MY LIFE DIRECTED BY NWR réalisé par sa femme, et que le réalisateur est montré durant une heure comme une sorte de sale gosse capricieux qui fait des montagnes de rien...
On y voit surtout à quel point il est beaucoup moins sûr de lui et prétentieux que ce qu'il essaie de nous faire croire, tant il doute en permanence de son art, de son propre jugement et de ses capacités.
Je suis persuadé que son apparent égocentrisme, et ses réponses parfois prétentieuses en interviews ou conférences de presse, c'est de la pure pose et qu'ils n'en pensent pas un mot.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Blue »

Jusqu'à quel point une œuvre cinématographique peut-elle s'accorder à son sujet, sans pour autant s'en trouver cannibalisée à en perdre sa dimension d'oeuvre cinématographique ?
Avec "The Neon Demon", Nicolas Winding Refn a le mérite de prendre cette problématique à bras le corps, quitte à se planter. Le brillant maniériste qu'il fut ("Only God Forgives", son précédent film, naviguait avec brio entre esthétique ultra travaillée photographiée par le génie Larry Smith et propos mystico-mythologico-métaphysique passionnant à décortiquer), semble ici avoir dépassé les limites de ce qu'il est possible de cautionner. Ainsi, son dernier rejeton fait ouvertement dans la pose arty, le clinquant kitsch confondant cinéma et publicité/clip et un symbolisme lourd comme une enclume à en devenir ridicule. Le NWR cuvée 2016 est donc plus proche de ces cinéastes escrocs encensés que sont Xavier Dolan et Alejandro Gonzales Inarritu, que de maîtres comme Brian De Palma ou Quentin Tarantino qui ne perdent jamais de vue l'Art dans lequel ils évoluent, eux.
"The Neon Demon" aurait pu être le nouveau "Showgirls", mais en l'état il n'est même pas défendable comme pouvait l'être dès le départ le film réhabilité de Paul Verhoeven. Et pourtant, tout n'est pas mauvais, loin de là. On retiendra notamment le choix d'Elle Fanning, absolument parfaite dans son rôle, ainsi que certaines scènes où Refn ne se renie pas en tant que cinéaste, comme celle superbement ambiguë du shooting photo, tandis que Cliff Martinez signe une fois de plus un score grisant.

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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Watkinssien »

Blue a écrit : Le NWR cuvée 2016 est donc plus proche de ces cinéastes escrocs encensés que sont Xavier Dolan et Alejandro Gonzales Inarritu, que de maîtres comme Brian De Palma ou Quentin Tarantino qui ne perdent jamais de vue l'Art dans lequel ils évoluent, eux.

Ouais, les noms pourraient être interchangeables que ce serait de toute façon plus que discutable.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Blue »

J'ai jamais vu De Palma et Tarantino réaliser une cinématique de jeu vidéo ou un clip en plein film. Les deux autres, et maintenant Refn, si.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Watkinssien »

Blue a écrit :J'ai jamais vu De Palma et Tarantino réaliser une cinématique de jeu vidéo ou un clip en plein film. Les deux autres, et maintenant Refn, si.
Est-ce que ça suffit pour les qualifier "d'escrocs", je ne pense pas. :wink:
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Flol »

Blue a écrit :J'ai jamais vu De Palma (...) réaliser une cinématique de jeu vidéo ou un clip en plein film.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Blue »

Ratatouille a écrit :
Blue a écrit :J'ai jamais vu De Palma (...) réaliser une cinématique de jeu vidéo ou un clip en plein film.
En virant le son, juste à l'image et au montage, nul travestissement chez De Palma, ça ne marque pas de rupture par rapport au reste du film et c'est en ça que c'est très fort.

A comparer avec ça (que je n'apprécie pas, évidemment :wink: ) :
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

Message par Duke Red »

Demi-Lune a écrit :J'entends tous ces arguments, qui sont d'ailleurs relayés dans le papier au vitriol, mais inspiré, de Vincent Malausa dans L'Obs.
Spoiler (cliquez pour afficher)
"The Neon Demon" est le nouveau film de Nicolas Winding Refn, qui est un peu le Cristiano Ronaldo du cinéma contemporain : un auteur bourré de talent, que l'on aimerait admirer, mais dont l'arrogance et les simagrées de petit prince voulant jouer les Kubrick ont tendance à calmer les ardeurs de ses fans les plus transis.

