Terence Davies

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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ballantrae
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Re: Terence Davies

Message par ballantrae »

Là, je deviens plus qu'impatient!!!!
Merci pour cette intervention
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Karras
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Re: Terence Davies

Message par Karras »

The deep blue sea (5,5/10) : Mon avis est bien plus mitigé. La photographie est souvent magnifique, rappelant par endroit la solitude des tableaux de Edward Hopper ( scène de l'abat-jour); Rachel Weisz est, comme à son habitude, convaincante ; mais l'ensemble est étouffé par une mise en scène qui inhibe toute émotion. En fait, l'impression d'avoir un chef-d'oeuvre potentiel dont l'attrait serait volontairement atténué par une épaisse couche de vernis.
ballantrae
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Re: Terence Davies

Message par ballantrae »

Le chef d'oeuvre n'est pas potentiel mais effectif.Le temps passant, l'empreinte du film se fait de plus en plus forte et les sensations pures par delà les étapes du récit semblent ancrées dans la mémoire comme surgissent avec éclat les réminiscences des personnages.Je reviens sur ce film demain afin de convaincre ceux qui ne l'ont vu de tenter le coup avant qu'il ne soit plus visible.
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Profondo Rosso
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Re: Terence Davies

Message par Profondo Rosso »

Chez les heureux du monde (2000)

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Au début du XXe siècle, au sein de la haute société new-yorkaise où règnent superficialité et hypocrisie, Lily Bart, ravissante jeune femme au sommet de sa gloire mondaine, découvre subitement la précarité de sa position, quand son charme et sa beauté suscitent convoitise et jalousie. En quête d'un riche mari et désireuse de se conformer aux usages de son milieu, Lily passe à côté de l'amour véritable incarné par l'infortuné Lawrence Selden.

Edith Wharton a été peu servie par le septième art puisque les adaptations s’y limitent à deux (il existe aussi une version muette disparue de Chez les heureux du monde par Albert Capellani, on en trouve un peu plus en se tournant vers la télévision) avec Le Temps de l’innocence de Martin Scorsese (1993) et donc Chez les heureux du monde de Terence Davies (2000). The House of Mirth est le premier roman majeur d’Edith Wharton dont l’existence doit beaucoup à Henry James, grand ami et mentor de cette dernière. Edith Wharton, qui passa son enfance en Europe y développa une certaine liberté d’esprit et de pensée qui éveillèrent son sens critique lorsqu’elle revint à la société guindée new yorkaise dont tout le vide s’exposa à elle au grand jour. Malheureuse en mariage, c’est d’abord sa grande culture qui la poussera à l’écriture avec son premier ouvrage The Decoration of the Houses avec l’architecte Ogden Codman ou plus tard le roman historique The Valley of Decision se déroulant dans l’Italie du XVIIIe siècle.

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Si ces premiers essais développent son sens de la description et de l’ornement (d’une importance cruciale dans la psychologie de ses personnages) son ami Henry James lui reprochera l’abstraction de ses écrits détachés du réel et lui recommandera de mettre son évident talent littéraire dans une vision des éléments qui l’entoure. Et que connaît-elle le mieux si ce n’est cette aristocratie new yorkaise hypocrite qu’elle exècre ? Le résultat de ses nouvelles résolutions sera donc The House of Mirth, tragique et féroce vision de ce milieu.

