Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6180
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Thaddeus »

Image

Le film raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de repousser les limites humaines et partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire.

Le dernier Christopher Nolan, donc. Que l’on va voir comme un évènement médiatique incontournable, soigneusement préparé par la machinerie publicitaire, avant d’aller le voir comme une promesse de grand cinéma. Pour planter un peu le décor de ma relation avec le bonhomme : je n’ai jamais détesté ses films, j’y ai pris toujours un minimum de plaisir (quand ce n’est pas beaucoup), tout en goûtant parfaitement aux reproches formulés par ses détracteurs – trop de sérieux, trop de calculs, trop de programmation verrouillée, trop d’intelligence consciente d’elle-même, ou plus exactement voulue comme telle. Mais au-delà de leurs défauts (et il y en a beaucoup), je sais reconnaître aux entreprises de Nolan une ambition bien plus haute que ce qu’offrent la plupart des productions équivalentes et une vrai respect dans la façon de divertir son public sans le prendre pour un débile.

Je me retrouve souvent un peu bêta lorsque je veux parler d’un film de Nolan. Puisqu’il cherche à chaque fois brasser beaucoup de matière, c’est la moindre des choses de lui en rendre justice dans les compte-rendus. Et en même temps, je ne peux m’empêcher d’en sortir avec le sentiment que toutes ces directions empruntées, toutes cette thématique embrassée, tout ce potentiel de sujets et de significations débouche sur… pas grand-chose de plus qu’un pet foireux (en exagérant). Le problème avec le bonhomme, c’est qu’il se retrouve toujours pris au piège de ses intentions. Ici c’est flagrant. Il veut réaliser un film de science-fiction crédible, documenté, avec les reins solides au niveau du background scientifique. Alors il y va à fond, bétonne (en apparence) la dimension théorique, assoit son intrigue sur de complexes notions de relativité spatio-temporelle, sur le fonctionnement des trous de ver, le mystère des trous noirs, etc. Et lorsqu’il cherche à passer au niveau supérieur, à franchir l’étape de l’expérience métaphysique et existentielle (parce que oui, il y a cette ambition dans le film), il ne démord pas de son empressement à tout expliciter. Et c’est comme cela qu’il se retrouve Gros-jean comme devant, avec une résolution d’intrigue
Spoiler (cliquez pour afficher)
à base de déchiffrement des plus complexes problèmes quantiques de l’histoire humaine, par une seule meuf, en décryptant du morse dans les aiguilles d’une montre. Quand même.
Ça nécessite un saut de foi non négligeable, que je ne suis pas sûr d’être capable de fournir. D’autant que des aberrations de ce genre, il y en a à tous les étages. En voici quelques unes, comme elles me viennent :
Spoiler (cliquez pour afficher)
1) Cooper découvre une base cachée de la NASA et hop, cinq minutes plus tard il embarque pour un voyage au bout de l’univers, en compagnie de la scientifique qui était là (comme par hasard), sans entraînement préalable, sans préparation, sans explication aucune (je veux bien mettre cela sur le compte de l’ellipse, en étant clément).
2) L'équipage se retrouve face à problème extrêmement complexe à contourner (en gros, ne pas subir les effets de l’attraction gravitationnelle d’un trou noir pour atteindre une planète opposée), et Cooper explique la solution en crayonnant un schéma au dos d’un moniteur avec mon stabilo. Les autres : "Ouais c’est génial, super idée, allez on y va !".
3) Romilly a passé vingt-six ans (26 ans !) dans l'attente de ses compagnons partis par une visite planétaire qui n'a duré, pour eux, quelques heures. Lorsqu'il les retrouve, j'ai un tout petit peu de mal à croire que sa réaction soit aussi... anecdotique, surmontée, oubliée. C'est un traumatisme immense de vivre une chose pareille, le gars ne peut tout simplement pas attendre devant le sas, dire que l'attente a été longue, et continuer comme si de rien n'était. "Qu'est devenu le troisième larron ? Bon alors, on en était où là, quelle est la planète suivante ?". Le contact retrouvé avec ces deux partenaires après cette éternité de solitude ne peut renouer ainsi, les mots ne peuvent se trouver aussi facilement, le lien se faire avec cette facilité. Ou alors c'est moi qui délire, je ne sais pas...
Bon, je veux bien mais il faudrait savoir si l’on cherche le réalisme ou la fantaisie. Nolan semble de toute évidence viser le premier mais ne témoigne que trop rarement de la rigueur nécessaire. Idem dans le traitement un peu caricatural de la big star non créditée du film, que je ne vais donc pas révéler ici (de toute manière, le secret va être éventé dans les heures/jours qui viennent), et dont les motivations psychologiques m'apparaissent un chouïa artificielles pour ne pas être considérées comme un artefact scénaristique.

