Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Karras
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Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Karras »

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Générique
Nationalité : Américain
Réalisateur : Ethan Coen, Joel Coen
Acteurs : Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake
Genre : Dramatique
Durée : 1h45
Date de sortie : 6 novembre 2013
Année de production : 2013
Titre Original : Inside Llewyn Davis
L'histoire
Inside Llewyn Davis raconte une semaine de la vie d'un jeune chanteur de folk dans l'univers musical de Greenwich Village en 1961. Llewyn Davis est à la croisée des chemins. Alors qu'un hiver rigoureux sévit sur New York, le jeune homme, sa guitare à la main, lutte pour gagner sa vie comme musicien et affronte des obstacles qui semblent insurmontables, à commencer par ceux qu'il se crée lui-même. Il ne survit que grâce à l'aide que lui apportent des amis ou des inconnus, en acceptant n'importe quel petit boulot. Des cafés du Village à un club désert de Chicago, ses mésaventures le conduisent jusqu'à une audition pour le géant de la musique Bud Grossman, avant de retourner là d'où il vient.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
zemat a écrit :INSIDE LLEWYN DAVIS : 7/10
Vu hier soir en AVP à l'UGC des Halles, avec les Frères Coen et Oscar Isaac qui sont venus faire un coucou express avant le film.
Pas super enthousiaste, cet itinéraire de loser complet ne m'a pas vraiment touché. Par contre la courte apparition de John Goodman vaut le détour.
Marc a écrit :Inside Llewyn Davis, Joel et Ethan Coen

Chez les frères Coen je trouve qu'entre Blood Simple et The Barber il n'y a absolument rien à jeter mais que depuis ils alternent le moins bon (en gros leurs comédies) et de très beaux films (No Country For Old Men et A Serious Man). Inside Llewyn Davis ressemble à un film somme et, malgré le ton comique revendiqué, s'avère être un drame puissant sur la désillusion. La photo et la mise en scène sont de très haute volée et j'aurais plaisir à le revoir lors de sa sortie officielle. (Critique complète : http://cinesthesies.fr/inside-llewyn-da ... coen-2013/)
Harkento a écrit :Inside Llewyn Davis des frères Coen : 7,5 / 10

Un film aussi étrange que plaisant qui demande un certains temps de digestion pour en apprécier toute la saveur et la consistance ! Un artiste solitaire sans réel pugnacité qui semble faire du surplace, et ne réussit jamais (mais le peut/veut il réellement) à saisir les perches qui se tendent à lui. Un pur Coen dans l'esprit et la forme en tout cas !
Best a écrit :Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen) 8,5/10

Verdict sans appel ; un très bon film. On passe quelques jours en compagnie d'un looser sympathique qui trimbale sa malchance et ses convictions dans un monde sans pitié. Un univers qui réserve aussi de belles rencontres et une chaleur humaine rare mais sincère, authentique.
Le film est humain, triste mais non dénué d'humour, vivant et poétique, mélancolique aussi. Et toujours avec le bon dosage, sans excès ni émotions surlignées.
La musique folk est omniprésente et de toute beauté. Elle est un véritable acteur du film et colle parfaitement aux personnages et à leurs émotions.
Les acteurs sont excellents et les personnages bien écrits, d'où une empathie non négligeable qui permet de suivre l'histoire en étant concerné par les péripéties dans lesquels le "héros" se retrouve embarqué bon gré mal gré.

Bref j'ai beaucoup aimé ^_^
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Frances
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Frances »

Inside Llewyn Davis des frères Coen (2013) avec Oscar Isaac, Cary Mulligan, John Goodman.
Image
Comme à mon habitude je n’avais rien lu avant de visionner le film. La bande annonce et mon intérêt pour la carrière des deux frangins suffisaient à le mettre sur ma liste des films à voir. De fait, je m’attendais à un de ces biopics sur l’ascension semée d’embûches d’un chanteur folk et j’en fus pour mes frais. Plus malins que ça les frères Coen ! Au lieu de suivre un itinéraire borné et dans les clous ils nous invitent à observer le quotidien morne d’un loser. Et pour qu’on y croie fort ils ont choisi de baigner leur film dans une lumière hivernale, grise et bleu avec des ciels bas, des nuits plus noires qu’un sang d’encre et des flocons de neiges qui virevoltent dans les phares des voitures. Llewyn Davis (Oscar Isaac) traverse la vie sa guitare à la main, un chat rouquin sur l’épaule et squatte à droite à gauche sur les canapés de potes qui l’acceptent pour une nuit. La vie s’en prend à lui comme la morsure de l’hiver et il encaisse impassible, comme un brave type qui a compris que sa bonne étoile était en grève pour une durée indéterminée. Pourtant Llewyn a du talent. Il lui suffit d’égrainer quelques accords et de chanter des ballades d’une poésie à vous faire frissonner l’échine pour nous en convaincre. Pour éviter de spoiler l’affaire je n’en dirai pas plus mais si le film n’a pas décroché mon adhésion totale il s’avère très recommandable. Il faudra que je le revoie notamment pour toute cette virée qu’il fait en voiture avec John Goodman et qui nous plonge dans une espèce de climat fantastique. Comme si à la faveur de la nuit, sur une route où le « sauvage » reprend ses droits, nous passions dans une autre dimension.
7.5/10
Dernière modification par Frances le 8 nov. 13, 22:33, modifié 2 fois.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par bronski »

