Attention, monument !
Sans crier gare, Inarritu vient de réaliser son "chef-d’oeuvre". Fort de sa récente victoire aux oscars avec Birdman, le réalisateur mexicain le plus illustratif de la planète, a décidé de s’attaquer au délicat problème du film sensorialo-spirituel et vient d’inventer, avec The Revenant, l’anti-survivor cassoulet ou poésie Findus. L'oeuvre à superlatifs, ivre de sa propre performance technique ( Tarr et ses plans-séquences peut aller se rhabiller), si éblouissante qu’elle en devient aveuglante. Le film "éléphant blanc" par excellence.
Sorte de Tarkovsky de notre époque, infantil et bruyant, une oeuvre toute entière opposée au principe d’économie, où chaque détail veut atteindre le maximum d’intensité ou bien encore un film marchant dans les pas de Herzog cherchant la sidération mais récupérant, au final, l’aspect anecdotique du film sensoriel ( attention, film à éléments : feu-neige-air...), ambitionnant le film total (physique, spirituel, poétique) et l’hystérie du jeu à la Kinski, mais se soldant par le prototype même du film à oscars, à la grandeur sur-affichée, brassant de l'air, assorti d’un duo ô combien ridicule et concours de b… pour la palme du cabotinage, Di Caprio et Tom Hardy. Spectacle pathétique d’un Leo montrant régulièrement ses quenottes abîmées ou d’un Hardy pris en flagrant délit de marmonnage pour faire plouc - évidemment ni l’un ni l’autre n’ayant le quart du talent de Kinski. Ça se voudrait film possédé et tragique, c’est juste appliqué et fatiguant.
A ceux rêvant de voir un survival sombre et élégant, autant dire qu’ils vont être déçus. Car, de ce point de vue, on frise le hors-sujet tant le film cherche méthodiquement à éradiquer le film de vengence pour préférer celui de l’expérience sensorielle et spirituelle. En efftet, non content de régler ses comptes aux réalisateurs précités (auquel on pourrait ajouter Coppola et Malick) en réduisant leurs cinématographies respectives à un cliché, Inarritu a la prétention de s’imaginer qu’il va réussir l’oeuvre poétique en transformant son banal remake du génial Convoi sauvage en voyage vers la mort. Dead Man n’est jamais très loin. Mais un Dead man bodybuildé, où chaque flash-back pseudo hypnotisant ressemble à s’y méprendre à ces plans gladiator du champ de blé caressé par la main du défunt, où chaque feu de camp se métamorphose en suggestion d’au-delà ( image de feu filmé en contre-plongée sur fond de ciel étoilé), chaque ellipse temporelle en plan d’arbre…etc Une poésie archi-convenue, un peu nullarde, à l’image d’un survivor allongé comme un café, au gout passablement moisi.
Attention, grosse baudruche.