Marco Bellocchio

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jack Carter
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Re: Marco Bellocchio

Message par Jack Carter »

Vu quelques Bellocchio à La Rochelle en 2015, Les Yeux, la bouche m'avait bien ennuyé et je m'etais endormi pas mal devant Henri IV :lol:

parmi mes préférés : La Chine est proche, Vincere (que je considere comme son chef d'oeuvre), Le Prince de Hombourg, ainsi que son tout dernier, qui sort à la fin du mois
Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
bruce randylan
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

Demi-Lune a écrit :
bruce randylan a écrit :Ce soir, j'en ai tenté deux (au hasard du calendrier) : Le Diable au corps (1985) et Les yeux, la bouche (1982)
Sans être aussi violent que le rejet du saut dans le vide, je dois avouer que ces deux titres n'ont pas provoqué autre chose qu'un profond ennui, parfois teinté d'agacement.
Bon, merci de me confirmer dans ma non-envie d'aller voir quelques trucs dans cette rétrospective.
Je ne bosse pas cette semaine donc je peux en faire quelques uns en journée mais pas nécessairement ceux qu'on m'avait conseillé. :|
Jack Carter a écrit :Vu quelques Bellocchio à La Rochelle en 2015, Les Yeux, la bouche m'avait bien ennuyé et je m'etais endormi pas mal devant Henri IV :lol:
Justement découvert Henri IV, le roi fou (1983) qui est pas si mal. Bon cette fois, le problème c'est que c'est limite trop explicatif. Bellocchio traite une nouvelle fois de la folie via Mastroianni qui s'imagine être Henri IV depuis 20 ans suite à une chute de cheval sauf que le discours "l'aliénation, c'est les autres" est bien démonstratif dans le dernier acte et oublie surtout sa dimension troublante au passage. A se demander si la présence de deux poids lourd au casting (Marcello Mastroianni et Claudia Cardinale) n'a pas aseptisé son cinéma.
Le traitement est en tout cas assez superficiel et, sorti de son postulat, le scénario ne va pas bien loin et élude tous les points les plus intéressant du récit : comment les "figurants" acceptent-ils ce rôle depuis 20 ans ? comment financer ça ? Comment entretenir l'isolation de Mastroianni (alors qu'on voit clairement des routes et des villages dans le voisinage ; et sans doute des avions) ? Comment fonctionne la mémoire de Mastroianni ?
Sans oublier les péripéties du dernier acte qui aurait pu donner des situations autrement plus forte : le "réveil" à la réalité, la mère et la fille jouant le même rôle, la confrontations avec l'absurdité des visiteurs...

Bon, après, c'est pas non déplaisant. Ca dure 90 minutes, ça tient la route visuellement et Mastroianni est toujours classe (dommage que Cardinale soit si mal exploitée en revanche).


Le Rêve du papillon (1993)

Un metteur en scène de théâtre découvre que son comédien ne s'exprime que sur scène ou au travers de précédent rôle. Ce mutisme, volontaire, lui donne envie de monter une pièce sur les raisons qui l'ont poussés à ce choix. Mais ses proches ont bien du mal à la formuler de manière artistique.

L'histoire est toujours autant nébuleuse pour ne pas dire abstraite mais Bellocchio a la bonne idée de tirer son récit vers la fable et l'allégorie en piochant dans la mythologie grecque et biblique. Et surtout, la réalisation est autrement plus maîtrisée que durant les 80's avec une photo par moment somptueuse (avec un clair obscur de toute beauté), une plus grande variété au sens du cadre et une caméra plus lyrique pour quelques moments de grâces.

