Jean-Baptiste Thoret

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Farnaby
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Farnaby »

Arn a écrit : Moui je trouve que tu mélanges deux choses. Ce qui est critiqué bien souvent dans le "c'était mieux avant" c'est la volonté de retourner à un passé souvent idéalisé (qu'on retrouve d'ailleurs chez Thoret). En revanche pour la gauche il ne doit pas avoir de soucis à dire que la situation se dégrade. Le progrès ne va pas en ligne droite, surtout dans nos sociétés. C'est un peu la base des différentes gauches normalement (bon elles n'ont plus beaucoup de "bases" aujourd'hui). Sauf que la solution n'est pas un retour dans le passé, mais de dépasser la situation actuelle. Pour moi ça n'a rien à voir.
Je ne pense pas du tout que ce qui est critiqué dans le « c’était mieux avant » soit la volonté de retourner à un passé idéalisé, en tout cas pas principalement.
Ce qui ne passe pas dans cette phrase et qui produit cette espèce de réflexe stupide dès qu’elle est prononcée (« Attention, alerte »), c’est la possibilité qu’on, que la société, que ceux qui dans la société ont accompagné ou provoqué le changement-progrès, se soient trompés et aient produit une vie moins bonne.
Remettre en cause 40 ans de pédagogisme où l’on crachait sur la dictée et le ba = ba d’un air entendu seulement parce que le résultat de cette révolution pédagogiste progressive est une catastrophe et qu’aujourd’hui un bachelier fait 100 fois plus de fautes qu’un paysan de 1930 ? Pas question. Alors on proclame sans preuve qu’avant ce n’est jamais mieux, et toutes les copies d’élèves, tous les signes ne changent rien : le réel n’a pas lieu parce que je ne veux pas en être tenu comptable.
Thoret, pour revenir à lui, n’ose pas aller au bout : il voit que dans tel ou tel domaine aujourd’hui c’est pire et que c’était mieux avant. Mais il ne peut pas prononcer la phrase. Car sinon qu’est-ce que cela dirait de ses croyances ? De ses adorées années 70 ? Qu’il y a eu erreur quelque part ? Qu’il s’est trompé à tel ou tel carrefour ?
J’ajoute que j’ai deux ou trois amis exactement dans le même état que Thoret : ils voient mais ne peuvent pas encore franchir le pas et répètent comme une formule magique « Ce n’était pas mieux avant, ce n’est pas possible, ça a toujours été comme ça... ou alors je deviens un horrible nostalgique / vieux con / réactionnaire [insérer ici le synonyme qu’on veut]. »

Pour revenir à l’interview, oui, je l’ai trouvée moins intéressante que d’autres, plus approximative. Il manquait sans doute un vrai interviewer / contradicteur.
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Supfiction
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Supfiction »

Je remets ça là après quelques éditions mais pour éviter le HS, je vais copier ça sur un topic portant sur la critique de cinéma d’hier si j’en trouve un.
Supfiction a écrit :Précisons au passage que fachiste, royaliste et antisemite sont trois choses totalement différentes (même si on peut éventuellement être les trois à la fois).

Tu m’as donné l’idée d’aller verifier dans ma bibliothèque et j’ai retrouvé ce livre.

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Je n’avais pas souvenir de propos antisémites mais en recherchant bien la petite bête, en fouillant dans ses avis sur Lubitsch je suis tombé sur une phrase ou deux effectivement antisémites du genre « les juifs commençaient à mêler à tout cela des relents de décomposition assez suspects ». Lubitsch qui « n’était guère qu’un habile artisan » d’ailleurs. Cependant il ne tarit pas d’éloges sur Design for living « d’une poésie bohème tout à fait réelle » et « d’un immoralisme naïf et délicieux ». Et de conclure que « Ninotchka est loin de valoir cette charmante réussite ».

Sur Chaplin, globalement des éloges mais on y trouve au milieu cette phrase : « Ce vagabond est le héros de notre temps, quelles que puissent être par ailleurs les concessions que Chaplin a parfois faites au goût du public, celles que lui ont déjà inspirées ses origines, son goût des clowns et peut-être une certaine vulgarité indéniable qui transparaît dans les fragments les moins nobles de certaines œuvres, Le cirque par exemple ou Les lumières de la ville ».

