Warren Beatty

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Warren Beatty

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Le topic n'existait pas sur cet acteur que j'adore (Bugsy et La Fièvre dans le sang dans mon Top100, l'hilarant et capra-ien Bulworth pas très loin, Love affair puis le méconnu Las Vegas, un couple, sans oublier bien sûr John McCabe, Reds et Bonny and Clyde), qui depuis la disparition de Paul Newman représente pour moi l'héritier d'une cool attitude classique (après lui, ce sera Kevin Costner).
Sous ses allures de playboy à la réputation sulfureuse il a démontré dès ses débuts une personnalité, un point de vue et un savoir-faire hors du commun. En outre, il a un don naturel pour la comédie.
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A 77 ans, le bougre ne jette pas l'éponge. Après de longues années d'absence , il est plus actif que jamais puisqu'il est réalisateur, scénariste et producteur d'un film annoncé depuis longtemps sur la dernière histoire d'amour du milliardaire Howard Hugues.
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C'est quoi Warren Beatty ?
Soiree-warren-beatty-dimanche-04-octobre
De son premier grand rôle au cinéma (La fièvre dans le sang, 1961) jusqu'à Bulworth (1998), il aura cherché et fuit avec la même ardeur les feux des projecteurs. Irrésistible incarnation du mâle américain et collectionneur de femmes, l'acteur-producteur-scénariste et finalement réalisateur oscarisé Warren Beatty incarne à lui seul le génie, la candeur et les excès d'Hollywood.

Devenu, dès l'âge de 30 ans, grâce à «Bonnie and Clyde», prince de ce royaume du cinéma qu'il a passionnément voulu conquérir, il mettra la même obstination à se dérober à ses diktats, se réfugiant dans le silence à intervalles réguliers et rejetant projets et rôles.

Sa flamboyante carrière se lit à l'aune de cette ambivalence, à l'image de la brève campagne à l'élection présidentielle de 2000 que cet homme de gauche entame avec fougue puis abandonne subitement, sans donner d'autre raison que son envie d'être ailleurs.

Avec, peut-être, une exception : «Reds», son deuxième film en tant que réalisateur, couronné d'un Oscar en 1981. Peut-être ce perfectionniste, capable de travailler des années sur un projet qui lui tient à cœur, n'est-il devenu star que pour convaincre les studios de faire du journaliste communiste John Reed, épouvantail de l'Amérique, le héros d'une éblouissante fresque hollywoodienne. C'est l'une des séduisantes hypothèses avancées par Olivier Nicklaus dans ce portrait romanesque, à la mesure de son sujet, composé exclusivement d’images d’archives et de séquences d’animation, qui traverse quarante ans de cinéma, entre modernité et nostalgie.
Pendant vingt ans, Warren Beatty a été le roi de Hollywood, un statut entériné par son Oscar décroché en 1981.
Tel un caméléon, Beatty a su en effet brillamment enchainer les métamorphoses : playboy, jeune premier à succès, producteur, et réalisateur.
En dépit de ces réussites éclatantes, au fil du temps, Beatty s’est mis à tourner un visage de plus en plus ombrageux au monde du cinéma, jusqu’à se faire particulièrement rare ces vingt dernières années.
Beatty vient de mettre un point final à ce qui sera certainement son film-testament, un biopic sur les dernières années du nabab Howard Hughes.
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FILMOGRAPHIE