Après, ça demeure profondément inégal avec en particulier un tiers central assez plombant. Mais la première demi-heure et surtout le dernier quart sont autrement plus convainquants.
Le début est assez intriguant avec une mise en place qui multiplie les personnages secondaires (dont certains ne feront que passer - cf le metteur en scène) pour dresser un portrait en creux d'un personnage mutique mais dont tout le monde parle pour dire au final qu'ils ne savent pas comment raconter son histoire puisque son Geste appartient à la poésie et à l'absence du Verbe. Il y alors une atmosphère flottante éthérée, proche en effet du songe qui maintient l'intérêt.
Le partie centrale souffre d'un sur-place narratif, un peu paralysé par un scénario qui ne sait pas vraiment quoi faire de son sujet et de son personnage avant que l'ultime acte fonce à fond dans la parabole et le symbolisme pour une poignée de séquence assez marquante qui m'ont fait un peu penser à du Pasolini (c'est surtout une intuition puisque je connais assez mal son cinéma, qui me laisse de marbre par ailleurs) : visite qui chez une ermite coupée du monde (une dame âgée) qui accepte le silence du couple tout en servant d'oracle, pélerinage dans une sorte de cour des miracles, cène revu à un plus petit niveau, tremblement de terre et destruction à la Sodome et Gomor, déambulation dans une caverne façon Orphée et Eurydice. Et bien-sûr une figure quasi Christique avec cet homme qui s'impose une sorte de martyr (ou d'ascétises) pour s'opposer à la vacuité et l'hypocrisie verbale de ses contemporains.
Ce sont dans ces moments où la réalisation de Bellocchio est la plus réussie avec quelques effets de style inspirés.
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

Les poings dans les poches (1965)

Enfin découvert le premier film de Bellocchio.
Si le propos et le contenu du film sont d'un rare véhémence envers une certaine Italie, j'ai tout de même un peu de mal à crier au chef d'œuvre.
Le problème je pense (en tout cas pour moi) est finalement symptomatique de l'écriture du cinéaste, à savoir nous immerger immédiatement dans une situation déjà bien vérolée pour une psychologie torturée et malsaine qu'on aura pas eu le temps de voir évoluer pour arriver à maturation. La situation au début des Poings dans les poches, et dans beaucoup de films à venir, est un postulat un peu trop imposé. Pourtant j'adore les mises en place percutantes et efficaces qui condense l'action et les informations. Mais le problème avec Bellochio est un peu différent car cette immersion joue en défaveur de l'implication d'autant que par la suite sa narration prend plus de temps. J'ai presque envie de dire qu'il y manque une force viscérale et que le déséquilibre est, de base, trop conséquent. Comme si la réalisation ne parvenait pas toujours à traduire visuellement la virulence du scénario.

Cela dit pour les poings dans les poches, ce n'est pas vraiment le cas puisque le film déploie un univers des plus pervers mais avec une sorte de retenue, de nonchalance, de calme et de distanciation qui semble banaliser et atténuer le comportement choquant de Lou Castel. On n'a pas vraiment l'impression que le film cherche à condamner ses actions, comme si elles étaient au final logiques et normales. Même les autres personnages qui les observent ne semblent s'en offusquer (pas tout le temps disons) pour devenir des complices plus ou moins passifs
Avec ce refus de la réalisation "coup de poings" et de l'explosion de rage, le film en devient plus provoquant, grinçant et immoral avec ses nombreux tabous brisés : assassinat des membres de sa famille, relation incestueuse, raillerie de la religion, plus aucun respect pour les traditions et le passé... Le tout avec une sorte de candeur espiègle (sans tomber dans la parodie ou la comédie à l'italienne)

Le risque était donc de se sentir un peu extérieur et simple témoin peu concerné par ce jeu de massacre, humain et symbolique. Tout en lui reconnaissant une réelle audace, du brio et un excellent casting, j'ai donc du mal à m'enthousiasmer pleinement pour ce premier film remarquable auquel je reconnais beaucoup de qualité. Le genre de titre que j'adorerait adorer sauf que ça coince presque inexplicablement. D'où un texte un peu brouillon et flou :oops:
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

La marche triomphale (1975)

Lors de son service militaire, un intellectuel ne supporte plus les brimades de ses supérieurs et la mentalités de ses compagnons de chambre. Alors qu'il cherche un moyen pour se faire réformer, il attire l'attention de son officier supérieur, réputé pour sa sévérité et son intransigeance.

Une drôle de curiosité que cette co-production franco-italienne qui propose un casting composé de Franco Nero, Michele Placido, Miou-Miou et Patrick Dewaere !
On image que les producteurs ont voulu surfer sur le succès des valseuses. On peut aussi supputer qu'ils ont plus ou moins imposé les comédiens français souffre dans un scénario qui souffre d'un sévère problème de construction.

