7swans a écrit :
Petite notule sur le premier film de Spike Lee, "
She’s Gotta Have it" (et son très sympathique titre français «
Nola Darling n’en fait qu’à sa tête »).
Le noir et blanc aidant, on ne peut pas s’empêcher de penser à la Nouvelle Vague Godardienne, avec cette liberté de cadrage et de divagation, pour quelques scènes, dans les rues Brooklyn ou Manhattan (la rencontre Nola/Jamie). On pense donc tout aussi évidemment au Nouvel Hollywood, Scorsese s’érigeant en influence majeure.
Mais Lee va plus loin et imprègne déjà son film de ses marottes, de ce qui participera à créer un style Spike Lee : cette caractérisation truculente de personnages en quelques plans (les gros plans sur le médaillon MARS, ses baskets, son vélo, par exemple), les scènes de sexe très cadrées, très graphiques, ces répétitions visuelles en double points de montage, cette tension qui montre entre les hommes (ici pour l’amour d’une femme et traitée avec beaucoup d’humour, dans ses prochains films, pour d’autre raisons et souvent plus grave) et cet éloignement progressif de Manhattan pour mettre en avant son terrain de jeu favori, les autres boroughs de NY (ici Brooklyn, et son pont majestueux du même nom, qui s’impose en arrière plan).
Sur le fond, le film est très contemporain, en plaçant une femme au centre de son film et plus particulièrement sa liberté de corps et d’esprit, il apporte sa pierre au cinéma féministe, se faisant étendard du girl empowerment (ce qui continuera de lui tenir à coeur, jusqu’à Chi-Raq).
Si on peut craindre un revers moraliste au 3/4 du film
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- (le « viol » punitif de Nola-la-libertine par Jamie-l’amant-rigoriste, que Spike Lee regrettera par la suite d’avoir filmé)
, la fin du film rassure sur la vision avant gardiste et libertaire de son réalisateur
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- (Nola part à la reconquête de Jamie, pour finalement le laisser tomber une nouvelle fois, finissant le film seule, mais encore une fois libre et apaisée, elle n’a besoin d’aucun homme dans sa quête du bonheur, dans sa quête d’elle même. En tout cas pas maintenant.)
Oui, She’s Gotta Have it est un film important, dans l’histoire du cinéma américain indé, dans l’histoire du cinéma afro américain, mais aussi (et surtout?) pour son féminisme avant gardiste, dans un contexte (les années 80) pas forcément le plus propice (la libération des années 70 est bien loin...)
Le film est tellement d’actualité que Netflix a commandé à Spike Lee une série TV « She’s Gotta Have It » de 10 épisodes.
Et en passant, pour les Blanchardistes (dont je fais partie), concert immanquable à la Philarmonie en décembre : "THE MOVIE MUSIC OF SPIKE LEE & TERENCE BLANCHARD"
http://philharmoniedeparis.fr/fr/activi ... -blanchard