Cinéma Coréen contemporain

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Duke Red
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Duke Red »

Tous les films que tu chroniques ici sont trouvables facilement (par import j'imagine) ou il faut passer par des moyens illégaux ? :fiou:
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Aucune idée, tous ceux que j'évoque sont visibles dans un festival de films coréens http://www.ffcp-cinema.com/

Dans l'ensemble, c'est dispo en imports logiquement, au moins les grosses machines. Peut-être pas tout de suite car certains sont très récents, et encore en salle là-bas.
Mais c'est vrai que tous n'ont pas l'air trouvables non plus comme Spellbound par exemple.
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Duke Red »

Ah tu habites en Corée du Sud ? Effectivement ça doit être plus facile ^^

Merci pour la news sur le festival, j'habite pas loin du Publicis, je sens que je vais me laisser tenter par The Age of Shadows, Seoul Station et Old Boy (que je n'ai jamais vu…)
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Duke Red a écrit :Ah tu habites en Corée du Sud ? Effectivement ça doit être plus facile ^^
Ah non, même pas ! J'habite Paris aussi. :mrgreen:

Deux séances complètes pour The age of shadows (soit 800 places !) :o
J'espère que tu as eu un ticket si tu as fait le déplacement !
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Duke Red »

En fait, j'ai eu la flemme ce soir… :mrgreen:

Mais visiblement, j'ai bien fait de rester chez moi - je me serais pointé 10 minutes avant la séance, pour rien donc. Je vais quand même me motiver pour Seoul Station demain…
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Je serais là ce soir pour Seoul Station aussi :)

The Tiger (Park Hoon-jung - 2015)

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Un officier de l'armée japonaise est obsédé par les trophées de chasse. Il désire donc posséder la peau du "Seigneur de Jirisan", un tigre puissant et redoutable, autant craint que vénéré par les habitants voisins. Parmi un ancien chasseur qui ne désire pas se mêler à la traque mais son jeune fils ne supporte plus sa modeste vie.

Les premiers retours de mes camarades n'était pas des plus engageants mais j'avoue avoir bien apprécié cette grosse production signé par le réalisateur de New World. On trouve bien-sûr quelques passages haletants et des séquences d'attaques félines incroyablement sauvages et spectaculaires (malgré des effets spéciaux pas toujours au top) mais ce qui m'a plu est la construction du scénario qui après une moitié d'un récit classique et balisé, sort des sentiers battus pour construire une sorte de fresque mythologique et écologique.
Du coup, les naïvetés et les clichés de la première heure sont atténués par la dimension conte légendaire du parallèle entre le personnage de de Choi Min-sik et son alter-ego animal. Il y quelques moments visuellement assez fort comme les loups ramenant leurs proies, le dynamitage de la forêt, les dernières attaques du tigre et tout le final où la montagne Jirisan devient un paysage fantastique digne de l'olympe.
Il y a dans ce livre d'image quelque chose qui m'a assez touché malgré une musique pompière et des seconds rôles qui auraient mérité un meilleur traitement.
Agréablement surpris en revanche par la volonté de ne pas diaboliser plus qu'il ne faut les japonais et de nuancer plusieurs personnages. Une manière de valoriser une caractéristique de la Corée sans tomber dans la glorification patriotique puisqu'une bonne partie de sa population n'a pas trop de scrupules à la dépouiller et la détruire pour son profit.
Non, vraiment agréablement surpris.



Un Blu-ray US existe :D
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Duke Red »

bruce randylan a écrit :Je serais là ce soir pour Seoul Station aussi :)
DVDClassik en force 8)

Et pour le coup j'ai acheté mon billet à l'avance alors que je possède la carte UGC mais je voulais pas me pointer 1h avant et trouver salle comble…
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Message par Duke Red »

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Seoul Station (Yeon Sang-Ho - 2016)

Séoul, un soir de canicule. Une invasion de zombies se répand peu à peu, ayant pour point de départ la gare centrale. Dans le chaos grandissant, un couple de paumés, le père de la jeune fille et un vieil SDF tentent de survivre.

