Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Flol
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Flol »

Boubakar a écrit :
Stark a écrit :A l'occasion de la sortie de Cheval de guerre, le dernier numéro des Cahiers du Cinéma offre un gros dossier sur Spielberg : couv + 25 pages d'articles. Avis aux admirateurs du cinéaste !
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Achat direct (en espérant que ce soit plus intéressant que le HS des Inrocks).
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Boubakar
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Boubakar »

Ratatouille a écrit :Achat direct (en espérant que ce soit plus intéressant que le HS des Inrocks).
Rien que la présence du carnet de tournage de Truffaut sur RD3T explose le HS des Inrocks.
bruce randylan
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par bruce randylan »

Bon, retour sur War horse que j'avais aussi vu à la cinémathèque en avant-première.

J'ai beaucoup aimé même si j'ai quelques réserves surtout sur la première partie en Irlande où j'ai l'impression que Spielberg n'arrive pas à trouver le bon ton. Je ne l'ai pas sentie toujours impliquée ou à l'aise. C'est un peu longuet, plutôt caricatural et ça manque de souffle. Le gros problème vient du jeune acteur qui n'est pas vraiment crédible (chose rare chez le cinéaste).
Ce n'est pas mauvais mais c'est finalement assez académique (avec quelques belles envolées heureusement).

En revanche, dès que l'histoire se déplace en France, ça devient fabuleux et époustouflant de maitrise/virtuosité. Une nouvelle fois avec Spielberg, ce qui surprend c'est la noirceur et l'omniprésence de la mort alors qu'on pouvait s'attendre à un divertissement plus "familial" et formaté.
Sans jamais chercher à refaire le soldat ryan, Spielberg livre des séquences de batailles intenses, apocalyptiques et saisissantes avec des idées incroyables d'ellipses pour évacuer la violence physique de l'image. Cela donne un mélange de cruauté et d'élégance d'une rare maturité visuel (rah ce passage avec l'aile du moulin :shock: ) renforcé par une photographie toujours plus exceptionnelle.

Contrairement aussi à ce que je croyais, j'ai été pris par l'histoire qui m'a beaucoup ému. Je tiens cependant à préciser que j'ai été "influencé" par mon beau-père qui a transmis sa passion pour les chevaux à ma mère et qui m'a fait prendre conscience des liens très fort qui peuvent se créer entre un cheval et un homme.
Mais, je pense que ça doit fonctionner sans qu'on connaisse grand chose aux canassons.

Voilà, après, la fin a le syndrome un peu "domino cascade" avec sa succession de conclusion pas toujours nécessaires avec bons sentiments un peu envahissants mais certaines images sont d'une beauté surréalistes.
En revanche l'épilogue, synthèse parfaite (et muette) entre Kurosawa, Ford et Autant en emporte le vent est magique.
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Strum »

Chassez le naturel, il revient au galop. Quelques réactions finalement à Cheval de Guerre.

[Attention, très nombreux spoilers]

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Comme nombre de films de Steven Spielberg récents, Cheval de Guerre est un film schizophrène, une construction brinquebalante, que l’on a parfois du mal à appréhender comme un tout homogène. S’y côtoient la volonté de ressusciter le cinéma familial du vieil Hollywood, qui se voulait un spectacle pouvant être vu et apprécié à la fois par les grands-parents et les petits enfants, et le souhait de raconter une histoire où « la guerre n’épargne personne ». S’y juxtaposent une succession de récits où l’ombre de la mort et de l’échec pèse en permanence sur les personnages, et une fin heureuse, dont l’irréalité même est reflétée et accentuée par la lumière théâtrale et orangée de Janusz Kaminski, au prénom révélateur.

Cette dualité de Cheval de Guerre se retrouve dans la manière dont Spielberg y filme la mort. La majeure partie du film consiste en une suite de rencontres faites par le cheval, Joey, durant la Première Guerre Mondiale, à l’orée de laquelle il a été vendu à la cavalerie anglaise. Presque chaque rencontre finit de la même manière : la mort de ses maitres successifs. Mais aucune de ces morts n’est montrée. La première fait l’objet d’une coupe (il manque le plan du milieu dans ce qui devrait être la succession de plans suivants : plan du cheval avec cavalier ; cavalier qui tombe ; cheval sans cavalier) ; la deuxième est cachée par les pales d’un moulin, la troisième, fait rare chez Spielberg qui est un cinéaste du regard, survient hors champs, et n’est mentionnée qu’à la fin du film. Cela rend la mort abstraite, comme quelque chose qui survient de manière inexpliquée et inopinée, et qui ne peut être regardée en face. C’est aussi, pour Spielberg, prendre à contre-pied non seulement le projet du cinéma hollywoodien à grand spectacle actuel, à savoir montrer les morts et si possible de manière gore, mais aussi la manière dont il montrait la mort de face dans des films comme Saving Private Ryan et La liste de Schindler. Dans Cheval de Guerre, l’image sert au contraire parfois de cache oblitérant la mort, qui est alors représentée de manière figurative, comme un ailleurs fantastique : des halos de lumière dans la nuit (la scène de l’exécution derrière une pale de moulin – une des plus marquantes du film), la bouche d’une mitrailleuse en gros plan, fumant de la mort qu’elle vient de donner, une armée disparaissant entièrement dans la béance laissée par un plan manquant (celui des cavaliers tombant de leur cheval). Tous ces moments sont saisissants. Plus loin dans le film, des plans insistant sur la gueule ouverte des premiers canons à longue portée de la guerre, continuent de créer le sentiment que l’on voit des allégories de la mort. On peut penser ce que l’on veut de la première heure du film (voir plus bas), Cheval de Guerre aura toujours pour lui ces tentatives de filmer la mort autrement, par des images de cinéma marquantes, des inspirations de metteur en scène tombant comme la foudre sur l'écran.