Autre point notable, je viens de relire sa critique de Naissance d’une nation et c’est évidemment très différent de ce qu’on pourrait en dire aujourd’hui. Il s’enthousiasme sur la forme avant toutes choses et dit peu sur le fond à part:

« Naissance d’une nation représentait la reconstruction sudiste après la défaite sous un aspect romanesque : le ku klux klan y jouait un rôle glorieux et actif, conforme d’ailleurs à la vérité historique, tandis que les negres y faisaient figure de traîtres de mélodrame et ne se trouvaient guère mis en en scène que sous les traits d’adeptes du terrorisme. Cette partialité fut-elle préméditée ? »

Puis pour conclure :
« Il est certain qu’il s’embarrasse d’une histoire absurde. Mais l’important est dans ces enfants negres qui jouent, dans ces batailles mal composées mais si belles, l’important est une vertu éminemment plastique. »

C’est pour le moins ambigu puisque à la fois il semble dire que l’histoire est absurde et la vision des noirs caricaturale et partiale mais en même temps que la représentation du KKK serait fidèle à la vérité historique..

Autre passage savoureux sur le déclin du cinéma américain justement : « Afin d’enrayer le visible abêtissement du cinéma américain, certaines maisons firent appel à des metteurs en scène étrangers. »

Bref dommage que JB ne soit pas ici pour tenter de justifier ses contradictions (pour moi il n’assume pas jusqu’au bout ses opinions pour ne pas passer pour passéiste parce que ça fait pas cool) et autres erreurs de jugement (la critique est née dans les années 50 où « le cinéma a commencé à être plus élégant »). Peut-être à force d’être poussé par les médias à radoter un peu les mêmes choses à chaque interview.
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Alexandre Angel
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Alexandre Angel »

Farnaby a écrit :Je ne pense pas du tout que ce qui est critiqué dans le « c’était mieux avant » soit la volonté de retourner à un passé idéalisé, en tout cas pas principalement.
Ce qui ne passe pas dans cette phrase et qui produit cette espèce de réflexe stupide dès qu’elle est prononcée (« Attention, alerte »), c’est la possibilité qu’on, que la société, que ceux qui dans la société ont accompagné ou provoqué le changement-progrès, se soient trompés et aient produit une vie moins bonne.
Remettre en cause 40 ans de pédagogisme où l’on crachait sur la dictée et le ba = ba d’un air entendu seulement parce que le résultat de cette révolution pédagogiste progressive est une catastrophe et qu’aujourd’hui un bachelier fait 100 fois plus de fautes qu’un paysan de 1930 ? Pas question. Alors on proclame sans preuve qu’avant ce n’est jamais mieux, et toutes les copies d’élèves, tous les signes ne changent rien : le réel n’a pas lieu parce que je ne veux pas en être tenu comptable.
Thoret, pour revenir à lui, n’ose pas aller au bout : il voit que dans tel ou tel domaine aujourd’hui c’est pire et que c’était mieux avant. Mais il ne peut pas prononcer la phrase. Car sinon qu’est-ce que cela dirait de ses croyances ? De ses adorées années 70 ? Qu’il y a eu erreur quelque part ? Qu’il s’est trompé à tel ou tel carrefour ?
J’ajoute que j’ai deux ou trois amis exactement dans le même état que Thoret : ils voient mais ne peuvent pas encore franchir le pas et répètent comme une formule magique « Ce n’était pas mieux avant, ce n’est pas possible, ça a toujours été comme ça... ou alors je deviens un horrible nostalgique / vieux con / réactionnaire [insérer ici le synonyme qu’on veut]. »

Pour revenir à l’interview, oui, je l’ai trouvée moins intéressante que d’autres, plus approximative. Il manquait sans doute un vrai interviewer / contradicteur.
Ce que tu dis est très intéressant.
Je crois qu'il y a, pour une grande part, dans le rejet épidermique du "c'était mieux avant" (parce que je suis sans doute comme toi, j'estime que oui, il y a des choses qui étaient mieux avant, et qu'il faut le dire) quelque chose qui a trait à la dictature du présent, typique de notre époque. Et cette dictature te menace non pas d'emprisonnement , d'exil physique ou de torture mais d'isolement, de rejet. Tu n'as pas le droit de t’intéresser à autre chose que ce qui est ici et maintenant, et que tu es sommé de consommer, sous peine d'être rejeté par ringardisation.

C'est quelque chose que mon époque me fait ressentir même si il ne faut pas exagérer dans l'autre sens en se réfugiant dans le passé.