Après "Drive", NWR pousse un peu plus les curseurs

Après avoir réalisé son film le plus séducteur, "Drive", le Danois aux allures de courtier en immobilier avait surpris son monde avec "Only God forgives". Un objet complètement abstrait, limite autiste, un film d'horreur claustrophobe et minéral prenant à rebrousse-poil le côté glamour de son film précédent.

"The Neon Demon" a le mérite de trancher en poussant tous les curseurs du cinéma de pure sensation de NWR à leur maximum d'intensité. Le film raconte l'arrivée à Los Angeles de Jesse, une jeune beauté diaphane (Elle Fanning) qui découvre le monde de la mode et des prédateurs qui l'environnent avant de se faire happer par un trio de femmes cannibales.

Il y a deux films dans "The Neon Demon", une série B d'horreur crasseuse qui se trame dans les recoins louches de L.A. (un vieux motel puant le viol où Jesse est menacée par quelques mâles détraqués) et un essai ésotérique sur le monde de la mode qui se transforme en trip saphique, gore et psychédélique.

Une sorte de calligraphie futuriste

Ces deux films, qui disent la passion du cinéaste pour les séries Z les plus zigouillées autant que son amour pour le vide contemporain (cinéma de velours pour salons cosy), s'entremêlent pour libérer une infinité de promesses – le conte de fée déviant, la série B creepy, le film-prototype éthéré –qui finissent toutes par s'effilocher au profit d'un long trip entièrement voué aux puissances lumineuses du cinéma.

Sur le plan de la lumière, Refn est sans égal et "The Neon demon" s'apparente à une sorte de calligraphie futuriste jouant de longs plans séquences hypnotiques. On est happé par la faculté du cinéaste à faire basculer n'importe quel espace vers une espèce d'outre monde inquiétant, lugubre et hanté par la plus radicale désolation.

Mais NWR n'est pas Kubrick et l'on sent très vite – vu qu'il ne résout rien au profit d'une mosaïque de pistes – que tout cela n'est aucunement porté par un geste fort.

De fait, le film vire plutôt à un spectacle de sons et lumières façon Jean-Michel Jarre des temps modernes : de peur de s'essouffler tant il n'a rien à dire, NWR ressemble à un DJ qui déroulerait vainement ses boucles et rubans de beauté pure. La fin complètement ratée (Refn est incapable d'aller au front et de filmer la scène de cannibalisme) résume ce qui ne fonctionne pas dans le film : l'ésotérisme, le symbolisme fin de race, la métaphore ne sont que des manières de tourner autour du pot qui empêchent le film de trouver sa cible.

Le réalisateur est-il réellement cinéaste ?

Le personnage d'Elle Fanning est pourtant porté par une belle idée, celle-ci débarquant dans un univers de femmes reptiliennes en préservant son innocence uniquement par la puissance de rayonnement de son visage. La scène satirique de casting, qui la voit s'avancer au milieu d'une foule de grues jalouses, est extraordinaire et montre précisément ce qu'est une actrice dans un monde de femmes robots : une lumière qui s'imprime plus longtemps que les autres à l'écran.

C'est au fond cette idée qui sauve "The Neon Demon". On ne peut que regretter que le projet esthétique assez fabuleux du film finisse par apparaître comme un pur simulacre : c'est pour Refn une manière d'affirmer une fois de plus son talent, mais c'est aussi une façon de multiplier les écrans pour dissimuler toutes les impuissances de son cinéma.

