L'heure d'été (Olivier Assayas - 2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Nestor Almendros
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L'heure d'été (Olivier Assayas - 2008)

Message par Nestor Almendros »

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Le cinéma d’Assayas ne m’attirait pas jusque-là. Les quelques films que j’ai vus ne m’avaient jamais emballé, au point que je m’étais dégonflé pour aller le voir en salle, l’an passé, et que je le regrette amèrement aujourd’hui : le film aurait sans aucun doute fait partie de mon top 5 2008.
C’est une très bonne surprise, un film qui a beaucoup de qualités dont la principale, peut-être, est d’avoir traité de multiples sujets, intéressants et pertinents, dans un scénario simple et très abordable avec pudeur et sensibilité.

SPOILERS
C’est, par exemple, une étude sur la famille, la sphère intime d’un groupe en évolution permanente. Assayas, nous le verrons, choisit dans son scénario des figures communes, personnages ou situations attendus qu’il préfére toutefois nous montrer sous des angles inhabituels. Ici, la famille n’est pas un symbole dégoulinant d’amour et de cohésion. C’est, certes, un groupe aux attachements affectifs apparents mais aux personnalités plus nuancées, froides et éloignées. Edith Scob apporte son élégance et son jeu sec à Hélène, un chef de troupe droit et impartial qui a depuis longtemps décidé de vivre sa vie à elle sans s’embarrasser du tact des convenances (il n’y a qu’à écouter ses réflexions plus ou moins piquantes quand elle reçoit ses cadeaux d’anniversaire). Sa vieillesse et le peu de temps qu’il lui reste semblent l’empêcher de s’étendre en démonstrations d’affection (on ne la voit jamais avec ses petits-enfants par exemple).
Dans le cas de cette famille, le lien qui les unit semble davantage puiser ses forces dans le passé que dans le présent (ou le futur). On ressent un amour fort entre les membres de cette famille quand ils sont réunis, mais les personnages sont en même temps très éloignés les uns des autres. Assayas ajoute l’éloignement géographique pour certains de ces personnages afin de souligner que le groupe a surtout un passé en commun (qui a forgé les existences) mais qu’il a probablement peu d’avenir : Jérémie (Régnier) et Adrienne (Juliette Binoche) ont construit leurs vies dans différents coins du globe, les retrouvailles seront donc rares. Le développement de l’histoire viendra confirmer ces craintes.
On repense aux répliques d’Hélène, parlant des membres de la famille comme des étrangers (ou quelque chose comme ça), et de Frédéric (Charles Berling) qui découvre au commissariat la vie secrète de sa fille. Avec le temps, les proches deviennent des inconnus.

Comme il nous décrit une famille sous un angle inhabituel, Olivier Assayas ne montre pas non plus la mort par le prisme du deuil : le film ellipse les moments immédiats de la douleur commune. Les seules larmes du film sont, d’abord, intimes, cachées aux autres (Frédéric qui s’isole dans le noir). Elles ne sont pas causées directement par la perte d’une mère mais par la réaction des frères et sœurs (qui veulent se séparer des biens) et par le chagrin nostalgique de Frédéric, le seul qui ait un intérêt, un respect pour ce patrimoine.
La perte d’Hélène est ici moins palpable chez les personnages que dans les décors environnants (la maison) auxquels semble manquer le pilier principal.