Au lieu de voir la mort en face donc, on voit Joey, qui fuit devant elle et la guerre. Et l’on se retrouve devant ce curieux constat : contrairement à ce que nous disait le marketing trompeur et simpliste ayant précédé le film, contrairement à ce que disent les dialogues même du film (pas toujours très heureux, et parfois contredits par les images), Joey n’est pas un cheval miraculeux ou je ne sais quelle représentation christique. Joey apporte au contraire la mort à ses propriétaires successifs, car avec lui vient la guerre, dont il est à son corps défendant un instrument (le titre du film le dit littéralement). La mort qu’il apporte, avec la caméra de Spielberg qui le suit, n’épargne ni les anglais, ni les allemands, ni les français, tous sont égaux et unis devant la mort. A ce titre, Joey est le fil de la narration parfois décousue de Cheval de Guerre, un prétexte à filmer les personnages, mais en est aussi un fil métaphorique, le fil de la mort, qui tisse sa toile autour de tous, les entrainant dans la guerre. La déjà fameuse scène où Joey se retrouve pris dans des barbelés dans le No Man’s Land de la bataille de la Somme convoque cette image d’une toile d'araignée mortuaire qui s’abat in fine sur Joey lui-même. C’est une scène impressionnante, où l’on voit le cheval devenu comme fou se débattre désespérément dans ces mailles de fer, pareil à un corps étrange pris dans les serres de la mort ; la scène a, à nouveau, une dimension fantastique et l’on pense même un instant à l’Argento de Suspiria où une femme se débat dans des fils de fer coupants ; mais Argento, comme toujours, y déplie l’instant dans une durée, avec des inserts de plan chocs, jusqu’au malaise, là où Spielberg filme le tout en plan séquence et avec la juste durée, pour lui conserver un caractère figuratif ou métaphorique - la scène n’en est que plus forte. Viendrait une immense araignée en fer venue dévorer Joey que l'on ne s'en étonnerait guère.

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Plus tard, un soldat allemand et un soldat anglais font une trêve et s’entraident pour détacher Joey des fils de fer barbelés qui l’entravent. Cette trêve traduit enfin une aptitude chez Joey à tenir au sein de la guerre le rôle d’un fil de vie, et non plus de mort, à réunir deux camps, mis sur un pied d’égalité. Cette scène fait penser à la scène de Munich où Avner discute avec un palestinien. Surtout, elle révèle chez Spielberg un traitement différent de la figure du soldat allemand, entre Saving Private Ryan et Cheval de Guerre, qui tient sans doute à une différence de perception chez lui de la Première Guerre Mondiale et de la Deuxième Guerre Mondiale. Dans Saving Private Ryan, le soldat allemand est l’ennemi. La construction même du film, où se succèdent les points de vue de Ryan, de Miller, et d'Upham, fait qu’au moment où Upham tire sur le prisonnier allemand à la fin du film, on s’identifie à ce geste vengeur et l’on tire avec lui. En ce sens, Saving Private Ryan est un film parfois moins pacifique (au sens du « tout ça pour ça ») quant à son fond qu’il n’en a l’air de prime abord. Il en va autrement avec Cheval de Guerre, où le soldat allemand est une victime au même titre que l’anglais et le français, une victime de la guerre, de cette mort qui prend plusieurs visages dans le film, toujours forgés dans l’acier et l’obscurité. On sent ici chez Spielberg la volonté d’aller voir de l’autre côté, de ne pas faire de distinction selon les nationalités. Cela fait de Cheval de Guerre l’un des films les plus pacifiques et les plus anti-militaristes que j’ai vus depuis longtemps, où aucun fait d’armes n’est glorifié ou justifié, ou ne mérite que l’on en parle (voir l’attitude du père d'Albert).