La première moitié est vraiment très bonne. Bellocchio filme sans complaisance l'absurdité de l'armée entre humiliations pénibles et blagues potaches pour une alchimie réussie où l'on ne sait pas toujours s'il l'on doit rire ou s'indigner de certaines situations. Plusieurs moments sont volontairement décalés comme l'inspection de Nero qui cherche n'importe prétexte pour supprimer la permission de ses hommes (la longueur réglementaire du papier toilette qu'un soldat doit porter sur lui :mrgreen: ) quand d'autres sont vraiment douloureux à l'instar de l'excellent plan séquence d'ouverture où Placido doit crier son matricule de plus en plus loin et de plus en plus fort jusqu'à l'épuisement le plus complet.
Dans cette première moitié, le mélange fonctionne bien et ne vire ni dans le comique troupier ni dans la charge critique et virulente.

Mais une fois que Miou-Miou et Dewaere intègrent vraiment le récit, on passe sur totalement un nouveau film où Nero demande à Placide de surveiller son épouse (Miou-Miou) qu'il soupçonne d'infidélité (pour cause elle fricote avec Dewaere). On sort alors de la caserne pour rentrer dans un drame psychologique pas si éloigné de Reflet dans un œil d'or où Nero se révèle un impuissant fragile (et violent), Dewaere un cynique blasé, Placide un maladroit qui prend goût à l'autoritarisme et Miou-Miou une paumée malmenée en quête de tendresse et de stabilité (et qui passe la moitié du temps nue). Des grosses ficelles éculées pour une histoire sans finesse et pas vraiment passionnante même si le personnage féminin est plus intéressant que dans la moyenne avec une jolie interprétation fatiguée de Miou-Miou. Et puis Franco Nero est toujours autant talentueux même avec un rôle aussi ingrat.

A voir donc principalement pour sa première moitié. Curieux tout de même qu'avec un tel casting, le film ne soit pas plus connu.
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

Viol en première page (1972)

A la veille d'élections nationales, un journal de droite exploite des manifestations de l'extrême gauche et un sordide viol/assassinat pour promouvoir la ligne du candidat qui les soutient financièrement.

Voilà sans doute l'un des films les plus accessibles de son auteur, au point de manquer un peu de personnalité peut-être.
Comme on le disait avec Kevin95 en sortant de la séance (ou THX quelques messages plus haut), on pense beaucoup au cinéma d'Elio Petri mais sans en avoir l'impact. Ca ne manque pourtant pas de pertinence ni de virulence... C'est peut-être d'ailleurs là que le bât blesse car certaines scènes/dialogues sont bien trop démonstratives et inutilement appuyées comme les références à Goebbels ou la scène finale où "l'homme de l'ombre" explicite bien trop sa vision de la classe ouvrière (avec par ailleurs un cadrage et une direction d'acteur qui appuie encore plus sur sa dimension "force démoniaque"). Un scène résume assez bien les limites du film : Gia Maria Volonté (le directeur du journal) rentre chez lui et ne tarde pas à insultez et rabaissez sa femme de suivre les informations télévisuelle aussi bêtement que n'importe quel mouton crédule alors, qu'avec son mari, elle devrait savoir que tout est monté en épingle. Sur le papier, la scène est brillante, pour ne pas dire jouissive, mais une fois à l'écran, elle apparaît trop artificielle, cynique et peu crédible d'un simple aspect psychologique (surtout avec la présence de leur enfant au milieu).

Heureusement cela ne concerne que 3-4 séquences en tout, essentiellement présent durant le dernier quart du film. Mais c'est forcément un peu décevant car jusque là, le scénario évitait le manichéisme primaire et montrait l'extrême-gauche avec également quelques travers et membres ambigus.
Malgré tout, le film vise assez juste la plupart du temps avec une description des rouages politico-médiatique qui n'a forcément toujours pas pris une ride. C'est certes un brin didactique par moment (le nouveau journaliste un peu naïf qui pense qu'on peut être objectif) mais il y a quelques joutes verbales passionnantes et enlevées.
Gia Maria Volonté remporte bien sûr la mise haut la main et permet de faire oublier une réalisation un peu usuelle et un rythme pas toujours concis, sans oublier un scénario qui n'évite pas quelques conventions (notamment le véritable coupable du crime qui rappelle les rebondissements d'un médiocre giallo).
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

Le sourire de ma mère (L'Ora di religione - 2001)

Un père divorcé et athé apprend que sa mère, assassinée par l'un de ses frères, est le sujet d'une enquête du Vatican dans l'optique d'une canonisation.