Voici donc la préquelle animée du Dernier train pour Busan. Hé bien je serai encore moins enthousiaste que pour la suite en live. Techniquement, c'est vraiment pas beau. Le chara-design est disgracieux, sans finesse, l'animation raide (quand les personnages courent, on dirait qu'ils trottinent), la mise en scène très molle, les décors peu détaillés. Et bon sang que les dialogues sont pénibles - tout le monde passe son temps à gueuler ou pleurnicher. La nana est une éternelle victime et chouineuse, son mec un boulet pétochard. Couplés aux traditionnelles scories de films de zombies (personnages semi-crétins, forces de l'ordre incompétentes et bourrines), ben ça fait un peu beaucoup. Sans parler d'un rebondissement sur la fin qui est certes totalement inattendu, mais quand même très con quand on y réfléchit deux secondes.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Comment croire qu'un mac irait prendre autant de risques au milieu d'une invasion zombie juste pour se faire rembourser par sa pute ?
Là où le film s'en sort mieux, c'est avec son ambiance de cauchemar urbain et étrange. Les deux tiers du récit se déroulent dans des rues vides, avec des morts-vivants qui errent par petits groupes, et les héros qui se cherchent au milieu d'une Séoul endormie et indifférente à leur sort. Un petit côté Resident Evil 2 et 3 pas déplaisant (les jeux, pas les machins d'Anderson).

Finalement, je vais revoir à la hausse Dernier train pour Busan, tiens…

À vous, Bruce Randylan :)
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Message par bruce randylan »

Duke Red a écrit :
Seoul Station (Yeon Sang-Ho - 2016)

Séoul, un soir de canicule. Une invasion de zombies se répand peu à peu, ayant pour point de départ la gare centrale. Dans le chaos grandissant, un couple de paumés, le père de la jeune fille et un vieil SDF tentent de survivre.

Voici donc la préquelle animée du Dernier train pour Busan. Hé bien je serai encore moins enthousiaste que pour la suite en live. Techniquement, c'est vraiment pas beau. Le chara-design est disgracieux, sans finesse, l'animation raide (quand les personnages courent, on dirait qu'ils trottinent), la mise en scène très molle, les décors peu détaillés. Et bon sang que les dialogues sont pénibles - tout le monde passe son temps à gueuler ou pleurnicher. La nana est une éternelle victime et chouineuse, son mec un boulet pétochard. Couplés aux traditionnelles scories de films de zombies (personnages semi-crétins, forces de l'ordre incompétentes et bourrines), ben ça fait un peu beaucoup. Sans parler d'un rebondissement sur la fin qui est certes totalement inattendu, mais quand même très con quand on y réfléchit deux secondes.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Comment croire qu'un mac irait prendre autant de risques au milieu d'une invasion zombie juste pour se faire rembourser par sa pute ?
Là où le film s'en sort mieux, c'est avec son ambiance de cauchemar urbain et étrange. Les deux tiers du récit se déroulent dans des rues vides, avec des morts-vivants qui errent par petits groupes, et les héros qui se cherchent au milieu d'une Séoul endormie et indifférente à leur sort. Un petit côté Resident Evil 2 et 3 pas déplaisant (les jeux, pas les machins d'Anderson).

Finalement, je vais revoir à la hausse Dernier train pour Busan, tiens…

À vous, Bruce Randylan :)
Je prends le relai alors !

Bon, avis assez mitigé aussi.
J'avais bien aimé Busan Station mais les souvenirs du précèdent DA du cinéaste (The fake) avec son animation moche (je vois pas d'autre terme) et ses personnages caricaturaux me faisaient un peu peur.
Et en effet, graphiquement c'est vraiment pas terrible entre le cara-design et l'animation qui piquent les yeux, même si on s'y fait assez rapidement malgré tout.
Le gros souci, c'est qu'entre ce style visuel et des personnages passe-partout sans grand intérêt, j'ai eut vraiment beaucoup de mal à m'identifier aux personnages et donc à craindre pour leurs vies. C'est qui annihile pratiquement tout le suspens qui offrait pourtant quelques passages à fort potentiel (l'immeuble en construction, la prison, le fille suspendue à un câble, les civils coincés entre garde civil et zombies). Reste quelques jolis plans comme deux personnages passant devant une station de métro remplis de créatures.
Le twist de fin est très mal amené et pas du tout cohérent avec la psychologie du personnage et ce qu'il est sensé traverser. C'est bête car il n'aurait pas fallut grand chose pour le rendre crédible d'autant que le concept en lui-même est cohérent avec la vision désespérée de la Corée contemporaine. J'aime bien ainsi l'idée que l'épidémie de Zombies se propage à partir de SDF que personne ne veut soigner initialement. Et de manière générale, on peut pas dire que le pays donne une idée très positive, surtout la position des femmes qui semble n'avoir pas évoluer depuis des décennies (Prostitue-toi ou tais-toi). Sur cet aspect socio-politique, j'ai trouvé la charge plus efficace que la critique anti-capitaliste de Busan Station.
Et j'aime bien l'idée que le final se déroule dans d'immense modèles de maisons grand luxe. En tout cas, les 5 dernières minutes ne manquent pas d'attrait.

