Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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El Dadal
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Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par El Dadal »

Image

Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n'aura aucune limite...
Un tel film mérite certainement son topic, tant il me parait sujet à discussions.
Car s'il est techniquement irréprochable (superbe mise-en-scène de Gilroy dont c'est le premier film en tant que réalisateur, superbe photo de Robert Elswit, montage sans gras, acteurs au diapason...), c'est moralement que l'on est en droit de se poser des questions. C'est bien simple, je ne me rappelle pas m'être senti aussi mal à l'aise devant un film de studio au ciné ces dernières années. Tous les maux de notre société sont convoqués et réunis sous la houlette de la perversité incarnée. Si vous êtes du genre à ralentir sur l'autoroute pour regarder les conséquences d'un accident, peut-être ne vous sentirez-vous nullement offusqué. Mais force est de constater que la chaîne de raisonnement décrite ici (Lou ne fait que distribuer un produit pour lequel il y a un marché) est totalement décadente. Les personnages de Network eux-mêmes risqueraient d'être horrifiés devant tant de froideur et si peu d'empathie. La manipulation des caractères et signes d'humanité à des fins purement, strictement, commerciales, ça n'a rien de nouveau certes, mais c'est ici poussé dans une logique jusqu'au-boutiste.
Je comprends désormais mieux la référence à James Ellroy. Au-delà du cadre (différents quartiers de Los Angeles), et du genre (acoquiné au film noir, le caractère fiévreux, le protagoniste obsessionnel), Gilroy nous plonge dans la fange, reste au plus près de Lou (Gyllenhaal est de toutes les scènes), et les seuls repères moraux sont si vite évacués que l'on ne peut que suivre impuissant les agissements d'une ordure sans doute plus condamnable que les responsables des actes qu'il filme - bon, ce point reste sujet à débattre. Un film sale et narquois (car non dénué d'humour), qui risque de ne pas laisser indifférent (j'en entends déjà certains dire que ça leur en toucher une sans bouger l'autre, YMMV).

Pour le coup, je ne sais pas comment le noter sur le topic idoine (2? 5? 8/10?)
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Harkento
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Harkento »

Tu as parfaitement bien résumé le film, et livré toute sa noirceur et son ambiguïté .... c'est pour cela que je lui ai mi 8 / 10 ! :wink:
ballantrae
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par ballantrae »

L'autre titre inattendu avec Quand vient la nuit qui me tente par plusieurs indices annonçant un polar nerveux, au sujet potentiellement passionnant.Le seul écueil qui m'arrêterait: la mise en avant excessive de J Gyllenhaal (que j'aime bien par ailleurs mais je ne vais jamais voir un film pour un acteur ou une actrice aussi admiré(e) soit-elle/il) au détriment d'atouts de pure mise en scène...mais l'extrait vu en ligne d'une filature semble plaider pour un filmage nerveux.
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AtCloseRange
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par AtCloseRange »

ballantrae a écrit :L'autre titre inattendu avec Quand vient la nuit qui me tente par plusieurs indices annonçant un polar nerveux, au sujet potentiellement passionnant.Le seul écueil qui m'arrêterait: la mise en avant excessive de J Gyllenhaal (que j'aime bien par ailleurs mais je ne vais jamais voir un film pour un acteur ou une actrice aussi admiré(e) soit-elle/il) au détriment d'atouts de pure mise en scène...mais l'extrait vu en ligne d'une filature semble plaider pour un filmage nerveux.
Ton avis donne envie en tout cas.
Helena
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Helena »

