Ben alors, personne ne s'est encore dévoué ?
Pourtant, Tel père, tel fils est un vrai beau film qui confirmera la place de premier choix acquise par Kore-eda dans le paysage international.
Un des meilleurs cinéastes de la famille et de l'enfance à l'heure actuelle (Nobody knows en aura traumatisé plus d'un), Kore-eda nous propose cette fois-ci une variation sur La vie est un long fleuve tranquille : inversion d'enfant à la naissance par l'infirmière et prise en charge dans des familles de standing différent, qui ne se doutent de rien. Néanmoins, la similitude s'achève ici. Nulle satire grinçante dans Tel père, tel fils, mais un questionnement profond sur les liens d'amour et de sang. Le style toujours très posé du cinéaste pourra encore une fois paraître abusif à certains moments (on sent quand même un gros creux à mi-film), mais il ne nuit aucunement à l'émotion qui nous étreint deux heures durant. Comme toujours avec Kore-eda, tout cela est traité avec une grande dignité, grâce au travail pudique de mise en scène et à des comédiens plus vrais que nature (on a vraiment l'impression de pénétrer dans leur intimité). Pas sûr que si un remake voyait le jour (comme Spielberg semble vouloir le faire, ce qui serait une erreur totale à mon avis), cette retenue et cette sagesse très "japonaises", qui font toute la beauté du film en lui évitant tout pathos, seraient préservées.
Les développements de l'histoire peuvent paraître attendus car inéluctables, ils n'en demeurent pas moins très forts car le film prend le temps de détailler les étapes de ce dilemme émotionnel : la révélation, les rencontres entre les deux familles, les rapprochements, les passerelles, jusqu'à l'échange d'enfant inévitable. En creux, on a droit à de beaux portraits de parents (surtout le père n°1, froid et travailleur pour sa famille et non avec sa famille). La situation de conflit intérieur donne lieu à une évolution psychologique assez fine pour le couple n°1 (la culpabilisation de la mère de n'avoir pas senti dans ses entrailles le problème, les messes-basses sur la non-ressemblance enfant/parents, les terribles phrases "Tout s'explique donc..." ou "J'ai l'impression de le trahir") et, pour tout dire, bouleversante sur la fin (la découverte des photos numériques qui s'accompagne d'une découverte bien plus puissante). Non pas que le couple n°2 soit sacrifié, mais la caractérisation de dilettante du père n°2 doit avant tout mettre le père n°1 face à ses propres incertitudes et émotions vis-à-vis du devenir de l'enfant qu'il a élevé pendant 6 ans et qu'il croyait être le sien. Cela donne un côté un peu binaire au film (famille guindée et riche VS famille chaleureuse et pauvre), mais les choses sont heureusement traitées avec toutes les nuances nécessaires, pour un film réellement poignant sur l'amour d'un enfant pour son "père" et d'un père pour son "fils". Les enfants sont d'ailleurs criants de naturel.
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