Le reste se regarde sans réel ennui (ça dure 90 minutes) mais sans implication.


The world of us (Yoon Ga-eun - 2016)
Image

Sun, tête de turc de sa classe, rencontre une nouvelle élève alors que commence les vacances. Les deux ne tardent pas devenir complice malgré leurs différences sociales. Mais avec l'approche de la rentrée, les camarades de classes de Sun ne tardent pas à essayer d'éloigner sa seule amie.

Attendu comme l'un des temps fort de cette édition, ce premier long-métrage mérite sa réputation de petite merveille sur le monde de l'enfance.
Filmé à hauteur d'enfants, s'attachant à des émotions complexes et souvent muettes (des craintes, de la honte, du malaise, du mépris, de la solitude, de l'incompréhension etc...), Yoon se révèle une excellente directrice de jeunes acteurs pour une duo qui s'avèrent très crédibles dans des rôles délicats. D'ailleurs, le film ne manque ni de délicatesse, ni de justesse, tant dans sa manière de dépeindre le monde des enfants que dans celui des parents (souvent absents) qui semblent ne pas vouloir prendre en compte qu'un enfant peut nourrir quantité de sentiments.
Il y a un réel don pour l'observation, pour les petites touches et le sens du détail tel la très belle idée du vernis à ongles qui s'effacent progressivement, évoquant l'éloignement entre les deux camarades et leurs incapacité à renouer un dialogue.
Cependant, et tout en reconnaissant ses nombreuses qualités, il y a un petit quelque chose qui m'a empêché d'être balayé par l'émotion comme bon nombres de spectateurs (et comparses). Je trouve que le film manque de spontanéité, que la cinéaste est trop consciente de sa volonté de faire "Le Film" sur l'enfance avec quelques moments un peu appuyés qui sont un brin fabriqué (il faut que les deux amies soient issues d'une famille à problèmes, chacunes à leur niveau par exemple) ou de moments trop scénarisés comme le dialogue avec le petit frère qui explique pourquoi il continue de jouer avec un copain alors qu'ils passent leur temps à se battre.
Pour le coup, le film m'a moins touché que ce que les japonais savent faire dans le même registre (je pense à Naruse, Ozu et Cie).
Enfin je fais mon difficile, The world of us est quoiqu'il en soit un grand film qui ne manque ni de poésie, ni de charme, de tendresse, d'intelligence, de tact, de finesse, ni de moments sublimes. Ce qui est déjà remarquable je conviens et je suis sûr que son universalité toucheront beaucoup ici. Il fait en tout cas partie des quelques films qui mériteraient vraiment une sortie en salle chez nous.
Et je suis très curieux de découvrir les 3 courts-métrages de la cinéaste dont on m'a dit le plus grand bien.

[youtube]TwWT9HYMDSE [/youtube]
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Message par bruce randylan »

Dongju : the portrait of a poet (Lee Joon-ik - 2015)
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Arrêté par l'armée japonaise, le jeune poète coréen Dong-ju est interrogé et raconte à un officier son parcours : comment il est parti de son village natal pour aller étudier la littérature avec son meilleure ami, fortement attiré par le communisme tandis lui est entièrement dédié à la poésie.