1959 : Dobie Gillis (série télévisée) : Milton Armitage
1961 : Le Visage du plaisir (The Roman Spring of Mrs. Stone) de José Quintero : Paolo di Leo
1961 : La Fièvre dans le sang (Splendor in the Grass) d'Elia Kazan : Bud Stamper
1962 : L'Ange de la violence (All Fall Down) de John Frankenheimer : Berry-Berry Willart
1964 : Lilith de Robert Rossen : Vincent Bruce
1965 : Promise Her Anything d'Arthur Hiller : Harley Rummell
1965 : Mickey One d'Arthur Penn : Mickey One
1966 : Le Gentleman de Londres (Kaleidoscope) de Jack Smight avec Susannah York : Barney Lincoln
1967 : Bonnie et Clyde (Bonnie and Clyde) d'Arthur Penn : Clyde Barrow (également producteur)
1970 : Las Vegas, un couple (The Only Game in Town) de George Stevens : Joe Grady
1971 : Dollars de Richard Brooks : Joe Collins
1971 : John McCabe (McCabe & Mrs. Miller) de Robert Altman : John McCabe (également scénariste[réf. nécessaire])
1974 : À cause d'un assassinat (The Parallax View) d'Alan J. Pakula : Joseph Frady
1975 : La Bonne Fortune (The Fortune) de Mike Nichols : Nicky Wilson
1975 : Shampoo de Hal Ashby : George Roundy (également scénariste et producteur)
1978 : Le ciel peut attendre (Heaven Can Wait) de lui-même : Joe Pendleton / Leo Farnsworth / Tom Jarrett (également scénariste producteur)
1981 : Reds de Warren Beatty : John Silas « Jack » Reed (également scénariste producteur)
1987 : Ishtar d'Elaine May : Lyle Rogers (également producteur)
1990 : Dick Tracy de lui-même : Dick Tracy (également producteur)
1991 : Bugsy de Barry Levinson : Ben « Bugsy » Siegel (également producteur)
1991 : In Bed with Madonna (Madonna: Truth or Dare) d'Alek Keshishian : lui-même
1994 : Rendez-vous avec le destin (Love Affair) de Glenn Gordon Caron : Mike Gambril (également scénariste et producteur)
1998 : Bulworth de lui-même : Jay Billington Bulworth (également scénariste et producteur)
2001 : Potins mondains et amnésies partielles (Town & Country) de Peter Chelsom : Porter Stoddard
2015 : Howard Hugues projet (également réalisateur, scénariste et producteur)
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Dernière modification par Supfiction le 2 oct. 15, 17:10, modifié 2 fois.
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Love affair (1994)


Réalisation : Glenn Gordon Caron
Avec : Annette Bening et Warren Beatty


Il s'agit de la troisième version de cette histoire après l'original Elle et lui "Love Affair" en 1939, avec Irene Dunne et Charles Boyer, le premier remake Elle et lui "An Affair to Remember" en 1957, avec Deborah Kerr et Cary Grant.
Versions auxquelles il faut rajouter également le vrai/faux remake Nuits blanches à Seattle "Sleepless in Seattle" en 1993, avec Tom Hanks et Meg Ryan (qui jouait une obsédée du film de 1957, finissant par reproduire la fameuse scène du rendez-vous du 8 Mai en haut de l'Empire State Building.
Cette version de 1994 a un titre français, Rendez-vous avec le destin, je ne sais pas pourquoi car de mémoire, le film n'a jamais eu le droit à une sortie dans les salles françaises et encore moins en VHS, dvd, vod, télé..

Passons tout de suite sur le point faible de cet ultime remake : la réalisation de Glenn Gordon Caron. Sans imagination, sans ambition esthétique, d'une grande platitude et avec des moyens visiblement limités, surtout en comparaison avec la luxueuse version technicolor de 1957 (il y a par exemple souvent pas ou peu de figurants à l'écran autour des deux acteurs). Tout cela donne à cette version des allures de téléfilm. C'est vraiment dommage car le couple Bening/Beatty fait des merveilles au point de se hisser largement au niveau de ses illustres prédécesseurs (voire au delà, pour part et pourtant j'avais un gros faible pour Irène Dunne face à Charles Boyer), exploit qui semblait déjà impossible au moment du premier remake.

