("european hardcore version")
Toutefois, les véritables désaccords entre le cinéaste et ses financiers interviennent concernant l’approche très « arty » souhaitée par Borowczyk qui propose une mise en abyme du personnage et un scénario abscons frisant la complète abstraction.
Devenue vedette de pornos, Emmanuelle présente au Festival de Cannes son dernier film, Love express, qui crée le scandale sur la Croisette. Si elle doit échapper à ses fans entreprenants et à des journalistes agressifs, Emmanuelle rencontre également le tyrannique prince Rajid, souverain du Benglagistan, qui souhaite l’intégrer à son harem. Après avoir été déshabillée par ses admirateurs, la belle s’échappe en sautant sur le bateau de Charles D. Foster dont elle tombe immédiatement amoureuse. Répondant à l’invitation de Rajid, Emmanuelle se rend ensuite au Benglagistan où elle est incluse de force dans le harem du prince qui en fait sa cinquantième épouse. Mais Charles et un de ses amis, l’aventurier Eddie, viennent à son secours.
D’une durée réduite (heureusement !) à 85 minutes (pour la version hard, le « theatrical cut » dure, lui, à peine 78 minutes), EMMANUELLE 5 s’avère incapable de raconter le moindre embryon d’histoire cohérente : les scènes se succèdent sans véritablement faire sens et l’ennui s’installe rapidement en dépit des nombreux passages osés. La version européenne, dite hardcore, comprend d’ailleurs plusieurs passages pornos tout en ôtant certaines scènes du montage destiné aux salles obscures. Copulation entre personnages secondaires, masturbation féminine, intermèdes saphiques, introduction de godes,…le film égrène les conventions du porno de série avec une absence totale de conviction qui en désamorce immédiatement le potentiel érotique. Entre ces scènes, Emmanuelle, très jolie mais au jeu d’acteur lamentable, se balade dans divers décors exotiques et se déshabille complaisamment à la moindre occasion. Cela ne suffit pas, toutefois, à compenser les faiblesses d’une mise en scène qui trahit le complet renoncement d’un metteur en scène autrefois talentueux.
L’implication de Borowczyk reste, d’ailleurs, débattue vue le nombre d’assistants réalisateurs utilisés pour compléter le produit. Cependant, on y retrouve son goût pour les citations et son envie d’élever le propos au-delà du simple érotisme pour créer une œuvre ambitieuse et artistique. Hélas, le résultat s’avère à l’opposé des désirs du cinéaste qui parvient simplement à accoucher d’un imbuvable pseudo pensum au montage erratique rendu plus pesant encore par l’usage d’une voix-off ou de flashbacks hors de propos.
Vu la nullité du résultat, Roger Corman appela d’ailleurs à la rescousse son vieux complice Steve Barnett qui, aidé des mêmes acteurs, et des chutes de studio, produisit une nouvelle version du film (dite « américaine ») complétée en 1987 mais jamais sortie en salles.
Bercée par une musique très datée et complètement oubliable de Pierre Bachelet (qui effectue un bien piètre retour sur la saga), EMMANUELLE 5 est un complet naufrage, un des rares films où, malgré la meilleure bonne volonté du monde, il n’y a strictement rien à sauver. A fuir !