Carlos Saura (1932-2023)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Carlos Saura (1932-2023)

Message par Jeremy Fox »

En 1967, Carlos Saura réalise Peppermint frappé, premier volet de ce que l'on appellera plus tard "la trilogie du couple" (suivront Stress es tres tres et La Madriguera). Critique de la bourgeoisie franquiste, crise du mâle espagnol, obsession, jalousie et domination sont ainsi au programme de ce film sur lequel plane l'ombre d'Antonioni et Bunuel. Après la réédition de Mort d'un cycliste, Tamasa poursuit ainsi son exploration du cinéma espagnol et c'est avec un immense plaisir que l'on redécouvre aujourd'hui cette oeuvre étonnante portée par la présence exceptionnelle de Géraldine Chaplin.
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La chronique par Jean-Gavril Sluka
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Kevin95
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Re: Carlos Saura

Message par Kevin95 »

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CRÍA CUERVOS (Carlos Saura, 1976) Découverte

Une histoire de deuil, d'enfance et déjà les voyants du gros cinéma d'auteur sont au rouge. Carlos Saura traite son sujet avec pudeur et tendresse, filme ses protagonistes à hauteur d'enfant et même si certains effets voyants (comme la confession face caméra) altèrent l’empathie suscitée, il semble impossible de ne pas ressentir les affres de la petite Ana. Le personnage est d’ailleurs l’attraction principale du film, tantôt charmante comme une Zazie espagnole, tantôt glaçante (comme le cinéma hispanique sait les mettre en scène) dans ses désirs de mort. Quant à Porque te vas, même plombé par une cohorte de profs d'espagnol s’esquintant à tuer son charme depuis près de trente ans, le morceau trouve dans le film sa véritable valeur, tragique et magnifique. 8,5/10
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Jeremy Fox
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

Début du décorticage du coffret Tamasa avec La Chasse par Florian Bezaud.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

On poursuit la découverte du coffret Tamasa avec Stress-es-tres-tres toujours chroniqué par Florian Bezaud.
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Re: Carlos Saura

Message par Jericho »

Cool ce coffret, mais onéreux ! :x
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

On poursuit l'exploartion du coffret avec, toujours écrite par Florian Bezaud, la chronique de La Madriguera.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

On continue le marathon avec Le Jardin des délices.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

Au tour de Anna et les loups, toujours chroniqué par Florian Bezaud.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

La cousine Angélique pour poursuivre la découverte des films du coffret Tamasa.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

Avant dernier rendez-vous du marathon Saura : Elisa, mon amour.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

Maman a 100 ans. Avec ce film, Florian Bezaud en a terminé avec la rétrospective du coffret Tamasa : nous le remercions encore vivement.
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Re: Carlos Saura

Message par Jeremy Fox »

Pour ceux qui n'auraient pas acheté le coffret, Tamasa vous offre l'occasion de vous rattraper avec la sortie en salles dès mercredi du dytique Ana et les Loups/Maman a 100 ans.
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Profondo Rosso
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Re: Carlos Saura

Message par Profondo Rosso »

Pepermint frappé (1967)

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L’obsession de Julián (José Luis López Vázquez), médecin espagnol, pour l’épouse d’un ami revenu d’Afrique (incarnée par Geraldine Chaplin), le pousse à progressivement transformer son infirmière et maîtresse (idem) en un sosie de celle-ci.

Après le succès critique de son troisième film La Chasse (1966), récompensé de l’Ours d’Argent à Berlin, Carlos Saura fut associé à un renouveau intellectuel du cinéma espagnol fustigeant sous une forme cryptique le régime franquiste. Saura allait pourtant déjouer les attentes avec ses œuvres suivantes et ce qu’on nomme la « trilogie du couple » dans sa filmographie avec Peppermint frappé (1967), Stress-es tres-tres (1968) et La Madriguera (1969) dont la continuité thématique est représentée par Géraldine Chaplin, compagne et actrice fétiche du cinéaste qu’on retrouve dans les trois films. Peppermint frappé ouvre donc le cycle et constitue un objet troublant qui croise les influences d’Antonioni dans son ennui dissimulant la tension, Hitchcock par son fétichisme et Luis Buñuel auquel Saura dédie explicitement le film lors du générique.

