La Critique aujourd'hui

[Alexandre Angel]

Il est clair qu'on a vu disparaître une certaine culture générale cinéphilique reposant sur la maîtrise d'un socle commun d'oeuvres canoniques, mais à mon sens c'est moins dû à un abrutissement général qu'à une transformation radicale du mode d'accès aux images. Je pense que le grand bouleversement de ces vingt-cinq dernières années a été la remise en question de l'interface relativement étroit grâce auquel beaucoup de gens se construisaient une culture cinéphilique : soit en gros l'axe cinémas d'art et essai/revues de cinéma/le tandem Cinéma de minuit et ciné-club de France2 à la télé/les ciné-clubs de taille et d'influence variable. Grâce à ces filtres, on pouvait se constituer un ensemble de références qui parlaient à l'ensemble des cinéphiles même s'ils n'avaient pas tous les mêmes goût - c'est en gros le fameux canon si cher à Michel Ciment quand il se met en mode artilleur en chef. Avec la multiplication des sources d'accès aux films (explosion du nombre de chaînes de télé, internet, YouTube, etc), ces filtres ont largement sauté. Ils n'ont pas complètement disparu mais ils se sont déplacés du centre à la périphérie. Pour la majorité du public, ils n'assurent plus le rôle structurant de hiérarchisation des oeuvres qui précédemment était le leur, pour le meilleur comme pour le pire. Du coup, on a le sentiment qu'il n'y a plus d'échelle des valeurs ni de culture commune, et que les spectateurs d'aujourd'hui pataugent dans une espèce de bouille audiovisuelle sans passé ni mémoire. C''est sans doute en partie vrai, mais ça ne veut pas dire pour autant que notre ami le d'jeuns de maintenant qui s'intéresse un minimum au cinoche n'essaie pas malgré tout de se constituer une cinéphilie personnelle au beau milieu du bordel ambiant. Par contre, cette culture va se former par des canaux qui ne sont pas tout à fait les mêmes que ceux que nous avons connus, là encore pour le meilleur comme pour le pire.

C'est une bonne synthèse à laquelle j'ajouterais que c'est le cinéma dans son ensemble qui est devenu périphérique, comme médium, alors qu'il fut un temps où il était au centre de toutes les attentions. Il n'est qu'un invité parmi d'autres continuant à rapporter pas mal de fric là où il fut maître de cérémonie.

[Michel2]

Oui, je suis assez d'accord. Je ne sais pas si le cinéma est devenu aussi périphérique que tu le dis parce que les salles n'ont pas disparu et leur fréquentation se maintient, mais il est clair que pour beaucoup de spectateurs d'aujourd'hui, les films se fondent dans un flux d'images qui inclut les jeux vidéos, les séries télévisées et tout ce qu'on peut trouver sur YouTube. Le fait que l'ordinateur portable - voire l'écran du smartphone - devienne un vecteur d'images de plus en plus dominant accentue ce phénomène de continuum, à mon avis.

[Supfiction]

Oui, je suis assez d'accord. Je ne sais pas si le cinéma est devenu aussi périphérique que tu le dis parce que les salles n'ont pas disparu et leur fréquentation se maintient, mais il est clair que pour beaucoup de spectateurs d'aujourd'hui, les films se fondent dans un flux d'images qui inclut les jeux vidéos, les séries télévisées et tout ce qu'on peut trouver sur YouTube. Le fait que l'ordinateur portable - voire l'écran du smartphone - devienne un vecteur d'images de plus en plus dominant accentue ce phénomène de continuum, à mon avis.

Quand je constate le niveau de connaissance générale des films, même contemporains, je m'interroge sur ce niveau élevé des entrées. A croire que la répartition des entrées se fait sur un nombre plus restreint de spectateurs qu'auparavant.

[7swans]

La première au sujet de Welles.
Lors d'une discussion ciné avec des camarades en Maths Spé (il y a 10 ans), je m'étais aventuré à citer Orson Welles pour dresser je ne sais plus quelle comparaison à un moment donné. Tout le monde m'avait alors regardé en faisant des gros yeux, personne ne le connaissait autour de moi...
Moi qui pensais naivement que n'importe quel gars de mon âge, avec ce type de parcours scolaire, aurait quand même eu l'occasion d'en entendre parler (même sans être un cinéphile). On nous avait d'ailleurs montré Citizen Kane en 1ère.