C'est une oeuvre vraiment particulière, je voulais voir un film, il n'y avait que celui-ci qui était diffusé, je ne savais rien du film et on peut dire que ce fut une surprise. Le film n'est pas parfait, mais très intéressant et effrayant. Suivre le parcours de Lou est assez glauque, au début on trouve le personnage amusant, bizarre, mais touchant, on dirait presque qu'il est autiste et plus on avance dans le récit plus on se rend compte que c'est un psychopathe en faite, mais en puissance. Le point de rupture qui permet ce constant en ce qui me concerne arrive quand il brise le miroir de rage. On ne reconnait pas le personnage, même si bien avant cette scène il fut violent, il n'y avait rien de vraiment choquant, je pense d'ailleurs que cela vient du non-dit en faite, on ne sait pas vraiment ce qu'il fait au gardien, donc indirectement cela ne nous affecte pas, alors que dès que sa rage éclate, que ce soit chez lui devant le miroir, ou après dans les studios, on se rend compte subitement qu'il est fou. C'est un homme prêt à tout pour atteindre son but, c'est en soit admirable qu'il ne renonce pas bien entendu, sauf qu'il part littéralement en vrille. Il y a les moments ou il déplacé le corps par exemple, c'est un détail tout bête, mais qui prend tout son sens un peu plus tard quand il parle avec son associé. Il y a aussi la scène de sabotage et tous les moments ou il filme les gens bien entendu. Il faut avoir le coeur serré pour faire ce métier j'en conviens, mais lui, de par sa manière d'être, il est choquant. Je parlais d'un moment ou il discute avec son collègue, en effet il lui dit ne pas aimer les gens. Si tu prends cette information en compte on peut dire qu'on comprend mieux ce qu'il fait par moment, comme le sabotage qui est pour se débarrasser de son concurrent, mais je parle de l'idée, je veux dire il sabote son véhicule, surveille les fréquences pour venir le premier sur l'accident et il filme contre tout décence l'un des leurs. C'est glauque, d'ailleurs le regard que lui lance son concurrent fait froid dans le dos. En parlant de concurrent, quel plaisir de voir Bill Paxton, un acteur que j'adore et qui fait toujours plaisir à voir. Il y a aussi Renée Russo dans le rôle d'une boss, et on peut dire en soit que même elle ne nous apparait pas comme tout blanche. Je veux dire le moment ou Lou explose et lui parle des tarifs, de ce qu'il veut quand il couche avec elle et j'en passe... on pourrait se dire la pauvre, mais en faite non, elle pourrait tout stopper sauf qu'elle ne le fait pas pour avoir un scoop. Jake Gyllenhaal est très bon dans le récit, je l'ai dit, il fait peur, mais vraiment peur par moment et à d'autres moments il fait rire, voir sourire. C'est son regard qui fait tout, et on peut dire qu'il a de bons dialogues, au début ça fait un peut robot et en faite ça fait partie de la psychologie du personnage, son discours de fin m'a fait sourire en tout cas.
La mise en scène est efficace, le réalisateur a une manière de filmer Los Angeles qui fait plaisir, cette ville est vivante, la journée comme la nuit et on le ressent, elle est glauque et on le ressent aussi. Sa mise en scène est efficace et il arrive à nous impliquer dans le récit, il n'y a pas de gras comme le dit El Dadal, c'est carré du début à la fin et c'est plaisant, il y a peut être juste la bande son par moment qui peut nous sortir du film et quelques détails de l'histoire qui font tiquer (le fait qu'il laisse des traces adn un peu partout par exemple) qui peuvent déranger, mais c'est un divertissement, glauque, mais prenant et qui mérite la note de 7/10.
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par cinéfile »

Un film ultra malaisant, c'est clair.

Une scène en particulier (
Spoiler (cliquez pour afficher)
le long dialogue entre Gyllenhall et Russo, dans le restaurant mexicain, où le premier tente et parvient à s'attirer les faveurs sexuelles de la seconde par le biais d'un chantage machiavélique et absolument dégueulasse
) m'a littéralement retourné l'estomac.

Là, on est loin du cynisme "chic" à la Gone Girl.

Un film qui dénote pas mal par rapport au reste de la production US (et qui se trouve bien distribué en France avec + de 250 salles).
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Thaddeus
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Thaddeus »

cinéfile a écrit :Là, on est loin du cynisme "chic" à la Gone Girl.
C'est clair qu'à côté du personnage principal de ce film, la Amy de Fincher est une enfant de cœur. Rarement vu un tel monstre, une telle pourriture dans un film de studio, en tout cas de récente mémoire.
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Flol »

Effectivement, c'est assez malaisant de se retrouver face à ce qui caractérise l'être humain dans ce qu'il a de plus sale. Et là où le film est particulièrement malin, c'est qu'il ne fait jamais dans l'ironie pure et dure. Non, Gilroy décide d'y aller en adoptant un ton très 1er degré, ce qui à priori dérange pas mal de monde (si j'en crois quelques réactions glanées sur Twitter), qui lui reproche de ne pas assez condamner les agissements de Lou Bloom (incroyable Jake Gyllenhaal) et (la revenante Rene Russo, qui a pris moins cher physiquement que ce que je pensais). Ils avaient sûrement besoin que Gilroy place des panneaux toutes les 20 secondes pour préciser "attention ! ce Lou Bloom est un vilain et je ne suis pas d'accord avec lui !".