Lorsque Joey n’est pas là, Spielberg filme la guerre de manière plus prosaïque, comme si, Joey disparu, le caractère parfois allégorique du film ne tenait plus : toute une scène de Cheval de Guerre montre ainsi Albert, fermier du Devon et premier maitre d’Albert, durant la bataille de la Somme - la plus sanglante bataille du conflit, celle où technologiquement (voir l'arrivée symbolique du tank dans le film), la guerre a changé d'échelle et est devenue la guerre moderne. Spielberg filme l’assaut d’une colline, avec des moyens techniques considérables – le travelling latéral utilisé par Kubrick dans Les Sentiers de la Gloire est cette fois amplifié par un mouvement de grue; là où Kubrick filmait à hauteur d’homme, Spielberg fait s’élever progressivement la caméra, ce qui donne à voir un horizon sans fin de combats. Cette fois, les morts tombent sous nos yeux, sans une goutte du sang versé dans Saving Private Ryan mais avec ce même mixage sonore impressionnant du bruit des obus et des balles qui crépitent près de nos oreilles. Pourtant, ces scènes m’ont fait moins d’effet que les quelques plans évoqués plus haut et montrant figurativement la mort. A croire que nos yeux blasés par tant d’images de guerre de films passés se sont acclimatés à la mort et à la violence. Cela justifie a posteriori le traitement figuratif de la mort par des images de substitution.

Schizophrène, Cheval de Guerre l’est aussi par sa construction, qui commence par un drame familial de près d’une heure, où l’on suit les malheurs des Narracott, une famille d’agriculteurs dans le Devon au Royaume-Uni, avant que ne commence la guerre. On a presque l’impression de voir deux films se suivre. Un film comme Les Dents de la Mer présentait déjà cette caractéristique : une moitié film d’horreur, une autre moitié film d’aventures ; la première partie du film, par l’horreur phobique de l’eau qu’elle générait, servait à sous-tendre la partie film d’aventure d’un fondement quasi-métaphysique qui la rapprochait de Moby Dick. Dans Cheval de Guerre, au contraire, il n’est pas certain que la première partie du film parvienne à apporter à la seconde tout ce qu'elle devrait. Spielberg a justifié cette partie par sa volonté de filmer à la fois la relation d’Albert avec son cheval, mais aussi la terre du Devon, la terre des paysans, terre qui sera plus tard mutilée, en France cette fois, durant la guerre. On sent aussi sa volonté de rendre hommage au John Ford de L’Homme Tranquille (voir cette scène où tout le village vient encourager Albert alors qu’il tente de labourer son champs, de même que tout le village venait encourager John Wayne lors de la bagarre finale de L’Homme Tranquille). Mais quelque soit le bout par lequel on la prend, on peut trouver cette première partie parfois un peu ratée (malgré de belles scènes). Le caractère assez artificiel de la photo dans cette partie n’y est pas pour rien, sans doute. L’étalonnage insiste sur les couleurs primaires (vert plein du gazon et des salades, rouge vif des fleurs), et certains plans paraissent sortis du Brigadoon enchanté de Minnelli. Enfin, Spielberg me parait plus à l’aise quand il s’agit de cadrer l’horizon et les surfaces planes (comme l’Arizona de son enfance), que les rotondités un peu particulières du Devon anglais. Dès lors, on ne croit pas toujours à la dureté de la vie des Narracott, sachant qu’il faut aussi compter avec la psychologie du père (alcoolique et mutique) et de la mère (mère courage au fort caractère) qui est tout d’un bloc, au nom d’une conception du cinéma selon laquelle ce sont les actes ou leurs omissions qui définissent les personnages. C’est comme si, à l'instar de certains plans de la deuxième partie du film, les images de la vie des Narracotts avaient valeur de cache, se superposant à la vraie dureté de la vie des Narracotts que l'on ne peut qu'imaginer, mais que l'on devine bien plus dure que ce que l'on voit. Un cache de beauté, tel qu'un certain cinéma classique le concevait. Cheval de Guerre parlerait alors du début à la fin dans un langage sinon allégorique, en tout cas éloigné d’une conception du cinéma comme art restituant la réalité. On serait plein dans le « monde qui s’accorde à nos désirs », ici les désirs consolateurs de Spielberg, et le film aurait d'un point de vue formel une cohérence parfaite.

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Dès lors, lorsque Steven Spielberg déclare que Cheval de Guerre n’est « pas un film de guerre », il faut prendre cette déclaration d’intention de manière littérale. Cheval de Guerre est d’abord un film où Spielberg crée un monde dont le rapport avec la réalité de la Première Guerre Mondiale, du point de vue de ses images luxuriantes, n’est finalement qu’assez lointain. Lorsque l’on se penche sur les livres d’après-guerre qui ont été enfantés par la Première Guerre Mondiale, on constate d’ailleurs que la plupart, même sous une forme romanesque, sont des livres de témoignages, ambitionnant de restituer dans son quotidien l’expérience de la mort des Poilus. Selon Le Feu d’Henri Barbusse, Les Croix de Bois de Dorgelès ou encore A l’Ouest rien de nouveau de Remarque, la mort n’avait pour eux rien d’allégorique ou de figuratif. Les Poilus la voyaient chaque jour, dans les charniers de la guerre, la boue et les rats des tranchés, les boyaux et les membres arrachés que laissaient derrière eux les bombardements, ils l’entendaient dans le sifflement des obus, ils la lisaient dans les visages cadavériques de leurs camarades, où tout espoir était mort. Ils étaient comme des « bêtes », des « brutes » à qui tout était incompréhensible (les ordres, les mouvements de troupes, les raisons d’une attaque) parce que les gradés ne leur expliquaient rien. La seule chose qu’ils comprenaient, les Poilus, la seule chose qui était devenue à tel point leur quotidien qu’il n’y avait nul besoin de la leur expliquer, c’était la mort. Ils savaient qu’ils allaient mourir ; ils n’avaient pas besoin de l’oublier. Ils ricanaient sous cape des démonstrations intellectualisantes de l’arrière quant à l’importance des combats et de la cause qu’ils étaient censés défendre ; ils détestaient l’arrière et les planqués pour cela - en revanche, ces livres insistaient aussi énormément sur la solidarité et la camaraderie qui existaient entre les soldats ; à ce titre, c'étaient aussi des livres très sentimentaux, pas moins que Cheval de Guerre en tout cas.