Beatty est l'acteur idéal dans ce rôle qui semble avoir été créé pour lui. Son personnage est le playboy et ex-quarterback Mike Gambril, pratiquement le même personnage que son Joe Pendleton dans Heaven Can Wait / Le ciel peut attendre (réalisé et joué par la star en 1978). Alors qu'il est sur le point de se marier avec une millionnaire et star de la télé (Kate Capshaw), il tombe amoureux au premier regard de Terry McKay (Bening), designer d'intérieur et musicienne, au cours du trajet en avion pour rejoindre sa fiancée.
"You know, I've never been faithful to anyone in my whole life." lui dit-il au cours du film. C'est une ligne de dialogue du film qui semble être tirée de leur vie privée et avoir été prononcée pour de vrai à l'issue de leur rencontre sur le tournage de Bugsy durant lequel ils sont tombés amoureux.
Anette Bening est à tomber, moins romantique que Deborah Kerr, plus indépendante et plus forte très certainement, bref plus moderne, et pourtant extrêmement attendrissante.
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Le reste du casting est au diapason : la tante, rôle crucial dans l'affaire puisque c'est de sa rencontre avec Terry McKay que naît la liaison amoureuse (la jeune femme ayant alors l'opportunité de voir en son prétendant autre chose qu'un séducteur beau parleur), est incarnée par une Katharine Hepburn tremblotante. Elle est parfaite pour ce rôle à ce moment de sa vie (à plus de 80 ans, 87 en fait, elle n'a jamais jusqu'alors semblé aussi petite et fragile) et son excentricité naturelle ("If I knew I was going to live to 86 I wouldn't have let the maid go") sied parfaitement à ce rôle de grand-mère retirée du monde sur une île sauvage (les extérieurs sont magnifiques d'ailleurs et participent au romantisme et au mysticisme de cette séquence clef). C'est son dernier film.
La connivence Hepburn / Bening est immédiate et surtout, on voit très distinctement dans les yeux d'Annette l'émotion et l'admiration qu'elle éprouve à ce moment là pour la femme et l'actrice légendaire. Acteurs et personnages se confondent alors. Ils savent que le moment est unique et qu'ils ne se reverront probablement plus. Le film prend à ce moment une autre ampleur et l'émotion restera présente jusqu'à la fin. C'est pratiquement un exploit de réussir une histoire d'amour sans absolument aucune nunucherie en 1994. Tels les films de Bogdanovitch, ce Elle et lui est l'alliance de classicisme, de cinéphilie et de modernité.

Quant à Pierce Brosnan, il était décidément dans sa période cocu/ dindon de la farce (puisqu'il tenait le même genre de rôle dans Madame Doubtfire). Il était temps qu'il fasse James Bond..

Kate Capshaw est le pendant féminin de Brosnan, ils sont les amants délaissés par les deux protagonistes de cette histoire d'amour inattendue.

Le scénario de Robert Towne ("l'ancien talent des 70's") et Warren Beatty est assez proche du scénario original, à l'exception notable de la rencontre qui a lieu dans un avion juste avant son atterrissage en catastrophe sur un cailloux du pacifique. La séquence de la croisière mondaine a disparu, remplacée par un sauvetage sur un bateau russe (séquence étonnante durant laquelle les marins russes chantent du Beach Boys et apprennent à Terry McKay à boire à la russe, comme si les scénaristes s'amusaient eux-même de cette réconciliation Est-Ouest inattendue).
Du coup, on ne retrouve pas tout à fait le charme et la magie de la première version, ni la comédie de quiproquos (Deborah Kerr et Cary Grant déjeunant dos à dos scrutés par les autres passagers). Les scénaristes Towne et Beatty auront très probablement jugé que cette séquence ne fonctionnait plus en 1994. Ils n'ont peut-être pas eu tort d'ailleurs. Et puis cela donne surtout au film son indentité proche, évitant le copier-collé. Il y a bien un ou deux paparazzis qui rodent mais Beatty n'en use pas comme prétexte à la comédie.

Privé de ces éléments de comédie, le film se fait plus adulte et réaliste, moins drôle mais plus intemporel tout en étant totalement dans son époque. A ce titre, il réussit le petit exploit d'être pleinement une histoire d'amour des années 90 et ne jamais paraître empêtré dans les mécanismes trop bien huilés de la comédie romantique post-Quand Harry rencontre Sally.
En fait, la seule chose qui intéresse Beatty c'est Annette. Et comme on le comprend! Si elle ressemble physiquement davantage à Deboirah Kerr, elle est souvent plus proche du jeu taquin d'Irène Dunn face à Charles boyer. Elle laisse par exemple croire à Beatty qu'ils se sont déjà connu par le passé, le plongeant dans l'embarras.
"I like watching you move"
Ajoutez à cela une partition romantique juste ce qu'il faut du légendaire Ennio Morricone (dont la musique accompagnait déjà les premiers émois du couple Beatty/Bening dans Bugsy, très proche d'ailleurs dans son style langoureux) ainsi qu'une chanson de Louis Armstrong pour l'ambiance rétro à la woody allen et vous obtenez un film délicieusement romantique (et non une comédie romantique) injustement exclue des écrans français à sa sortie. Trois versions de cette histoire et trois bijoux, qui aurait cru cela possible.