Une formidable découverte que je n'ai pas vu venir. :D
Point de folie ici, mais le film baigne dans une atmosphère étrange, à la frontière de l'absurde, de l'irréel, du rêve éveillé et de la paranoïa kafkaïenne.

Difficile d'en être certain puisque je connais encore mal la carrière du cinéaste mais j'ai l'impression que c'est vraiment un film charnière voire de la maturité tant Bellocchio maîtrise les différents éléments de son scénario et de sa réalisation qu'il déploie avec calme, assurance et retenue.
Difficile pourtant de faire plus délicat que cette intrigue à la base saugrenue qui devient tour à tour décalée et inquiétante pour se muer en une étonnante fable bien plus riche qu'il n'y parait et dont un visionnage ne suffit pas à en faire le tour.
Non seulement le déroulement de l'histoire est imprévisible, sans suivre aucune logique propre, mais en plus Bellocchio parvient à injecter à chaque scène des éléments qui parasitent son déroulement pour le tirer vers le fantastique. Ca tient à trois fois rien : une absence de transition, des ellipses, des effets de répétitions (le fameux sourire), une manière d'appréhender l'espace, d'insérer de la musique, de glisser un bref flash-forward à valeur symbolique, des lieux inattendus et des intervenants anachronique (le duel de l'aristocrate)... sans jamais surligner ses effets.

Une approche qui me touche, et me happe, bien plus efficacement que ces titres antérieurs où le cinéaste était trop écrasé par son discours pour ne pas laisser vivre son histoire et ses personnages. Ici, cet onirisme contenu ne se fait jamais au détriment de son personnage masculin (excellent Sergio Castellitto au passage), de ses thèmes et de la personnalité du cinéaste. Car sur le fond, Bellocchio n'a pas changé par rapport à son premier film et fustige toujours autant l'hypocrisie de l'église et de la bourgeoisie sans avoir pour autant besoin de recourir à la provocation ou à la démonstration théorique de l'aliénation. Ce qui me va à ravir.
Je suis donc très curieux de découvrir ses films plus récents (pas sûr de pouvoir en voir beaucoup durant cette rétrospective, ça sera en séance de rattrapage vidéo)
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

La mouette (1976)

Le retour de la perplexité bellocchienne :?
Comme dans ses films à venir des années 80, voici typiquement un titre qui m'insupporte passablement avec des personnages que je ne comprends pas, des motivations me sont incompréhensibles, une approche psychologie uniquement basée sur la théorie ou encore une interprétation agaçante à force d'être dans la caricature (explosion de colère, cynisme déformant le visage, tourment intérieur).
2h10 pénible, à peine sauvé par quelques moments durant les 30 dernières minutes où enfin la réalisation parvient à traduire visuellement le dégout du jeune homme pour la bourgeoisie engoncée, stérile et tristement conventionnelle de sa famille plutôt que d'enchaîner d'énièmes gros plans aux dialogues récités. Par moments on retrouve le mépris qui parcourait les poings dans la poche pour une réappropriation personnelle au travers de cet écrivain qui refuse les diktats artistiques imposés par une caste vieillissante, effrayée de la nouveauté et la peur de vieillir.
Ca n'excuse pas tout, à commencer par cette tendance à tirer vers l'abstrait des caractères qui n'en avait pas besoin.