Terence Davies délivre une remarquable adaptation, très fidèle et aux choix audacieux. L’histoire dépeint le terrible destin de Lily Bart (Gillian Anderson), beauté, objet de convoitise et de jalousie de cette bourgeoisie new yorkaise. Le personnage est déchiré entre des aspirations personnelles plus nobles et la soumission à l’étiquette et train de vie frivole de son milieu. C’est son absence de choix constant qui causera sa perte. D’un côté amoureuse du modeste Lawrence Selden, seul avec qui elle peut être elle-même et l’ouvrant à un monde plus vrai et authentique. De l’autre les belles robes, les fêtes somptueuses, les sorties à l’opéra et les séjours à la campagne, signes extérieurs d’une richesse qu’elle n’a pas et auxquels elle ne peut renoncer. Lily fera ainsi tous les mauvais choix, s’aliénant l’amour de Selden comme la reconnaissance de ses pairs. Trop hautaine pour totalement céder à Selden et trop consciente pour céder aux comportements odieux qui faciliterait son ascension (l’épisode des lettres compromettante de Bertha Dorset), Lily est un personnage condamné. Gillian Anderson est absolument admirable en Lily Bart, l’allure gracieuse et séductrice ravageuse (la première apparition où se dévoile sa silhouette dans l’ombre est splendide) dont la tranquille assurance dissimule un être profondément angoissé. L’actrice bouleverse ainsi lorsqu’elle tombe le masque pour s’abandonner fragile et tremblante dans les bras de Selden, et sa déchéance progressive n’en sera que plus désarmante lorsqu’elle ne pourra plus trouver la force à garder ce maintien face aux épreuves. Terence Davies rend son film presque plus pessimiste que le déjà très sombre roman par ses changements. Le réalisateur fait ainsi disparaître le personnage de Gerty Farrish, cousine humble et travailleuse de Lily Bart qui offre le miroir d’une autre existence possible pour l’héroïne si elle renonçait à ses futilités. Davies dans son script mêle certains aspects du personnage à la nettement moins avenante Grace Stepney (Jhodi May) tel que la rivalité amoureuse autour de Selden et celle pour les faveurs de la Tante Peniston.

Par ce choix, Davies ne donne plus d’échappatoire possible à Lily dont le funeste destin est tracé et surtout renforce l’impossibilité de toute amitié réelle et de relation sincère dans ce cadre où tout rapprochement est calculé, où tout service doit recevoir sa "récompense" (Dan Aykroyd horrible Gus Trenor). Les autres changements vont dans ce sens et ne donne plus aucun répit à Lily tel ce moment de réconfort dans les dernières pages du livre où elle croise une ancienne connaissance et son bébé. Davies instaure un style feutré et faussement neutre qui s’il ne délaisse pas le côté chatoyant du film en costume s’avère profondément étouffant. On devine plus que l’on aperçoit les demeures luxueuses traversées, la scène de l’opéra s’attarde plus sur les regards s’épiant entre les loges que le décor en lui-même et les beautés du voyage en Europe reste en arrière-plan pour mieux illustrer les manipulations de Bertha Dorset (Laura Linney perfide à souhait).C’est une véritable chape de plomb du paraître qui s’abat ainsi sur l’ensemble du film où une fois la réputation faite le piège se referme inéluctablement. Un dialogue brillant entre Lily et Bertha Dorset souligne ce qui les différencie : l’une mène une vraie existence dissolue mais à le statut et les moyens d’étouffer des travers connus de tous quand Lily finalement trop « pure » perdra tout par ce que l’on suppose faussement d’elle mais ne pouvant se défendre à armes égales. Le jugement moral s'arrête ainsi à l'aune de la richesse du coupable.

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Tous ses aspects sont brillamment mis en place par Davies qui a parfaitement saisi l’essence du roman. Dès lors on pardonnera les quelques faiblesses, notamment au casting avec un Eric Stolz un peu fade face à la droiture qu’on ressent à lecture pour Lawrence Selden. Les entrevues avec Lily Bart tiennent donc grandement à l’émotion véhiculée par Gillian Anderson (qui aurait dû définitivement se détacher de X-Files et faire une belle carrière après ce rôle dommage) notamment la dernière déchirante. Beau film néanmoins 5/6
Banane
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Re: Terence Davies

Message par Banane »