Dongju, ou l'art de tuer un excellent scénario avec un académisme terne et des acteurs sans charisme.
Sur le papier, tous les éléments étaient présents pour livrer tant un biopic passionnant qu'un film historique complexe sur une période trouble et peu connue de la Corée et du Japon.
Si l'on ne compte plus en effet les films sur l'occupation japonaise, on connaît moins ceux traitant de l'engagement d'étudiants coréens qui partirent dans les facultés japonaises avoir l'espoir d'y mener une forte contestation, voire d'y planifier des attentats. C'est d'autant plus rageant de gâcher un tel potentiel que sur un sujet proche, Im Kwon-taek a livré l'un de ses premiers chefs d’œuvres Généalogie où un esthète coréen est contraint de prendre un nom japonais.

Rien de la vibration pleine de plénitude qui parcourait le film de maître Im, mais un noir et blanc correct (mais sentant la post-production) pour une réalisation sans vie ni passion. Le film est froid, tristement fade sans que jamais les personnages ne nous passionnent. Les quelques poèmes de Dong-ju sont pourtant d'une grande beauté mais le choix de narration en flash-back casse vraiment le rythme d'autant qu'on ne sent aucune réelle évolution des personnages.
Il n'y a que durant les 20-30 dernières que l'on esquisse ce que le projet pourrait être quand les enjeux dramatiques se mettent vraiment en place : les étudiants coréens à Kyoto sont rapidement traqués par la police ; se sentant acculé Dong-ju risque de voir son premier recueil être détruit, mettant de plus en danger une amie japonaise admirative de ses écrits (et amoureuses de lui). Quant à la partie « contemporaine » se déroulant dans les cachots japonaises, on découvre que les captifs subissent d'inhumaines expérimentations scientifiques (on leur injecte de l'eau de mer dans le sang) tandis que les deux amis sont poussés à signer de fausses déclarations.
Il y a là une double, voire triple, tensions qui auraient mérité d'être vraiment le cœur du récit et pas seulement le dernier quart.

D'autant plus décevant que j'ai découvert après coup qu'il s'agissait du nouveau film du réalisateur du pourtant bouleversant Hope (mais aussi du Roi et du clown que je n'ai toujours pas vu). Vu les lacunes de Dong-ju, j'étais persuadé qu'il s'agissait d'un premier film.

Weekends (Lee Dong-ha - 2016)
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Ce documentaire s'attache à la chorale G-Voice, première et unique chorale homosexuelle sud-coréenne qui fête bientôt ses 10 ans. Un groupe courageux tant l'homosexualité est encore très mal perçu dans le pays et que peu de personnes parviennent à faire publiquement leur coming-out (je connais d'ailleurs un objecteur de conscience qui a dû quitter la Corée et à obtenu le statut de réfugié politique en France).
Composé de chanteurs non professionnels, cette chorale interprète des titres originaux, soit des morceaux traitant ouvertement de leurs problèmes et leurs sentiments pour des paroles drôles, ne manquant pas d’auto parodie, de tendresse avec quelques pointes de grivoiserie. Les chansons sont pas mal du tout mais un brin répétitive à la fin du documentaire (on doit en entendre une bonne dizaine).
Le film alterne quelques entretiens individuels souvent décalés et touchants sur le quotidien des membres et plusieurs de leurs représentations. Un procédé un brin mécanique qui lasse au bout d'une trentaine de minutes avant de redevenir très intéressant quand on aborde une partie sociale plus militante : G-voice voit sa participation à une Gay pride perturbé par des intégristes religieux ; ils vont chanter en soutient aux familles du Sewol ou pour des ouvriers en grève ; ils manifestent contre le maire de Séoul qui leur avait promis une meilleure reconnaissance avant de leur tourner le dos face aux lobby catho.
Malgré ses problèmes de rythme et de construction, un documentaire chaleureux, touchant et nécessaire mais on aurait voulu connaître un peu plus le parcours de cette chorale atypique (leurs créations, leurs premières répétitions, leurs réceptions critiques et public etc...)

Madame B, histoire d'une Nord-coréenne (Yun Jero – 2016)
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Voilà un autre documentaire qui se révèle encore plus frustrant car il y avait matière à un sujet extraordinaire.