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Re: Warren Beatty

Message par Supfiction »

Le 12 avril 2017

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La première du film a eu lieu avant-hier.
http://www.purepeople.com/media/warren- ... g_m2815314
Dernière modification par Supfiction le 12 nov. 16, 15:05, modifié 2 fois.
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Alexandre Angel
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Re: Warren Beatty

Message par Alexandre Angel »

Merci pour cette agréable info. Pour ma part, Reds est un film que j'aime un peu plus à chaque nouvelle vision.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)

Message par Supfiction »

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Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)
En 1958, la jeune Marla Mabrey débarque à Hollywood pour devenir actrice. Elle fait la connaissance de Frank Forbes, un jeune chauffeur ambitieux arrivé quelques semaines auparavant à Los Angeles. Tous deux vont alors se faire employer par le célèbre milliardaire Howard Hughes. Ils finissent par tomber amoureux, malgré les règles imposées par leur imprévisible patron.


En découvrant cette ultime réalisation de Warren Beatty, on pense inévitablement à Aviator, les deux films traitant du même personnage mythique d'Howard Hughes à la différence prêt que le scénario se concentre ici sur la dernière partie de la vie du milliardaire. Beatty est d'ailleurs au moins 30 ans plus âgé que son personnage mais cela passe très bien, d'autant plus que Hughes lui-même était prématurément vieilli d'une quinzaine d'années suite à un grave accident d'avion lors d'un essai. Il portait d'ailleurs un chapeau pour masquer une partie de son visage balafré. Rules don't apply pourrait donc être la suite d'Aviator, il y a d'ailleurs dans les deux films le même épisode célèbre du décollage de l'hydravion king size, le "Hercules", si le ton n'était pas si différent, résolument plus léger et mélancolique chez Beatty (à son image!), dramatique et romantique que chez Scorsese.

Au delà d'un nouveau portrait du milliardaire, rapidement, c'est à Warren Beatty, la légende d'Hollywood auquel on pense quand on est fidèle de l'acteur-réalisateur-producteur, dernier géant (avec Redford et Eastwood) d'une génération bénie d'acteurs ayant débutés à la fin de l'âge d'or d'Hollywood. Beatty boucle en quelque-sorte la boucle avec ce film sur le Hollywood de ses débuts (le récit se passe en 1958, Beatty commence officiellement sa carrière en 1959). Qu'il s'agisse de Bugsy, Bulworth ou de ce biobic sur Howard Hugues (et même dans une moindre mesure de Reds), on retrouve dans chacune de ses réalisations, en sous-texte, la personnalité de Beatty qui innerve le personnage, souvent incontrôlable et en marge, semblant avoir toujours un temps d'avance sur ses interlocuteurs quitte à passer à moitié pour un fou ou au mieux pour un excentrique iconoclaste. Une personnalité également traversée de gravité et d'une profonde mélancolie sublimement exprimée ici par la 5ème symphonie Adagietto de Mahler.

Ainsi, une fois encore, l'acteur constitue le centre de gravité du récit qui n'est cependant pas un biopic. Un peu à la manière de Life, le film d'Anton Corbijn évoquant James Dean à travers un photographe, on observe ici Hawks/Beatty à travers les yeux du jeune assistant à tout faire Frank Forbes dont l'ambition secrète est de proposer au milliardaire de l'associer dans son rêve immobilier aux alentours de Mulholland drive.
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Warren Beatty met l'accent sur la peur de vieillir d'Howard Hawks, sa paranoïa (justifiée, il fut suivi et mis sur écoute pendant des années par les fédéraux) et son obsession du contrôle d'image (il employait des sosies, plus jeunes, chargés de se faire passer pour lui là où il n'était pas), écartant d'autres traits de sa personnalité hors normes davantage mis en avant par Scorsese comme son obsession hygiéniste. Pas de kleenex ici donc mais tout de même de savoureuses anecdotes sur la peur des maladies vénériennes ou ses consignes pour la protection des parties intimes des jeunes filles. En filigrane de ces obsessions, il y a le rapport au père ("toujours là" par la transmission de l'ADN) et à la mort : toute sa vie, Hawks aura été un fils et refusa la paternité. Beatty fut père pour la première fois en 1992, à 55 ans, après une longue vie de "célibat".

