Mektoub my Love (Abdellatif Kechiche - 2017)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jack Griffin
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Mektoub my Love (Abdellatif Kechiche - 2017)

Message par Jack Griffin »

Mektoub, my love (chant 1), le dernier Kechiche, dure 3h et est présenté à Venise.

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Impression mitigée de l'autre côté de l'atlantique, plus favorable ici.

“If the camera is in love with all the characters, it seems especially aroused by the women, all of them beautiful, who in the film’s frequent party scenes bump, grind, pole dance, and indulge in hot, flirtatious girl-on-girl moves.”
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Thaddeus
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Thaddeus »

Grosse attente pour ma part. Je considère Kechiche comme le plus grand cinéaste français en activité.

Libé et Le Monde sont conquis, en tout cas.
Ignatius
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Ignatius »

Jack Griffin a écrit :Impression mitigée de l'autre côté de l'atlantique, plus favorable ici.
Et impression plus que mitigée Outre-Quiévrain :
Hugues Dayez pour la rtbf a écrit :Mostra Jour 9 : "Mektoub my love", le naufrage d'Abdellatif Kechiche

C’est aujourd’hui qu’est présenté en compétition "Mektoub, my love", le nouveau film du cinéaste franco-tunisien Abdellatif Kechiche, qui avait remporté il y a quatre ans la Palme d’Or pour "La vie d’Adèle". Le film s’inspire très librement d’un roman de François Bégaudeau (l’auteur d’ "Entre les murs"), "La blessure, la vraie", paru en 2011.

Au début de "Mektoub, my love", dont l’action se déroule en 1994, on découvre Amin, un jeune garçon qui a abandonné ses études de médecine à Paris et qui revient pour l’été dans le Midi de la France, à Sète, pour y passer ses vacances dans sa famille. Dès son arrivée, Amin va rendre visite à son amie d’enfance, Ophélie, et surprend son cousin Toni en train de lui faire l’amour … La situation crée un malaise parce qu’Ophélie est officiellement fiancée à Clément, un jeune militaire parti en mission dans le Golfe.

Amin recueille les confidences d’Ophélie, qui travaille à la ferme de ses parents et qui fait mine de ne pas trop souffrir des infidélités de Toni, qui drague absolument tout ce qui bouge sur la plage… Au milieu d’un groupe de garçons et de filles qui veulent profiter au maximum de leurs vacances, Amin va observer les jeux de séduction, les tromperies, les sorties en boîte, etc…

J’ai essayé de vous raconter "Mektoub, my love" de la façon la plus cohérente possible, mais en réalité, dans cette interminable chronique de trois heures, Abdellatif Kechiche semble enchaîner de longues séquences anecdotiques – la banalité des dialogues est terrifiante – sans se soucier le moins du monde d’une quelconque progression dramatique. On assiste, affligé, à une succession d’instantanés, de scènes comme "prises sur le vif" qui ne présentent aucun intérêt. Résultat : à l’issue de la projection, le film a été un peu applaudi par les fans de Kechiche, mais surtout beaucoup hué…

Avec "Mektoub", Abdellatif Kechiche est à un tournant de sa carrière. Un mauvais tournant : le succès semble être monté à la tête du cinéaste. Tant que Kéchiche était encadré par des producteurs, comme feu Claude Berri pour "La graine et le mulet", qui reste sans doute son meilleur film, tout allait bien… Et puis l’artiste a commencé à se croire tout-puissant, et à décourager par ses caprices plusieurs producteurs de renom. Pour "Mektoub my love", il est en conflit avec le groupe France Télévision, qui avait signé pour un seul film, or Kéchiche veut faire deux films avec "Mektoub" (celui-ci porte d’ailleurs le sous-titre "Canto Uno"). Quand on voit déjà que ce film de trois heures ne raconte rien, on comprend la réticence des producteurs à financer le montage et la sortie d’un deuxième volet.

