Spécificités & évolution de la cinéphilie

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jean-Pierre Festina
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie et de la critique

Message par Jean-Pierre Festina »

Supfiction a écrit :Sur Chaplin, globalement des éloges mais on y trouve au milieu cette phrase : « Ce vagabond est le héros de notre temps, quelles que puissent être par ailleurs les concessions que Chaplin a parfois faites au goût du public, celles que lui ont déjà inspirées ses origines, son goût des clowns et peut-être une certaine vulgarité indéniable qui transparaît dans les fragments les moins nobles de certaines œuvres, Le cirque par exemple ou Les lumières de la ville ».
Je ne vois pas ce qui est choquant ici, à moins d'interpréter les fameuses "origines" de Chaplin à la façon d'un Rebatet qui croit avoir en son temps démasqué un Juif. C'est un cliché faux mais qui a la vie dure ; mais peut-être que "ses origines" ici veut simplement dire "misère".
Autre passage savoureux sur le déclin du cinéma américain justement : « Afin d’enrayer le visible abêtissement du cinéma américain, certaines maisons firent appel à des metteurs en scène étrangers. »
Alors ça, si c'est pas de la propagande pro-migrants, je mange mon chapeau !
Pour le reste, j'ai une édition de poche des années 60 de cette Histoire du Cinéma, en effet très avant-gardiste sur des sujets dont on pouvait attendre le pire : grande admiration pour le cinéma soviétique, et grande ouverture d'esprit sur le cinéma oriental. (Reste que cette édition a fait preuve d'un certain "nettoyage" par rapport à l'édition de sa sortie)
LU SUR FORUM A MONTRES : "(...) maintenant c'est clair que Festina c'est plus ce que c'était(...)"


Non mais ALLOOOO quoi
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Supfiction
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie et de la critique

Message par Supfiction »

Rien de choquant à proprement parlé. Comme je disais, je cherchais la petite bête pour répondre à Phnom&P. C’est donc bien uniquement le mot « origines » qui peut paraître suspicieux compte tenu de ce qu’on sait des futurs propos de son auteur. Peut-être que cela n’avait aucune connotation et sous-entendu, je ne saurai dire.
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Phnom&Penh
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie et de la critique

Message par Phnom&Penh »

Supfiction a écrit :Comme je disais, je cherchais la petite bête pour répondre à Phnom&P.
Oui, je savais bien que tu voulais m'embêter et me mettre de mauvaise humeur en donnant raison à Arn :mrgreen:

Sinon, puisqu'on est maintenant sur un topic idoine, voici un hommage à l'un des plus important parmi ceux que j'ai cité, dans les années 20 et 30:

Jean George Auriol, qui a dirigé l'une des principales revues des années 20 et 30, La revue du cinéma, brièvement reparue de 1946 à 1949, et dont les premiers Cahiers du cinéma avait repris le design:
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Hommage de Jean-Luc Godard à la revue:
  • On a découvert le cinéma par La Revue du cinéma, de Jean George Auriol, mais on ne pouvait pas voir les films dont la revue parlait, car ils n'étaient pas distribués. Le bon cinéma, tout naturellement, était celui qu'on ne voyait pas. Cela devint une croyance et s'est mué en théorie: le cinéma, comme la peinture, montre l'invisible. Parce qu'il nous était invisible, physiquement. Les films muets paraissaient dépassés à tout le monde. Or Langlois les a présentés à égalité avec les parlants. Il projetait aussi bien Murnau que le premier film de Philippe Garrel. Il n'y avait plus aucune différence. J'ai réalisé, très récemment, que, étant né en 1930, à l'installation du parlant, ma mère et mon père n'avaient vu que des films muets avant ma naissance. Pour eux, le cinéma n'a pas existé réellement. Nous y allions comme tout le monde, en famille, le dimanche. C'est La Revue du cinéma qui m'a branché, comme on dit. J'y découvrais des choses dont on ne m'avait pas parlé et qui étaient de l'ordre de l'esprit. La Revue du cinéma faisait référence au visible-invisible. Et la preuve fut administrée par Langlois. Ce qui fait que je dis: nous sommes les enfants attardés de la Libération et les enfants prématurés du Musée. Delacroix n'a pas découvert la peinture au Louvre, tandis que, pour nous, la Cinémathèque a été une fondation. On voyait tout, d'un seul coup. C'est sans doute pour cela que nous étions extrêmement ouverts. On avait ce besoin, j'avais ce besoin, que j'ai toujours, de voir quelque chose qui me sidère. Quelque chose qui n'est pas venu de moi mais que je peux recevoir et, l'ayant reçu, que je peux transformer à ma façon tout en lui restant respectueux.
Interview complète ici: Godard, le cinéma me reste comme une espérance Il y a une anecdote amusante sur Berthopire et les débuts de Jeanne Moreau.