Pour les deux jeunes protagonistes, Marla, la starlette innocente venue de Virginie accompagnée de sa mère (Annette Bening) pour passer des essais à Hollywood et Franck, jeune ambitieux en quête de financements pour ses projets immobiliers, les rêves passent par l'ogre milliardaire, véritable prédateur sexuel vampirisant la jeunesse.
Marla est un personnage fictif mais elle pourrait très bien être le substitut de la jeune Terry Moore venue avec sa mère et avec qui Hughes se maria en croisière, cérémonie qui ne fut pas reconnue par la justice lors du décès du milliardaire en 1976. Hughes promis le mariage à plusieurs actrices, sans parler de toutes celles avec qui il eut des relations de Lana Turner à Cyd Charisse, la liste serait trop longue (en gros toutes les plus belles filles d'après-guerre).
Pour jouer Marla, Beatty a fait des merveilles dans la direction d'acteur en misant sur la peu remarquée Lily Colins (dont le principal fait d'arme jusqu'ici était le Blanche neige avec Julia Roberts..) qui trouve ici de belles nuances, alternant constamment entre innocence ingénue et audace.
Le jeune Frank Forbes est lui incarné par le très bon Alden Ehrenreich aperçu dans Blue Jasmine (il jouait le fils de Jasmine/Cate Blanchett) et Ave Cesar! des frères Coen, et qui tente actuellement l'impossible : reprendre le rôle de Han Solo). C’est un acteur qui en fait peu mais réussit parfaitement à faire passer l’essentiel.
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A noter que le reste du casting est de grande qualité : Annette Bening, Ed Harris, Haley Bennett (la starlette qui monte), Oliver Platt (fidèle à lui-même). On y trouve également les savoureux Alec Baldwin (qui jouait Juan Trippe dans Aviator), Matthew Broderick (très bon dans un second rôle d'homme à tout faire) et Martin Sheen (reprenant le rôle de Noah Dietrich joué par John C. Reilly dans Aviator).

Au-delà du double portrait Hughes/Beatty, le film raconte une belle histoire d'amour contrariée entre deux jeunes ambitieux. J'ai cherché pendant un moment à quoi ce mélodrame tragi-comique me faisait penser et finalement trouvé. Il y a dans Rules don't apply un petit quelque-chose de la tragédie Marius-Fanny-Panisse. Mais je n'en dirai pas plus..

"Rules don't apply", ce titre (à la fois du film et de la chanson écrite par Marla dans le film) s'applique aussi parfaitement à Beatty lui-même. Il aura mené sa carrière (et sa vie privée) comme il l'entendait jusqu'au bout, producteur de presque tous ses films, souvent scénariste et réalisateur (comme Clint Eastwood, sauf qu'il n'a jamais renoncé à se mettre en scène).

L'épilogue est pour la légende. Beatty tire lui-même littéralement le rideau sur son personnage. Sur l'écran et sur sa carrière. Bye bye le héros que j'aimais.
Dernière modification par Supfiction le 22 avr. 17, 16:35, modifié 5 fois.
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Boubakar
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Re: Warren Beatty

Message par Boubakar »

Merci pour cet avis ; la sortie du film a non seulement été annulée en salles, mais le blu-ray américain est uniquement en zone A, ce qui le rend compliqué à voir.
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odelay
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Re: Warren Beatty

Message par odelay »

Il va falloir espérer une sortie UK (ou alors ici en BR, mais j'ai peur que non, on auyra au mieux le DVD)
7swans
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Re: Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)

Message par 7swans »

Supfiction a écrit :
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Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)
En 1958, la jeune Marla Mabrey débarque à Hollywood pour devenir actrice. Elle fait la connaissance de Frank Forbes, un jeune chauffeur ambitieux arrivé quelques semaines auparavant à Los Angeles. Tous deux vont alors se faire employer par le célèbre milliardaire Howard Hughes. Ils finissent par tomber amoureux, malgré les règles imposées par leur imprévisible patron.

En découvrant cette ultime réalisation de Warren Beatty, on pense inévitablement à Aviator, les deux films traitant du même personnage mythique d'Howard Hughes à la différence prêt que le scénario se concentre ici sur la dernière partie de la vie du milliardaire. Beatty est d'ailleurs au moins 30 ans plus âgé que son personnage mais cela passe très bien, d'autant plus que Hughes lui-même était prématurément vieilli d'une quinzaine d'années suite à un grave accident d'avion lors d'un essai. Il portait d'ailleurs un chapeau pour masquer une partie de son visage balafré. Rules don't apply pourrait donc être la suite d'Aviator, il y a d'ailleurs dans les deux films le même épisode célèbre du décollage de l'hydravion king size, le "Hercules", si le ton n'était pas si différent, résolument plus léger et mélancolique chez Beatty (à son image!), dramatique et romantique que chez Scorsese.

