Wes Anderson

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Federico
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Re: Wes Anderson

Message par Federico »

Supfiction a écrit :
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Federico a écrit :Marrant comme dès la 1ère image, on sait qu'on est chez Anderson. :)
Je suis en train d'enfoncer une porte grande ouverte mais l'influence de Kubrick est de plus en plus flagrante. Je parle de la forme : cadrages symétriques, contre-plongées, travelings arrières, colorimétrie... Pas du fond, bien sûr, où Anderson est totalement différent (à part un même goût pour les personnages excentriques ou bigger-than-life).

Et en même temps, j'ai un peu peur qu'il tombe petit à petit dans une esthétique (sur-)léchée à mi-chemin de Jean-Pierre Jeunet et des frères Coen... :?
Outre le travail sur les couleurs, il y a effectivement un truc dans le cadrage qui vous met tout de suite à distance avec le réel. Quand tu parles de Kubrick, tu penses à Orange Mecanique, non ?
Oui (entre autre pour les séquences dans l'appartement d'Alex et le final à l'hôpital) mais aussi à Shining (et pas uniquement parce que ça se passe aussi dans un hôtel).
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Thaddeus
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Re: Wes Anderson

Message par Thaddeus »

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reuno
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Re: Wes Anderson

Message par reuno »

Sympa... :)
Décidément après le sketch "si Wes Anderson réalisait un Star Wars"...



(peut être déjà posté dans le topic... je n'ai pas vérifié...)
Dernière modification par reuno le 28 oct. 13, 20:05, modifié 1 fois.
The Uncool
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Re: Wes Anderson

Message par The Uncool »

Excellent. C'est dingue les moyens qu'ils ont quand même au Saturday Night Live pour faire ce genre de trucs.
Après ce genre de parodies à répétition, Wes Anderson va devoir se renouveler un peu sous peine de tomber dans la caricature systématique.
Federico
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Re: Wes Anderson

Message par Federico »

Rigolo mais il manque un élément andersonien essentiel : Bill Murray (un comble pour une parodie signée par le SNL). :wink:
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Major Tom
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Re: Wes Anderson

Message par Major Tom »

Federico a écrit :
Rigolo mais il manque un élément andersonien essentiel : Bill Murray (un comble pour une parodie signée par le SNL). :wink:
:idea:

Très bonne parodie. :)
Anorya
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Re: Wes Anderson

Message par Anorya »

Malgré le fait qu'il manque le Murray, c'est très bon. :)
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Re: Wes Anderson

Message par Federico »

Castello Cavalcanti, court-métrage publicitaire pour Prada, sympa mais pas renversant...
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poet77
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Re: Wes Anderson

Message par poet77 »

Nouvelle bande-annonce pour Grand Budapest Hôtel... Ouh! Que ça fait envie!

http://www.premiere.fr/Bandes-annonces/ ... n=Premiere
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Profondo Rosso
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Re: Wes Anderson

Message par Profondo Rosso »

La Vie aquatique (2004)

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En ultime croisade vers sa destinée, l'océanographe sur le déclin Steve Zissou part à la recherche du mystérieux requin-jaguar qui a tué son vieux complice. À bord du Belafonte cohabitent ainsi sa femme, une journaliste anglaise enceinte, un équipage cosmopolite et un fils prodigue putatif...

La fascination de Wes Anderson pour le Commandant Cousteau était déjà perceptible dans des allusions dans Rushmore (1999) et plus tard dans le look du personnage de Bob Balaban dans Moonrise Kingdom (2012). Le légendaire océanographe avait même éveillé l'imagination d'un Wes Anderson encore étudiant qui lui consacra une nouvelle où il lui créait un double décalé, Steve Zissou. L'univers et les personnages entourant Zissou s'étofferont au fil des années jusqu'à ce qu'à lui consacrer un film à part entière dont il signera le scénario avec son ami Noah Baumbach.