Mais globalement, comme on le voit, Cheval de Guerre, examiné à l’aune de ce qu’était vraiment la Première Guerre Mondiale, n’est pas un document sur la guerre. Spielberg a raison. On n’y trouve guère, à mon sens, ou alors à un moindre degré, l'ambition documentaire que l'on trouvait dans des parties entières de La Liste de Schindler et Saving Private Ryan. En même temps, nul film n’a vocation à servir de manuel d’Histoire. Et surtout, surtout, Cheval de Guerre m’a ému. Les destins de la petite Emilie et de son grand-père, la désertion avortée des deux frères allemands, les sublimes retrouvailles d’Albert et de sa famille, muettes et transcendées par une lumière orangée d’un autre monde, qui fait douter qu’elles se produisent réellement, m’ont fait pleurer. Niais ou naïf, Cheval de Guerre ? Même si c'était vrai, qu'est-ce que cela ferait, quand on pleure ? Mais je ne crois pas que cela soit vrai. Souvent trop conscient au contraire, Cheval de Guerre, quitte à forcer sur la guimauve et les couleurs pastels, et une musique de Williams trop généreusement utilisée (autant d'éléments qui en irriteront certains), que tout cela n’est pas vrai, que les histoires de guerre finissent normalement mal (d'ailleurs pour un Albert sauvé, combien de très jeunes gens trouvent la mort dans le film ? Presque tous ceux que l'on apprend à connaitre), qu’il faut un cache fait d'images pour masquer la réalité, afin d'éclairer cette dernière en retour d’un autre jour. On reste donc très loin des échecs de Hook et Always. Cheval de Guerre est un film bien plus sombre et bien plus beau, que j'ai préféré à Tintin, et notamment la formidable deuxième partie du film. Dès que la guerre commence en fait, Cheval de Guerre prend une autre dimension : cette observation se trouve d'ailleurs dans tellement de critiques sur le film, que j'ai ici l'impression d'être un des Dupondt répétant en écho ce qui a déjà été dit par d'autres. Spielberg, souvent, ne supporte pas le quotidien. Il lui faut un ailleurs, un autre horizon, vers lequel regarder. Ce qu'il peut apporter en tant que cinéaste dans un film comme celui-ci, c’est, non pas rester au ras d'une réalité de toute façon toujours reconstituée ou donner dans la surenchère du gore (qui rencontrera bien un jour une barrière infranchissable), ce qui ne correspondrait pas à sa sensibilité, mais c'est donner vie à de nouvelles visions, au travers de nouveaux axes de prise de vue (encore et toujours cette pale du moulin), par l’inventivité de sa mise en scène et du montage, et l'étrangeté de la lumière.
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Demi-Lune
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Demi-Lune »

Woué ! :D
Je sens que julien va adorer.
someone1600
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par someone1600 »

Une merveille pour moi ce film. :D :wink:
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AtCloseRange
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :Chassez le naturel, il revient au galop. Quelques réactions finalement à Cheval de Guerre.
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Comme nombre de films de Steven Spielberg récents, Cheval de Guerre est un film schizophrène, une construction brinquebalante, que l’on a parfois du mal à appréhender comme un tout homogène. S’y côtoient la volonté de ressusciter le cinéma familial du vieil Hollywood, qui se voulait un spectacle pouvant être vu et apprécié à la fois par les grands-parents et les petits enfants, et le souhait de raconter une histoire où « la guerre n’épargne personne ». S’y juxtaposent une succession de récits où l’ombre de la mort et de l’échec pèse en permanence sur les personnages, et une fin heureuse, dont l’irréalité même est reflétée et accentuée par la lumière théâtrale et orangée de Janusz Kaminski, au prénom révélateur.