Joe Wilson a écrit :The Deep Blue SeaRachel Weisz interprète le rôle d'une femme submergée par des émotions auxquelles elle ne veut ni ne peut renoncer. Les traits de son visage portent en eux une flamme qui ne cédera pas aux conforts du regret, ce qui la conduit à une impasse vis à vis de son mari et de son amant. Si Terence Davies saisit une représentation de la condition féminine de l'après Seconde Guerre Mondiale, ainsi que les prémices d'une société qui évolue et bascule, il s'attache surtout à transcender une libération personnelle. L'acceptation de soi précipite la recherche d'une transcendance, d'une grâce forcément fugitive....mais qui peut représenter la source et la respiration d'une vie.
Film passé quasi inaperçu à sa sorti (sauf Positif qui en a fait sa couverture), c'est un des plus beaux rôles de Rachel Weisz, actrice que j'adore. Ce rôle est un écrin à sa beauté evanescante et son jeu vibrant (un peu moins convaincue par Tomm Hiddelston, mais c'est sans doute le rôle qui veut ça).
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Profondo Rosso
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Re: Terence Davies

Message par Profondo Rosso »

Distant Voices, Still Lives (1988)

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L'histoire d'une famille de Liverpool dans les années 50 à travers les souvenirs du réalisateur. Distant Voices est le portrait détaillé du mode de vie traditionnel de la classe ouvrière qui a marqué son enfance.

Après son inaugural et salué The Terence Davies Trilogy (1984 et réunion de ses trois premiers moyen métrage), Terence Davies en creusait encore le sillon autobiographique avec ce magnifique Distant Voices, Still Lives. Le récit nous plonge dans les souvenirs du réalisateur à travers la description de sa famille et plus globalement de la vie d'une certaine Angleterre des années 40/50. Le titre divise le film en deux parties, le Distant Voices allant de l'enfance à l'âge adulte et le Still Voices poursuivant le destin des jeunes personnages ayant fondés à leurs tour une famille. Cette division ne donne pas une structure linéaire au film, bien au contraire. Davies nous promène entre passé et présent au gré de transitions dont le montage fonctionne par associations d'idées, au détour d'un mot, d'un fondu au blanc synonyme la nostalgie ressentie et donc surtout au gré des émotions des personnages. La scène d'ouverture annonce clairement cela avec ce plan fixe sur un corridor tandis que la voix de la mère (Freda Dowie) appelant ses enfants se fait entendre ainsi que leur réponse sans qu'ils n'apparaissent à l'image. Un lent panoramique sillonne alors les pour nous diriger vers la porte d'entrée où un fondu enchaîné et la bande son amorce alors déjà une autre époque. Terence Davies annonce ainsi d'emblée une œuvre placée sous le signe du souvenir.La partie Distance Voices navigue entre capture du quotidien et grands évènements qui bercent la vie de cette famille à travers mariages, enterrements ou encore noël. Lors de la séquence de mariage de la fille aîné Eileen (Angela Walsh), la caméra de Davies s'attarde sur le visage de la mariée regrettant l'absence de leur père puis sur celui de son frère Tony (Dean Williams) et sa sœur Maisie (Lorraine Ashbourne) dont les pensées en voix off révèlent au contraire une farouche haine pour l'absent. Une manière d'effectuer une première bascule dans le passé où ce père tyrannique incarné par un impressionnant Pete Postlethwaite leur mena la vie dure par son caractère violent et colérique dont leur mère fit souvent les frais. Par ses va et viens narratif, Davies exprime cependant un sentiment plus diffus. D'une scène à l'autre ce père abusif peut apparaître vulnérable et affaibli par la maladie, tendre et bienveillant le temps d'une veillée de noël ou sourdement impitoyable en laissant son jeune fils à la porte de la maison. De même les trois bambins peuvent être fascinés et admiratifs de l'observer au travail, terrorisés par un accès de colère ou fondre en larme au présent lors du mariage où ils leur manque terriblement.