Concernant Jean George Auriol, le blog La belle équipe lui rend hommage régulièrement, avec ici, un article sur les hommages après son décès accidentel en 1950:

Notre ami Jean George Auriol, La belle équipe

A noter que sur la même page du blog, sous l'hommage, on trouve le premier article d'Auriol, sur Mack Sennett.

Auriol est à priori irréprochable mais on y trouve quand même une blague de mauvais goût: "Ses yeux brillants étincellent de malice à la fois enfantine et rusée: il a les yeux de l'irlandais qui vient de rouler un juif". :mrgreen:
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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Jack Carter
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie et de la critique

Message par Jack Carter »

Je mets ça içi, ça peut interesser quelques classikiens comme cinephage ou moi-meme ( :mrgreen: )

Cyril Despontin (PIFFF, Hallucinations collectives) raconte son experience de cinephile dans les années 90/00 (Canal, videoclubs, forums...)

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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Supfiction
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie et de la critique

Message par Supfiction »

Je transferts ça ici pour ne pas faire dévier le topic du Chant du Missouri.
Kiké a écrit : 18 déc. 23, 23:45 Le Saturday Night Live de la semaine passée avait un sketch sympa qui parodie Le Chant du Missouri :

La vidéo est indispo. Mais je suppose que c'était l'émission avec Billie Eilish et la scène "what's wrong with tootie".
Parodier un film de 1944 dans une émission grand public beaucoup regardée par les jeunes, j'ai beaucoup de mal à imaginer la même chose en France .. (imaginez une parodie des Enfants du Paradis dans l'émission Quotidien par exemple, impensable).
Spoiler (cliquez pour afficher)
Sybille a écrit : 19 déc. 23, 22:49 C'est une comédie musicale, c'est différent. C'est peut-être un film qui passe régulièrement aux Etats-Unis pendant la période de Noël depuis des années et que beaucoup connaissent, ne serait-ce que quelques scènes, sans forcément l'avoir vu en entier. Comme "Les tontons flingueurs" chez nous. Certes plus récent mais entre 1944 ou 1963, est-ce que ça fait une grande différence maintenant...
Kiké a écrit : 19 déc. 23, 23:46
Ah mince je ne savais pas qu'elle était bloquée pour la France. Oui c'est bien la scène en question.
Et je confirme le message de Sybille, le film est un classique de la période de Noël aux Etats-Unis, même ceux qui ne s'intéressent pas trop au cinéma ont vu la scène des bonhommes de neige et celle où Judy Garland chante "Have yourself a merry little Christmas".
Vos arguments sont justes mais ne me convainquent pas totalement. J'ai remarqué à de nombreuses reprises des allusions dans les programmes américains à des éléments "très" anciens de la culture populaire américaine dont l'équivalent en France me parait improbable. C'est le cas dans des late shows comme dans les dialogues de films et séries (tandis que le doublage et même le sous-titre les font disparaitre ou les simplifie pour ne pas perdre le spectateur français, le privant bêtement de la possibilité de se cultiver). Comme il s'agit de culture américaine, on peut se dire que c'est en partie justifié. Néanmoins comme je le disais plus haut j'ai beaucoup de mal à imaginer des clins d'œil équivalents dans la culture pop française. Le max du max qui soit encore éventuellement tenté ici, c'est de rappeler des gags de grands films comiques des années 60.
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tchi-tcha
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie et de la critique

Message par tchi-tcha »

Supfiction a écrit : 20 déc. 23, 10:00 ...j'ai beaucoup de mal à imaginer des clins d'œil équivalents dans la culture pop française.
Peut-être parce qu'il faudrait déjà trouver des équivalences dans la culture populaire française. En France, on ne diffuse pas Le magicien d'Oz, La Vie est belle ou Le chant du Missouri à la télé tous les ans à Noël depuis soixante ans. À la rigueur on aurait quoi chez nous, La grande vadrouille ?

Supfiction a écrit : 20 déc. 23, 10:00 ...imaginez une parodie des Enfants du Paradis dans l'émission Quotidien par exemple, impensable
L'idée de base d'une parodie, c'est que le public reconnaisse le clin d'œil. J'arrive à identifier des références à Brice de Nice ou aux Tuche sans jamais avoir vu/subi ces films en entier, le grand public devrait à la rigueur pouvoir repérer une référence aux Tontons flingueurs sans forcément connaître le film par cœur... Mais tout monument du patrimoine qu'il soit, Les enfants du paradis ne joue pas dans la même catégorie.
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Supfiction
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Message par Supfiction »

tchi-tcha a écrit : 20 déc. 23, 11:16 À la rigueur on aurait quoi chez nous, La grande vadrouille ?
Par exemple. Hors du registre comique, je ne vois pas grand chose. A la rigueur, la scène d'intro du Mépris ou Les demoiselles de Rochefort. What else ?
En tous cas, on reste au mieux dans les années 60. Longtemps des clins d'œil à Pagnol (la partie de cartes ), à Hotel du Nord (Atmosphère..) ou aux Gabin (Quai des brumes, La grande illusion) parlaient à tout le monde mais je crois que ce n'est plus le cas.