En tout cas, le cinéaste doit bien aimé Tchekhov puisqu'il l'a adapté également dans le court-métrage Appunti per un film zu zio Vannia ( 2002) et qu'on y trouve une référence dans un autre court, Pagliacci (2016). Découverts dans un programme avec également Sorelle (2006) et tous trois étaient malheureusement dans ce courant "psycho-hysterie" avec de surcroit une réalisation médiocre (Pagliacci étant le seul potable).
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Re: Marco Bellocchio

Message par Jeremy Fox »

Alors que sort en salles son dernier film, retour sur son premier essai par Justin Kwedi : Les Poings dans les poches sorti en DVD chez Ad Vitam.
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Kevin95
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Re: Marco Bellocchio

Message par Kevin95 »

DIAVOLO IN CORPO / Le Diable au corps - Marco Bellocchio (1986) découverte

Romance sulfureuse entre un jeune bourge en polo Lacoste et une Maruschka Detmers toujours pas remise de sa participation au Faucon de Paul Boujenah (1983). Le souffre ne vient pas tant de la nudité affichée (on en a vu d'autres) mais d'une scène qui fit couler beaucoup d'entre (et pas que). La séquence est inutile, ne vise qu'à pousser de l'épaule l'Ultimo tango a Parigi (Le Dernier Tango à Paris) de Bernardo Bertolucci (1972) et cache un film plus riche qu'il n'y parait. Si Marco Bellocchio reste le même, distant, un peu lourd dans la caractérisation de ses personnages (le fou est un psy qui s'ignore, le psy un fou qui... ), Diavolo in corpo est surtout le portrait touchant d'une actrice qui porte à elle seule l'émotion du film. Rien sur les cotés, seule Detmers compte et tandis que le réalisateur se prend le choux en public, l'actrice donne une grâce, une sensibilité à pas mal de ses scènes. Une visite chez le père de son amant, une soirée dans une boite de nuit ou évidemment le déchirant plan final et c'est un film clinique qui prend de la chair voir un peu d'humanité. Ça ne fait pas de Diavolo in corpo une réussite incontestable (certaines longueurs se font sentir) mais une œuvre attachante car confisquée par une interprète principale qui, à cause de la fameuse scène, ne fera rien d'autre par la suite que de l'alimentaire. Car oui, Maruschka Detmers fait bien une fellation en gros plan.
Dernière modification par Kevin95 le 10 janv. 17, 00:16, modifié 1 fois.
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Re: Marco Bellocchio

Message par Kevin95 »

SBATTI IL MOSTRO IN PRIMA PAGINA / Viol en première page - Marco Bellocchio (1972) découverte

Pourtant issu de sa période post 68, Sbatti il mostro in prima pagina est l'un des films les plus abordables de Marco Bellocchio. Faisant mine - de la musique morriconienne de Nicola Piovani à la présence centrale de Gian Maria Volontè - de courrir derrière le cinéma d'Elio Petri ou de Francesco Rosi, le film de Bellocchio est plus proche de la ligne claire d'un Yves Boisset ou d'un André Cayatte, avec ses défauts et ses qualités. Pas d'ambiguïté dans le discours, pas de sous-entendus, une légère lourdeur dans la caractérisation des personnages mais une efficacité, une poids dans la démonstration qui laisse le cerveau en marche et les idées politiques faire un bout de chemin. On pourra toujours sortir l'inusable carte des Dossiers de l'écran ou se rappeler qu'un film didactique, fait avec conviction et rage peut aussi donner une œuvre intéressante. Sbatti il mostro in prima pagina l'est assurément, sa peinture du journalisme italien au cœur des années de plomb est aussi machiavélique que jouissive. Gian Maria Volontè apporte un peu d'ironie à son personnage, diabolique sous tous les angles, capable d'envoyer un employé au casse pipe tout en prévoyant la une faisant état de son possible accident, de citer Goebbels entre la poire et le dessert ou d'engueuler copieusement sa ménagère lorsqu'elle répète bêtement les informations que son journal a pourtant diffusé (la fameuse différence entre ce que l'on vante et ce que l'on pense). On est peut-être en dessous du cinéma politique italien de classe A (Bellocchio n'a ni la complexité de Petri ni l'ampleur d'un Rosi) mais son réquisitoire contre les grattes papiers pour couches populaires tient encore aujourd’hui très bien la route.
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