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Julián (José Luis López Vázquez, magnétique) est un médecin et vieux garçon qui va retrouver Pablo (Alfredo Mayo), un ami d’enfance de retour d’Afrique. Celui-ci est désormais marié à la belle Elena (Geraldine Chaplin), jeune femme qui évoque à Julián un de ses premiers émois adolescent avec une mystérieuse femme qu'il a vue jouer du tambour lors de la Semaine sainte à Calanda. Julián va alors faire une fixette sur Elena, figure inaccessible d’une obsession plus fétichiste qu’amoureuse. La preuve avec la relation trouble que Julián va nouer avec Ana (Geraldine Chaplin), son infirmière amoureuse de lui et qu’il va progressivement modeler pour la conformer physiquement à Elena. Saura fait jouer à Geraldine Chaplin les deux rôles féminins (voire les trois si l’on inclut le fantasme du passé), la blonde, glamour et sophistiquée Elena et la brune, ordinaire et candide Ana dans une dualité qui évoque bien évidemment Vertigo (1958) d’Alfred Hitchcock. C’est une manière de donner des traits à l’idéal féminin de Julián, celui iconique et inaccessible d’Elena et l’autre plus familier et malléable d’Ana.

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Ce souvenir du passé ainsi que la solitude aura amené le héros à construire une image de la femme parfaite d’après les magazines de mode qu’il collectionne et dont il découpe méticuleusement les photos. Amoureux timide et éperdu face à Elena, il retrouve ses instincts de mâle dominateur. Saura traduit parfaitement la différence dans sa mise en scène où Elena semble constamment glisser face aux approches de Julián, une silhouette proche et lointaine à la fois, que notre héros ne peut capturer et figer qu’en la prenant en photo lors de cette belle scène de danse dans la campagne automnale. A l’inverse Julián happe Ana dans ses obsessions et son univers, d’abord par le dialogue où suave il fait miroiter l’allure à adopter pour le séduire en lui montrant ses revues, puis une fois l’ascendant pris en se montrant plus autoritaire. La scène dans un premier temps comique où il oblige Ana à faire du rameur signe en fait l’assujettissement de la volonté de la jeune femme par un travelling circulaire la capturant en mouvement, faisant de ce corps épuisé par l’effort la possession de Julián. Elle sera victime consentante pour être enfin aimée de cet homme.

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Carlos Saura tisse une atmosphère faussement apaisée et bucolique, faite des tranches de vie diverses de l’amitié en trio liant Julián, Pablo et Elena. L’envie et le fétichisme maladif de Julián planent pourtant dans ces instants, comme le montrera ce passage où il étudie méticuleusement la trousse de maquillage d’Elena pour mieux en reprendre chaque élément pour refaçonner la godiche Ana. Une humiliation jouant sur son précieux souvenir va le faire basculer, poussant sa quête au point de non-retour. Le rebondissement final désarçonne le spectateur au vu de la langueur qui a précédé et justifie enfin le titre du film inspiré du cocktail favori de Julián, le peppermint frappé qui illustre sa singularité, sa séduction puis sa profonde malveillance. Vertigo plane également sur le final, Saura reprenant le travelling à 360 sur Julián comblé face à une Ana complice ayant définitivement endossé les traits de son fantasme. Sous l’intime et la critique de la bourgeoisie, la facette politique se dessine subtilement. Saura fustige le mâle espagnol et en fait une métaphore du franquisme, éliminant ce qu’il ne peut s’approprier et soumettant les plus faible à son idée - le tambour de Calanda, leitmotiv sonore du film prend d’ailleurs une rythmique quasiment martiale et militaire lors du final en contrepoint du romantisme de la scène. Saura use d’une approche vaporeuse et étrange qui n’en rend le message que plus cinglant dans cette œuvre qui lui vaudra un nouvel Ours d’Argent à Berlin. 5/6
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Profondo Rosso
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Re: Carlos Saura

Message par Profondo Rosso »

Stress-es tres-tres (1968)

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Fernando, architecte, emmène son associé, Antonio, visiter des terrains à bâtir à Almeria. Son épouse, Teresa, les accompagne. Ces deux derniers semblent bien complices. Seraient-ils amants, ou Fernando serait-il victime de ce fameux « stress » dont l'Espagne commence tout juste à parler ?