Madame B n'a en effet pas une destin ordinaire. Nord-coréenne, mariée et mère de deux enfants, elle fuit seule son pays pour rallier la Chine où elle est vendue à une famille de paysans. Sur place, elle participe à du trafic de drogue avant de devenir passeuse elle-même. Elle décide un jour de faire emménager ses deux fils en Corée du Sud. Pour cela, elle doit devenir elle-même sud-coréenne. L'occasion aussi de refaire sa vie là-bas avec son second mari chinois qu'elle aime plus que celui nord-coréen.

Il y avait là matière à faire au moins trois films à mon goût : le quotidien en Corée du Nord, son arrivée en Chine et son second mariage ; l'accompagnement des clandestins jusqu'à la Thaïlande (pays le plus simple pour rallier la Corée du sud et obtenir des papiers sud-coréens ; et sa nouvelle vie en Corée du Sud qui ne correspond pas du tout à ce qu'elle avait prévu.

Au lieu de ça, on a un film d'à peine 70 minutes où les sujets sont à peine évoqués le temps de séquences de quelques minutes, au point parfois qu'on se demande si cela étaient bien utile. Lorsqu'elle traverse la Chine avec les réfugiés par exemple, elle soupçonne d'être suivie par un photographe qui se trouve dans une voiture voisine. Sauf que ça ne dure que 30 secondes et ce sentiment de paranoia et d'espionnage n’apparaîtra plus par la suite.
Il y a plusieurs moments où je me suis demandais tout simplement si le cinéaste n'avait pas eu assez de matière au début et a essayé de rattraper son film en explorant d'autres directions. Il est dommage aussi de ne pas savoir ce que deviennent ces femmes que Madame B conduit dans des situations inconfortables sur des milliers de kilomètres, tout en expliquant quelles vies les attendent.

La dernière partie est de donc, et de loin, la plus satisfaisante et s'avère même digne d'un grand drame romanesque, lyrique et poignant où Madame B ne peut faire venir son mari chinois tout en étant contrainte de vivre sous le toit de son ancienne famille, y compris son premier mari, égoïste qui n'a jamais cherché à la comprendre. De plus leurs conditions de vies sont tout autant précaires que dans leurs anciens pays et ils doivent vivre avec la suspicion du gouvernement Sud-coréen qui les imaginent agents communistes infiltrés.
Ce passage est beaucoup plus touchant et émouvante, soulevant tellement de problématiques qu'on aurait voulu que le film ne traite que cela au final: la séparation amoureuse, le déracinement, une famille devenue inconnue, les désillusions, le choc des cultures, l'absurdité administrative.

Comme il s'agit d'une co-production française, le film aura droit à une sortie chez nous en février à priori ;)
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Le festival s'est fini mardi soir mais il me reste encore 2 films à évoquer.

Asura : City of madness (Kim Sung-soo - 2016)
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Le policier Han (corrompu) est sur le point de démissionner pour rejoindre l'équipe du maire (corrompu) de la ville d'Asura. Mais lors d'une altercation, Han tue accidentellement un autre policier (corrompu). Il est rapidement pris en étau entre le maire et le procureur (pas très réglo) qui essaye de coincer l'équipe municipale.

Kim Sung-soo (Musa, Pandémie) n'est pas réputé pour être un auteur, plutôt un suiveur des modes en cours bien que non dénué d'efficacité.
Il le prouve dans ce thriller d'action qui semble arriver 4-5 années trop tard avec ce film sombre et violent. Ca en devient rapidement une caricature outrancière où tous les personnages pètent les plombs en 2 secondes sans qu'on sache vraiment pourquoi. C'est donc un festival de "shibaloma", de passages à tabac sanguinolents, d'assassinat sordides et cruels, d'affrontements verbaux plein de tensions et autres joyeusetés façon "tout le monde il est moche, tout le monde il est pourri".
Le héros s'en prend littéralement plein la figure mais comme il demeure peu attachant, on peut pas dire qu'on se soucie de son sort ou celui des autres protagonistes. C'est vraiment le gros souci du film : une psychologie générale tellement dans l'hystérie que ça devient rapidement incompréhensible et grotesque. Comme le meilleur ami du Han qui se transforme en connard arrogant et psychopathe en 2 scènes sans logique ni cohérence. Le comble est atteint dans l'interminable final de 20-30 minutes où on se tape tous les clichés du thriller coréen mais au potard poussé à 11 pour de la complaisance fatigante et à côté de la plaque.
Et puis, c'est vraiment pas original de reprendre "Way down in the hole" (à deux reprises) de The Wire !