J’ai beaucoup apprécié la mise en scène d’Olivier Assayas qui parvient à supplanter la difficulté du nombre de personnages pour proposer un filmage énergique, rythmé, fluide qui donne, dans la première demi-heure, cette impression de vie. Car le premier acte montre peut-être le dernier moment de vie tourbillonnante que connaitra la maison avec cette famille. Différentes générations s’y croisent encore sous le soleil d’été, les cris d’enfants apportent à la fois le souffle du moment (il s’y passe quelque chose) et un souvenir qui se répète (ces moments sont de futurs souvenirs d’enfance).
En partant de la sphère familiale, L’HEURE D’ETE traite de la mémoire et du souvenir. Cette vision amère de la famille est vue depuis l’âge adulte. Le film exprime assez bien l’impact de l’enfance et de ces premiers moments marquants. Il y a ces instants inoubliables qui font partie du passé, de l’enfance, les étés bercés dans le cocon de la maison de campagne, et les fissures qui se rattachent au présent, quand l’enfant est devenu adulte et qu’il perd de son innocence. Frédéric est l’un des rares personnages qui se souvient, qui cultive l’amour de ce passé, qui voudrait le reproduire pour ses enfants (et beaucoup pour lui-même, certainement). C’est le seul des enfants d’Hélène qui subira douloureusement la séparation du patrimoine. Frédéric est celui qui, moralement, nous touche le plus car il essaye d’entretenir le fil qui unit les générations, qui nous unit aux autres par notre histoire commune, par un passé commun.
Le scénario aborde habilement le traitement de la mémoire d’une vie, de ce que nous laissons après notre passage sur Terre. Il peut s’agir tout autant de la transmission de richesse (le trésor culturel que laisse Hélène à sa famille), que du simple souvenir (Sylvie, la fille de Frédéric, qui se rappelle des conversations avec sa grand-mère) ou d’une présence réconfortante (pour sa bonne Eloïse).
C’est un film sur ce qui reste de nous après la mort, sur le souvenir que nous laissons et sur ce que nous en faisons : Hélène a entamé un processus de conservation, elle a voué sa vie à la mémoire de son oncle mais ce fil impalpable qui relie les générations est finalement très fragile et jamais acquis. C’est l’une des choses que nous montre le film. Il y a la scène troublante des experts d’art qui visitent la maison vide, sans vie. On a l’étrange impression d’observer des vautours qui dépècent une proie, d’un cadavre à qui l’on fait les poches.

Peut-être plus encore que les enfants légitimes d’Hélène qui ont vécu dans la maison, Eloïse, la bonne, est celle qui a traversé les années à ses côtés, celle qui a connu l’oncle puis le mari, celle qui a participé à établir la maison et son intérieur. Eloïse vivra dans le souvenir, le respect de la mémoire d’Hélène (elle garde un vase, apporte des fleurs sur la tombe). Eloïse, qui a vécu auprès d’eux, qui a croisé plusieurs générations d’habitants et de visiteurs, sera aussi oubliée.

Le film raconte le temps qui passe à travers les hommes (le défilé des générations, les cycles qui recommencent) et les objets (leur devenir). Assayas met en place différentes situations pour mettre en avant ses réflexions et transmettre au spectateur des impressions inconfortables. Par exemple, cette maison de campagne qui a inspiré un grand peintre, qui a vu grandir trois enfants, qui a accompagné la vie d’Hélène est, dans la dernière séquence du film, quasiment reléguée à l’état de squat pour une « teuf » organisée par Sylvie. C’est une séquence quelque part assez choquante pour les spectateurs qui, comme Frédéric, pensent au patrimoine et au respect des personnes disparues. Mais c’est aussi une démonstration logique du temps qui passe, de la vie qui continue (la dernière scène) : nous ne faisons que passer.

Les mélanges de genre audacieux du réalisateur-scénariste trouvent un impact émotionnel évident quand il nous immisce dans ce partage inévitable qui apparaît alors amoral : l’œuvre de toute une vie, un trésor familial et culturel de niveau national n’est finalement pas respecté par les descendants, est réduit au simple état de marchandise, pour de l’argent. Assayas part des conflits d’intérêts récurrents dans ce genre de situation (il est souvent difficile de partager), sauf que les scènes du film, contre toute attente, ne tombent jamais dans la bataille rangée ou le règlement de compte. Bien au contraire tout se passe dans un calme oppressant où nous assistons impuissants à une lapidation de trésor national. Et c’est cette subtilité entretenue ici par Assayas qui m’a beaucoup touché et mis fortement mal à l’aise : plutôt que de simplement récupérer de l’argent, les ayant-droits doivent se partager un magot justement intouchable auquel le scénario inclue l’idée troublante et abstraite de « trésor » culturel inestimable.
Cela rappelle ce que raconte Frédéric : l’anecdote du peintre qui aperçoit un de ses tableaux en visitant l’appartement d’un ami collectionneur. Le tableau représentant son ex-femme, le peintre aurait voulu l’emporter et le détruire. Mais l’oeuvre n’est plus à lui mais au collectionneur.