L'amour suit une ligne se confondant et rejoignant celle de la haine et Davies par sa manière de raconter amène une confusion des sentiments finalement bien naturelle dans les aléas qui agitent une vie de famille. Cette dimension universelle s'étend à cette classe ouvrière anglaise entière par les portraits sobrement esquissés des amis et connaissance de la famille, le cycle de joie et de malheur se mêlant au commun et à l'intime. Pour l'intime c'est ces courts moments figés de pure tendresse telle les enfants effrayés de voir leur mère tombé alors qu'elle lave les carreaux, c'est les destins disparates et les mariages plus ou moins heureux et les renoncements des jeunes femmes que l'on aura suivis. L'universel traduit également les hauts et les bas de ce quotidien, emblématique de cette Angleterre soumise au rythme des bombardements allemands (superbe séquences où les enfants se mettent à chanter et galvanisent les autres réfugiés qui les accompagnent en donnant de la voix) puis plus tard ces soirées au pub où l'on vient oublier ses tracas, boire et chanter en communion avec ses amis.
Ce voile de souvenirs imprègne la mise en scène de Terence Davies, figeant chaque tranche de vie comme un tableau indépendant où de lents mouvements de caméra semblent comme photographier et immortaliser chaque précieux moment passé. La photo cotonneuse et aux couleurs désaturées de William Diver et Patrick Duval baigne dans cette nostalgie et évoque autant une peinture (Davies revendiquant l'influence de Vermeer pour ce film notamment pour sa manière de capturer les moments domestiques dans ses œuvres) qu'une vieille photo jaunie pouvant renaître à la vie en laissant transparaître quelques couleurs plus vives le temps de quelques instants de grâce (le sourire de la mère concluant la partie Distant Voices). La bande son, entre standards et chansons traditionnel est également un vecteur émotionnel indissociable des images, laissant les personnages s'abandonner à de multiples reprises en donnant de la voix, surlignant délicatement l'émotion où amenant un doux parfum de mélancolie suspendue. Faussement figé et bourré d'idées visuelle splendide (le double accident vu à travers une scène onirique sans explication superflue), Distant Voices, Still Lives est un grand classique du cinéma anglais contemporain à juste titre classé troisième d'un récent top 100 des plus grands films anglais par la revue Time Out. 5/6
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Re: Terence Davies

Message par Profondo Rosso »

The Long Day Closes (1992)

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Les heureuses années de jeunesse de Bud au milieu des années cinquante à Liverpool.

Terence Davies concluait avec The Long Day Closes le cycle autobiographique entamé dans ces deux premiers films The Terence Davies Trilogy (réunion de ses trois premiers court métrages en un seul film en 1984) et Distant Voices, Still Lives (1988). The Long Day Closes apparaît d'ailleurs comme le film jumeau de Distant Voices, Still Lives dont il reprend la construction vaporeuse teintée de nostalgie mais dans une tonalité différente. Le film de 1988 explorait les souvenirs de Terence Davies dans l'Angleterre dans un quartier de Liverpool sur une vaste période allant du Blitz à l'après-guerre et se concluant à la fin des années cinquante. The Long Day Closes se situe uniquement dans cette dernière période et s'avère nettement moins tourmenté que son prédécesseur explorant une plus vaste gamme d'émotion avec la nostalgie mais aussi la peur et la violence avec la terrifiante figure paternelle incarnée par Pete Postlethwaite. Cette fois le passé et surtout le cocon familial qui s'y rattache constitue un vrai paradis perdu à raviver. La scène d'ouverture balaie ainsi dans un mouvement de caméra l'ancienne rue plongé sous une pluie nocturne avant de s'engouffrant dans l'ancien logis abandonné, signe de ce présent terne qui va s'estomper pour redonner à la demeure ses atours disparus. On y découvrir alors le jeune Bud (Leigh McCormack) double de Terence Davies demandant de l'argent à sa mère pour aller au cinéma. Une grande tendresse se dégage de la séquence, du gamin insistant doucement à la mère l'ignorant tout à ses tâches ménagères avant de lui délivrer le précieux sésame. La caméra de Davies balaie traverse les lieux avec lenteur comme pour s'en imprégner et la complicité unissant la mère et le fils s'exprime dans une sobre poésie (le drap lancé par la fenêtre échouant lentement sur la tête de la mère. Davies amorce chaque séquence familiale comme un tableau en soi, une photographie d'un souvenir, d'une époque de bonheur simple et d'insouciance. La manière d'introduire ces séquences obéit aussi à cet aspect de capture d'un moment fugace tel ce repas de noël où des portes s'ouvrent comme une scène de théâtre pour accompagner le regard de Bud observant sa famille attablée et discutant.