La Vie aquatique est un prolongement idéal de La Famille Tenenbaum (2001) avec cette même illustration d'une famille dysfonctionnelle. Seulement, la chronique douce-amère du classique de 2001 a été remplacée par le film d'aventure décalé et Bill Murray prend le relai de Gene Hackman en chef de famille indigne et incarnant Steve Zissou tandis qu'Owen Wilson retrouve ce rôle de jeune homme en quête de repères et de modèle et Anjelica Huston de nouveau en matriarche blasée (le mimétisme aurait pu être plus grand encore puisque le rôle tenu par Cate Blanchet était initialement destiné à Gwyneth "Margot Tenenbaum" Paltrow). A nouveau c'est l'immaturité du "père" qui est la source du lent délitement de la famille ici lorsqu'on découvre la carrière en fort mauvaise passe de Steve Zissou. Son couple bat de l'aile, ses dernières productions ont fait un flop et il a perdu son meilleur ami lors de sa précédente expédition. C'est décidé tel le Capitaine Achab chassant Moby Dick, Zissou ira traquer le requin-jaguar qui a dévoré son ami, une journaliste anglaise enceinte (Cate Blanchett) et un fils dont il ignorait l'existence (Owen Wilson).

Wes Anderson multiplie les idées ludiques dans la première partie pour présenter l'environnement de Zissou. On retrouve son sens du détail et son fétichisme des objets et gadget divers dans l'illustration de l'arsenal hi-tech du Belafonte (bateau de Zissou nommé ainsi en hommage à Harry Belafonte et faisant le lien avec celui de Cousteau, le Calypso soit la musique que Belafonte contribua à populariser) et de son île privée. Tous ces éléments supposés mettre en valeur Zissou comporte toujours le petit élément décalé et cartoonesque suscitant plus l'amusement que l'admiration. Cela est en parfait accord avec l'égo surdimensionné de Zissou dont les attitudes fières sont contredites constamment par la décrépitude des fameux équipements et surtout par son incompétence manifeste où la réussite semble plutôt due à son équipe de joyeux drilles. Tout cela atteindra bien sûr des proportions hilarantes une fois l'expédition entamée, le souffle de la grande aventure tournant court très vite.

Anderson use de tous les codes des documentaires de Cousteau avec notamment la construction en chapitre consacrée à chaque étape du voyage, à chaque fois dynamité par l'envers du décor qui révèle les failles de Zissou. Capricieux, égocentrique et autoritaire, Zissou s'avère incapable de répondre à l'affection de son fils (le moment où il ne répond pas à sa demande de l'appeler papa), séducteur maladroit et jaloux avec Cate Blanchett (qui force génialement caricaturale son accent anglais) et surtout navigateur incompétent prenant toutes les mauvaises décisions. La mine triste et le regard conscient de ne plus être que l'ombre de lui-même rend pourtant le personnage de Zissou très attachant, Bill Murray affichant une présence lasse qui ne demande qu'à se déchaîner comme lorsqu'il décime une horde de pirate à lui seul (Anderson ne pouvant le mettre en valeur que sous cette forme délirante).

Evidemment les fonds-marins ne pouvaient être vus de manière réaliste par Anderson et si l'arsenal technologique de Zissou lorgne autant vers Cousteau que le Hergé du Trésor de Rackham le Rouge, la faune marine est complètement bariolée et source avant Fantastic Mr Fox (2009) des premières tentatives en stop-motion du réalisateur. Là encore l'absurde se dispute à la vraie poésie avec l'apparition finale du fameux requin-jaguar sur fond de Sigur Ros. Sous le délire ambiant, Anderson laisse poindre peu à peu une vraie émotion et tristesse. Les jalousies et rancœurs retenues dans cette famille finalement comme les autres (la quête d'attention de Willem Dafoe très attachant en Klaus) et la reconstruction dans l'adversité sont magnifiquement capturées par Anderson, avec une sobriété contrebalançant l'extravagance ambiante (You might be on "B" Squad, But you're the "B" Squad leader. Don't you know me and Esteban always thought of you as our baby brother? lancé par Zissou à Klaus) entre autre lorsque la mort surgit de manière inattendue en conclusion. Un tourbillon de sentiments contrasté qu'illustre finalement bien les reprises brésiliennes de Bowie signée Seu Jorge et qui rythment le film d'une torpeur ensoleillée et mélancolique. En dépit de petit défauts (le rythme un peu brinquebalant), un des opus les plus attachant de Wes Anderson. 5/6
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Watkinssien
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Re: Wes Anderson

Message par Watkinssien »