Cette dualité de Cheval de Guerre se retrouve dans la manière dont Spielberg y filme la mort. La majeure partie du film consiste en une suite de rencontres faites par le cheval, Joey, durant la Première Guerre Mondiale, à l’orée de laquelle il a été vendu à la cavalerie anglaise. Presque chaque rencontre finit de la même manière : la mort de ses maitres successifs. Mais aucune de ces morts n’est montrée. La première fait l’objet d’une coupe (il manque le plan du milieu dans ce qui devrait être la succession de plans suivants : plan du cheval avec cavalier ; cavalier qui tombe ; cheval sans cavalier) ; la deuxième est cachée par les pales d’un moulin, la troisième, fait rare chez Spielberg qui est un cinéaste du regard, survient hors champs, et n’est mentionnée qu’à la fin du film. Cela rend la mort abstraite, comme quelque chose qui survient de manière inexpliquée et inopinée, et qui ne peut être regardée en face. C’est aussi, pour Spielberg, prendre à contre-pied non seulement le projet du cinéma hollywoodien à grand spectacle actuel, à savoir montrer les morts et si possible de manière gore, mais aussi la manière dont il montrait la mort de face dans des films comme Saving Private Ryan et La liste de Schindler. Dans Cheval de Guerre, l’image sert au contraire parfois de cache oblitérant la mort, qui est alors représentée de manière figurative, comme un ailleurs fantastique : des halos de lumière dans la nuit (la scène de l’exécution derrière une pale de moulin – une des plus marquantes du film), la bouche d’une mitrailleuse en gros plan, fumant de la mort qu’elle vient de donner, une armée disparaissant entièrement dans la béance laissée par un plan manquant (celui des cavaliers tombant de leur cheval). Tous ces moments sont saisissants. Plus loin dans le film, des plans insistant sur la gueule ouverte des premiers canons à longue portée de la guerre, continuent de créer le sentiment que l’on voit des allégories de la mort. On peut penser ce que l’on veut de la première heure du film (voir plus bas), Cheval de Guerre aura toujours pour lui ces tentatives de filmer la mort autrement, par des images de cinéma marquantes, des inspirations de metteur en scène tombant comme la foudre sur l'écran.

Au lieu de voir la mort en face donc, on voit Joey, qui fuit devant elle et la guerre. Et l’on se retrouve devant ce curieux constat : contrairement à ce que nous disait le marketing trompeur et simpliste ayant précédé le film, contrairement à ce que disent les dialogues même du film (pas toujours très heureux, et parfois contredits par les images), Joey n’est pas un cheval miraculeux ou je ne sais quelle représentation christique. Joey apporte au contraire la mort à ses propriétaires successifs, car avec lui vient la guerre, dont il est à son corps défendant un instrument (le titre du film le dit littéralement). La mort qu’il apporte, avec la caméra de Spielberg qui le suit, n’épargne ni les anglais, ni les allemands, ni les français, tous sont égaux et unis devant la mort. A ce titre, Joey est le fil de la narration parfois décousue de Cheval de Guerre, un prétexte à filmer les personnages, mais en est aussi un fil métaphorique, le fil de la mort, qui tisse sa toile autour de tous, les entrainant dans la guerre. La déjà fameuse scène où Joey se retrouve pris dans des barbelés dans le No Man’s Land de la bataille de la Somme convoque cette image d’une toile d'araignée mortuaire qui s’abat in fine sur Joey lui-même. C’est une scène impressionnante, où l’on voit le cheval devenu comme fou se débattre désespérément dans ces mailles de fer, pareil à un corps étrange pris dans les serres de la mort ; la scène a, à nouveau, une dimension fantastique et l’on pense même un instant à l’Argento de Suspiria où une femme se débat dans des fils de fer coupants ; mais Argento, comme toujours, y déplie l’instant dans une durée, avec des inserts de plan chocs, jusqu’au malaise, là où Spielberg filme le tout en plan séquence et avec la juste durée, pour lui conserver un caractère figuratif ou métaphorique - la scène n’en est que plus forte. Viendrait une immense araignée en fer venue dévorer Joey que l'on ne s'en étonnerait guère.

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Plus tard, un soldat allemand et un soldat anglais font une trêve et s’entraident pour détacher Joey des fils de fer barbelés qui l’entravent. Cette trêve traduit enfin une aptitude chez Joey à tenir le rôle d’un fil de vie, et non plus de mort, à réunir deux camps, mis sur un pied d’égalité. Cette scène fait penser à la scène de Munich où Avner discute avec un palestinien. Surtout, elle révèle chez Spielberg un traitement différent de la figure du soldat allemand, entre Saving Private Ryan et Cheval de Guerre, qui tient aussi sans doute à une différence de perception chez Spielberg de la Première Guerre Mondiale et de la Deuxième Guerre Mondiale. Dans Saving Private Ryan, le soldat allemand est l’ennemi. La construction même du film, très élaborée, où se succèdent les points de vue de Ryan, de Miller, et d'Upham, fait qu’au moment où Upham tire sur le prisonnier allemand à la fin du film, on s’identifie à ce geste vengeur et l’on tire avec lui. En ce sens, Saving Private Ryan est un film parfois moins pacifique (au sens du « tout ça pour ça ») quant à son fond qu’il n’en a l’air de prime abord. Il en va autrement avec Cheval de Guerre, où le soldat allemand est une victime au même titre que l’anglais et le français, une victime de la guerre, de cette mort qui prend plusieurs visages dans le film, toujours forgés dans l’acier et l’obscurité. On sent ici chez Spielberg la volonté d’aller voir de l’autre côté, de ne pas faire de distinction selon les nationalités. Cela fait de Cheval de Guerre l’un des films les plus pacifiques que j’ai vus depuis longtemps, où aucun fait d’armes n’est glorifié ou justifié, ou ne mérite que l’on en parle (voir l’attitude du père d'Albert).