Au delà d'un nouveau portrait du milliardaire, rapidement, c'est à Warren Beatty, la légende d'Hollywood auquel on pense quand on est fidèle de l'acteur-réalisateur-producteur, dernier géant (avec Redford et Eastwood) d'une génération bénie d'acteurs ayant débutés à la fin de l'âge d'or d'Hollywood. Beatty boucle en quelque-sorte la boucle avec ce film sur le Hollywood de ses débuts (le récit se passe en 1958, Beatty commence officiellement sa carrière en 1959). Qu'il s'agisse de Bugsy, Bulworth ou de ce biobic sur Howard Hugues (et même dans une moindre mesure de Reds), on retrouve dans chacune de ses réalisations, en sous-texte, la personnalité de Beatty qui innerve le personnage, souvent incontrôlable et en marge, semblant avoir toujours un temps d'avance sur ses interlocuteurs quitte à passer à moitié pour un fou ou au mieux pour un excentrique iconoclaste. Une personnalité également traversée de gravité et d'une profonde mélancolie sublimement exprimée ici par la 5ème symphonie Adagietto de Mahler.

Ainsi, une fois encore, l'acteur constitue le centre de gravité du récit qui n'est cependant pas un biopic. Un peu à la manière de Life, le film d'Anton Corbijn évoquant James Dean à travers un photographe, on observe ici Hawks/Beatty à travers les yeux du jeune assistant à tout faire Frank Forbes dont l'ambition secrète est de proposer au milliardaire de l'associer dans son rêve immobilier aux alentours de Mulholland drive.
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Warren Beatty met l'accent sur la peur de vieillir d'Howard Hawks, sa paranoïa (justifiée, il fut suivi et mis sur écoute pendant des années par les fédéraux) et son obsession du contrôle d'image (il employait des sosies, plus jeunes, chargés de se faire passer pour lui là où il n'était pas), écartant d'autres traits de sa personnalité hors normes davantage mis en avant par Scorsese comme son obsession hygiéniste. Pas de kleenex ici donc mais tout de même de savoureuses anecdotes sur la peur des maladies vénériennes ou ses consignes pour la protection des parties intimes des jeunes filles. En filigrane de ces obsessions, il y a le rapport au père ("toujours là" par la transmission de l'ADN) et à la mort : toute sa vie, Hawks aura été un fils et refusa la paternité. Beatty fut père pour la première fois en 1992, à 55 ans, après une longue vie de "célibat".

Pour les deux jeunes protagonistes, Marla, la starlette innocente venue de Virginie accompagnée de sa mère (Annette Bening) pour passer des essais à Hollywood et Franck, jeune ambitieux en quête de financements pour ses projets immobiliers, les rêves passent par l'ogre milliardaire, véritable prédateur sexuel vampirisant la jeunesse.
Marla est un personnage fictif mais elle pourrait très bien être le substitut de la jeune Terry Moore venue avec sa mère et avec qui Hughes se maria en croisière, cérémonie qui ne fut pas reconnue par la justice lors du décès du milliardaire en 1976. Hughes promis le mariage à plusieurs actrices, sans parler de toutes celles avec qui il eut des relations de Lana Turner à Cyd Charisse, la liste serait trop longue (en gros toutes les plus belles filles d'après-guerre).
Pour jouer Marla, Beatty a fait des merveilles dans la direction d'acteur en misant sur la peu remarquée Lily Colins (dont le principal fait d'arme jusqu'ici était le Blanche neige avec Julia Roberts..) qui trouve ici de belles nuances, alternant constamment entre innocence ingénue et audace.
Le jeune Frank Forbes est lui incarné par le très bon Alden Ehrenreich aperçu dans Blue Jasmine (il jouait le fils de Jasmine/Cate Blanchett) et Ave Cesar! des frères Coen, et qui tente actuellement l'impossible : reprendre le rôle de Han Solo). C’est un acteur qui en fait peu mais réussit parfaitement à faire passer l’essentiel.
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A noter que le reste du casting est de grande qualité : Annette Bening, Ed Harris, Haley Bennett (la starlette qui monte), Oliver Platt (fidèle à lui-même). On y trouve également les savoureux Alec Baldwin (qui jouait Juan Trippe dans Aviator), Matthew Broderick (très bon dans un second rôle d'homme à tout faire) et Martin Sheen (reprenant le rôle de Noah Dietrich joué par John C. Reilly dans Aviator).