J'adhère à cet avis !! :D
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Mother, I miss you :(
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Flol
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Re: Wes Anderson

Message par Flol »

Mon préféré, sans doute avec Rushmore.
Sûrement parce que ce sont les 2 seuls films d'Anderson qui m'émeuvent réellement. Je dis ça, alors que ça reste quand même un de mes auteurs préférés.
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Thaddeus
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Re: Wes Anderson

Message par Thaddeus »

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Bottle rocket
Naissance d’un auteur en une pincée de préoccupations bien cernées : cas d’école. Avec le concours mi-tendre mi-désopilant de la fratrie Wilson, le cinéaste fait ses gammes sans jamais donner l’impression de tâtonner. Ses choix esthétiques sont nets bien qu’encore discrets, son inclination à épouser les fantaisies lunaires de doux dingues rêveurs, unis par un sens inébranlable de la camaraderie, titille nos cœurs d’artichaut, et l’humour à double détente de ses situations improbables (l’incongruité étant aussitôt exploitée dans sa plus parfaite logique) secrète un bien-être diffus qui, dans les meilleurs moments, tutoie la griserie. Il faudra attendre la suite pour que la rigueur du style décuple vraiment le charme de la partition et la profondeur du propos, mais le plaisir est déjà bel et bien là. 4/6

Rushmore
Avec ses lunettes trop grosses et sa dégaine malhabile, le héros vit une adolescence un peu déséquilibrée, confond suractivité et lucidité, se lie avec un quinquagénaire sympathique qui lui renvoie son image, s’enamoure d’une prof charmante dont la maturité le fera avancer. Anderson continue de poser les bases de sa comédie humaine dans une très belle fable initiatique au ton doux-amer, peuplée d’êtres en décalage avec le réel mais tendant vers le bonheur. Le collage pop art, le rythme calé sur une B.O. exotique, le regard bienveillant équilibré entre blessures souriantes et douce drôlerie peaufinent la finesse d’un récit d’apprentissage qui donne du sang neuf au campus movie. Lorsqu’à la fin le héros entérine sur scène sa sérénité nouvelle, on se dit qu’Anderson est décidément, comme lui, fort bien parti. 5/6

La famille Tenenbaum
Portrait de famille selon Anderson, qui affirme une sensibilité bien particulière faite d’humour pince-sans-rire, d’incongruité fantasque, entre statisme imperturbable et douleur rentrée, et d’émotion à rebours qui prend par surprise quand on ne s’y attend pas. Ça ressemble à une BD stylisée des années 60 avec les Beatles ou le Velvet en fond sonore, et dont les personnages seraient en quête du paradis à jamais perdu de leur enfance. L’absurde des situations, la poésie décalée qui jaillit des plans et des dialogues sont les marques d’un auteur au dandysme raffiné, révélant nostalgies douillettes et rancœurs enfouies d’êtres minés par une douce mélancolie, des vies manquées, des blessures familiales jamais cicatrisées. Le ton est poignant, chaleureux, plein de mansuétude et de pudeur. 5/6

La vie aquatique
C’est une vraie-fausse comédie sur les opportunités perdues et les bilans qui font mal, un film drôle et triste à la fois, beau comme les merveilles poétiques (l’hippocampe arc-en-ciel ou le requin-jaguar) que Zissou découvre à la fin, au fond de la mer. Le cinéaste emprunte à ses pères en culture rock et en imaginaire cinéphilique, dépeint avec une délicieuse science du gag dépressif le périple coustaldien d’un océanographe lunaire, confronté à sa paternité ignorée. En fredonnant des airs de Bowie repris en portugais, on y suit des êtres déboussolés qui cherchent un sens à leur vie, tous mus par une indéfectible solidarité humaine (ainsi c’est avec la plus grande évidence que l’équipe sauve et intègre ses ennemis – jamais de méchants chez Wes, seulement des êtres en conflit passager qui finissent par s’apprécier). Un vrai bijou. 5/6
Top 10 Année 2004