Lorsque Joey n’est pas là, Spielberg filme la guerre de manière plus prosaïque, comme si, Joey disparu, le caractère parfois allégorique du film ne tenait plus : toute une scène de Cheval de Guerre montre ainsi Albert, fermier du Devon et premier maitre d’Albert, durant la bataille de la Somme - la plus grande et sanglante bataille du conflit, celle où technologiquement (voir l'arrivée du tank dans le film), la guerre a changé d'échelle et est devenue la guerre moderne. Spielberg filme l’assaut d’une colline, avec des moyens techniques considérables – le travelling latéral utilisé par Kubrick dans Les Sentiers de la Gloire est cette fois amplifié par un mouvement de grue; là où Kubrick filmait à hauteur d’homme, Spielberg fait s’élever progressivement la caméra, ce qui donne à voir un horizon sans fin de combats. Cette fois, les morts tombent sous nos yeux, sans une goutte du sang versé dans Saving Private Ryan mais avec ce même mixage sonore impressionnant du bruit des obus et des balles qui crépitent près de nos oreilles. Pourtant, ces scènes m’ont fait moins d’effet que les quelques plans évoqués plus haut et montrant figurativement la mort. A croire que nos yeux blasés par tant d’images de guerre de films passés se sont acclimatés à la mort et à la violence. Cela justifie a posteriori le traitement figuratif de la mort par des images de substitution.

Schizophrène, Cheval de Guerre l’est aussi par sa construction, qui commence par un drame familial de près d’une heure, où l’on suit les malheurs des Narracott, une famille d’agriculteurs dans le Devon au Royaume-Uni, avant que la guerre ne commence. On a presque l’impression de voir deux films se suivre. Un film comme Les Dents de la Mer présentait déjà cette caractéristique : une moitié film d’horreur, une autre moitié film d’aventures ; la première partie du film, par l’horreur phobique de l’eau qu’elle générait, servait à sous-tendre la partie film d’aventure d’un fondement quasi-métaphysique qui la rapprochait de Moby Dick. Dans Cheval de Guerre, au contraire, il n’est pas certain que la première partie du film parvienne à apporter à la seconde tout ce qu'elle devait. Spielberg a justifié cette partie par sa volonté de filmer à la fois la relation d’Albert avec son cheval, mais aussi la terre du Devon, la terre des paysans, terre qui sera plus tard mutilée, en France cette fois, durant la guerre. On sent aussi sa volonté de rendre hommage au John Ford de L’Homme Tranquille (voir cette scène où tout le village vient encourager Albert alors qu’il tente de labourer son champs, de même que tout le village venait encourager John Wayne lors de la bagarre finale de L’Homme Tranquille). Mais quelque soit le bout par lequel on la prend, on peut trouver cette première partie un peu ratée, malgré de belles scènes. Le caractère très artificiel de la photo n’y est pas pour rien, sans doute. L’étalonnage insiste sur les couleurs primaires (vert plein du gazon et des salades, rouge vif des fleurs), et certains plans paraissent sortis du Brigadoon enchanté de Minnelli. Enfin, Spielberg me parait plus à l’aise quand il s’agit de cadrer l’horizon et les surfaces planes (comme l’Arizona de son enfance), que les rotondités un peu particulières du Devon anglais. Dès lors, on ne croit pas toujours à la dureté de la vie des Narracott, sachant qu’il faut aussi compter avec la psychologie du père (alcoolique et mutique) et de la mère (mère courage au fort caractère) qui est tout d’un bloc, au nom d’une conception du cinéma selon laquelle ce sont les actes ou leurs omissions qui définissent les personnages. C’est comme si, à l'instar de certains plans de la deuxième partie du film, les images de la vie des Narracotts avaient valeur de cache, se superposant à la vraie dureté de la vie des Narracotts que l'on ne peut qu'imaginer, mais que l'on devine bien plus dure que ce que l'on voit. Cheval de Guerre parlerait alors du début à la fin dans un langage sinon allégorique, en tout cas éloigné d’une conception du cinéma comme art restituant la réalité. On serait est plein dans le « monde qui s’accorde à nos désirs », ici les désirs consolateurs de Spielberg, et le film aurait d'un point de vue formel une cohérence parfaite.