C’est donc en toute logique les scènes non explicatives, muettes, "contemplatives" (terme très impropre), que je préfère. Le voyage vers Saturne, par exemple, qui s’ouvre pour une fois à une fragilité, une respiration bienvenues, assez rares dans le cinéma de l’auteur. Interstellar est même un film où l’on pressent comme une réelle sensibilité poindre derrières les enjeux dramatiques. Même si l’on rétorquera à juste titre que peu de choses sont plus aisées que de se mettre émotionnellement dans la poche un film qui traite des rapports entre un père et sa fille, de la distance entre les deux, du deuil métaphorique qu’il implique. Ou bien encore
Spoiler (cliquez pour afficher)
qu'il est touchant, forcément, de mettre en scène les retrouvailles d'un homme ayant à peine vieilli avec sa fillette devenue centenaire, tandis qu'elle l'attend sur son lit de mort.
À titre personnel, je trouve la "solution" finale et tout le barda crypto-scientifique pour le justifier (à base de cinquième dimension, de projection affective, de visualisation de la mémoire et autres trucs costauds) franchement téléphonés. Nolan fait même intervenir l'amour, ce grand sentiment qui transcende le temps et l'espace. Je ne veux pas être cynique : l'ambition est louable et le spectateur l'estimera à l'aune de sa sensibilité. Je dis simplement que c'est casse-gueule et que je ne suis pas sûr que le cinéaste ait les épaules pour s'en tirer sans dommage. Au moins, il aura essayé. D’autant plus qu’un spectateur qui a vu un minimum de films dans sa vie aura deviné son principe (même vaguement) depuis le début. J’ai espéré tout du long que Nolan ne tombe pas ce piège, mais il n’a pas su l’éviter. Est-ce un grief mineur ? Chacun jugera selon ce qu’il piochera par ailleurs dans le film, sorte de grande auberge espagnole avec des miettes de poésie (l’écouteur qui passe les sons terrestre de l’orage et de la pluie dans l’infini, très joli) et de la pauvreté littérale, de belles plages de détresse (merci Jessica) et de la grosse musique à pleins tuyaux, toujours, constamment, surtout lors des moments les plus dramatiques (mais étouffez Zimmer !).

Voilà pour mes premières impressions. Le film ne fera sans doute bouger aucune ligne quant à la perception des uns et des autres sur le cinéma de Nolan, et je pense que même ce constat ne sera une surprise pour personne.


PS : J'ai beaucoup aimé, notamment, tout ce qui a trait aux deux robots/intelligences artificielles du film, traitées avec pas mal d'humour et de singularité, rendues à la fois crédibles et étrangement attachants. J'en veux un !

PS 2 : Le premier qui évoque un film célèbre de Stanley Kubrick, gare à lui. Dire que ce film paraisse dérisoire à côté, c'est une évidence. Dire qu'il s'en montre un digne héritier, c'est n'importe quoi. Dans les deux cas, filer la comparaison est au mieux une facilité, au pire une ânerie. D'ailleurs s'il fallait chercher un véritable antécédent à Interstellar il faudra chercher du côté du Contact de Zemeckis (un film que j'aime énormément), avec qui il partage l'approche un peu "hard-science" du genre, le voyage spatio-temporel par le biais de trous de ver avec mission à la clé, la mise en parallèle de la rationalité et de la foi au sens large (perçues comme deux faces complémentaires), la visualisation finale par le biais du bagage mémoriel et intime, le rapport central, chargé de deuil plus ou moins métaphorique, entre le père et la fille, reliés si loin si proche à travers l'immensité de l'univers, et même... Matthew Mcconaughey !
Dernière modification par Thaddeus le 31 oct. 14, 21:19, modifié 2 fois.
Avatar de l’utilisateur
Demi-Lune
Bronco Boulet
Messages : 14973
Inscription : 20 août 09, 16:50
Localisation : Retraité de DvdClassik.

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Demi-Lune »

Seule question qui me préoccupe pour le moment :
On voit beaucoup Jessica Chastain dans le film ? :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6180
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Thaddeus »

Hé hé. Ça dépend de ce que tu appelles "beaucoup". Elle arrive tardivement dans le récit, de façon tout à fait logique. Mais elle lui apporte pas mal de poids émotionnel, de vérité, de sincérité, ce qui n'a rien de surprenant tant cette femme est un trésor d'actrice.