C'est un peu dommage car les premiers plans étaient plutôt engageant avec une ville d'Asura stupéfiante et filmée comme le Kowloon 80's avec ses semi bidon-villes labyrinthiques et lugubres. Et on trouve une excellente et bien énervée poursuite en voiture qui possède un petit plan-séquence bien fichu (façon la guerre des mondes).

Dernière modification par bruce randylan le 2 nov. 17, 09:35, modifié 1 fois.
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

Il me restait à évoquer le film de cloture du Festival

Worst Woman (Kim Jong-Kwan - 2016)
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Un écrivain arrive en Corée pour accompagner la publication de son premier roman. Perdu dans un quartier de Séoul, il est aidé par une jeune femme elle-même égarée mais plutôt sentimentalement avec deux hommes lui tournant autour : son amant et un homme marié.

La lecture du scénario me faisait craindre une "Hong Sang-soonade" mais il n'en est (heureusement) rien bien que l'histoire fasse à un moment penser à Sunhi.
C'est une jolie comédie romantique se déroulant le temps d'une journée avec écriture assez libre, suivant tour à tour l'écrivain japonais et la jeune femme se baladant dans un parc.
Il y a un soin évident dans l'écriture des personnages, légèrement décalé pour amuser mais qui conserve une réelle humanité et justesse. Rien que l'éditeur du japonais dont on se moque gentiment de l'incompétence durant tout le film a droit à une courte séquence très touchante où on le regarde sous un autre jour, nous le rendant beaucoup plus fragile et émouvant (et expliquant par la même son comportement).
Par contre, cette qualité dans la composition des personnages ne se retrouvent que partiellement dans la structure du scénario qui souffre d'un problème d'équilibre et de rythme. La partie féminine est trop présente et possède des séquences bien trop redondantes qui finissent par lasser un brin malgré quelques moments réussis (dans le café - cependant entrecoupée d'un flash-back dispensable).

On attend donc avec impatience que les sous-intrigues japonaises et coréennes se relient pour renouer avec la beauté de l'ouverture qui déployait presque une dimension magique par sa délicatesse et sa pudeur lumineuse. C'est donc avec un immense plaisir qu'on assiste aux 15 dernières minutes qui ressuscite cette grâce naturelle reposant sur un génial timing entre ces deux comédiens et une caméra qui les immortalise amoureusement. La simplicité de la réalisation toujours proche des visages, la beauté de la photographie, les silences, les gestes économes, la petite tension due à la séduction maladroite, la diction gênée (ils ne peuvent que communiquer en anglais) etc... un joli moment qu'on aurait aimé voir développer sur l'ensemble du récit.


Sinon, cette année, le festival inaugurait un Prix du Public (via senscritique) et le gagnant est (sans trop de surprise) The Truth beneath.
Mon chouchou reste Steel Flower qui finira très haut placé dans les découvertes de l'année.

Enfin le prix du meilleur court-métrage est allé à Bargain (Lee Chung-hyun) où un plan-séquence de 15 minutes interroge la commercialisation des corps avec un humour noir très cinglant et efficace. Le dernier acte est vraiment percutant et imprévisible. Bonne pioche.
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Quelques titres découverts lors de mon voyage en Corée, ou plutôt durant le trajet en avion

Confidential Assignment (Sung-hoon Kim - 2017)

Un buddy-movie comme on en a vu par kilomètres. Ici un policier sud-coréen doit aider un militaire nord-coréen à traquer un traître ayant voler de quoi fabriquer des faux billets.
Bon point quand même : le sud-coréen est un looser pas très sportif ni courageux alors que son homologue est ultra charismatique et un redoutable agent expert dans tous les domaines. Cela dit, l'aspect politique n'est pas du tout traité et la rivalité entre les deux se limite à leur différence de tempérament.
Sinon, tout est incroyablement balisé et sans grande surprise dans son déroulement métronome. Toutes les 30 minutes, le méchant (ou l'un de ses bras droit) s'échappe à la suite d'une scène d'action et on repart pour un tour. Un mécanique trop répétitive même si ça donne quelques séquences honnêtes (course à pied, fusillades, combat à mains nues) dont une chouette poursuite en voiture (malgré un accident final en CGI bien moche).
A part ça, le duo fonctionne pas trop mal mais ne suffit pas à porter un divertissement trop dans la formule et le pilotage automatique.