Frances a écrit :Cohen
Allez un petit effort: Coen. Merci ;)
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Frances
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Frances »

bronski a écrit :
Frances a écrit :Cohen
Allez un petit effort: Coen. Merci ;)
Ca y est édité. :wink: J'ai beau l'avoir lu 3 millions de fois je fais toujours l'erreur.
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El Dadal
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par El Dadal »

J'ai vraiment beaucoup de mal avec ce terme si dépréciatif de loser, qui est sans cesse accolé au personnage dans les critiques, et même dans le film. Peut-être que je me sens trop d'affinités avec lui pour l'admettre. Toutefois, la mise en scène des Coen bros ne va pas dans ce sens. Ils ne sont jamais sentencieux, et on suit Llewyn aussi bien dans ses petites victoires que dans ses grosses erreurs, sans jamais chercher à l'accabler. Une chose qu'on ne peut toutefois pas lui retirer est son talent, une fois sur scène.
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La sortie de scène finale, avec un jeune Dylan qui prend la suite, me semble aller dans ce sens: dans notre monde, le talent ne suffit pas, il faut savoir être une pute à un moment ou un autre.
Photo et production design exceptionnels. Rythme bien tenu, avec des belles respirations. Et puis le parcours parallèle d'Ulysse, c'est balaise. Miaou.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par aurelien86 »

El Dadal a écrit :J'ai vraiment beaucoup de mal avec ce terme si dépréciatif de loser, qui est sans cesse accolé au personnage dans les critiques, et même dans le film. Peut-être que je me sens trop d'affinités avec lui pour l'admettre. Toutefois, la mise en scène des Coen bros ne va pas dans ce sens. Ils ne sont jamais sentencieux, et on suit Llewyn aussi bien dans ses petites victoires que dans ses grosses erreurs, sans jamais chercher à l'accabler. Une chose qu'on ne peut toutefois pas lui retirer est son talent, une fois sur scène.
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La sortie de scène finale, avec un jeune Dylan qui prend la suite, me semble aller dans ce sens: dans notre monde, le talent ne suffit pas, il faut savoir être une pute à un moment ou un autre.
Photo et production design exceptionnels. Rythme bien tenu, avec des belles respirations. Et puis le parcours parallèle d'Ulysse, c'est balaise. Miaou.
Je suis entièrement d'accord avec toi sur le film. Maintenant, plus que loser, je crois qu'il faut parler de "lose" au sens général... le personnage n'est pas jugé, il n'y a aucune méchanceté dans la façon dont il est filmé, mais il est tout de même dans une situation de lose perpétuelle. Les ennuis ne font que s'accumuler et se répéter autour de sa personne. Pourtant, et c'est là où je trouve le film superbe, c'est que le personnage nous reste admirable malgré ses déboires. Il se bat, il a clairement du talent, mais ça ne fonctionne pas. Il y a une inadéquation entre lui et le monde, et c'est cette inadéquation (car sans doute mériterait il un peu mieux ?) qui le rend si touchant.

La photographie est effectivement sublime. On y sent presque le froid polaire de NY... j'aime beaucoup l'idée du conte de Noël en songeant au film (plus en terme de ressenti et d'impression que de thématiques).
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Frances
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Frances »

Je reviens deux secondes sur le terme loser qui n'avait rien de péjoratif sous ma plume. C'est juste un constat. Pour lui les choses ne marchent pas, c'est tout. La chance n'est pas au rendez vous, il ne fait pas les bonnes rencontres et il accepte cette fatalité avec une sorte de stoïcisme magnifique. Il n'est pas dans la révolte. Ce n'est ni un opportuniste ni un battant ( c'est d'ailleurs pour ça que ça ne colle pas avec ses nanas qui recherchent la sécurité et le confort nécessaires pour fonder une famille). C'est un gentil qui s’accommode de ce que la vie lui offre ou pas. Un mec un peu déconnecté capable de composer une sublime ballade sur Le roi Henry et sa femme qui meurt en couche et qui se fout bien de savoir si c'est ou non commercial.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par bronski »