Le plus embarrassant, c’est de voir Kéchiche de plus en plus hanté par ses obsessions sexuelles. C’était patent dans "Vénus noire", dans lequel il filmait interminablement les exhibitions de la Vénus hottentote. Dans "La vie d’Adèle", les scènes de sexe étaient encore plus présentes, mais elles avaient une légitimité, elles racontaient la passion des deux jeunes filles. Mais ici, rien de tel. "Mektoub my love" s’ouvre par une scène de sexe longue et voyeuriste, et pendant tout le reste du film, la caméra de Kechiche filme souvent, trop souvent, les fesses des filles qui se trémoussent dans des minishorts à la plage ou sur des pistes de danse. Que Kechiche ait ses obsessions, c’est son droit le plus strict, mais qu’il prenne aujourd’hui la pose du grand Auteur maltraité par ses producteurs pour masquer la vacuité de son film et l’étroitesse de son inspiration, c’est carrément insupportable.

https://www.rtbf.be/culture/dossier/hug ... id=9702977
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Flol »

Jack Griffin a écrit :“If the camera is in love with all the characters, it seems especially aroused by the women, all of them beautiful, who in the film’s frequent party scenes bump, grind, pole dance, and indulge in hot, flirtatious girl-on-girl moves.”
Entre ça et les quelques retours lus sur Twitter disant uniquement que Kechiche est misogyne et "objectifie" ses comédiennes, j'ai du mal à voir où ça parle de cinéma, précisément.
7swans
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par 7swans »

Pas vraiment convaincu par La Vie d'Adèle, mais très hâte de découvrir son nouveau film, parce qu'adapté (très très très) librement d'un excellent bouquin de François Bédaudeau.
Dernière modification par 7swans le 8 sept. 17, 17:44, modifié 1 fois.
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tenia
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par tenia »

Ignatius a écrit :Et impression plus que mitigée Outre-Quiévrain :
J'ai un doute, parce que je ne connais pas super bien l'oeuvre de Kechiche, mais ça : "Abdellatif Kechiche semble enchaîner de longues séquences anecdotiques – la banalité des dialogues est terrifiante – sans se soucier le moins du monde d’une quelconque progression dramatique.", c'est quand même pas nouveau du tout, non ?
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Watkinssien »

Ce que j'aime bien, c'est le "semble enchaîner"... :mrgreen:
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Rockatansky »

Le mec est fort quand même, on lui finance un film et il en pond 2 de 3h :mrgreen:
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Jack Carter »

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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Jeremy Fox »

Et moi donc !
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Mosin-Nagant »

Au cas où...

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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Duke Red »

Mektoub My Love, donc... Attention, légers SPOILERS

À titre indicatif, j'avais relativement apprécié La Vénus Noire et La Vie d'Adèle - ni extase ni rejet total pour moi, mais des films qui se regardent bien, dont les durées hors norme et le côté "intrigue au fil de l'eau" entraînent fatalement qu'on s'emmerde à certains moments pour être emporté par d'autres.

Avec son dernier opus, on est malheureusement davantage dans le premier cas de figure. Dans sa récente interview pour Le Monde, Kechiche affirme "revendiquer le fait de ne rien raconter de spécial." Et c'est là que le bât blesse. Car même si un réalisateur assume son absence de propos, il lui faut bien réussir à rendre ce "rien" intéressant pour le spectateur. Comme le dit une récente pub pour Volkswagen, "rien, ça n'est pas rien" (on a les références qu'on peut :fiou: ). Au fond, Kechiche ne change pas de style, on retrouve ce goût des séquences étirées à l'extrême, cette forme d'épuisement narratif, mais il est ici au service du vide. Contrairement à une Adèle, ces jeunes-là, aussi remarquablement interprétés soient-ils, ne nous touchent pas, avec leurs insignifiantes histoires de fesses - il n'y a que Charlotte qui semble avoir une forme de profondeur, et encore, ce n'est pas tant de la complexité, c'est juste qu'elle est peut-être le seul personnage à véritablement vivre quelque chose au cours de ces 3h de film (en l'espèce, une déception amoureuse). Mais le réalisateur n'en tire que dalle, et l'évacue de la moitié du film pour la faire revenir à la toute fin (en prévision de l'épisode deux ?). Amin, lui, reste un spectateur passif, observant tout ce petit monde avec un air vaguement amusé. On ne sent jamais le lien se créer entre ses velléités d'artiste et sa position de témoin.