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Dès lors, lorsque Steven Spielberg déclare que Cheval de Guerre n’est « pas un film de guerre », il faut prendre cette déclaration d’intention de manière littérale. Cheval de Guerre est d’abord un film où Spielberg crée un monde dont le rapport avec la réalité de la Première Guerre Mondiale, du point de vue de ses images luxuriantes, n’est finalement qu’assez lointain. Lorsque l’on se penche sur les livres d’après-guerre qui ont été enfantés par la Première Guerre Mondiale, on constate d’ailleurs que la plupart, même sous une forme romanesque, sont des livres de témoignages, ambitionnant de restituer dans son quotidien l’expérience de la mort des Poilus. Selon Le Feu d’Henri Barbusse, Les Croix de Bois de Dorgelès, A l’Ouest rien de nouveau de Remarque ou encore Orages d’Acier de Jünger, la mort n’avait pour eux rien d’allégorique ou de figuratif. Les Poilus la voyaient chaque jour, dans les charniers de la guerre, la boue et les rats des tranchés, les boyaux et les membres arrachés que laissaient derrière eux les bombardements, ils l’entendaient dans le sifflement des obus, ils la lisaient dans les visages cadavériques de leurs camarades, où tout espoir était mort. Ils étaient comme des « bêtes », des « brutes » à qui tout était incompréhensible (les ordres, les mouvements de troupes, les raisons d’une attaque) parce que les gradés ne leur expliquaient rien. La seule chose qu’ils comprenaient, les Poilus, la seule chose qui était devenue à tel point leur quotidien qu’il n’y avait nul besoin de la leur expliquer, c’était la mort. Ils savaient qu’ils allaient mourir ; ils n’avaient pas besoin de l’oublier. Ils ricanaient sous cape des démonstrations intellectualisantes de l’arrière quant à l’importance des combats et de la cause qu’ils étaient censés défendre ; ils détestaient l’arrière et les planqués pour cela.

On le voit, Cheval de Guerre, examiné froidement et rudement à l’aune de ce qu’était vraiment la Première Guerre Mondiale, n’est peut-être pas un vrai film de guerre en effet. Spielberg a raison. On n’y trouve guère, à mon sens, ou à un moindre degré, l'ambition documentaire que l'on trouvait dans des parties entières de La Liste de Schindler et Saving Private Ryan. Mais en même temps, nul film n’a vocation à servir de manuel d’Histoire. Et surtout, surtout, Cheval de Guerre m’a ému. Les destins de la petite Emilie et de son grand-père, la désertion avortée des deux frères allemands, les sublimes retrouvailles d’Albert et de sa famille, muettes et transcendées par une lumière orangée d’un autre monde, qui fait douter qu’elles se produisent réellement, m’ont fait pleurer. Niais ou naïf, Cheval de Guerre ? Même si c'était vrai, qu'est-ce que cela ferait, quand on pleure ? Mais je ne crois pas que cela soit vrai. Souvent trop conscient au contraire, Cheval de Guerre, quitte à forcer sur la guimauve et les couleurs pastels, et une musique de Williams trop généreusement utilisée (autant d'éléments qui en irriteront certains), que tout cela n’est pas vrai, que les histoires de guerre finissent normalement mal (d'ailleurs pour un Albert sauvé, combien de très jeunes gens trouvent la mort dans le film ? Presque tous ceux que l'on apprend à connaitre), qu’il faut un cache fait d'images pour masquer la réalité, quitte à éclairer cette dernière en retour d’un autre jour. On reste donc très loin des échecs de Hook et Always. Cheval de Guerre est un film bien plus sombre, que j'ai préféré à Tintin, et notamment la formidable deuxième partie du film. Dès que la guerre commence en fait, le film prend une autre dimension : cette observation se trouve d'ailleurs dans tellement de critiques sur le film, que j'ai ici l'impression d'être un des Dupondt répétant en écho ce qui a déjà été dit par d'autres. Spielberg, souvent, ne supporte pas le quotidien. Il lui faut un ailleurs, un autre horizon, vers lequel regarder. Ce qu'il peut apporter en tant que cinéaste dans un film comme celui-ci, c’est, non pas rester au ras d'une réalité de toute façon toujours reconstituée ou donner dans la surenchère du gore (qui rencontrera bien un jour une frontière infranchissable), ce qui ne correspondrait pas à sa sensibilité, mais c'est donner vie à de nouvelles visions, au travers de nouveaux axes de prise de vue (encore et toujours cette pale du moulin), par l’inventivité de sa mise en scène et du montage, et l'étrangeté de la lumière.
Pour résumer, c'est donc un peu niais :mrgreen:
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Roy Neary
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Roy Neary »