Hâte de le voir celui-là. En anglais il y a un terme: magnificent loser, loser magnifique. Peut-être que ça collerait plus dans ce cas-là?
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El Dadal
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par El Dadal »

Frances a écrit :Je reviens deux secondes sur le terme loser qui n'avait rien de péjoratif sous ma plume. C'est juste un constat. Pour lui les choses ne marchent pas, c'est tout. La chance n'est pas au rendez vous, il ne fait pas les bonnes rencontres et il accepte cette fatalité avec une sorte de stoïcisme magnifique. Il n'est pas dans la révolte. Ce n'est ni un opportuniste ni un battant ( c'est d'ailleurs pour ça que ça ne colle pas avec ses nanas qui recherchent la sécurité et le confort nécessaires pour fonder une famille). C'est un gentil qui s’accommode de ce que la vie lui offre ou pas. Un mec un peu déconnecté capable de composer une sublime ballade sur Le roi Henry et sa femme qui meurt en couche et qui se fout bien de savoir si c'est ou non commercial.
bronski a écrit :Hâte de le voir celui-là. En anglais il y a un terme: magnificent loser, loser magnifique. Peut-être que ça collerait plus dans ce cas-là?
Alors là, ok, je souscris dans les deux cas. Car ça colle d'autant mieux à ce parcours, finalement très hermétique, d'un type qui ne consent pas à faire des concessions sur son art. Il est tout à fait prêt à se salir les mains (la marine marchande, courir le cachet dans des sessions en tant que simple musicien pour des trucs minables) mais pas les lèvres. D'où la conclusion inévitable de cette magnifique rencontre avec le personnage joué par F. Murray Abraham (quel plaisir de le revoir!), et de ce périple, finalement vain, comme l'est chaque tentative de percer. Mais en y repensant un peu, je me dis que ce n'est pas seulement le refus des compromis qui fige Llewyn dans cette situation, mais également donc cette sorte de malchance, du sort qui s'abat sur une victime prédestinée. Une position finalement bien ironique et, faisant tomber le rideau une fois pour toutes. Venant des frères Coen, ça me semble tout à fait logique.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Chrislynch »

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Spoiler !

La signature des Brothers ou l’art de parsememer le drame de situations burlesques. Comme si cette histoire pouvait être perçue comme un drame ou une farce, selon le point de vue ou l’humeur. Gagner ou perdre, ça se ressemble et se joue à pas grand chose. Comme le chat Ulysse, quasi le héros de l’histoire, qui renvoie à la projection symbolique du personnage central et au mythe grec, dans l’errance permanente entre la vie et la mort. Et cette image de fin de Lewyn Davis perdant, face à l’intuition d’un Bob Dylan gagnant, qui suggère la pièce à deux faces : un coup tu perds et un coup tu gagnes. Qu’est-ce qui sépare la lumière de l’ombre ? Les Coens Brothers n’offriront heureusement aucune réponse ; ce n’est pas ça qui les intéresse. Ici, ils ont juste choisi d’allumer leur projecteur sur l’ombre, sur ce qui précède la célébrité. L’art et la reconnaissance, l’art et l’argent, associations difficiles, d’autant plus si l’on a le compromis en horreur. On connaît l’affection des brothers pour les « loosers » : « Barton Fink », « Big Lebowski », « Serious man », comme si c’était dans cet espace de doute et de faiblesse que se jouaient les meilleures partitions drôles et dramatiques, les plus belles tragicomédies.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Demi-Lune »

De beaux personnages... les Coen parviennent à saisir les tristesses et les déceptions tout en préservant cette retenue qui rend le film si doux, et en même temps si déprimant. Belle dextérité, pour un film fait de tacite et de "mood" (mention à la photographie hivernale) qui fonctionne comme une bulle qu'on ne voudrait plus quitter. C'est peut-être là aussi la limite d'Inside Llewyn Davis qui manque un peu de substance et s'achève de façon frustrante, sur le plan émotionnel et dramatique. Mais pour sa galerie de désaxés (Oscar Isaac, révélation, Carey Mulligan bien mieux en brune, le plaisir de croiser John Goodman ou de revoir F. Murray Abraham, le chat), sa maîtrise narrative qui rend n'importe quelle scène captivante, la beauté de sa reconstitution d'époque, les chansons et cette espèce d'insondable mélancolie, je ne boude pas du tout mon plaisir de retrouver ce que j'aime chez les frangins après trois films consécutifs qui m'en avaient hélas bien éloignés.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Strum »

Llewyin Davis est une sorte d'Ulysse folk américain, qui traine son regard voilé et sa barbe de héros grec de bar en sofa. Sa vie est une succession d'échecs, qu'il reçoit avec le visage impassible d'un homme habitué aux humiliations. La malchance le poursuit comme son ombre. Même le don de communiquer avec sa musique lui est refusé.