Maintenant, par rapport à Thoret, toi et Supfiction extrapolez un peu au sens où l’intéressé, comme tu le suggères d'ailleurs, balance un peu des considérations convenues, peu approfondies, et déjà entendues ou lues. Certaines choses sont mieux avant parce que les contingences historiques (et les mentalités qui vont avec) le permettent. L'Histoire ourdit son dessein secrètement, en sourdine et la culture ne peut rien y faire. Je ne pense pas que Thoret l'ignore et cherche à refouler quelque chose.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Supfiction
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Supfiction »

Je réagissais à la phrase de Thoret « Cet intérêt pour les années 70 aujourd’hui démontre bien la pauvreté de notre époque contemporaine. Ce qui ne veut pas dire c’était mieux avant, dire cela ou que c’était moins bien avant est ridicule. »

Sans extrapoler, comment comprendre cette phrase autrement ? Que les années 70 (au cinéma) étaient également pauvres ? Thoret nous dit sans cesse le contraire. Donc ce n’est pas ça. Si quelqu’un la comprend, je suis preneur. :P
Même en essayant de le défendre ou de prendre cette phrase par un autre bout, il est difficile d’y voir autre chose qu’une contradiction.
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Alba
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Alba »

Farnaby a écrit : Remettre en cause 40 ans de pédagogisme où l’on crachait sur la dictée et le ba = ba d’un air entendu seulement parce que le résultat de cette révolution pédagogiste progressive est une catastrophe et qu’aujourd’hui un bachelier fait 100 fois plus de fautes qu’un paysan de 1930 ? Pas question. Alors on proclame sans preuve qu’avant ce n’est jamais mieux, et toutes les copies d’élèves, tous les signes ne changent rien : le réel n’a pas lieu parce que je ne veux pas en être tenu comptable.
:shock: Parce-que tu peux prouver qu'un paysan de 1930 faisait moins de faute qu'un bachelier d'aujourd'hui ? Il y a sûrement des ajustements ou des revirements complets à faire dans les nouvelles méthodes, et plus largement une multiplication des connaissances et des informations qui limite le perfectionnement d'une discipline en particulier comme l'écrit. Il n'empêche que l'illettrisme a globalement diminué au fil des décennies et que les nouvelles générations s'en sortent globalement mieux que leurs ainés. (et c'est à peu près prouvable)

Pour en revenir à Thoret et l'idée que le cinéma c'était "mieux avant", je ne crois pas que Thoret se censure à cause d'un quelconque gauchisme ou une propagande progressiste. C'est simplement impossible à dire en restant honnête. Bien sûr que la production hollywoodienne jusqu'à 1980 était bien meilleure qu'aujourd'hui, tant quantitativement que qualitativement, ça parait indéniable. Bien sûr que la critique cinéphile était souvent plus exigeante dans les années 1950 et avait beaucoup plus matière à créer des idées nouvelles, puisque le terrain était encore à défricher. En même temps, il n'a jamais été aussi simple de faire des films et le cinéma indépendant/expérimental/art & essai n'a jamais été aussi vivant. On n'a jamais eu autant accès à des films de toutes les époques et tous les pays confondus, dans des conditions de visionnage optimales. On n'a jamais eu autant de canaux de discussions pour confronter les avis cinéphiles et découvrir ou faire découvrir des perles rares passées entre les mailles de la critique spécialisée.

A mon sens, Thoret ne s'empêche pas de dire "c'était mieux avant" par censure idéologique, mais bien par honnêteté intellectuel.
Bref, "avant versus maintenant", c'est aussi con que "eux versus nous", "méchant versus gentil", "cow-boy versus indiens". Ça n'a pas de sens et ce n'est pas comme ça qu'on fera avancer la société ou la cinéphilie.
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Alexandre Angel
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Alexandre Angel »

Supfiction a écrit :Je réagissais à la phrase de Thoret « Cet intérêt pour les années 70 aujourd’hui démontre bien la pauvreté de notre époque contemporaine. Ce qui ne veut pas dire c’était mieux avant, dire cela ou que c’était moins bien avant est ridicule. »

Sans extrapoler, comment comprendre cette phrase autrement ? Que les années 70 (au cinéma) étaient également pauvres ? Thoret nous dit sans cesse le contraire. Donc ce n’est pas ça. Si quelqu’un la comprend, je suis preneur. :P
Même en essayant de le défendre ou de prendre cette phrase par un autre bout, il est difficile d’y voir autre chose qu’une contradiction.
Il dit juste que cette fascination contemporaine pour ce dernier âge d'or prouve qu'on (les artistes) est pas bien dans le présent, qu'il n'y a pas de fumée sans feu, et que cela traduit quelque chose de triste et un malaise dans notre rapport avec notre présent.