SORI: Voice from the Heart / Robot sound (Ho-jae Lee - 2016)

Un père continue désespérément de chercher sa fille, disparue il y a désormais 10 ans. Alors qu'il se rend dans une île pour recueillir un nouveau témoignage, il assiste à la chute d'un satellite américain. Ce dernier est en réalité une super intelligence artificielle de la CIA qui a emmagasiné l'intégralité de conversations téléphoniques depuis des années. Ce dernier veut bien aider le père à retrouver sa progéniture à condition de l'aider en retour à trouver les parents d'un enfant qui a subi les bombardements américains en Afghanistan. D'ailleurs les Etats-Unis ne veulent pas laisser leur satellite dans la nature.

Second long-métrage pour l'acteur Ho-jae Lee qui revient derrière la caméra après 7 ans d'inactivité. Et bien, il aurait pu en profiter pour prendre quelque cours de réalisation... Un peu comme le scénariste qui n'avait rien écrit durant 10 ans...
Tout le film est assez édifiant et on ne sait jamais vraiment à qui le film s'adresse :
Les enfants pour la dimension E.T. et le design R2D2 ? Sauf que la dimension mélodrame de la seconde moitié risque de leur faire décrocher, d'autant que ça dure 2h.
Les amateurs de les mélodrame ? Bof, ca se résume à une petite trentaine de minutes largement prévisibles et fort mal amenés.
Les fanas de science-fiction ou de thriller ? Surtout pas. Acteurs américains insipides, raccourcis grotesques, poursuite en voitures totalement bâclé...

On pourrait aussi rajouter que les éléments comiques tombent à plat, que le personnage féminin est affligeant (surtout accompagné d'un side-kick pour une love story incompréhensible) et l'espèce de faux flash-forward à la fin est vraiment loupé.

Au milieu de tout ça, surnage quelques séquences plus touchantes comme l'introduction, quelques moments où le père apprend des brides du passé de sa fille et la révélation sur sa disparition. Soit 10% du récit à la louche. Ca laisse 90% raté, décevant et incapable de savoir où aller et comment le raconter.


The beauty inside (Ho-jae Lee - 2015)
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Woo-jin a un problème peu courant : depuis la fin de son adolescence, il se réveille tous les jours dans un corps différent. Jeune, vieux, femme, homme, gros, maigre, asiatique, blanc, de 6 ans d'âge, de 90 ans... Il a réussi à vivre dans l'obscurité concevant des meubles sur-mesure qu'il fabrique dans son atelier. Lorsqu'il s'agit de l'amour, c'est plus problématique puisque ses relations sont condamnés à être éphémères... jusqu'à ce qu'il rencontre Yi-soo avec qui il aimerait créer une vraie relation. Reste à savoir comment et surtout comment l'aborder.

Alors là, énorme coup de coeur ! Celà fait une éternité que je n'avais pas vu une comédie romantique si originale, surprenante et intelligente. Il s'agit pourtant d'un remake d'une mini-série américaine (6 épisodes de 7-8 minutes produit par Intel et Toshiba !) qu'il faudrait que je regarde pour juger du travail d'adaptation coréen. Pour ce que j'en ai vu, le film développe beaucoup plus loin et en profondeur les personnages. Et pour cause, le film atteint presque les 2h10.
Avec son concept et une telle durée, j'ai rapidement craint que le film ne s’essouffle très rapidement. Je ne pouvais plus me tromper. Le film est un modèle d'écriture et de caractérisation psychologique qui n'oublie aucun aspect des différents problèmes découlant de ce syndrome atypique frappant Woo-jin et par ricochet Yi-soo. Ca en devient presque vertigineux tant le doute et l'instabilité s’immiscent chaque jours malgré leur complicité et leurs amours. La narration alterne brillamment entre les états d'âmes de son héros "masculins" et ceux de sa partenaire. Il en résulte quelques chose de lumineux, d'épanouissement puis de amer et de déprimant randis que l’émerveillement laisse place à une véritable malédiction.
Le scénario regorge d'idées simples, toujours à auteur de ses personnages et parvient à ne jamais les perdre. A ce titre, il faut saluer un parti-pris courageux et presque anti-commercial de respecter son concept jusqu'au bout puisque le héros est joué par au moins une vingtaine d'acteurs/actrices différents et qu'ils sont tous admirables et d'une justesse stupéfiante, même quand il n'apparaisse que quelques secondes à l'image.
Jong-Yeol Baek qui signe sa première réalisation a su créer une direction d'acteur fabuleux qui prend inévitablement le pas sur la "stricte" réalisation qui possède cependant une réelle grâce, une rapidité et photographie éclatante.