J’ai vu dans L’HEURE D’ETE des réflexions rarement croisées au cinéma : Assayas aborde avec beaucoup de subtilité la notion d’objet d’art, leur perception à travers notre regard : à quel moment un objet devient-il une œuvre (d’art) ? On voit dans le film plusieurs exemples d’objets usuels de la maison qui sont en fait de vraies œuvres d’art (des vases, un service à thé, un bureau Art Nouveau, une vitrine, etc.). Il y a quelque chose de réellement troublant de voir un objet de tous les jours, comme un meuble dans une pièce de maison, et de le retrouver plus tard exposé dans un musée. Il y a cette scène à Orsay où Frédéric (Charles Berling), tel un touriste, admire l’ancien bureau de sa mère qui trône désormais en bonne place dans la section Art Nouveau : « on dirait qu’il est en captivité », souffle-t-il. Le film nous transmet cette gêne et, en même temps cette admiration. La banalité du quotidien s’oppose ici à la préciosité de l’art et c’est assez déconcertant. Une image forte illustre bien cette confrontation de repères et d’idées : une sculpture brisée de Degas est rangée depuis des années dans un tiroir, conservée dans un sac plastique E. Leclerc. La statue finira restaurée au Musée d’Orsay mais le raccourci narratif du sac plastique est très bien trouvé.
Il y a aussi dans le film un amour de l’objet qui transparait, une certaine fascination pour une armoire, une vitrine qui, avant d’être admirés dans des collections officielles, sont avant tout des accessoires domestiques. Il se trouve seulement que leurs auteurs sont aujourd’hui des artistes reconnus. Cette nuance qui les sépare du lot commun, qui leur donne une vie et une fonction supplémentaire, m’a beaucoup intéressé.

Comme souvent, le dvd Mk2 est plutôt passable. En ajoutant plus de 90mn de bonus au film, le disque est rempli à ras bord et c’est l’encodage qui en pâtit. La compression est visible et le master, bien que respectant les contrastes et la colorimétrie de la belle photographie d’Eric Gautier, use un peu trop de DNR. Conséquences : le grain a presque disparu et la définition est moyenne. Voilà un titre que j’attends en blu-ray (je sais, je rêve).
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Jordan White
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par Jordan White »

Une très belle chronique (la tienne Nestor en l'occurrence) qui démontre une fois de plus ton talent certain pour l'écriture, d'autant plus étonnant quand je pense aux moments où tu nous disais que tu avais ou que tu ressentais, selon tes propres mots une certaine difficulté pour parler des films.
Je ressens en plus clairement que le film t'a beaucoup touché et que tu éprouves beaucoup de tendresse à son égard.

Concernant ton dernier voeu, voire même ta doléance, il est n'est pas impossible que le film sorte en Blu-ray.
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Nestor Almendros
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par Nestor Almendros »

Merci Jordan, ça vient selon l'inspiration :mrgreen:
Jordan White a écrit :il est n'est pas impossible que le film sorte en Blu-ray.
Je le pense aussi, à long terme dirons-nous. Comme le support blu-ray n'est pas encore lancé pour nos éditeurs hexagonaux (en l'occurence Mk2 qui en sort encore très peu) je pense encore devoir attendre quelques temps :cry:
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MJ
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par MJ »

Découvert cette semaine. Je dois avouer être surpris que le film ne suscite pas (hormis le bel et étayé avis de Nestor) plus d'échos sur le forum. On a quand même là une oeuvre particulièrement forte sur la famille contemporaine, une crise du lègue, de la transmission. C'est de plus un film qui ouvre certaines perspectives de par son monde de production: Assayas se saisit d'une commande du Musée d'Orsay pour construire une allégorie sur la place des morts, les choix qu'ils imposent aux vivants. Et cela sans la moindre lourdeur, velléité de jugement, une pudeur, une justesse du regard, de la probité. Il y aurait des comparaisons intéressantes à faire avec les fresques familiales de Desplechin (bien différentes sur le fond et sur la forme). Les acteurs sont magnifiques (Edith Scob confirme après la Question Humaine être la plus charmante des actrices âgées), je ne parle pas de la photo de Gauthier.
Découvert le même soir que mon revisionnage de Still Life - deux grandes oeuvres des années 2'000 sur la décomposition familiale, le difficile rapport au passé...

A découvrir si ce n'est pas encore fait!
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par riqueuniee »

Tout à fait d'accord.C'est un très beau film sur la famille,la transmission,qui m'a "parlé".Même si c'est à un niveau beaucoup plus modeste,la question de la transmission concerne tout le monde.Il y a aussi une réflexion sur l'art,le regard que nous portons sur les oeuvres et la "muséification" de certains objets.Après ce film,je n'ai plus regardé tout à fait de la même façon les objets (meubles,vases,etc...) exposés dans les musées.
D'autre part (certains vont peut-être me taper dessus,tant pis...),j'ai trouvé un coté tchekhovien à cette histoire ,en particulier la Cerisaie (sans doute à cause de la vente du domaine).
Amarcord
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par Amarcord »