Le prince de Hambourg (1995)
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Le début a fait planer quelques craintes avec une nouvelle fois un personnage à la démence inexpliquée tant son comportement est à ce point coupé des autres. Un peu plus de rationalité ne m'aurait pas déplu lors de la présentation et m'aurait permis de m'immerger plus rapidement plutôt que de devoir attendre 30 minutes avant de rentrer dans l'histoire.
La suite est plus prenante, sans être non plus passionnante, mais les dilemmes des différents protagonistes sont clairs et bien définis. Tout le monde est un peu prisonnier de son rang, de sa noblesse (d'âme) et des codes militaires. Seul l'amour au final entre dans une partition dissonante. La succession de faces à faces et les différents dialogues ne manquent pas de tensions et l'on saura rendre grâce à Bellocchio ne pas s'égarer en cours de route. Le film est presque trop court durant sa seconde moitié et l'on est à moitié frustré que le montage ne joue pas plus sur les pauses et les silences car les moments où les personnages sont en attentes de nouvelles ou de réponses sont presque les plus réussis, ceux où l'ont sent le plus de gravité et ceux où les personnages sont les plus vulnérables à leur émotions.
A ce niveau, la fin est peu trop abrupte et m'a laissé un peu perplexe par sa brièveté et sa fugacité.

Le belle endormie (2012)
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Le film choral revisité par Bellocchio accouche, non d'un thème de société conventionnel comme on aurait pu l'attendre vu le sujet (l'euthanise d'Eluana Englaro en 2008) mais du portrait d'une Italie au bord de l'implosion au travers de plusieurs individus dont le destin croise indirectement cette décision de justice, soit par militantisme soit par résonnance personnelle.
Ce qui est assez fascinant, c'est la façon, volontaire, qu'à Bellocchio d'échapper non seulement à tous les moments attendus, tel les parallélismes évident, mais aussi de contourner tous les problématiques qu'esquissent son scénario : euthanasie, religion, famille, lutte des classes, sexualité.... Seule la politique et le conformisme à la rigueur sont abordés un peu plus directement mais sans la virulence cynique de ses premiers films.
Ca n'empêche pas le film d'être régulièrement passionnant par son pays hystérisé, constamment porté à son point de rupture sans toujours que les protagonistes ne sachent pourquoi. Il y a des moments totalement fascinant tant la tensions est exacerbée sans raison réelle. Bellocchio utilise ainsi un montage abrupte et une narration malmenée pour véhiculer cette instabilité sociale. C'est encore plus saisissant quand on ne connaît pas l'affaire Englaro et qu'il faut un certain temps pour comprendre quels sont les liens des personnages vis à vis de figure médiatique omniprésente mais invisible.
L'écriture est un peu plus inégale en revanche comme les séquences avec Isabelle Huppert qui sont de loin les plus faibles tandis que tout ce qui tourne autour de la droguée et du médecin ou du sénateur et sa fille frappée par un coup de foudre irrépressible.
Il y a dans ces moments beaucoup de moments d'attentes, de frustration, d'esquives qui sont assez beaux et touchants.

Après, Le sourire de ma mère, ça semble confirmer que Bellocchio n'est jamais meilleur que quand la folie n'est qu'en filagramme, comme un élément fantomatique, laissant les protagonistes lutter avec une réalité fuyante.

La contestation (1969).
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Le film à sketch dans tout ce qu'il a de plus désarçonnant et d'abstrait quand on demande à 5 cinéastes de donner dans la parabole politique... surtout quand on choisit des réalisateurs parmi les plus "modernes" de leur époque.
Tout celà n'a pas très bien vieilli et demeure à ce titre, l'un des omnibus cinématographiques les plus faibles malgré (à cause de ?) la présence de poids lourds derrière la caméra.
Carlo Lizzani est assez remarquable dans son travail de montage mais cette efficacité cache toute de même un réalisation tellement manipulatrice que ça en devient rapidement agaçant.
Bernardo Bertolucci amuse un moment dans son Agonie avec son happening absurde et métaphorique mais perd au fur et à mesure tout impact, la faute à une durée étirée et un symbolisme trop obscur pour moi.
Ca fait longtemps que j'attends parler de la Séquence de la fleur en papier. Je n'irai pas crier au chef d'œuvre mais il est vrai que cette dizaine de minutes de manque ni d'élan, ni de poésie, ni d'expérimentations pour un sentiment de liberté réel. La aussi, j'ai pas compris grand chose (surtout cette conclusion) mais au moins, c'est entraînant.
Le Godard est fidèle à lui-même mais possède un second degré inespéré qui fait plutôt bien passée la pilule avec le duo de narrateur qui commente non sans humour l'histoire principale qui aurait été vite agaçant sans cela (malgré la toujours grande maîtrise et inventivité dans la composition des cadres).
Enfin le Bellocchio finit lui aussi par une touche d'autoparodie amusante où des étudiants improvisent un affrontement verbal autour de divergences politiques. Le cinéaste qui apparaît lui-même dans le film a l'air souvent à deux doigts du fou-rire devant l'émulsion de ses jeunes comédiens mais on ne peut s'empêcher de trouver que ce pastiche du dialogue de sourds militants tourne justement un peu trop à vide pour tenir la longueur.
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Re: Marco Bellocchio