Ce n'est donc pas parce qu'il le traite de manière frontale, à la manière d'une farce grotesque (piège dans lequel il aurait pu tomber), qu'il valide son comportement. Comportement qui devient même inacceptable à un moment clé du film. La fin est à ce titre hyper glaçante, tant elle confirme tout le mal que l'on peut penser de la société du spectacle que sont devenus les médias actuels (dont le sensationnalisme gangrène de plus en plus nos magnifiques chaînes d'info continue). Et que certains sont prêts à tout pour réussir, y compris à devenir un enculé de première, sans aucune dignité et totalement déshumanisé (Lou s'exprime constamment comme un robot, qui aurait appris par coeur ses phrases toutes faites sur Wikipedia).

Profondément dérangeant, avec juste ce qu'il faut comme doses d'humour (parce que le film n'en manque pas non plus). Et L.A. n'avait pas été aussi bien filmé depuis Mann et Winding Refn.
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Thaddeus
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Thaddeus »

Ratatouille a écrit :Comportement qui devient même inacceptable à un moment clé du film.
Pour moi son comportement est inacceptable au bout de deux minutes du film, dès que le mec s'empare d'une caméra. Tout le récit s'emploie ensuite à suivre son immersion dans une ignominie toujours plus profonde. C'est, quelque part, le reproche que je lui ferais : ce que le personnage décide de faire (à la fin en tout premier lieu) est tellement "too much" que j'ai du mal à croire que l'on soit dans la simple dénonciation. Du moins, elle s'accompagne d'une autre dimension, moins franche, plus sournoise. Il y a un petit côté *je m'ingénie à épouvanter le spectateur, à le révulser* sur lequel je m'interroge. Où s'arrête la charge critique et où commence la provoc' vaine ? Il me semble que Gilroy approche dangereusement la frontière, au bout d'un moment. Surtout lorsqu'il commence à filmer des poursuites en bagnole façon Die Hard (je ne pense pas que cela relève d'une stratégie méta selon laquelle il s'agirait de faire entrer le sensationnalisme dans sa propre mise en scène).
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El Dadal
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par El Dadal »

Ratatouille a écrit :Et L.A. n'avait pas été aussi bien filmé depuis Mann et Winding Refn.
Ça ouais. On ne s'est pas encore trop attardé sur ce point, mais c'est totalement vrai. C'est d'autant plus fort que ça suit en parallèle l'évolution des techniques de filmage de Lou. En effet, on commence tranquille en caméra portée tremblotante style found footage merdique, puis en petits plans fixes un peu fades (le premier truc que dit Nina à Lou d'ailleurs, c'est de s'acheter du meilleur matos, ce qui ne manque pas de piquant quand on sait qu'il s'agit de filmer dans le caniveau -là j'y vois un message clair de Gilroy au passage), pour finir en travellings compensés, en courses poursuites à la bande son incroyable (et suffit de voir le dernier plan filmé par Lou, de l'exécution du 2e truand, si cinématographiquement parfait car correspondant à toutes les phases de création d'un tel produit: développement, pré-production, production et post-production). C'est même un petit tour de force qui m'était passé un peu par-dessus la tête en sortant de la salle, tout sonné que j'étais par son contenu émotionnel et moral.