Film sensible et intelligent, sans doute le meilleur d'Assayas (en tout cas pour moi). Même si je ne les ai pas tous vus, Assayas m'a parfois emballé (je garde par exemple un très bon souvenir d'Irma Vep, mais plus revu depuis sa sortie au cinéma) et il m'a aussi parfois irrité (j'ai trouvé épouvantable le très poseur Fin août, début septembre, qui m'a paru insupportablement pompé sur Desplechin, jusque dans son casting). Mais avec L'Heure d'été (sur lequel j'avais, je l'avoue, un a priori très défavorable), j'ai eu finalement une très agréable surprise. Envolée, ma réticence ! C'est un film limpide, finalement assez simple, sans chichi, sans fioriture, qui ne cherche pas à faire le malin (un des défauts majeurs du cinéma d'Assayas, en général, je trouve). C'est un film aimable, au sens propre du terme (on a vraiment envie de l'aimer et on aime l'aimer, si je puis dire !). Binoche parvient à se renouveler, et Edith Scob confirme qu'elle est bien l'une de nos actrices les plus singulières, les plus lunaires (pour moi, elle est vraiment... non pas "à part", mais "ailleurs"). Bref : voilà le film idéal pour découvrir éventuellement le cinéma Assayas. Le problème, c'est qu'après celui-là, on risque fort d'être plus ou moins déçu par n'importe quel autre (ça me fait d'ailleurs penser que j'ai Demonlover sous le coude, depuis des semaines, à visionner).
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MJ
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par MJ »

Amarcord a écrit :(j'ai trouvé épouvantable le très poseur Fin août, début septembre, qui m'a paru insupportablement pompé sur Desplechin, jusque dans son casting).
Ah un autre Assayas que j'aime beaucoup. Okay, il y a des choix de castings proches de Desplechin (Amalric, Balibar), ils partagent le même chef-opérateur... mais pour ce qui est du milieu traité et des thématiques, le film (pas de début mais de fin d'été cette fois) me semble assez loin de son univers.
(ça me fait d'ailleurs penser que j'ai Demonlover sous le coude, depuis des semaines, à visionner).
Ca par contre j'ai plus de peine. Mais j'ai un rapport plus distant à la veine conceptuelle de ce cinéaste. :)
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par riqueuniee »

Amarcord a écrit :Film sensible et intelligent, sans doute le meilleur d'Assayas (en tout cas pour moi). Même si je ne les ai pas tous vus, Assayas m'a parfois emballé (je garde par exemple un très bon souvenir d'Irma Vep, mais plus revu depuis sa sortie au cinéma) et il m'a aussi parfois irrité (j'ai trouvé épouvantable le très poseur Fin août, début septembre, qui m'a paru insupportablement pompé sur Desplechin, jusque dans son casting). Mais avec L'Heure d'été (sur lequel j'avais, je l'avoue, un a priori très défavorable), j'ai eu finalement une très agréable surprise. Envolée, ma réticence ! C'est un film limpide, finalement assez simple, sans chichi, sans fioriture, qui ne cherche pas à faire le malin (un des défauts majeurs du cinéma d'Assayas, en général, je trouve). C'est un film aimable, au sens propre du terme (on a vraiment envie de l'aimer et on aime l'aimer, si je puis dire !). Binoche parvient à se renouveler, et Edith Scob confirme qu'elle est bien l'une de nos actrices les plus singulières, les plus lunaires (pour moi, elle est vraiment... non pas "à part", mais "ailleurs"). Bref : voilà le film idéal pour découvrir éventuellement le cinéma Assayas. Le problème, c'est qu'après celui-là, on risque fort d'être plus ou moins déçu par n'importe quel autre (ça me fait d'ailleurs penser que j'ai Demonlover sous le coude, depuis des semaines, à visionner).
Il faut dire que Assayas passe avec aisance d'un style à l'autre.j'avia bien aimé Clean,j'ai adoré aussi L'heure d'été.Et,dans un genre totalement différent,j'ai beaucoup aimé Carlos.Ceux qui le découvrent grâce à l'un ou l'autre de ces films peuvent en effet être déroutés,voire déçus par ses autres films.
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par pak »

Nestor Almendros a écrit : Le cinéma d’Assayas ne m’attirait pas jusque-là. Les quelques films que j’ai vus ne m’avaient jamais emballé, au point que je m’étais dégonflé pour aller le voir en salle (...).
C’est une très bonne surprise, un film qui a beaucoup de qualités dont la principale, peut-être, est d’avoir traité de multiples sujets, intéressants et pertinents, dans un scénario simple et très abordable avec pudeur et sensibilité.
Idem pour moi... Olivier Assayas n'est pas un réalisateur que j'apprécie outre mesure, aussi n'attendais-je rien de ce film, d'autant plus que son origine, une commande du musée d'Orsay, ne pouvait que me rendre dubitatif. Pourtant j'ai fait fi de mes a priori et l'ai regardé.