J'ignore si l'oeuvre a une portée autobiographique et si Kechiche a voulu rendre hommage à sa propre jeunesse, mais en l'état le film est beaucoup plus drôle (à ses dépens) en le prenant comme un condensé parfaitement cauchemardesque d'une certaine mentalité méditerranéenne : séducteurs à deux balles tout droit sortis du bled, mammas étouffantes et commères, tchatche infernale, un côté hyper-tactile et vulgos, une absence terminale de sophistication. L'horreur absolue. Je pense avoir montré sur les différents sujets consacrés au féminisme que j'étais pour le moins dubitatif sur les conséquences de l'affaire Weinstein, qui a charrié son lot d'indignations à la noix au point de tomber dans l'hystérie. Mais là, même moi ne pouvais m'empêcher de penser au désormais fameux "male gaze" devant la complaisance du truc. C'est simple, Kechiche filme des culs de meufs au kilomètre. Avec le pote avec qui j'étais, ça a tourné au running gag. Le réal peut essayer de tourner ça comme une célébration du corps féminin, mais honnêtement, est-ce que t'as besoin de faire toutes les 5 secondes un panoramique sur les boules de tes comédiennes ? Ophélie Bau est d'ailleurs particulièrement servie. La séquence en boîte de nuit vers la fin en devient carrément parodique. Dieu sait que je ne suis pas un père-la-morale, mais il y a une différence entre filmer amoureusement tes actrices et les mater non-stop. Évidemment, cela n'étonnera personne si je dis qu'on ne voit rien de l'anatomie masculine.

Mektoub My Love ou le cauchemar de la génération #Metoo (je n'ose imaginer la réception dans les festivals américains :uhuh: ).

(Le candidat rêvé pour un drinking game. Un shot dès qu'on voit une paire de fesses. La première heure n'est même pas finie que tu rampes par terre.)
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Mosin-Nagant »

Duke Red a écrit :Je pense avoir montré sur les différents sujets consacrés au féminisme que j'étais pour le moins dubitatif sur les conséquences de l'affaire Weinstein, qui a charrié son lot d'indignations à la noix au point de tomber dans l'hystérie. Mais là, même moi ne pouvais m'empêcher de penser au désormais fameux "male gaze" devant la complaisance du truc. C'est simple, Kechiche filme des culs de meufs au kilomètre. Avec le pote avec qui j'étais, ça a tourné au running gag. Le réal peut essayer de tourner ça comme une célébration du corps féminin, mais honnêtement, est-ce que t'as besoin de faire toutes les 5 secondes un panoramique sur les boules de tes comédiennes ? Ophélie Bau est d'ailleurs particulièrement servie. La séquence en boîte de nuit vers la fin en devient carrément parodique. Dieu sait que je ne suis pas un père-la-morale, mais il y a une différence entre filmer amoureusement tes actrices et les mater non stop.
Ça donne vraiment envie, tout ça. Je le vois dimanche soir. Trop hâte.
Ophélie Bau, j'avoue... :oops: :oops: :oops:
Plus sérieusement, je suis un peu étonné qu'on ne découvre qu'aujourd'hui la façon qu'a Kechiche de filmer les femmes. C'est dans son cinéma depuis un bout de temps, non ?
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Shin Cyberlapinou
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Shin Cyberlapinou »

Honte à moi, est-ce qu'il y a des fessées? J'avais noté cette mini spécificité dans La graine et le mulet et La vie d'Adèle, et comme là le sujet semble s'y prêter...
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Demi-Lune
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Re: Abdellatif Kechiche

Message par Demi-Lune »

Avec Mektoub my love, je pense que Kechiche a exactement fait le film qui lui dévorait l'inconscient depuis un bail et qu'il peut maintenant se permettre de faire, ayant connu le toit du monde avec sa Palme d'Or. Ça ne veut pas dire que tout lui est désormais permis (les problèmes de financement et d'accouchement de ce projet sont connus), ça veut dire que parvenu à un certain stade de reconnaissance, je crois que les grands cinéastes obsédés sexuels ressentent le besoin de faire LE film qui dévoile au monde ce qu'ils ont vraiment en tête. Bienvenue, donc, dans les fantasmes d'un auteur qui relègue toute histoire, tout enjeu dramatique, à la portion congrue et le revendique, pour se concentrer sur l'essentiel à savoir : sea sex and sun, des paires de fesses rebondies dans des shorts en jean ou des maillots de bain, des gros nibards qui s'agitent, des pétasses chaudes comme la braise qui rigolent bêtement et se touchent en discothèque après avoir tortillé du cul comme des figurantes de clip de rap, des cheveux moites, des nanas (alcoolisées ou pas) qui se précipitent sur les mecs sans qu'ils n'aient besoin de rien faire, et des plans cul interchangeables.