Sinon, le malaise qu'il a su instaurer en moi n'étant jamais gratuit, et à contrario le film ne devenant pas une croisade sentencieuse, j'y vois un film paradoxal et dangereux, dans le sens où il force à penser par soi-même, et à juger, armés de nos propres échelles de valeurs. Je vois bien, et je m'en désole, la croisade de Lou inspirer certains esprits torturés, comme le Gordon Gekko de Wall Street a pu en inspirer nombre à la fin des années 80...
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Demi-Lune
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Demi-Lune »

Thaddeus a écrit :Où s'arrête la charge critique et où commence la provoc' vaine ?
Tope-là. Film pas évident à cerner que ce Night call. Perso, j'ai eu l'impression d'un film qui tirait sur l'ambulance, et qui restait finalement assez creux au-delà de sa mise en exergue morale, scolaire dans le sens où, bien sûr, le sensationnalisme des chaînes d'info continue et le voyeurisme des charognards, ben c'est moche et écœurant. Mais après ? Gilroy atteint vite les limites d'un sujet dérangeant en soi, mais traité quasi exclusivement (sinon commodément) sous l'angle du cynisme monstrueux de ses deux principaux protagonistes, ce qui nuit à la charge critique car leur inhumanité rend la démonstration plus facile, plus grossière. Network était, dans ses excès, paradoxalement beaucoup plus subtil et dérangeant sur les problématiques morales, à titre de comparaison... notamment grâce à la caractérisation du personnage pourri, mais humain (justement !), de Faye Dunaway. De sorte que le malaise reste en définitive étonnamment limité, la propreté irréprochable de la photo d'Elswith contribuant encore plus à faire "écran", à rendre les problématiques "confortables" dans une certaine mesure. Difficile de dire si c'est, comme dit Thaddeus, une réelle mise en abyme du cinéaste par rapport à notre condition de spectateur consentant et voyeur par la force des choses, ou si cela trahit une absence de point de vue.
L'ensemble reste efficace, bien rythmé et narré, sans réel style mais classieux (L.A. comme on ne l'avait plus vue depuis Collatéral), solidement porté par Gyllenhaal et son sourire glaçant... mais je crois que sur la question de la perversité de l'image, on n'est pas prêt de faire plus abouti que Benny's video de Haneke.
D'ailleurs, sur un plan plus pragmatique, je me posais deux questions. Premièrement, d'un point de vue pénal, je me demandais pourquoi la police US n'inquiète pas ces putains de vautours, au titre de la non assistance à personne en danger par exemple. Et deuxièmement, je n'ai pas compris pourquoi
Spoiler (cliquez pour afficher)
Lou était remis en liberté à la fin, sachant qu'il était très facile pour la police, au vu des circonstances et des soupçons de la fliquette, d'obtenir une commission pour saisir toutes ses données informatiques. On aurait alors retrouvé le début de la vidéo avec les deux assassins, et il aurait été confondu dans sa rétention d'informations capitales.
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Harkento »

C'est marrant (en fait non), mais pour ma part c'est parce qu'il n'y a aucune frontière et qu'on suit un sociopathe qui rend le film fascinant. Personne n'en parle, mais il y a aussi une puissante allégorie sur les dérives du libéralisme dans sa manière d'agir. Il incarne l'américain qui veut s'élever et, pour lui, tout les moyens sont bons ; ça mentalité correspond à la même politique que celle des entreprises américaines dont le but est le fric et la réussite (plusieurs dialogues avec Nina et son collègue viennent confirmé tout ça). Il n'y peut être rien de nouveau, mais je trouve qu'il regarde son pays en face sans trop se foutre de notre gueule en fait. Et moi j'aime ça.
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TheGentlemanBat
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par TheGentlemanBat »

Au vu du tressage de lauriers qui s'étale sur les sites & forums outre-Atlantique où tout le monde y va de son superlatif, j'avoue que je m'attendais à quelque chose de bien plus puissant et rejoins donc un peu l'avis de Demi-Lune. Parce qu'au-delà de l'exécution sans faille, surtout pour un 1er long (c'est vrai que la captation de LA by night est assez sublime), et l'incroyable performance de Gyllenhaal en sociopathe de service (en ressortant de la salle, je me suis d'ailleurs dit que si une nouvelle tentative d'adaptation d'American Psycho voyait le jour, il ferait un fantastique Patrick Bateman), le film je trouve manque un peu de relief. En outre, je ne sais pas si c'est dû à la position de voyeur lambda dans laquelle on se retrouve placé ou au fait que Lou soit totalement déshumanisé et que par ricochet, on ne ressente pas grand chose pour cet habitacle vide mais il y a une sorte d'effet de distance, de barrière invisible qui perso s'est créé et m'a laissé à quelques frissons de dégoût près un peu en dehors du truc, c'est assez étrange... :? A remater peut-être en Blu pour voir si ce sentiment persiste ou non et réévaluer à la hausse éventuellement ce Night Call auquel j'attribue pour l'instant un 7/7.5 qui doit beaucoup à la prestation de l'ami Jake, décidément en phase ascensionnelle.
ballantrae
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par ballantrae »