Et après, comme tu le dis, il se fend d'un maladroit "mais attention, hein, ça veut pas dire que c'était mieux avant, ce serait ridicule, etc...".

Je ne vois pas vraiment de contradiction mais plus une façon, en effet, de ne pas tout à fait assumer quelque chose pour prévenir le fait qu'on puisse le traiter de vieux con.

EDIT Je viens de lire le message d'Alba qui se tient tout à fait.
Dernière modification par Alexandre Angel le 17 août 19, 11:13, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Supfiction »

On est d’accord, il n’assume pas totalement pour ne pas passer pour un vieux con réac. Je peux le comprendre si il ne veut pas être limité à une diffusion dans Le Figaro. :mrgreen:
Alba a écrit : A mon sens, Thoret ne s'empêche pas de dire "c'était mieux avant" par censure idéologique, mais bien par honnêteté intellectuel.
Bref, "avant versus maintenant", c'est aussi con que "eux versus nous", "méchant versus gentil", "cow-boy versus indiens". Ça n'a pas de sens et ce n'est pas comme ça qu'on fera avancer la société ou la cinéphilie.
Donc on peut le penser mais qu’à moitié et ne pas le dire parce que c’est intellectuellement une impasse et que ça ne fait pas avancer les choses. C’est bien ça ? (sans moquerie, je précise). C’est surtout pour le moral individuel et collectif que le passéisme est une mauvaise chose à mon sens, et non par honnêteté intellectuelle. Même si l’on préfère les films anciens, pour sa propre santé, il faut rechercher le beau dans le cinéma d’aujourd’hui. Et heureusement il y en a encore beaucoup mais ce n’est que de plus en plus rarement dans le cinéma populaire (hollywoodien et français). Mieux vaut écarter le sujet. Comme dit Annette Bening dans 20th Century Women, se demander si on est heureux est le meilleur moyen de déprimer.
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Alba
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Alba »

Supfiction a écrit :On est d’accord, il n’assume pas totalement pour ne pas passer pour un vieux con réac. Je peux le comprendre si il ne veut pas être limité à une diffusion dans Le Figaro. :mrgreen:
Alba a écrit : Donc on peut le penser mais qu’à moitié et ne pas le dire parce que c’est intellectuellement une impasse et que ça ne fait pas avancer les choses. C’est bien ça ? (sans moquerie, je précise). C’est surtout pour le moral individuel et collectif que le passéisme est une mauvaise chose à mon sens, et non par honnêteté intellectuelle. Même si l’on préfère les films anciens, pour sa propre santé, il faut rechercher le beau dans le cinéma d’aujourd’hui. Et heureusement il y en a encore beaucoup mais ce n’est que de plus en en plus rarement dans le cinéma populaire (hollywoodien et français).
On peut simplement le penser pour certaines choses et pas d'autres, et d'ailleurs je suis d'accord avec toi pour le cinéma populaire hollywoodien et français. Mais assumer pleinement de dire "c'était mieux avant" revient a mon sens à opposer un cinéma d'hier et un cinéma d'aujourd'hui, en oubliant les complexités et les contradictions de chaque époque.

Sur Thoret, ce que j'aime assez chez lui c'est sa capacités a lancer des pistes de réflexion particulièrement pertinentes et originales sans jamais vraiment conclure. Par exemple sur la mort du cinéma, sur laquelle il revendique une certaine ambiguïté. Ça pourrait trahir une fragilité ou une timidité du propos mais je trouve que ça lui permet surtout de mieux rendre compte de la complexité des mutations actuelles du cinéma et de la cinéphilie. Si ses goûts sont tournés vers le passé, son approche reste assez contemporaine.
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Farnaby
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Farnaby »