Au-delà du double portrait Hughes/Beatty, le film raconte une belle histoire d'amour contrariée entre deux jeunes ambitieux. J'ai cherché pendant un moment à quoi ce mélodrame tragi-comique me faisait penser et finalement trouvé. Il y a dans Rules don't apply un petit quelque-chose de la tragédie Marius-Fanny-Panisse. Mais je n'en dirai pas plus..

"Rules don't apply", ce titre (à la fois du film et de la chanson écrite par Marla dans le film) s'applique aussi parfaitement à Beatty lui-même. Il aura mené sa carrière (et sa vie privée) comme il l'entendait jusqu'au bout, producteur de presque tous ses films, souvent scénariste et réalisateur (comme Clint Eastwood, sauf qu'il n'a jamais renoncé à se mettre en scène).

L'épilogue est pour la légende. Beatty tire lui-même littéralement le rideau sur son personnage. Sur l'écran et sur sa carrière. Bye bye le héros que j'aimais.
Dispo sur Amazon Prime.
Comme les Notting Hillbillies : "Missing...Presumed Having a Good Time (on Letterboxd : https://letterboxd.com/ishenryfool/)"
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Re: Warren Beatty

Message par hansolo »

Oui, c'est d'ailleurs une exclu mondiale apparemment: le film n'est pas dispo sur Prime USA ni UK!

Assez intrigué par ce film qui a fait un mégabide aux US (et n'a donc été distribué quasiment pas ailleurs)
- What do you do if the envelope is too big for the slot?
- Well, if you fold 'em, they fire you. I usually throw 'em out.

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Re: Rules don't apply (2016, de Warren Beatty)

Message par hansolo »

Supfiction a écrit : En 1958, la jeune Marla Mabrey débarque à Hollywood pour devenir actrice. Elle fait la connaissance de Frank Forbes, un jeune chauffeur ambitieux arrivé quelques semaines auparavant à Los Angeles. Tous deux vont alors se faire employer par le célèbre milliardaire Howard Hughes. Ils finissent par tomber amoureux, malgré les règles imposées par leur imprévisible patron.

En découvrant cette ultime réalisation de Warren Beatty, on pense inévitablement à Aviator, les deux films traitant du même personnage mythique d'Howard Hughes à la différence prêt que le scénario se concentre ici sur la dernière partie de la vie du milliardaire. Beatty est d'ailleurs au moins 30 ans plus âgé que son personnage mais cela passe très bien, d'autant plus que Hughes lui-même était prématurément vieilli d'une quinzaine d'années suite à un grave accident d'avion lors d'un essai. Il portait d'ailleurs un chapeau pour masquer une partie de son visage balafré. Rules don't apply pourrait donc être la suite d'Aviator, il y a d'ailleurs dans les deux films le même épisode célèbre du décollage de l'hydravion king size, le "Hercules", si le ton n'était pas si différent, résolument plus léger et mélancolique chez Beatty (à son image!), dramatique et romantique que chez Scorsese.

...

"Rules don't apply", ce titre (à la fois du film et de la chanson écrite par Marla dans le film) s'applique aussi parfaitement à Beatty lui-même. Il aura mené sa carrière (et sa vie privée) comme il l'entendait jusqu'au bout, producteur de presque tous ses films, souvent scénariste et réalisateur (comme Clint Eastwood, sauf qu'il n'a jamais renoncé à se mettre en scène).

L'épilogue est pour la légende. Beatty tire lui-même littéralement le rideau sur son personnage. Sur l'écran et sur sa carrière. Bye bye le héros que j'aimais.
Vu.
J'ai passé un agréable moment, mais je suis moins enthousiaste que toi.

L'histoire racontée est a mi chemin entre Aviator et The Hoax de Lasse Hallström.