À bord du Darjeeling Limited
Papa parti, maman aussi, et voilà la fratrie de clowns blancs embarquée pour un voyage spirituel sur la route des Indes – mais même le train finira par se paumer. Poids des aînés, difficulté à s’engager dans l’âge adulte, échecs douloureux générant la nécessité d’un nouveau départ… Anderson redécline ses marottes et ses vignettes au travers d’un périple qui file avec une déboussolante nonchalance sur les rails de l’humour le plus merveilleusement décalé, inventif et drôle. Chaotique, pleine d’incidents ubuesques, de tendres disputes et de chaleureuses réconciliations, l’escapade prend la forme d’une initiation tragi-comique, teintée de mélancolie, et dresse les portraits ô combien touchants de trois frères plus ou moins cabossés par la vie, réapprenant à s’aimer. Toujours aussi subtil, poétique et émouvant. 5/6

Fantastic Mr Fox
Le réalisateur poursuit son cinéma en marge, chic et stylé, et fait à nouveau fondre le cœur. Il est encore question de famille, de filiation, et de la difficulté à briller aux yeux de ceux que l’on aime. Une fois de plus, le cinéma de Mr Anderson, enrobé dans des trésors de suavité formelle (des pelages soyeux aux teintes automnales de la photo, en passant par le velours des voix de George, Meryl et les autres), dispense une tendresse et un humanisme à pleurer. C’est extrêmement drôle (la folie burlesque de l’assaut final, à pisser de rire), profondément émouvant dans son propos sur l’amour filial, l’amitié, la solidarité, et traversé de purs instants de grâce (l’apparition finale du loup). Pas un temps mort, pas une faute de goût, mais une élégance feutrée et de la chaleur affective, de l’humour et de la poésie… Wes je t’aime. 5/6
Top 10 Année 2009

Moonrise kingdom
S’il convoque à nouveau les composantes essentielles de son univers, disposées en un charmant carrousel de poche, vintage et sucré, le réalisateur franchit un pas supplémentaire dans sa quête d’un certain esprit fantasmé de l’enfance et dans le retranchement au sein d’un imaginaire miniaturisé, faussement affranchi de la dureté du monde, qui s’emballe jusqu’à un final cataclysmique. Ici, les enfants s’organisent en un mouvement solidaire, les adultes touchent par leur fragilité (le chef scout miné par la culpabilité, le flic solitaire au grand cœur…) et nos deux héros sont chavirés par un amour qui nous cueille en plein cœur, à l’image de ce baiser pudique posé au ralenti sur une main aimée. En état de grâce, ce film d’innocence et de nostalgie sublimée est une nouvelle merveille aux vertus euphorisantes. C’est incroyablement beau. 6/6
Top 10 Année 2012

The Grand Budapest Hotel
Si les précédents films d’Anderson dessinaient un mouvement d’ascendance, pris d’une frénésie de plus en plus incontrôlable, celui-ci dessine la quadrature du cercle, le mouvement parfait, disposant ses entités constitutives avec une ébouriffante plénitude. Livré sur un plateau d’argent, enrubanné comme un cadeau grand luxe, le film bâtit un édifice aussi fragile que gracieux qui fuse à toute vitesse sur le lit de la grande histoire. Car derrière les panoramiques filés et les enchaînements trépidants, sous les visions insolites concoctées avec amour par un maître coloriste, c’est bien la lame de fond de la barbarie que les héros tentent vainement de conjurer. Ou comment, avec la classe exquise et la générosité princière d’un divertissement jubilatoire, dispenser une mélancolie pincée, pleurant avec le sourire toute la folie inepte du monde. 6/6
Top 10 Année 2014

L’île aux chiens
Toujours le même, obsessionnellement attaché au détail fétichiste, au décalage ludique, et toujours plus aventureux, résolu à faire reculer les limites d’un style à nul autre comparable : tel s’affirme à nouveau le cinéma d’Anderson. Si la surcharge décorative en est un facteur caractéristique, cette deuxième incursion dans l’animation atteint une forme d’épure qui frise l’abstraction tout en accentuant la matérialité de la technique employée. Elle consiste à confronter la netteté des formes et des lignes au règne proliférant de la saleté, de la pollution, de la putréfaction, la plénitude d’un art de la profusion, saturé jusqu’au vertige d’inventions poétiques, à la noirceur d’une dystopie hantée par l’horreur concentrationnaire, et contre laquelle la colère des enfants et la dignité des chiens restent l’ultime rempart. 5/6