Je pense que toutes les louanges reçues par ce premier sont loin d'être usurpées du fait d'un scénario dénué de temps mort et paradoxalement extrêmement riche ,par une mise en scène assez sèche tour à tour très posée et s'emballant soudainement comme par osmose avec l'attente de ces vautours médiatiques qui attendent "la" bonne affaire où glaner les images chocs, grâce à l'abattage d'un acteur décidément magistral Jake Gyllenhaal qui pour ma part crée un sociopathe aussi impressionnant que le Travis Bickle de Taxi driver (il y a d'ailleurs une conscience très nette du tribut que doit ce film au chef d'oeuvre de Scorsese sans pour autant que cela leste le film d'un poids trop grand: la scène de la glace est géniale à cent coudées au dessus des variantes vues ici et là, je pense à Cassel dans La haine).
J'aime dans ce film la capacité de synthétiser de manière concrète-très série B- par une sorte de métonymie la société du spectacle: jusqu'où filmer? dans quelle mesure l'info est mise en scène? quel est le pouvoir de l'image? en quoi le pathos jamais ne se substituera à une analyse réelle du régime des images? Par delà la question médiatique, il s'agit d'une réflexion juste sur un monde marchandisé dont Lou Bloom est la créature logique à l'heure du net où une capacité mimétique hypertrophiée peut tenir lieu d'intelligence( le personnage n'est pas intelligent en soi mais il sait imiter) et faire oublier la nécessité de l'empathie, base solide d'une définition de notre commune humanité.
Dan Gillroy réussit magistralement là où Wenders avait peiné sur End of violence ou Jusqu'au bout du monde mais il retrouve en revanche la profondeur du questionnement sur la création d'images que WW avait su poser dans L'état des choses:dans quelle mesure une image peut tuer?
Je pense que le film n'étant pas loin de l'apologue, la question de la vraisemblance (notamment pour les empreintes ou les soupçons de la fliquette, comme ds Gone girl d'ailleurs) n'est pas un problème réel: le monde se conforme aux désirs du personnage car il a su en comprendre la logique dégueulasse.
On a beaucoup parlé de Taxi driver et de Drive à juste titre pour ce film mais il faudrait eut-être convoquer aussi le grand Sam Fuller pour l'énergie dévastatrice de la parabole concrète que constitue le film et c'est la seconde fois cette année que je retrouve cette impression de voir ressurgir les mânes de l'auteur de Pick up on south street et Shock corridor après Whiplash...et en attendant White god (// White dog?).
Enfin, c'est étonnant de voir coup sur coup Gone girl et ce film qui sont des réflexions assez poussées sur la question médiatique contemporaine.Le Fincher possède de solides qualités mais je lui préfère le traitement viscéral de Gilroy.
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Colqhoun
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Re: Night Call (Dan Gilroy - 2014)

Message par Colqhoun »

Un petit film tout nul, qui n'a pas grand chose à raconter et qui s'échine à créer un malaise sur la base d'un personnage tellement peu ambigu et excessif qu'il en perd tout crédibilité. Le chemin tout tracé de ce Lou Bloom est tellement exaspérant dans sa construction mécanique et calculée que l'on en vient à tout anticiper avec 20 minutes d'avance. La critique des médias, un sujet déjà rabâché et facile (Network racontait peu ou prou la même chose il y a 40 ans), devient de fait complètement superflue et l'intérêt s'évapore avant même d'arriver à la moitié du film. Car dès le moment où Lou est confronté aux cameramen pour la première fois, tout le propos du film est déjà établi. Et aucune scène ne viendra donner un peu plus de consistance à tout cela. Tout au plus on pourra se rattraper avec la prestation de Gyllenhaal et un certain savoir-faire dans la mise en scène d'une L.A. constamment plongée dans la nuit. Et heu voilà. Complètement dépassé par les louanges qui entourent ce film qui me semble largement survendu.
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