Une des images les plus marquantes du film sera aussi ce mouvement de grue laissant voir Bud entourée de sa mère et de sa sœur accoudé à la terrasse et émerveillé devant un film. Le cinéma est un vrai fil conducteur avec en toile de fond les dialogues de classiques américains sortis tardivement à cette période en Grande-Bretagne et ayant marqué le jeune Terence Davies comme Le Chant du Missouri (superbe moment où un dialogue entre Judy Garland et un prétendant trouve son écho dans une scène amoureuse entre la sœur de Bud et son fiancé) ou La Splendeur des Amberson. Cette cinéphilie se fait aussi par des références au cinéma anglais où les amateurs reconnaîtront aussi les succès populaire de l'époque comme Tueurs de Dames, Noblesse Oblige ou Private's Progress. Ce cadre idyllique permet surtout à Davies de lancer un vrai cri d'amour à sa mère, si tendre, pétrie de bonté et à son écoute. Il faut voir cette superbe scène où Bud réveillé en sursaut par un cauchemar peut immédiatement se blottir dans les bras de sa mère le veillant, assise sur son lit. Ce sentiment d'amour et de protection n'a d'égale que l'insécurité et la violence qui le guette à l'extérieur. Le père tyrannique de Distant Voices, Still Lives trouve son équivalent dans l'environnement extérieur et plus précisément l'école avec le châtiment corporel en guise d'apprentissage obligé (le coup de gabardine donné à toute sa classe dès le premier cours par un professeur pour signifier qu'il est le maître) et les maltraitances des autres camarades envers le trop paisible Bud. Davies offre ainsi un reflet de cet Angleterre d'après-guerre où les privations ont appris à s'affirmer dans la douleur, celle-ci devenant un passage obligé pour devenir un homme (le directeur laissant presque faire lors Bud est violenté par d'autres élèves).

Cette souffrance ainsi que le mal-être et la solitude de Bud se ressent de manière touchante dans des moments anodins (le final où il n'a pas d'ami pour l'accompagner au cinéma), le jeune Leigh McCormack étant très attachant. Le spleen croise donc constamment la quiétude dans un environnement gardant constamment sa dimension fugace dans l'illustration qu'en fait Davies avec cette photo diaphane, ses ralentis délicats rattachés aux moments d'évasion (la fête foraine, la camera suivant la lumière du projecteur, en plongée au-dessus des spectateurs) ou de communion collective avec toujours cette omniprésence du chant et de figure récurrente de Distant Voices, Still Voices avec le couple d'amis bougons. La sublime dernière séquence voyant la nuit tomber voit donc cette longue journée s'achever, ce voyage/journey dans un glorieux passé arriver à son terme. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: Terence Davies

Message par Jeremy Fox »

Olivier Bitoun vous propose non seulement la chronique de The Terence Davies Trilogy et son DVD mais nous livre également un portrait du réalisateur.
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Profondo Rosso
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Re: Terence Davies

Message par Profondo Rosso »

Of Time and the City (2008)

