Cherchez l'erreur (Serge Korber - 1980)
Un scientifique lunatique et maladroit, qui vient d'être largué par sa fiancée, travaille sur un formule mathématique révolutionnaire qui intéresse fortement le gouvernement. Il est bientôt suivi par un bien étrange chien
Ecrit et interprété par Roland Magdane (pour sa première apparition sur grand écran), il y avait de quoi s'attendre à fabuleux nanar... Et au final, c'est pas si simple que ça...
Le film propose tout de même de nombreuses séquences où l'humour tombe totalement à plat quand Roland Magdane essaie de s'imposer comme un nouveau gaffeur dans la lignée des Tati et Pierre Richard. Ou encore quand il se lance dans une théorie invraisemblable sur les trous d'air lors d'un repas mondain. Ou bien quand il cherche à amuser avec ses running gags (la chute du concierge dans l'escalier ; les déconvenues devant son supérieur). Sans parler de sa sous-intrigue avec Caroline de Monaco (dans son seul rôle au cinéma !!! )
Mais rapidement, on sent que quelque chose ne tourne pas rond, que le film possède quelque chose d'étrange, une sorte de malaise insaisissable. Ca pourrait venir bien-sûr de la "nullité" de la fabrication. Mais ce n'est pas ça (d'autant que le film n'est pas forcément nul). Il y a quelque chose de dérangeant avec l'apparition de ce chien droopyesque poursuivant flegmatiquement le pauvre Magdane qui finit par le recueillir. On apprendra justement que ce chien possède en fait un cancer avec juste quelques jours à vivre encore. Notre scientifique va donc tout faire pour redonner le sourire à son nouveau compagnon : l'amener au Centre Pompidou (avec expo avant-gardiste et cirque miniature) ou le conduire à la mer pour un WE au grand air.
Le film possède donc plusieurs séquences à la tonalité curieuse, à la fois mélancolique, grave et quelque part poétiques... Et puis, en observant ces drôles de rapports entre Magdane et son animal, une idée commence à germer doucement... Et si ce chien malade n'était pas une personnification de la crise que traverse le héros, une incarnation d'un mal-être coincé entre une crise de la quarantaine, un patron qui l'exploite, une incapacité à réussir ses expériences, un retour au célibat...
Et c'est en effet tout à fait ça, derrière cette "drôle" de comédie, se cache une sorte de parabole sur la dépression. La fin est éloquente, une fois que Magdane a vaincu ses problèmes (son travail, s'affranchir de son ancienne belle famille, s'enfuir de la grisaille parisienne) :
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Le chien décède immédiatement, mourrant sur son équation mathématique dessinée sur le sable... Que Magdane détruira ainsi à coup de bulldozer et de bâtons de dynamite
Quant on y réfléchit, tout dans le film est mou à l'image de ce spleen. Son rythme (c'est assez insupportable au début d'autant qu'on ne comprend pas ce que le film raconte... ou veut raconter), l’interprétation, son humour et même son décor avec l’appartement de Magdane dont le mobilier a fondu suite à une expérience ratée (clin d'oeil à Dali et ses montres à clé). Quant au vrai "running gag" du film, il est là aussi très curieux avec un couple de retraités qui essaye de se débarrasser en vain d'un chien qui devient de plus en plus gros (comme un tumeur ?).
Tout ça n'en fait pas un bon film, loin de là. Ca reste par moment exécrable, mal joué, bourré de moments affligeants (la prise de température du chien !
)... Mais voilà,
cherchez l'erreur est un film libre qui ne répond à aucune logique, à aucune règle en même temps qu'il est un film profondément personnel avec un réel univers. Et derière ces nombreux défauts, on se surprend à être ému par ce parcours qui ne ressemble à rien ; tout en étant fasciné qu'un tel film ai pu voir le jour (quel producteur a été assez fou pour parier de l'argent dessus !).
Il va sans dire que le film fut un sévère échec stoppant nette la carrière cinématographique de son auteur. Le film a depuis presque totalement disparu de la surface du globe. Donc à moins de connaître quelqu'un qui possède une copie 35 mm (
), peu de chance de voir un jour cet ovni atypique.