A vrai dire j'ai eu beaucoup de mal a saisir la relation Marla/Frank ... ils développent une certaine complicité mais
Spoiler (cliquez pour afficher)
malgré une attirance, je n'ai pas vu se développer de véritable relation amoureuse entre les 2, avec un pseudo triangle amoureux qui ne fonctionne pas ...
Je comprends d'autant moins la scène finale - quand Frank et Marla partent ensemble. Je n'ai pas non plus saisi si Matt était le fils de Forbes ou de Hugues ? Même si le scénario tente de nous vendre, assez lourdement, que c'est le fils de Forbes; j'ai trouvé cette présentation très maladroite.
Si c'est le cas, ça induit un aspect machiavelique chez Marla (la scène ou elle dit a Hugues que l'enfant est le sien) qui contredit le reste du film ...
Lily Collins joue excellemment (une revelation: je n'ai vu aucun de ses autres films), Alden Ehrenreich fait le job mais rien d'exceptionnel a mes yeux - il est très fade, même si ca correspond a son rôle. Warren Beatty se régale dans un rôle taillé sur mesure.
Accompagnement musical agréable mais certains morceaux s'harmonisent peu avec les scènes qu'ils accompagnent.
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Le grand saut - Joel & Ethan Coen (1994)
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Watkinssien
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Re: Warren Beatty

Message par Watkinssien »

Warren Beatty est synonyme pour moi de grand talent et de grosse classe. Son dernier film en tant que réalisateur n'est pas une réussite, loin s'en faut, mais on sent tellement que les sujets employés sont une vision personnelle d'un acteur de légende qui a toujours montré une audace assez incroyable à monter ses propres sujets ou à suivre des œuvres qui l'interpellent de manière importante. Intégrité totale, vision hautement digérée d'une personnalité qui a connu tous les affres d'un système qu'il aime énormément tout autant qu'il pointe des anomalies perçues par le prisme d'un Hugues déviant et sage à la fois.

J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour Beatty, ses choix d'acteurs (la révélation magnifique du sublime La fièvre dans le sang, son grandiose rôle emblématique dans Bonnie and Clyde, sa capacité à apporter une sobriété au service de quelque chose de plus important dans The Parallax View, etc...), ses films en tant que réalisateurs (je ne suis pas un fana mais il a le mérite de mettre en avant des projets assez singuliers), ses engagements humanistes... Et avec ce film, il y a quelque chose d'attachant à voir ce salut (d'adieu?) d'un homme de cinéma comme Warren Beatty.
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Alexandre Angel
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Re: Warren Beatty

Message par Alexandre Angel »

J'avoue que j'ai toujours été, du point de vue que tu viens de développer, un admirateur de Reds même si ce n'est pas un film qui me rappelle régulièrement à lui (je l'aurais infiniment moins vu que Heaven's Gate).
Il n'empêche, c'est gonflé de la part d'une telle star américaine de mettre autant de drapeaux rouges dans un film, et qui plus est, le sien!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Warren Beatty

Message par Torrente »

Watkinssien a écrit :Warren Beatty est synonyme pour moi de grand talent et de grosse classe. Son dernier film en tant que réalisateur n'est pas une réussite, loin s'en faut, mais on sent tellement que les sujets employés sont une vision personnelle d'un acteur de légende qui a toujours montré une audace assez incroyable à monter ses propres sujets ou à suivre des œuvres qui l'interpellent de manière importante. Intégrité totale, vision hautement digérée d'une personnalité qui a connu tous les affres d'un système qu'il aime énormément tout autant qu'il pointe des anomalies perçues par le prisme d'un Hugues déviant et sage à la fois.

J'ai toujours eu beaucoup d'admiration pour Beatty, ses choix d'acteurs (la révélation magnifique du sublime La fièvre dans le sang, son grandiose rôle emblématique dans Bonnie and Clyde, sa capacité à apporter une sobriété au service de quelque chose de plus important dans The Parallax View, etc...), ses films en tant que réalisateurs (je ne suis pas un fana mais il a le mérite de mettre en avant des projets assez singuliers), ses engagements humanistes... Et avec ce film, il y a quelque chose d'attachant à voir ce salut (d'adieu?) d'un homme de cinéma comme Warren Beatty.
'Nuff said!!!! 8)
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AtCloseRange
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Re: Warren Beatty

Message par AtCloseRange »

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Re: Warren Beatty

Message par Supfiction »

Un duo d'acteurs que je rêverai de découvrir :

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