Alba a écrit :
Farnaby a écrit : Remettre en cause 40 ans de pédagogisme où l’on crachait sur la dictée et le ba = ba d’un air entendu seulement parce que le résultat de cette révolution pédagogiste progressive est une catastrophe et qu’aujourd’hui un bachelier fait 100 fois plus de fautes qu’un paysan de 1930 ? Pas question. Alors on proclame sans preuve qu’avant ce n’est jamais mieux, et toutes les copies d’élèves, tous les signes ne changent rien : le réel n’a pas lieu parce que je ne veux pas en être tenu comptable.
:shock: Parce-que tu peux prouver qu'un paysan de 1930 faisait moins de faute qu'un bachelier d'aujourd'hui ? Il y a sûrement des ajustements ou des revirements complets à faire dans les nouvelles méthodes, et plus largement une multiplication des connaissances et des informations qui limite le perfectionnement d'une discipline en particulier comme l'écrit. Il n'empêche que l'illettrisme a globalement diminué au fil des décennies et que les nouvelles générations s'en sortent globalement mieux que leurs ainés. (et c'est à peu près prouvable)

Pour en revenir à Thoret et l'idée que le cinéma c'était "mieux avant", je ne crois pas que Thoret se censure à cause d'un quelconque gauchisme ou une propagande progressiste. C'est simplement impossible à dire en restant honnête. Bien sûr que la production hollywoodienne jusqu'à 1980 était bien meilleure qu'aujourd'hui, tant quantitativement que qualitativement, ça parait indéniable. Bien sûr que la critique cinéphile était souvent plus exigeante dans les années 1950 et avait beaucoup plus matière à créer des idées nouvelles, puisque le terrain était encore à défricher. En même temps, il n'a jamais été aussi simple de faire des films et le cinéma indépendant/expérimental/art & essai n'a jamais été aussi vivant. On n'a jamais eu autant accès à des films de toutes les époques et tous les pays confondus, dans des conditions de visionnage optimales. On n'a jamais eu autant de canaux de discussions pour confronter les avis cinéphiles et découvrir ou faire découvrir des perles rares passées entre les mailles de la critique spécialisée.

A mon sens, Thoret ne s'empêche pas de dire "c'était mieux avant" par censure idéologique, mais bien par honnêteté intellectuel.
Bref, "avant versus maintenant", c'est aussi con que "eux versus nous", "méchant versus gentil", "cow-boy versus indiens". Ça n'a pas de sens et ce n'est pas comme ça qu'on fera avancer la société ou la cinéphilie.
Oui, oui, je peux prouver sans problème que l’orhtographe est ravagée par rapport à l’usage de 1930. Il me suffit de comparer la copie de ma grand-mère de 15 ans avec celles de mes élèves bacheliers ou à l’université. Ca prend une seconde, c’est simple, c’est sans appel. Et c’est exactement la même chose pour le niveau de calcul, les connaissances historiques etc.

« l'illettrisme a globalement diminué au fil des décennies et que les nouvelles générations s'en sortent globalement mieux que leurs ainés.«  : la question de l’illétrisme n’est pas celle du niveau des élèves. Et enfin, « s’en sortir mieux » ne veut rien dire, ni les statistiques de l’insee.

Tu sais, moi aussi, pendant une dizaine d’années, j’ai récité la leçon, j’ai cité l’Insee, j’ai,utilisé des chiffres bidon, j’ai refusé de voir, j’ai fermé les yeux et j’ai menti, à moi-même et aux autres. Et puis un jour, j’ai décidé de voir ce que je vois, d’écouter ce que disent les élèves et les programmes. Et je suis beaucoup plus heureux maintenant, quel que soit l’adjectif que l’on utilise maintenant pour me caractériser.

Ton paragraphe sur le cinéma est intéressant, mais je m’inquiète : quand la concession (« certes ») est trois fois plus importante que l’affirmation (« mais »), alors c’est qu’on a perdu. D’ailleurs, le positif de ton affirmation est quasi exclusivement consacré à la diffusion (tous les films, partout, tout le monde qui discute). Mais d’une part Thoret parle d’abord du cinéma lui-même, de la qualité des films, et d’autre part, c’est comme les statistiques de l’Insee : ah oui, un million de comments sur Twitter, c’est sympa, mais ils disent quoi ? 100000 films sur OCS, mais qui les voit ? Et lesquels ? Quant au cinéma expérimental et art et essai, qui n’aurait jamais été aussi vivant, eh bien, disons que je ne suis pas exactement du même avis...