Etude dans l'audiovisuel, première année, une camarade voulant se mettre à niveau dans les "grands classiques" me dit fièrement qu'elle a acheté le film d'Orson Welles dont je lui avais parlé. Elle sort le DVD de son sac, c'était ça :

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Elle s'est pas démontée, elle m'a dit par la suite qu'elle avait beaucoup aimé le film et je crois qu'elle n'a finalement jamais vu le film de Welles...

[Rockatansky]

Ah les études d'audiovisuel et la cinéphilie

[AtCloseRange]

ça aurait pu être pire

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[Alexandre Angel]

ça aurait pu être pire

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ou bien..

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[AtCloseRange]

ça aurait pu être pire

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ou bien..

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Sauf que moi, c'était un Well(e)s.

[Alexandre Angel]

T'es trop fort..

[Truffaut Chocolat]

Oui, je suis assez d'accord. Je ne sais pas si le cinéma est devenu aussi périphérique que tu le dis parce que les salles n'ont pas disparu et leur fréquentation se maintient, mais il est clair que pour beaucoup de spectateurs d'aujourd'hui, les films se fondent dans un flux d'images qui inclut les jeux vidéos, les séries télévisées et tout ce qu'on peut trouver sur YouTube.

Bah c'est pour cette raison que le cinéma est devenu """périphérique""" et qu'il n'influence plus les gens comme il y a ne serait-ce que 20 ans.
Entre temps, il y a eu l'explosion des bouquets satellites, d'internet et des multi-écrans.
C'est une distraction comme une autre aux yeux des consommateurs (désolé d'employer ce gros mot mais il faut appeler un chat un chat ) qui se réfugient dans ce qui leur convient et leur conforte.
Comment la critique pourrait avoir un un rôle à jouer dans ce contexte ? Pour moi c'est peine perdue.

[hansolo]

Comment la critique pourrait avoir un un rôle à jouer dans ce contexte ? Pour moi c'est peine perdue.

La critique n'a pas de rôle prescripteur(l'a elle jamais eu ?), mais peut être avoir un effet multiplicateur pour des films peu exposés / mal distribués; ou qui ont eu un mauvais démarrage.

[Truffaut Chocolat]

Comment la critique pourrait avoir un un rôle à jouer dans ce contexte ? Pour moi c'est peine perdue.

La critique n'a pas de rôle prescripteur(l'a elle jamais eu ?)

Je pense que si, mais c'est pas vraiment là que ça se joue.
La critique pourrait exister comme elle existait avant si on expérimentait tous, au même moment, un mouvement culturel qui touche à toutes les disciplines.
Le genre de mouvement qui crée des scènes et qui fonde des écoles de pensée, par exemple. Or ce n'est plus possible.

[Flol]

La première au sujet de Welles.
Lors d'une discussion ciné avec des camarades en Maths Spé (il y a 10 ans), je m'étais aventuré à citer Orson Welles pour dresser je ne sais plus quelle comparaison à un moment donné. Tout le monde m'avait alors regardé en faisant des gros yeux, personne ne le connaissait autour de moi...
Moi qui pensais naivement que n'importe quel gars de mon âge, avec ce type de parcours scolaire, aurait quand même eu l'occasion d'en entendre parler (même sans être un cinéphile). On nous avait d'ailleurs montré Citizen Kane en 1ère

Ça, c'est un peu mon quotidien au boulot : dès qu'on se lance dans une discussion ciné et qu'on me demande ce que j'ai vu de bien récemment, j'ai de plus en plus tendance à répondre brièvement des banalités, sans trop m'étendre sur la nature des films en question, tellement c'est l'incompréhension (voire carrément le mépris parfois) qui prédomine dans leurs réactions. Déjà que pour la plupart des gens, un film est "vieux" s'il date de 2011...
Autant vous dire que j'ai évité de leur parler de Nekromantik.

[Jeremy Fox]

Ça, c'est un peu mon quotidien au boulot : dès qu'on se lance dans une discussion ciné et qu'on me demande ce que j'ai vu de bien récemment, j'ai de plus en plus tendance à répondre brièvement des banalités, sans trop m'étendre sur la nature des films en question, tellement c'est l'incompréhension (voire carrément le mépris parfois) qui prédomine dans leurs réactions.

Pareil ; et d'ailleurs j'évite toutes discussions sur le cinéma au boulot. Dès que ça commence à parler de films, je m'éloigne le plus souvent.

[Alexandre Angel]

Dès que ça commence à parler de films, je m'éloigne le plus souvent.

Tu fais comme Clark Kent : tu disparais discrètement et tu ressors d'une cabine dans ton costume de Jeremy Fox.