Stress-es tres-tres est le deuxième volet de la « trilogie du couple » de Carlos Saura et constitue un vrai film jumeau de l’inaugural Peppermint frappé (1968). On y retrouve la critique de la bourgeoisie espagnole à nouveau à travers un triangle amoureux fait de frustration et de jalousie. L’influence d’Antonioni déjà perceptible dans Peppermint frappé s’affirme encore plus avec l’aridité du récit mais aussi de l’environnement parcouru par les protagonistes. Fernando (Fernando Cebrián) est en architecte effectuant un périple en voiture en compagnie de son épouse Teresa (Geraldine Chaplin) et son ami et associé Antonio (Juan Luis Galiardo) en vue de visiter des terrains à Almeria. Dans Peppermint frappé, c’est le protagoniste à l’imaginaire obsessionnel et maladif qui se trouvait rejeté du triangle amoureux, le couple constituant une entité unie face au meilleur ami. Carlos Saura inverse ici le rapport de force avec la jalousie naissante de Fernando face au rapprochement qu’il observe entre sa femme et son ami. Fernando et son tempérament austère, ses préoccupations terre à terre, va donc au fil du trajet se trouver exclu devant la fantaisie complice de Teresa et Antonio.

L’isolement et sècheresse des décors montagneux à perte de vue exacerbe la paranoïa de Fernando qui fantasme et façonne presque par son attitude la proximité d’Antonio et Teresa. Il les abandonne seuls sur la route pour mieux les espionner à la dérobée armé d’un objectif, chaque échanges, regard et geste partagé devient aveux d’adultère sous le regard du jaloux. L’épisode d’un accident de la route sanglant devant notre trio impuissant va exacerber les émotions et la tension naissante. Saura exprime cette idée par la dimension infantile qu’il attribue à cette bourgeoisie espagnole. Fernando se comporte en gamin capricieux et colérique quand Teresa repousse ses inhabituelles et maladroites manifestations d’affection. Dès lors il tente de s’imposer à son épouse par une virilité inappropriée, cherchant à être obéit sur des détails futiles et faisant carrément le coq lors d’une longue scène où il la tourmente à moto. Ce sont ces seuls moyens d’attirer l’attention, quand son rival exprime sa masculinité sous un meilleur jour (son physique avantageux en maillot de bain et Teresa qui vient naturellement lui passer de la crème solaire) et faire preuve d’une décontraction et d’un humour bien plus attirant que son attitude taciturne.

Peu à peu on comprend que cette infantilité s’étend au trio entier chacun à sa manière, le désert d’Almeria renvoyant au vide de leur caractère. Le final sur la plage sert de révélateur à la vacuité qui guide les personnages. Geraldine Chaplin réunit en seul rôle la dualité de sa double interprétation de Peppermint frappé, sa distance désinvolte face à son époux se faisant alors qu’elle porte une perruque blonde. Lorsqu’elle l’enlève à la plage et redevient brune, cette relative part de mystère s’estompe pour laisser voir une femme-enfant exaspérante (perceptible mais plus mesurée quand elle était blonde) soumettant ses compagnons à des jeux de plage stupides qui ne font qu’accroitre leur rivalité. Le caractère léger et spirituel d’Antonio et ses remarques semblent également tourner à vide faute d’audience, pour simplement se faire cruelle envers Fernando. Sans paraître particulièrement séduit par Teresa, il s’amuse de voir son ami ruminer. Le fantasme à réaliser était moteur d’un surprenant passage à l’acte dans Peppermint frappé, il ne révèlera qu’un peu plus l’inutilité des protagonistes de Stress-es tres-tres. L’adultère que s’est imaginé et/ou a provoqué Fernando, il refusera d’y faire face si ce n’est dans une rêverie finale explicite par sa pellicule surexposée. Le rival s’y trouve harponné voire éperonné comme dans une corrida, mais cette catharsis ne peut qu’être imaginée. Comme l’aura souligné un dialogue, la tension qui anime Fernando ne vient pas de son amour pour Teresa mais de la conscience de ses possessions, de sa situation avantageuse dans lesquels il l’inclut et qu’il ne souhaite pas perdre. Peppermint frappé était une œuvre sur la possession (physique) qu’on souhaite s’approprier, Stress-es tres-tres sur celle qu’on veut conserver, le fétichisme du film précédent étant remplacé par le matérialisme. L’ouverture du film avec ses extraits d’émission de radio expliquant la notion de stress par les nouveaux besoins et mode de vie urbain avait annoncé la couleur. Le film est plus hermétique est difficile d’accès que Peppermint frappé dont la forme et l’approche de thriller était plus immédiatement séduisante, mais ne s’en avère pas moins fascinant. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Carlos Saura

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La Madriguera (1969)

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Teresa et Pedro forment un couple sans histoires. Lui travaille, elle s'ennuie. Mais lorsqu’arrivent dans la maison meubles et babioles en héritage, c'est tout un ensemble de souvenirs qui vient envahir Teresa. Les conséquences vont être... étonnantes.