« Bref, "avant versus maintenant", c'est aussi con que "eux versus nous", "méchant versus gentil", "cow-boy versus indiens". Ça n'a pas de sens et ce n'est pas comme ça qu'on fera avancer la société ou la cinéphilie.«  : je ne dis pas que tout était mieux avant, c’est aussi stupide que prétendre que rien n’était jamais mieux avant. En revanche, je ne cherche pas à faire « avancer » la cinéphilie ni la société. Encore un réflexe de gauche, qui est sans doute une évidence pour toi, mais qui n’a rien d’évident en soi et par principe.
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par la_vie_en_blueray »

On a bien écrit récemment que le niveau de 3eme en Français est équivalent à celui d'un CM2 des années 80.
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la_vie_en_blueray
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par la_vie_en_blueray »

Supfiction a écrit :Je réagissais à la phrase de Thoret « Cet intérêt pour les années 70 aujourd’hui démontre bien la pauvreté de notre époque contemporaine. Ce qui ne veut pas dire c’était mieux avant, dire cela ou que c’était moins bien avant est ridicule. »

Sans extrapoler, comment comprendre cette phrase autrement ? Que les années 70 (au cinéma) étaient également pauvres ? Thoret nous dit sans cesse le contraire. Donc ce n’est pas ça. Si quelqu’un la comprend, je suis preneur. :P
Même en essayant de le défendre ou de prendre cette phrase par un autre bout, il est difficile d’y voir autre chose qu’une contradiction.
Peut être qu'il veut éviter de comparer les 70s idéalisées (on ne se souvient que de la crême) par rapport à maintenant, ou on n'a pas encore fait le tri, et on a les pieds dans le tout venant execrable. Je pense qu'une partie des 70s était tout autant pourri.
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Major Tom
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Major Tom »

Son hommage à Fonda et une réponse... intéressante. :mrgreen:

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Wuwei
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Wuwei »

Farnaby a écrit :
Arn a écrit : aujourd’hui un bachelier fait 100 fois plus de fautes qu’un paysan de 1930 ?.
je reprends uniquement cette partie de phrase (j'en suis navré) et je réponds rapidement (j'en suis navré également).
Mais il me semble qu'il est difficile d'aborder le sujet tel que le fait Thoret car nous sommes tous enclins à préférer telle époque (souvent celle de notre jeunesse et de la découverte) et.ou à en idéaliser d'autres, et que cela s'ajoute tout un tas de conditionnements complexes (parce que même si on met de côté les aspects sociaux, culturels et personnels, il n'en reste pas moins que le biais de confirmation de nos gentils cerveaux nous incite à voir et à retenir uniquement ce qui nous arrange) qui pourrissent souvent ce type de réflexions et de discussions.
Il me semble toujours tendancieux (car complexe) de vouloir coller des grilles de lectures et d'analyses généralistes sur l'évolution des arts et de la consommation, on en revient toujours à vouloir à tout prix "gagner" ou à devoir soutenir des positions paradoxales (comme Thoret) car trop vastes (son documentaire "we blew it" le montre bien, c'est trop et pas assez à la fois). Pour prendre un exemple rapide (et donc biaisé) pour les gens qui ont connu l'explosion musicale des années 60', ce fut l'époque où tout passait par la musique, la majorité des messages culturels semblaient avoir trouvés un véhicule adéquat, les beatles (et tous les autres) écrasaient et révolutionnaient tout, de fait de nos jours (et depuis pas mal d'années) tout semble aseptisé car la musique n'a plus le même poids social qu'avant, ça ne déplace plus autant des foules, ça provoque moins d'hystéries, la musique doit sembler fade ou indigeste... alors que l'on a jamais autant produit de musique et jamais eu autant de proposition de groupes, de courants...
...
bref, j'ai repris cette phrase, car elle renvoie (à mon sens) aux biais dont je parlais plus haut... on ne peut pas dire que les gamins ne font pas de fautes aujourd'hui mais lire des lettres de Poilus, ça permet de relativiser sur "le temps d'avant où tout le monde maîtrisé les accords du participe passé" ^^
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Farnaby
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Farnaby »