Message par bruce randylan »

Dernières séances de la rétro :

La chine est proche (1967)

Dans une petite ville de l'Italie, un héritier bourgeois proche des valeurs communistes est le candidat du parti populaire.

Une certaine déception qui provient d'un scénario mal fagoté avec l'impression d'être composé de 2 voire 3 films indépendant. La première partie, et malheureusement la plus courte, est la plus réussie et originale avec un regard assez décalée et ironique sur les militants d'extrême-gauche désorganisés et aux actions assez puérils.
On pense ainsi un peu à la comédie italienne, ce qui se confirme par la suite lorsque la comédie de moeurs prend le pas. Sauf que cette seconde partie qui se recentre sur le candidat bourgeois, sa sœur et leurs amant/maîtresse n'est absolument pas à la hauteur, sans oublier d'être totalement en rupture avec ce qui précédait. Une grande partie du casting disparaît purement et simplement, le pastiche politique se limite à une illustration grossière de la lutte des classes inversée (par le sexe) à l'approche cynique peu convaincante, même si quelques séquences sont assez glaçantes (comme l'intrusion durant l'avortement). L'absence de charisme des acteurs, les problèmes d'unité d'écriture et des personnages antipathiques n'aident pas non plus à donner envie de s'intéresser aux intrigues. Et comme la dernière scène effectue un dernier virage sans prendre la peine de vraiment conclure son histoire, ça achève de faire La chine est approche, un étrange projet hybride qui n'arrive pas à choisir son sujet et comment l'aborder. A ce demander si le scénario n'a pas totalement était remanié au dernier moment sur le tournage.

Sorelle Mai (2010)

Délaissé par sa mère qui cherche à faire une carrière de comédienne, la petite Elena est élevée par ses deux tantes. Son oncle peine à joindre les deux bouts et accumule les dettes

Un film très curieux dont j'aimerai bien connaître la genèse puisqu'il fut tourné entre 1999 et 2008, sur les bases du court-métrage Sorelle dont il ne reste plus grand chose ici. Les conditions de tournages sont quasi amateurs au début avec une image vidéo peu définie mais qui s'améliore avec les années.
C'est encore plus curieux qu'une bonne partie de la famille de Bellocchio joue dans ce film (dont sa propre fille pour le personnage d'Elena).
S'il y a une certaines évolution dramaturgique, on a parfois l'impression d'être face à plusieurs court-métrages réunis. Ainsi on a droit à 10-15 minutes qui introduit un nouveau personnage (Alba Rohrwacher que j'aime beaucoup au demeurant) qui n'interviendra plus dans l'histoire et qui n'a pour ainsi dire aucun rapport avec la trame générale puisqu'il y a juste une séquence où on comprend qu'elle loge également chez les tantes.