En 2018, dans une société post-Weinstein bien à cran, le geste a soit du panache, soit de l'inconscience, soit de l'inconséquence. Car présenté comme ça, le film pourrait s'apparenter à une version porno de 3h de Conte d'été et auteurisante de Plus belle la vie. Sans compter qu'il faut se fader, comme l'a dit Duke Red, toute cette mentalité méditerranéenne cauchemardesque, dont on ne parvient pas trop à dire si Kechiche s'en amuse ou s'en gargarise.

Alors pourquoi ne parvient-on pas à détourner le regard ? Pourquoi tout cela n'est-il pas risible ? Pourquoi toute ma salle de ciné est-elle restée scotchée jusqu'au bout, malgré les soupirs d'agacement, de consternation ou de lassitude ? Eh bien parce que ce film est un putain de grand huit ardent et un mémorable morceau de cinéma sensoriel, tout simplement. Il faut bien qu'il y ait quelque chose d'extraordinairement prenant, et qu'on ne saurait résumer aux minois des actrices ou au racolage des plans de fesses, pour que ces 3h de "rien" ne donnent pas envie aux gens de se barrer. Et ce truc prenant, c'est la vision de Kechiche, ce débordement solaire de vie et de sensations dans une ampleur d'une quasi épiphanie. Pour ce qui me concerne, j'ai été scotché non pas à cause du côté porno détourné (toute cette volupté qui monte mais qui ne mène jamais à la scène de cul cathartique à proprement parler), mais parce que Kechiche veut faire une fresque épique de toutes ces banales coucheries de vacances, en provoquant la patience du spectateur dans des épuisements de séquences à la Rivette qui tantôt agacent, tantôt indisposent, mais toujours fascinent. Il faut voir cette entrée en matière sensationnelle (je ne parle pas que de la baise) où une conversation hoquetante entre Amin et Ophélie définit toute l'électricité sexuelle du projet. Ce film sent le sexe à en filer des complexes à Almodovar, cette odeur s'exhale non pas de manière vicelarde mais de manière antique, brûlante, irrépressible, dionysiaque. Ça peut paraître zarb d'en faire un compliment et une qualité mais on parle d'un film érotique qui ne dit pas son nom, et qui a justement cette singularité (oserais-je dire le coup de génie?) de revenir à quelque chose d'irrépresentable - hors le tout début, et sous réserve de voir la suite -, à savoir un désir qui enfle dans le creux du ventre, une attraction physique qui fait perdre la raison lorsqu'on a 20 ans. Je ne sais plus quel papier disait que ce film donnait tout son sens à l'expression "dévorer du regard", et c'est exactement ça : rarement on aura senti une telle charge de désir serpenter à travers les images et les yeux qui se posent sur des corps. La clé du succès, c'est le contraste entre la durée hors normes du film (qui se subit, d'une manière ou d'une autre) et son propos se réduisant à la quête d'une essence : on se retrouve face à un faux film vide qui, entre cinéma vérité et stylisation, fait un grand numéro d'équilibriste, semble sans cesse menacé par le point de rupture, mais résiste et obsède d'autant plus le spectateur. Alors, est-ce quand même suffisant à donner de la matière aux personnages et à leurs interactions ? Difficile de se forger un avis tranché à la césure du générique de fin. Il est clair qu'on ne doit pas venir chercher ici de la profondeur psychologique ou des études de caractère, au-delà de la vision du monde épicurienne (au mieux) de Kechiche. Mais il y a matière de s'accommoder peu à peu de ce choix pour tout ce que cette vague sensorielle a à apporter, cet enivrement jusqu'à la luxure, comme un assemblage de morceaux de bravoure, jusqu'au miracle (la brebis mettant bas sur du Mozart). Inoubliable.
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