Carnage (Roman Polanski - 2011)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Helena
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Re: Carnage (Roman Polanski - 2011)

Message par Helena »

Je viens de revoir le film dans le cinéma du village (il diffuse un film de la semaine, un des semaines précédentes et un ancien film.)
Les Dieux du Carnage de Yasmina Reza est une oeuvre qui m'es totalement inconnue, donc je ne sais pas si c'est bien adapté ou pas (certaines mauvaises langues diront qu'il a déjà gâché The Club Dumas de Enrique Urbizu via son excellent (et non je ne dis pas ça parce qu'il la magnifique Emmanuelle Seigner et le très beau Johnny Deep)The Ninth Gate) mais en soit le récit est vraiment bon et très spéciale. Le seul aprioris que j'avais c'était pour la présence de l'acteur Christoph Waltz auquel je n'adhère pas à chaque fois (Les Trois Mousquetaires, The Green Hornet, Water for Elephants et Inglorious Basterds) et pourtant la, il m'a surpris. Le film part d'un postulat très simple, très banal: un enfant fut agressé par un autre et les parents se rencontrent pour discuter de l'incident.

Là ou on pourrait avoir de longues conversations ennuyantes et sans virtuosité, Polanski donne tout son génie et son talent à travers quatre personnages que l'on aime détester. Ici les deux couples vont parlementer pendant des heures du comportement de leurs fils en général, mais aussi de la noirceur de l'âme humaine, thème récurrent dans les œuvres du réalisateur. Ici la violence est démontrée comme une entité aux multiples facettes, à la fois comme une maladie pouvant s'en prendre à quiconque, ou comme une divinité comme le dit si bien à plusieurs reprises l'avocat du récit. D'ailleurs le film ne nous dépeint pas des personnages mauvais dans l'âme en soit, mais qui sont tellement typiques ou commun. Ici le réalisateur ne caricature pas une seconde, mais au contraire nous propose des personnages que tout oppose que ce soit au sein des couples, mais aussi le couple de l'enfant victime vis-à-vis de l'autre couple, celui de l'enfant bourreau. Pour autant Polanski jouera de cela tout du long, proposant des confrontations, mais aussi des alliances entre les personnages que tout oppose. Le film est une comédie qui se base principalement sur des personnages, ici comme l'excellent et très ironique The Tenant, dans un endroit unique et cela fonctionne. Les dialogues sont savoureux, à travers la conversation visant à trouver un compromis, les parents extériorises les maux de leurs couples et leurs mal être profond, chose parfois très ridicule et qui pourtant montre bien dans quel monde ils vivent et indirectement dans quel monde nous vivons. Ce hui-clos propose des personnages vivants et pas de simple caricatures, des personnages qui évoluent difficilement et qui arrive à se confronter à leurs maux, parfois de façon ironique (la confrontation entre le personnage de Kate Winslet et son mari interprété par Christoph Waltz) et qui nous donne envie de hurler un oui tellement c’est jouissif et par moment on se ronge les ongles et on souffre autant que les dits personnages. En effet, ce qui fait l’une des forces du film, c’est qu’on compatit réellement au destin (je ne trouve pas d’autres termes désolé) des personnages. Ici les enfants ne sont plus qu’un prétexte pour nous montrer dans quel monde violent nous vivons. D’ailleurs ce n’est pas anodin si la violence de l’agression est en retrait alors que le reste du récit est filmé de près. Certes cette agression est cruelle (elle me fait penser à la scène ou le héros de Morse se venge de ses bourreaux) mais n’est en faite qu’un reflet des maux que connaissent les adultes, bien que celle-ci soit physique là ou les mots des adultes sont bien plus ravageurs.

La force du récit se tient n’ont pas uniquement dans les personnages si finement décrit, mais aussi dans la puissance de leurs échanges. Les dialogues sont juste énormes, à la fois réaliste, ironique, profondément sincère et aussi très dur, d’ailleurs je dirai que ce sont les dialogues les plus intéressants que j’ai entendu cette année. La joute entre les deux couples étant principalement axé sur leurs propos, le travail fait par Polanski est indéniable et on vient même à rire nerveusement tellement le ridicule des propos sont souvent des armes utiles. Les personnages échangent entre eux à la fois leurs douleurs, mais aussi leur tristesse et ce ne sont pas que les femmes qui le font, les hommes, dont le père de la victime incarné par John C. Relly, est le père typique, engagé dans une vie qui ne lui correspond pas, vie qui nous ferait presque dire qu’il était immature au moment de s’engager. Ici, le fait qu’il soit enfermé dans un appartement, joue selon moi comme une métaphore de leur propre enfermement social, ne voyant pas la souffrance des autres, ne voyant que leur petite personne jusqu’à l’évènement qui permit la rencontre entre les quatre protagoniste. Pour autant comme je l’ai dit, Roman Polanski ne se contente pas de filmer des gens discutant autour d’une table, ici on assiste à des scènes parfois bien yeurk, notamment avec Kate Winslet qui comme souvent se donne au maximum dans son rôle ou aussi à des scènes très dérangeantes comme la scène des révélations de l’avocat. Après c’est peut être que je ne suis pas habitué à cette approche d’un père envers son fils, mais je trouve les propos presque dangereux.
Le film a un rythme vraiment indéniable et on sent le suspense monté au fur et à mesure que la confrontation entre les parents varient. En effet le rythme du récit change à chaque nouvelle alliance direct ou indirect (mais très souvent jouissive, notamment entre les personnages de Winslet et Foster) et Polanski finit par nous proposer un final qui ne fait jamais tomber le soufflet et qui au contraire nous offre une situation ambigüe au vu des différentes péripéties du récit, une sorte de bilan qui fait à la fois échos à ce qui arrive dans le film, mais aussi dans la vie de Polanski (le fait que le film se passe dans une pièce unique alors qu’il fut assigné à résidence pendant plusieurs mois au moment de l’écriture du script ne doit pas être anodin) et sincèrement c’est bluffant, après cinquante années de carrière, le réalisateur arrive encore à nous bluffer par le talent de son écriture (même s’il fut aidé par l’auteur de l’œuvre original) et cette façon de nous laisser sur nos doutes et nos craintes.

En dehors du récit en lui-même, ce sont les acteurs qui sont bluffant, je ne suis pas une grande fan du casting même s’ils sont talentueux et ici on peut dire que les acteurs et actrices furent parfaits, on ne pouvait imaginer un autre casting vu qu’ils correspondent parfaitement aux personnages de l’histoire. Les personnages doivent beaucoup au jeu du casting et la magie opère du début à la fin, Polanski sait ce qu’il faut pour motiver visiblement et je suis d’ailleurs impatiente de voir une interview ou un making-of ou il développera le sujet. La mise en scène du réalisateur est elle aussi captivante, jamais on est déçu et je dois dire que ces choix de cadre sont excellents, notamment pour l’introduction qui correspond directement à la thématique du film, sa virtuosité se voit tout du long et renforce le côté personnel du récit, je n’irai pas dire que c’est un documentaire vu que ce n’est pas le cas, mais on a vraiment l’impression d’être dans la pièce avec les personnages (et pas besoin de caméra à l’épaule pour ça.) Enfin bref si je devais conseiller un film pour le mois de décembre ça serait celui là.
Il est à la fois proche de ses anciennes œuvres et très moderne, mais dans tous les cas, ce qui est sur c’est que c’est du grand Polanski. 8/10
"Esotika, Erotika, Psicotika."
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