J'avoue avoir eu un peu de mal, pendant une demi-heure, avec le jeu de Matthew McConaughey, son accent traînant, sa forfanterie bravache, sa décontraction appuyée. Le rôle veut ça, mais je lui aurais bien demandé de se calmer un peu sur le côté cow-boy-papa-mega-cool. Au bout d'un moment j'ai fini par oublier, peut-être tout simplement parce que le film m'a intéressé. De façon générale, les acteurs ne sont pas déméritants. Même Anne Hathaway est bien, sobre, parfois touchante. Sans compter les deux IA et... la guest star non créditée.
Avatar de l’utilisateur
Ouf Je Respire
Charles Foster Kane
Messages : 25914
Inscription : 15 avr. 03, 14:22
Localisation : Forêt d'Orléans

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Ouf Je Respire »

Thaddeus a écrit :et... la guest star non créditée.
Non... Ne me dis pas que... Dominique Lavanant???
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
« Toutes choses sont dites déjà ; mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer. » André Gide
Avatar de l’utilisateur
AtCloseRange
Mémé Lenchon
Messages : 25418
Inscription : 21 nov. 05, 00:41

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par AtCloseRange »

Spoiler (cliquez pour afficher)
Xavier Nolan?
bronski
Touchez pas au grisbi
Messages : 17373
Inscription : 23 févr. 05, 19:05
Localisation : location

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par bronski »

9.5 sur Imdb, donc.

Impressionnant.
Avatar de l’utilisateur
AtCloseRange
Mémé Lenchon
Messages : 25418
Inscription : 21 nov. 05, 00:41

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par AtCloseRange »

Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Strum »

bronski a écrit :9.5 sur Imdb, donc.

Impressionnant.
Tu le sais sûrement, mais sur imdb, surtout pendant les jours environnant la sortie d'un blockbuster attendu, il vaut mieux ne pas se fier à la note imdb des internautes. Le metascore (moyenne des notes de critiques presse selon Metacritic) qui figure aussi sur la page imdb des films, est plus parlant : 77/100 pour Interstellar, ce qui est un bon score, mais sans plus.
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6180
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Thaddeus »

Ouf, tonton machin a écrit :Non... Ne me dis pas que... Dominique Lavanant???
Mieux que ça. Quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître, à un moment où le film ronronnait un peu...
Spoiler (cliquez pour afficher)
Ce bon vieux Jean-Pierre !

Image
bronski
Touchez pas au grisbi
Messages : 17373
Inscription : 23 févr. 05, 19:05
Localisation : location

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par bronski »

Ah tiens, je n'avais jamais fait attention au metascore d'un film. Bon à savoir, merci.

Cela-dit, ce genre de score sur Imdb -sur le long terme- est plutôt réservé aux classiques du jeu vidéo, de là ma surprise de le voir pour un film.
Strum
n'est pas Flaubert
Messages : 8464
Inscription : 19 nov. 05, 15:35
Contact :

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Strum »

Thaddeus a écrit :Mieux que ça. Quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître, à un moment où le film ronronnait un peu...
Spoiler (cliquez pour afficher)
Ce bon vieux Jean-Pierre !

Image
Spoiler (cliquez pour afficher)
Meuh non, c'est Jimmy Page de Led Zep, la guest star, venu, déguisé en Gandalf, régler son compte à Hans Zimmer dans une séquence psychédélique du film en hommage à 2001. D'ailleurs, voici l'extrait :
Avatar de l’utilisateur
Boubakar
Mécène hobbit
Messages : 52281
Inscription : 31 juil. 03, 11:50
Contact :

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par Boubakar »

Thaddeus a écrit :la guest star non créditée.
...qui était pourtant créditée aux débuts du projet :|
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
mannhunter
Laspalès
Messages : 17398
Inscription : 13 avr. 03, 11:05
Localisation : Haute Normandie et Ile de France!
Contact :

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par mannhunter »

Avatar de l’utilisateur
shubby
Assistant opérateur
Messages : 2715
Inscription : 27 avr. 08, 20:55

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par shubby »

Ca me rappelle la sortie presse de Contact, que j'aime beaucoup. A l'époque, la péloche était pas mal qualifiée de niaiseuse.
Pas mal de rapports ic : Kip Thorne, McConaughey, le sujet, l'approche et une certaine naïveté peut-être assumée.
Avec en + une note d'intention L'étoffe des héros qui me plait bien.

Bref, je ne l'ai pas encore vu. Mais je suis paré au décollage :)
Avatar de l’utilisateur
G.T.O
Egal à lui-même
Messages : 4844
Inscription : 1 févr. 07, 13:11

Re: Interstellar (Christopher Nolan - 2014)

Message par G.T.O »

Quentin Tarantino Compares 'Interstellar' To Andrei Tarkovsky & Terrence Malick


http://blogs.indiewire.com/theplaylist/ ... k-20141104
Répondre