Excellente analyse, Strum ! :D
Je partage presque toutes tes impressions. Je serais simplement moins sévère concernant la première partie du film, qui est certes un peu trop longue, mais qui recèle des scènes en miroir de la deuxième partie qui lui donnent sa force. Et puis, c'est très subjectif, je me retrouve complètement dans les hommages au cinéma de John Ford et la scène de labour m'a transporté.
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Roy Neary
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Roy Neary »

bruce randylan a écrit :Voilà, après, la fin a le syndrome un peu "domino cascade" avec sa succession de conclusion pas toujours nécessaires avec bons sentiments un peu envahissants mais certaines images sont d'une beauté surréalistes.
Je n'ai pas ressenti cette effet de cascade dans des fins successives pour la raison suivante : ces séquences me semblent justifiées par la narration cyclique du film qui montre Joey passer "de main en main" ; du coup il est logique de refermer un à un les éléments du récit liés aux relations qui se sont établies entre le cheval et les différents personnages.
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :Pour résumer, c'est donc un peu niais :mrgreen:
Je proteste, c'est un résumé très orienté de mon texte. :mrgreen:
Excellente analyse, Strum !
Je partage presque toutes tes impressions. Je serais simplement moins sévère concernant la première partie du film, qui est certes un peu trop longue, mais qui recèle des scènes en miroir de la deuxième partie qui lui donnent sa force. Et puis, c'est très subjectif, je me retrouve complètement dans les hommages au cinéma de John Ford et la scène de labour m'a transporté.
Merci. :wink: J'ai bien aimé la scène de labour aussi, mais justement, les hommages à John Ford m'ont paru si évidents, que je n'ai pu m'empêcher d'établir des comparaisons, avec L'Homme Tranquille notamment. Et à ce jeu là, Spielberg ne sort pas gagnant, à mon sens. Par exemple, je trouve qu'il y a moins de poésie dans les quatre plans d'ouverture de Cheval de Guerre, montrant des paysages du Devon, que dans le seul plan de paysage du début de l'Homme Tranquille, où Wayne, sur un pont, contemple le pays de son enfance en se remémorant la voix de sa mère que l'on entend alors en voix-off. Et cette première partie, qui est un véritable film dans le film, est un peu longue comme tu le notes toi-même.
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Watkinssien »

Bon, malheureusement, Strum a écrit un magnifique avis qui contient plusieurs points dans lequel je me rapproche aisément...

Cheval de guerre est effectivement une fable majestueuse et lyrique dont le cynisme est absolument absent...

C'est un film impressionnant par son contenu, par ses changements incessants dans sa galerie de personnages... et par une mise en scène absolument époustouflante de beauté, de cruauté, d'élégance, entre classicisme et modernité.

C'est une oeuvre avec des bons sentiments mais aussi cruelle, parfois dans la même séquence, et ces combinaisons entre élans candides, violences suggérées font le sel de cette étrange épopée, casse-gueule mais vraiment brillant dans son traitement formel... Cheval de guerre est un film qui rappelle les oeuvres humanistes d'un John Ford, d'un King Vidor, avec une utilisation magistrale des décors naturels, plus particulièrement célestes... J'y ai perçu un véritable travail sur la composition du ciel, qui semble être en adéquation avec les situations et les personnages dans ces dernières.

Le film prend le contre-pied de la production hollywoodienne contemporaine. Car on suit le parcours du cheval, quitte à délaisser le jeune Albert pendant presque une heure... Joey, le cheval, est un instrument de mort, de la guerre, qui apporte de manière différente l'ultime action à celui qui le récupère, et je renvoies au texte de Strum sur cette thématique. Cet aspect demeure toujours intéressant et prend à rebrousse-poil le côté guimauve que l'on peut ressentir quelquefois, montrant que le film ne se contente pas d'être un seul genre monotone...

Certaines séquences peuvent être conventionnelles, mais la mise en scène de Spielberg les transcende constamment... Ce cinéaste de l'émerveillement (le regard d'Albert lorsqu'il découvre la beauté de la vie, à travers la naissance de Joey), des conflits (la 1ere Guerre Mondiale), de l'échange impossible (l'Anglais et l'Allemand pour libérer le cheval), de l'Amérique avec son héritage (le cinéma hollywoodien des années 30-50) et sa transmission (les plans finaux sont à tomber, tellement ils sont splendides) nous montre encore une fois son incroyable capacité à traduire par l'image des idées simples et universelles. Le plaisir de voir un cinéaste encore avec des idées, malgré un sujet bien risqué... Et tout cela, sur deux mois de tournage...

Bref, un grand et beau film, parfois maladroit dans sa recherche de l'émotion pure, mais qui reste unique aujourd'hui...
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Tancrède »

le prochain qui cite John Ford à propos de cette guimauve me copiera 100 fois "je ne prononcerai pas le nom du maître en vain".
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Watkinssien »

M'en fiche, ce n'est pas en vain... :mrgreen:
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par AtCloseRange »

Watkinssien a écrit :parfois maladroit dans sa recherche de l'émotion pure
Pour que toi, tu arrives à trouver qu'il va trop loin, j'ose à peine imaginer le résultat...
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Re: Cheval de guerre (Steven Spielberg - 2011)

Message par Watkinssien »

AtCloseRange a écrit :
Watkinssien a écrit :parfois maladroit dans sa recherche de l'émotion pure
Pour que toi, tu arrives à trouver qu'il va trop loin, j'ose à peine imaginer le résultat...
Non, mais toi, ce n'est même la peine que tu ailles voir le film... :)
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