Wuwei a écrit :
Farnaby a écrit :
je reprends uniquement cette partie de phrase (j'en suis navré) et je réponds rapidement (j'en suis navré également).
Mais il me semble qu'il est difficile d'aborder le sujet tel que le fait Thoret car nous sommes tous enclins à préférer telle époque (souvent celle de notre jeunesse et de la découverte) et.ou à en idéaliser d'autres, et que cela s'ajoute tout un tas de conditionnements complexes (parce que même si on met de côté les aspects sociaux, culturels et personnels, il n'en reste pas moins que le biais de confirmation de nos gentils cerveaux nous incite à voir et à retenir uniquement ce qui nous arrange) qui pourrissent souvent ce type de réflexions et de discussions.
Il me semble toujours tendancieux (car complexe) de vouloir coller des grilles de lectures et d'analyses généralistes sur l'évolution des arts et de la consommation, on en revient toujours à vouloir à tout prix "gagner" ou à devoir soutenir des positions paradoxales (comme Thoret) car trop vastes (son documentaire "we blew it" le montre bien, c'est trop et pas assez à la fois). Pour prendre un exemple rapide (et donc biaisé) pour les gens qui ont connu l'explosion musicale des années 60', ce fut l'époque où tout passait par la musique, la majorité des messages culturels semblaient avoir trouvés un véhicule adéquat, les beatles (et tous les autres) écrasaient et révolutionnaient tout, de fait de nos jours (et depuis pas mal d'années) tout semble aseptisé car la musique n'a plus le même poids social qu'avant, ça ne déplace plus autant des foules, ça provoque moins d'hystéries, la musique doit sembler fade ou indigeste... alors que l'on a jamais autant produit de musique et jamais eu autant de proposition de groupes, de courants...
...
bref, j'ai repris cette phrase, car elle renvoie (à mon sens) aux biais dont je parlais plus haut... on ne peut pas dire que les gamins ne font pas de fautes aujourd'hui mais lire des lettres de Poilus, ça permet de relativiser sur "le temps d'avant où tout le monde maîtrisé les accords du participe passé" ^^
Mais je suis d’accord avec ce paragraphe sur les biais, la complexité des sentiments qui modifient la perception etc. etc. Cela ne change strictement rien au fait qu’il devrait être possible de dire que c’était mieux avant quand objectivement, c’est le cas. D’ailleurs pourquoi peut-on dire sans que personne ne proteste que la médecine est bien meilleure maintenant qu’avant, mais pas que l’orthographe était bien mieux avant ? Parce que l’histoire ne va que dans le sens du progrès ? Toujours ? Pour tout ? Ou bien faut-il réfléchir, analyser, discriminer, et se rendre compte qu’elle peut selon les cas, domaines, champs, avancer « bien » ou avancer « mal » ? (Je ne répondrai pas sur l’orthographe : il ne sert à rien de dire que le ciel est bleu s’il est bleu, tant pis pour ceux qui veulent le voir rose. Peut-être un professeur d’université ici pourra-t-il prendre ma relève et parler de l’évolution de l’orthographe des copies entre 1970 et 2019 par exemple ? Ou un professeur de mathématique à propos du calcul ?).

Tout ce que je pointais, c’est l’espèce de tabou qui frappe la phrase « c’était mieux avant », tabou aussi stupide (mais passionnant du point de vue de l’histoire des idées et notamment de l’idéologie gauchiste) que son pendant, la croyance que tout était effectivement mieux avant.

Tout ce que je disais à Thoret, c’est « Vas-y, n’aie pas peur, si tu penses que le cinéma, ou seulement la critique de cinéma, était mieux avant, dis-le, prononce la phrase tabou. Ce ne sera pas forcément la vérité (même si personnellement je le pense aussi), mais ce sera l’expression simple et vraie de ta pensée, et tu ne devrais pas t’en priver à cause d’un réflexe stupide (de gauche) qui est peut-être par ailleurs une stratégie d’autoprotection pour ne pas avoir à remettre en cause tes croyances, toute ton idéologie politique. »
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Supfiction
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Re: Jean-Baptiste Thoret

Message par Supfiction »

Les poilus ne passaient pas le Bac et n'écrivaient pas de tweets, d’emails et de sms, rappelons le.

@Wuwei, sur l'évolution de la musique, il y aurait beaucoup à dire, l’explosion musicale des années 60 ayant apporté des choses fantastiques mais ayant dans le même temps mis (provisoirement) à l'arrière plan de grands artistes ou courants musicaux, la beauté des textes supplantée un temps par l’énergie de la jeunesse puis par de nouvelles perspectives mélodiques. Quant à l’etat de la musique d’aujourd’hui, en particulier en France, je me demande tous les jours comment on en est arrivé là, comment une culture populaire extraordinaire a disparu en quelques années. Mais c’est une autre histoire.
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