D'entrée, avec ses premiers moments où trois frères et sœurs avec enfants, conjoints et bagages, géographiquement éloignés par les cheminements personnels de chacun, se retrouvent dans la maison familiale pour fêter les 75 ans de la mère de famille, un déclic s'est produit dans ma tête. Car on voit là une mère vieillissante, qui a vu sa maison résonner des bruits de la vie, de ceux de ses enfants, de ceux d'un foyer, qui année après année, ont imprimé les murs de la maison, et la mémoire de tous, de souvenirs aussi anodins qu'essentiels. Puis les enfants ont grandi, se sont construits, et sont partis ailleurs. Et la maison ne résonne alors que de l'assourdissant bruit du silence, celui d'une femme dans une demeure vide, elle (la maison comme la femme) qui a connu pourtant tant d'animation.

Alors on pense forcément à la notre, de mère, encore de ce monde ou pas, et on se trouve alors bien égoïste, forcément, à vivre notre vie sans penser vraiment au vide qu'on a laissé en quittant un foyer, quelque soit sa taille, qu'il soit maison de bourgeois ou HLM à 3 pièces. Et quand cette maman disparaît, viennent alors les regrets, les souvenirs alors si gais, se transformant en épines qui piquent le cœur et la mémoire, à l'image de l'immense Charles Berling, pleurant seul au volant de sa voiture, après avoir pris une bouffée de passé pourtant si joyeux. Personnage d'autant plus touchant qu'il est l'ainé, donc forcément avec un bagage affectif plus grand, et donc plus lourd : tout ainé le comprendra.

En dehors de l'aspect parfois pédant du scénario (le milieu de l'art, on s'en fiche un peu) et d'une fin qui peine en longueur, Assayas rappelle quelques petites choses essentielles, celles de notre enfance, de ce qui en reste quand on est adulte, et de la trace éphémère qu'on laisse lors de notre bref passage en ce monde...
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

http://www.notrecinema.com/
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par riqueuniee »

Un film qui,en fait,malgré son sujet apparent (le monde de l'art,que considérer comme "muséifiable"),a su toucher des publics très différents,car il parle en fait surtout de la famille,de la transmission,du souvenir.
PS On m'a dit une fois que,puisque j'avais aimé ce film,je devrais apprécier les Destinées sentimentales
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par Watkinssien »

Amarcord a écrit :Film sensible et intelligent, sans doute le meilleur d'Assayas (en tout cas pour moi).
Ca l'est clairement pour moi aussi. Ce film est une merveille, voire le chef-d'oeuvre de son auteur.
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Re: L'heure d'été (Olivier Assayas, 2008)

Message par Jeremy Fox »

MJ a écrit :Découvert cette semaine. Je dois avouer être surpris que le film ne suscite pas (hormis le bel et étayé avis de Nestor) plus d'échos sur le forum. On a quand même là une oeuvre particulièrement forte sur la famille contemporaine, une crise du lègue, de la transmission. C'est de plus un film qui ouvre certaines perspectives de par son monde de production: Assayas se saisit d'une commande du Musée d'Orsay pour construire une allégorie sur la place des morts, les choix qu'ils imposent aux vivants. Et cela sans la moindre lourdeur, velléité de jugement, une pudeur, une justesse du regard, de la probité. Il y aurait des comparaisons intéressantes à faire avec les fresques familiales de Desplechin (bien différentes sur le fond et sur la forme). Les acteurs sont magnifiques (Edith Scob confirme après la Question Humaine être la plus charmante des actrices âgées), je ne parle pas de la photo de Gauthier.


A découvrir si ce n'est pas encore fait!
Pareil et aussi pour le superbe texte de Nestor qui ouvre ce topic. Un film bouleversant et sans pathos avec pour une fois dans ce genre de chronique familiale des frères et sœurs qui s'entendent, des couples qui ne se déchirent pas. Ca m'a parfois fait penser à Un dimanche à la campagne ; bref, ça m'a ému aux larmes à plus d'une reprise. Mention spéciale à l'interprétation de l'ensemble du casting avec surtout un Jérémie Renier qui me surprend à chaque fois. Film admirable.
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