Malgré ça, le film a quelque chose d'indéfinissable qui le rend attachant et prenant, sans doute cette possibilité assez rare de pouvoir voir grandir les intervenants car il faut bien avouer que le scénario ne présente rien de passionnant ou d'inédit sur le principe, surtout avec cette narration improvisée d'années en années (la mère n'apparait que tardivement par exemple, les copines de l'oncle s'enchaînent et disparaissent). On voit aussi que Bellocchio prend du plaisir à mettre en scène sa famille et une sent une certaine complicité avec sa fille.
C'est donc à la fois personnelle et intimiste sans être fondamentalement autobiographique (j'en sais rien en fait...). La dernière séquence est magnifique à ce titre avec une nouvelle disparation vraiment inexpliquée cette fois même là aussi, je serai bien peiné pour y voir le sens à y trouver.
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Jeremy Fox
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Re: Marco Bellocchio

Message par Jeremy Fox »

Fais de beaux rêves (Fai bei sogni) - 2016

Si j'ai eu un peu de mal au départ à m'immerger dans le film à cause d'un scénario qui prend trop de temps à nous faire comprendre où il se dirige et à une construction à mon avis inutilement compliquée -et ce malgré un enfant-comédien vraiment très bon-, j'ai en revanche immédiatement été séduit par la mise en scène, l'utilisation de la musique et l'esthétique d'ensemble (magnifique photographie). Ce qui m'a permis de de ne pas arrêter ; et bien m'en a pris puisque avec l'arrivée du superbe Valeria Mastandrea, j'ai de plus en plus accroché d'autant plus quand la sublime Berenice Bejo s'est invité au sein de l'histoire. Et au final, j'ai été assez ému et c'est un ressenti positif qui en est resté tout en regrettant n'avoir pas été aussi en phase tout du long. A revoir peut-être.
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Beule
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Re: Marco Bellocchio

Message par Beule »

Le metteur en scène de mariages (Il regista di matrimoni, 2006)

Hypothétique prédateur sexuel, bridé tant dans son expression artistique que dans son épanouissement personnel, un réalisateur radicalement laïc, Franco, fait le choix paradoxal de se retirer en Sicile. Il est bientôt approché par un prince ombrageux (du sur-mesure pour Sami Frey), qui, ruiné, projette un mariage de raison pour sa fille, et lui propose d'en filmer la cérémonie.

Rien n'est tenu pour acquis dans la narration volontiers surréaliste du Metteur en scène de mariages. Un indicible voile semble transmuer chaque séquence pour leur conférer une charge onirique aussi fascinante que déroutante. Jusqu'à, insidieusement, fondre la retraite de Franco dans la mise en abîme fantasmagorique de la commande cinématographique dans laquelle il était empêtré (l'adaptation des Fiancés de Mazoni). Doucement chaotique, dépoussiérée de toute contingence académique, la mise en scène illustre le champ des possibles pour le réalisateur à la croisée des chemins : retrouver de l'audace, réinsuffler révolte et vie, pour enfin rompre le sort jeté sur une créativité anesthésiée par un immobilisme prégnant. Dans ses élans prodigues, Bellocchio cherche aussi à instruire par une peinture pointilliste le dossier d'un reflux conservateur sociétal. C'est peut-être vouloir courir trop de lièvres à la fois. Mais les fulgurances poétiques sont si hypnotiques, l'humour discrètement sarcastique (dont Castellito, royal, est le garant de bout en bout) si inhabituel chez le cinéaste, que je lui pardonne facilement ce petit excès de zèle.
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Re: Marco Bellocchio

Message par mannhunter »

Jeremy Fox a écrit :Fais de beaux rêves (Fai bei sogni) - 2016

Si j'ai eu un peu de mal au départ à m'immerger dans le film à cause d'un scénario qui prend trop de temps à nous faire comprendre où il se dirige et à une construction à mon avis inutilement compliquée -et ce malgré un enfant-comédien vraiment très bon-, j'ai en revanche immédiatement été séduit par la mise en scène, l'utilisation de la musique et l'esthétique d'ensemble (magnifique photographie). Ce qui m'a permis de de ne pas arrêter ; et bien m'en a pris puisque avec l'arrivée du superbe Valeria Mastandrea, j'ai de plus en plus accroché d'autant plus quand la sublime Berenice Bejo s'est invité au sein de l'histoire. Et au final, j'ai été assez ému et c'est un ressenti positif qui en est resté tout en regrettant n'avoir pas été aussi en phase tout du long.
Idem, un joli film. J'avais déjà bien apprécié Valerio Mastandrea dans le méconnu "Ciao Stefano".
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