Tout ça pour dire qu’on a l’habitude de considérer « les » américains comme des incultes par rapport à « nous » alors qu’il me semble qu’il ont une culture pop bien plus résistante et entretenue qu’ici. Et ce constat devrait s’amplifier rapidement avec la génération de journalistes/presentateurs (Labro, Drucker, Lescure, etc) et d’artistes qui est en train de disparaître.
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tenia
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par tenia »

On parlait du Club Dorothée ce midi, connu par des collègues de 22 ans.
A contrario, je ne suis pas sûr que ce soit autre chose chez les Américains que des exemples très spécifiques, genre, autres comédies musicales, Mary Poppins ou La mélodie du bonheur.
Bref, je me garderais de généraliser générationnellement.
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Supfiction
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par Supfiction »

tenia a écrit : 20 déc. 23, 13:42 On parlait du Club Dorothée ce midi, connu par des collègues de 22 ans.
Je parle Godard et Demy, et tu me réponds Club Dorothée.
tenia a écrit : 20 déc. 23, 13:42 Bref, je me garderais de généraliser générationnellement.
Il ne s'agit même pas de stigmatiser une génération. Je constate que les américains (et probablement les anglais) entretiennent davantage leurs "standards" (films ou variété) puisqu'ils n'hésitent pas à faire régulièrement référence à des oeuvres vieilles de 80 ans dans les différents programmes contemporains.
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par tenia »

Supfiction a écrit : 20 déc. 23, 15:12Je parle Godard et Demy, et tu me réponds Club Dorothée.
Tu parlais de "culture pop", qui en France n'est pas forcément Gabin et Godard. :idea:
Supfiction a écrit : 20 déc. 23, 15:12Il ne s'agit même pas de stigmatiser une génération. Je constate que les américains (et probablement les anglais) entretiennent davantage leurs "standards" (films ou variété) puisqu'ils n'hésitent pas à faire régulièrement référence à des oeuvres vieilles de 80 ans dans les différents programmes contemporains.
Je peux bien sûr me tromper, mais faut-il cependant savoir combien de gens avaient la référence quand ils ont vu le sketch. Ce qui est encore autre chose.
Par ailleurs, pour avoir suivi pendant plusieurs années le SNL, c'est un peu moins régulier que ça (mais ça a peut-être changé), notamment car ça brasse très très large.
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par Supfiction »

Le fait même qu'ils osent faire référence à une scène d'un film de 1944 suffit. Ils connaissent leur métier si je puis dire.
Et puis c'est seulement un exemple. Je ne me rappelle plus le nombre de fois où en entendant une référence dans un dialogue de série ou film, j'ai réalisé qu'ils l'avaient simplifiée à l'extrême dans le sous-titre français et en même temps été surpris du côté assez pointu de la référence en question.
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par AtCloseRange »

Il faut revenir au point de départ: la chanson est un grand classique de Noël aux Etats-Unis.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de monde pour la relier au film d'origine.
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par Supfiction »

AtCloseRange a écrit : 20 déc. 23, 16:28 Il faut revenir au point de départ: la chanson est un grand classique de Noël aux Etats-Unis.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de monde pour la relier au film d'origine.
Ce n'était pas seulement le standard "Have yourself ..." mais toute une scène du film qui a été reprise et parodiée.

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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par AtCloseRange »

Supfiction a écrit : 20 déc. 23, 16:32
AtCloseRange a écrit : 20 déc. 23, 16:28 Il faut revenir au point de départ: la chanson est un grand classique de Noël aux Etats-Unis.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de monde pour la relier au film d'origine.
Ce n'était pas seulement le standard "Have yourself ..." mais toute une scène du film qui a été reprise et parodiée.
Ah ok.
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Re: Spécificités & évolution de la cinéphilie

Message par Shin Cyberlapinou »

Je dirais que les USA sont très cinemacentrés (Hollywood est/fut un élément central de leur doft power) là où fla France fait par exemple la part belle à la littérature*.

Et il y a la tradition du film de Noël multirediffusé, il y a ce fameux débat pour savoir si Die hard est un film de Noël, plus le malin plaisir que prend un Gremlins à dynamiter les codes de ce sous genre, des éléments à mon sens assez périphériques mais qui semblent avoir un certain poids outre Atlantique.

Quant à la question des classiques français encore bien présents dans l'inconscient collectif je ne vois pas trop sorti de De Funès et Belmondo (les rediffusions avaient un certain succès pendant le COVID), le parlé à la Audiard a toujours une certaine côte mais on notera là aussi la dimension fortement littéraire du personnage...


* Dans l'affaire Matzneff ce qui m'étonne presque le plus c'est qu'un type ait eu autant de visibilité et d'influence en vendant aussi peu.
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