Refn se rêve en génie dans son délire narcissique de plus en plus écœurant de vanité (voir le NWR qui s'affiche au générique comme une sorte de logo de grande marque de luxe) et c'est bien ennuyeux. C'est un formidable alchimiste prenant le cinéma comme une matière ou une substance magique, capable de nous terrasser le temps de visons inouïes, mais il n'est toujours pas certain qu'il soit un cinéaste.
Duke Red a écrit :il y a vraiment des gens qui se sont attachés à Tom Hardy, Ryan Gosling et Elle Fanning ?
Je réagis juste là-dessus : mettre les trois dans un même panier est un peu de la mauvaise foi :mrgreen: Dans le premier cas, on a affaire à un délinquant ultra-dangereux : encore heureux que l'attachement ne soit pas au programme, ce serait comme si Kubrick voulait nous faire prendre Alex DeLarge en sympathie (au passage, je n'avais pas du tout aimé Bronson et il n'y a aucune chance que cela arrive un jour). Dans le second cas, on a affaire à un concept (ainsi que l'explicitera la fin), celui du chevalier servant protégeant la veuve et l'orphelin. Le mec est "abstrait". C'est peut-être complètement fumeux ce qui va suivre, mais c'est moins une existence diégétique qu'une existence de cinéma qu'il a, même s'il aimerait là encore traverser le miroir (comme le fait Elle Fanning dans The neon demon dans la séquence-pivot du Triangle). Dans le dernier cas, oui, l'attachement est possible et même recherché puisque la candeur du personnage d'Elle Fanning contraste avec le malaise qui émane du milieu qu'elle fréquente. Les lois dramatiques incitent à l'empathie, jusqu'à ce que le balancier s'inverse.
Donc seulement il est possible de s'attacher à elle, mais en plus, il est possible de s'attacher aussi au personnage de Jena Malone, et même, de façon inattendue, l'espace d'un moment furtif, au personnage d'Abbey Lee Kershaw - lorsque tel un de ces solitaires à la Michael Mann, elle porte son regard vers l'horizon de l'océan et, prise d'une indicible mélancolie, semble prendre conscience de sa futilité.
(Une semaine plus tard…)

(Pas mal le papier de Malausa - pour une fois qu'il ne verse pas dans l'outrance dédaigneuse ; je l'avais pas lu avant de faire ma critique, mais on utilise parfois les mêmes termes)

Sinon pour revenir sur cette idée d'attachement, je me suis peut-être mal exprimé : je ne parle pas tant de sympathie envers ces personnages que d'investissement émotionnel du spectateur. Alex DeLarge, pour reprendre ton exemple, a beau être un psychopathe, il n'en reste pas moins un être humain "crédible" - Kubrick nous montre assez de facettes de son existence (avec ses acolytes, ses parents, ses coups d'un soir) et injecte suffisamment d'humour noir pour qu'on se sente concerné par le sort du personnage, voire qu'on le plaigne lorsqu'il est soumis au traitement et en subit les conséquences.

Chez Refn, t'as affaire à des murs. Le plus "humain", c'est sûrement Bronson au fond, avec son côté chien fou, le mec a des émotions au moins. Après mes souvenirs du film sont vagues et le fait que le type existe vraiment joue peut-être inconsciemment. Gosling dans Drive, je vois où tu veux en venir avec ton explication, mais ça ne me convainc pas pour autant - disons que le bonhomme reste chiant à regarder, mais ok on s'attache par ricochet à Mulligan et son môme (enfin on a pas envie qu'il leur arrive du mal quoi, je vais quand même pas dire que ces persos sont mémorables). On monte encore d'un cran dans Only God Forgives - là le mec c'est une porte de prison, il ne dégage rien, ne ressent rien, ne s'attache à rien. Quand vient l'heure du châtiment à la fin, ça m'en touche une sans faire bouger l'autre… Quant à Elle Fanning, tant qu'elle la joue innocente et fragile, je la trouve sympathique oui (quoique creuse), mais dès qu'elle passe du coté obscur ça s'arrête net, vu qu'elle n'a pas d'autres traits de caractère auquel le spectateur peut se raccrocher.
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Re: The Neon Demon (Nicolas Winding Refn - 2016)

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Blue a écrit :En virant le son, juste à l'image et au montage, nul travestissement chez De Palma, ça ne marque pas de rupture par rapport au reste du film et c'est en ça que c'est très fort.

A comparer avec ça (que je n'apprécie pas, évidemment :wink: ) :
Sauf que la rupture stylistique que constitue cette scène "clip" dans Laurence anyways va de pair avec ce que vit le personnage de Suzanne Clément. C'est une rupture dans le style pour entériner la rupture sentimentale imminente. Encore une fois, fond et forme font sens. Fred est lessivée à ce moment du film, cette séquence de bal est donc filmée de son point de vue comme un état de grâce libérateur et, justement, à l'échelle de sa vie comme du film, comme un "break". Je trouve perso que Dolan arrive très bien à vendre cette rupture de style, en formalisant ça tout autant comme un rêve étrange que comme une respiration d'allégresse pour Fred, qui y rencontrera un autre amour. Accessoirement, c'est, pour moi, LA scène à retenir du film. :mrgreen:
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