Je me suis fait embarquer des les premiers plans pour ne jamais perdre mon intérêt. J'ai même fondu en larmes à deux reprises face à l'extrême sensibilité du propos lors de sa seconde moitié.
Tout juste pourra-t-on reprocher quelques passages un peu trop redondantes (et post-génériques) autour du personnage de la mère. Et encore, on sent que le réalisateur et ses auteurs ont juste envie de ne négliger aucun personnage ni second rôle.

Je m'arrête là mais il y a tellement à dire sur la justesse du scénario que je me contenterais de vous recommander chaudement ce Beauty Inside disponible par chance en DVD coréen ou hong-kongais mais surtout en blu-ray hong-kongais VOSTA (zoné A par contre).

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Coxwell
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par Coxwell »

tiens, je suis étonné que tu ne le découvres que maintenant ce The beauty Inside. Je pensais que tu avais déjà eu l'occasion de le voir.
Il y a quelques références sympas ces derniers temps dont Collective Invention (2015). Les affiches coréennes qui sont sorties étaient très jolies par ailleurs. Le projet a tendance à se réapproprier le sujet de The host mais avec davantage d'expérimentation et d'absurdité un peu froide et malsaine.
(Bon, j'avoue aussi que séjourner en Corée du Sud une bonne partie de l'année, ça rend la circulation de l'info plus aisée).
bruce randylan
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Re: Cinéma Coréen contemporain

Message par bruce randylan »

En fait, je ne suis absolument pas l'actualité du cinéma coréen (ou d'autres pays asiatiques). Je vois quelques trucs qui passent sur FB (souvent des blockbusters) mais c'est un peu tout d'autant que j'aime pas télécharger. Je me contente du FFCP, des sorties salles et un peu DVD

Collective Invention, je l'ai justement vu l'an dernier au FFCP et pas vraiment adhéré
Suite à des médicaments expérimentaux, un jeune homme se trouve à moitié transformé en poisson. Cette découverte va bientôt mettre en émoi la Corée et en particulier un jeune journaliste qui essaie de monter un projet sur lui.

Autre projet assez surprenant et original (inspiré par une exposition de Magritte), ce premier long-métrage ne répond pas à toutes les promesses malheureusement.
Si le scénario possède beaucoup de qualités, le résultat filmé est moins engageant à cause d'une réalisation manquant d'impact, de synthèse et de personnalités. Le style est bien trop passe-partout et il aurait sans doute trouver une approche différente que cette narration en flash-back et à la première personne qui témoigne rapidement de ses limites (narrateur absent de plusieurs séquences, dénouement en poupée russes assez fatigantes). Du coup, certaines informations et séquences semblent délivrer 2 à 3 fois les mêmes informations. L'évolution des personnages semblent ainsi très laborieuses alors qu'il aurait fallut aller beaucoup plus vites pour traiter le sujet bien moins superficiellement.
On ne peut que le regretter car sur le papier, les thèmes abordés sont très engagées et témoignages d'un regard très sarcastique et amer sur la société contemporaine coréenne : chômage des jeunes diplômés, manque de considération envers les nouvelles générations, égoïsme, arrogance des personnages âgées, absence de déontologie de la presse, religion, corruption, capitalisme outrancier, opinion publique influençable facilement, monde scientifique sans scrupule etc..
D'ailleurs certains de ses thèmes sont traités le temps de quelques secondes ou lignes de dialogues assez denses. Le scénario possède dans ses meilleurs moments une virulence très pertinente. Mais c'est desservi par des acteurs sans charisme, une réalisation trop illustrative et une deuxième moitié qui peine à conclure.
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