Il faut dire que Lewyin Davis fait bien peu d'efforts pour s'attirer la sympathie. Faible avec les forts, méprisant avec les faibles (dans les deux seules scènes du film où on le voit s'énerver, il s'en prend verbalement à deux femmes d'un certain âge), il se voit plus beau qu'il n'est. La manière négligente dont il se comporte avec le chat résume ses travers (tout comme le dévouement de Marlowe à son chat résumait à l'inverse son attachement aux valeurs de la fidélité et de l'amitié dans Le Privé d'Altman).

On retrouve dans ce film la question qui taraude les Coens depuis longtemps - et qui avait été posée avec netteté dans A Serious Man : qu'est-ce que la malchance ou l'échec ? Des notions mesurables et incontestables ou de simples coincidences ? Lewyin est-il responsable de sa déveine (voir cette séquence où un train passe et couvre la voix de son interlocuteur au téléphone), d'une malédiction dont la fatalité l'aurait marqué pour le punir de ses mauvaises actions ?

Comme d'habitude, les Coen se gardent bien de répondre clairement. S'ils ne cachent rien des petitesses de Llewin, leur regard sur lui est tendre et il se niche dans ce film délicat et triste (sans une once de cynisme) une émotion brute que l'on ne trouve que rarement dans leur filmographie. Les couleurs douces de la photographie entourent Llewyn d'un pâle halo, reflet subjectif peut-être de la haute opinion qu'il se fait de lui-même et le sépare du reste du monde. La narration forme un cercle, comme une loupe. A l'instar d'un roman de Saül Bellow, elle scrute un seul personnage, juif errant en butte aux exigences du monde. Au milieu de ce cercle et du film, on trouve un hilarant voyage à Chicago en compagnie de John Goodman, venu prêter main forte à ses amis Coen. Les séquences où il apparait, proches de l'absurde et du conte fantastique yiddish (on n'est pas loin alors de Barton Fink) valent à elle seule le détour.

Bref, j'ai beaucoup aimé. :)
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Roy Neary
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Roy Neary »

J'allais écrire un court texte mais celui de Strum correspond exactement à mon ressenti, sur le fond comme sur la forme. Ce "faux petit film" film me trotte dans la tête depuis 4 jours et me parle plus profondément que ce que j'imaginais. Indice Llewyn Davis confirme ce que je pense depuis très longtemps : les frères Coen sont les plus grands portraitistes du cinéma américain contemporain.
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Watkinssien
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Watkinssien »

Roy Neary a écrit :J'allais écrire un court texte mais celui de Strum correspond exactement à mon ressenti, sur le fond comme sur la forme. Ce "faux petit film" film me trotte dans la tête depuis 4 jours et me parle plus profondément que ce que j'imaginais. Indice Llewyn Davis confirme ce que je pense depuis très longtemps : les frères Coen sont les plus grands portraitistes du cinéma américain contemporain.
Pareil, je suis vos avis, du coup je vais encore plus court. :mrgreen:

Il y a là une vraie inspiration, une vraie élégance, une justesse d'observation qui n'appartiennent qu'à eux et qui font mouche encore une fois.
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Re: Inside Llewyn Davis (Ethan Coen, Joel Coen - 2013)

Message par Truffaut Chocolat »

Encore une très bonne sortie en cette fin d'année, et en ce qui me concerne, la meilleure des frangins depuis un moment...
C'est digne de Barton Fink, de The Barber, ces films écrits à la 1e personne, à l'ancrage très réaliste, qui décollent rapidement vers l'étrange et le mystérieux.

Bon comme d'hab c'est dur de passer après Strum car tout a été dit, sauf que je trouve le voyage à Chicago pas hilarant du tout (même s'il y a évidemment beaucoup d'humour, le film en regorge), totalement fantastique (et un peu flippant) oui, mais pas hilarant.

Après, le terme de loser/pas loser, j'sais pas trop ce que ça veut dire, c'est un concept américain qui me parle pas trop.
Disons que le réussite ou l'échec font pas partie de mes obsessions donc... en revanche, je ne sais plus quel critique évoquait les Coen sur fond d'interrogations sur l'existence, c'est tout à fait juste je trouve.
Trouver un sens à sa vie, ou faire la démarche de ne pas en se poser la question sont des thèmes qui reviennent souvent : est-ce qu'on sait vraiment ce que veut Llewyn finalement ? j'en suis même pas sûr...
A voir une seconde fois, donc.
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