La Madriguera vient magistralement conclure la trilogie du couple de Carlos Saura, creusant un sillon encore différent de Peppermint frappé (1967) et Stress-es tres-tres (1968). Chacun des films dessine un triangle amoureux dont le frustré se réfugie dans un imaginaire (Peppermint frappé) ou un refoulement (Stress-es tres-tres) maladif, toujours guidé par la volonté de possession et de domination dans le couple. L’intrus s’immiscent dans le couple en déclenchera toujours la destruction ou une déformation monstrueuse. Avec La Madriguera, Carlos Saura ne fait plus de cet intrus un amant envieux ou un déclencheur de jalousie, mais tout simplement le passé.

Le couple formé par Teresa (Geraldine Chaplin) et Pedro (Per Oscarsson) voit son quotidien perturbé le jour où Teresa hérite des meubles de sa maison familiale. Les souvenirs, la nostalgie et tout simplement la vie associée à ses objet jure avec la modernité froide et neutre du domicile conjugal, à l’architecture high-tech typique du boom économique 60’s. Saura observe longuement la vie terne du couple, parfaitement organisé entre le travail à l’usine de Pedro et l’attente sans but que constitue les journées solitaire de Teresa. Le vide de cette maison moderne correspond à celui de leur relation guère plus chaleureuse lorsqu’ils se retrouvent, ce face à face stérile fait d’habitudes se concrétisant par l’absence d’enfant au sein du couple. Les meubles de Teresa provoquent d’étranges phénomènes chez elle à travers des crises de somnambulisme où elle régresse en enfance sous les yeux médusés de son mari. Ces reliques du passé d’abord reléguée à la cave envahissent progressivement la maison, une manière pour Teresa de se réapproprier un espace qu’on devine entièrement façonné par Pedro. Celui-ci tente d’abord de s’opposer à l’intrusion de ces « vieilleries » dans lesquelles il voit sa mainmise déclinante sur Teresa. Il suffira pourtant d’un weekend en solitaire où le couple, hors des regards des domestiques et du bonheur feint pour les invités, pour se soumettre à l’influence de cet élément perturbateur.

Ce passé sera en fait un vecteur d’imaginaire d’abord inconscient (encore que Saura laisse planer une certaine ambiguïté) puis ludique à travers les jeux de rôles qu’il éveille au sein du couple enfin complice. Pourtant chacune de ces jeux va révéler une faille de leur mariage, comme souvent avec Saura la joie et l’exubérance dissimulant un profond malaise. Qu’ils s’amusent de leurs amis n les écoutant à leurs insu et ils sauront ce que ces derniers pensent vraiment d’eux, détruisant l’image sociale qu’ils pensaient renvoyer. Qu’ils stimulent leur libido en changeant d’identité physique et ils auront le choc de voir l’autre plus ardent qu’il ne l’a jamais réellement été pour eux-mêmes. Plus le jeu est infantile plus il est prétexte à inverser le rapport de force (Teresa brutalisant Pedro qui fait semblant d’être un chien), à dominer l’autre (Pedro endossant l’autorité du père de Teresa redevenue petite fille, fessée à l’appui) et interpréter des situations qu’ils n‘ont jamais connu avec ce simulacre d’accouchement. Comme dans les deux précédent films, l’imaginaire donne à voir une vision tordue du couple dans ce qu’il n’est pas ou plus notamment une des dernières scènes où ils rejouent leur premier dîner amoureux en tête à tête. Loin de les ressouder, cette réminiscence leur rappellera au contraire à quel point ils sont désormais loin des sentiments purs d’alors.

La dernière partie rend cette théâtralité de plus en plus ténue et violente, la vraie haine mutuelle ne se cachant plus. Carlos Saura distille une atmosphère oppressante et bergmanienne où la chaleur ne viendra que du jeu enfiévré de Geraldine Chaplin qui de l’aveu du réalisateur a inspirée nombres de situations dérangeantes du film auxquelles elle a assistée ou vécue. Comme dans les deux œuvres précédentes le final est un véritable choc qui achève en apothéose cette trilogie du couple. 5/6
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