The French dispatch
Disons-le d’emblée : oui, cela ressemble à un catalogue de procédés andersoniens, oui, le reproche de la formule est fondé, oui, cet univers est ici replié sur lui-même comme une huître, et étanche à tout autre courant que le sien. Cela précisé, reste à s’esbaudir devant la densité et la profusion de cette farandole en trois temps, qui laisse un goût persistant de revenez-y tant chaque séquence fourmille d’idées, de détails et de fantaisies, tant le règne d’une imagination débridée s’offre avec générosité, tant sont enivrants la richesse de la composition picturale, l’hyperactivité des différents régimes esthétiques, la dépense délirante des formes, l’épanouissement fertile des modes de narration. Que l’émotion soit un brin sacrifiée dans l’opération est indéniable, que l’exercice de style éblouisse l’est tout autant. 5/6

Asteroid city
Après avoir créé la ville française d’Ennui-sur-Blasé et celle américaine de Liberty, l’auteur fait pousser Asteroid City dans le Sud-Ouest des USA pour nouveau film-dispositif calibré au caillou près, distillé en vignettes successives, la jeunesse apportant au récit le lot de perturbations qui incombent aux apprentis sorciers. Dans ce théâtre horizontal d’attente et d’immobilité où tout fonctionne comme un modèle réduit, la tentation de la fable cède à une sorte de vertige pirandellien, une véritable folie du chapitrage, une cascade de sections et de sous-sections qui voit les personnages, perdus quelque part entre scène et coulisses, se suspendre dans la mise en abyme. Mais on peut légitimement considérer que ce délire monomaniaque et formaliste, plus que jamais raffermi dans sa frontalité, accuse une limite. 4/6


Mon top :

1. The Grand Budapest Hotel (2014)
2. Moonrise kingdom (2012)
3. La vie aquatique (2004)
4. Fantastic Mr Fox (2009)
5. La famille Tenenbaum (2001)

Un top qui ne veut pas dire grand chose : j’aime tous ces films à peu près autant l’un que l’autre. Un style unique, une plastique superbe, des acteurs géniaux que je prends plaisir à retrouver d'opus en opus : je suis extrêmement sensible à cet univers lunaire, décalé, subtilement mélancolique, qui déploie sous les oripeaux d'un humour pince-sans-rire des trésors d’empathie et de chaleur humaine. Anderson est un dandy tendre et raffiné, et son cinéma est exclusivement dédié à ses personnages, aux liens qui les rapprochent, aux blessures qui les habitent, à la fois extrêmement drôle et profondément émouvant.
Dernière modification par Thaddeus le 3 mars 24, 20:26, modifié 14 fois.
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Re: Wes Anderson

Message par Pr. Aronax »

Et des premières critiques lues un peu de tous les côtés, son dernier semble prendre le même chemin, hâte d'y aller ce soir :oops:
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Flol
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Re: Wes Anderson

Message par Flol »

Thaddeus a écrit :Un top qui ne veut pas dire grand chose : j’aime tous ces films à peu près autant l’un que l’autre. Un style unique, une plastique superbe, des acteurs géniaux que je prends plaisir à retrouver d'opus en opus : je suis extrêmement sensible à cet univers lunaire, décalé, subtilement mélancolique, qui déploie sous les oripeaux d'un humour pince-sans-rire des trésors d’empathie et de chaleur humaine. Anderson est un dandy tendre et raffiné, et son cinéma est exclusivement dédié à ses personnages, aux liens qui les rapprochent, aux blessures qui les habitent, à la fois extrêmement drôle et profondément émouvant.
Il ne te reste donc plus qu'à découvrir Bottle Rocket. On va dire que c'est un "brouillon" de ses films suivants...mais quel beau brouillon.
Il y a des petits problèmes de rythmes, il y a forcément quelques maladresses, mais c'est constamment drôle, inventif et avec déjà ce petit décalage dans le ton, qui lui permet par moments de tutoyer la grâce absolue (les scènes entre Luke Wilson et la femme de ménage).
Facilement trouvable en dvd, donc n'hésite surtout pas.
Et si vraiment tu veux te faire la complète, tu peux aussi mater le court-métrage en noir et blanc dont est tiré le film. Il me semble qu'il est encore dispo sur les internets (et de manière tout à fait légale).

EDIT : bingo.

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