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L'œuvre de Terence Davies s'était caractérisée par sa dimension nostalgique et autobiographique durant ses trois premiers films, les merveilleux The Terence Davies Trilogy (1984), Distant Voices, Still Lives (1988) et The Long Day Closes (1991). Le réalisateur s'était détaché de cette veine intime dans ses films suivants en privilégiant la transposition littéraire avec The Neon Bible (1996) et Chez les heureux du monde (2000) adaptés de John Kennedy Toole et Edith Wharton, sans parler dans la première tentative avortée d'adapter Sunset Song de Lewis Grassic Gibbon en 2005 avec Kirsten Dunst. Terence Davies renoue avec cette approche dans Of Time and the City mais en se renouvelant grandement. Distant Voices, Still Lives et The Long Day Closes notamment s'équilibraient entre situations autobiographiques et saine distance de la fiction avec une forme singulière traçant une véritable symphonie visuelle et narrative qui baignait l'ensemble dans cette chaleureuse nostalgie. Ici la distance se fera en optant pour le documentaire, l'intime se révélant par la voix-off de Terence Davies et la nostalgie passant par les nombreuses images d'archives dont l'agencement dictera l'émotion.

Of Time and the City est un véritable poème filmique célébrant Liverpool où Terence Davies dépeint les mutations (sociale, esthétique...) de la ville dans les vingt-huit premières années de sa vie jusqu'à son départ en 1973. La ville pauvre et sinistrée d'après-guerre se déploie dans une grisaille où Davies capture l'ennui et les échappées simples que sont la musique, le cinéma ou le football. La douceur et la nostalgie qui passaient par l'émerveillement et la communion des personnages (les fameux instants suspendus où l'on chantent le standards traditionnels anglais) se ressentent désormais par l'exaltation de la narration de Davies, entre aveux impudiques et déclamations poétiques (A Shropshire Lad de A. E. Housman qui ouvre le film, Ozymandias de Percy Shelley, Four Quartets de T.S. Eliot ou encore James Joyce...) sur fond d'archives explorant la ville, s'attardant sur les belles tranches de vie. L'aspect polyphonique et élégiaque typique de Davies ne s'estompe pas sous prétexte qu'il s'agit d'un documentaire et le travail sur l'image et l'ampleur apportée par l'utilisation de musique classique en font une œuvre stylisée s'éloignant d'un réalisme terre à terre. Tout ici confère à élever le souvenir, sans pour autant céder à une béatitude niaise pour ce passé. Davies délaisse la ferveur pour le fiel et l'ironie quand il se moque de la monarchie anglaise, la première incursion de la couleur concernant le fastueux couronnement d'Elizabeth II qui entrecoupe le noir et blanc des images de misère du peuple pour exprimer le fossé. Le rapport conflictuel à la religion se ressent également dans une captivante contradiction entre les vues majestueuses de la cathédrale de Liverpool (sur les envolées pieuses de la Symphonie nº 2 (Résurrection) de Mahler) traduisant la fascination de Davies enfant, tandis que son pendant adulte affirme sa méfiance sans totalement se délester de cet attrait initial.

L'émotion naît cependant lorsque Davies se livre de façon plus personnelle, sur sa famille, son homosexualité coupable dans cette société rétrograde (magnifique moment où il évoque son éveil sexuel devant le Victim de Basil Dearden avec Dirk Bogarde, lorsqu'un camarade qui l'attire pose sa main sur son épaule). Il s'amuse de son propre passéisme quand montre les premières images de l'hystérie Beatles, la festivité rock naissante jurant avec ses propos narrant sa passion naissante d'alors pour la musique classiques. Cette conscience d'être (et sans doute avoir toujours été) hors de son époque offre donc au spectateur une empathie bienveillante plutôt que l'agacement lorsque sur des vues biaisée (les barres d'immeubles sociaux, les commerces et parkings impersonnels) du Liverpool d'aujourd'hui sur lequel Davies se lamente. Où es-tu, le Liverpool que j'ai connu et aimé ? Où es-tu parti sans moi ? C'est la douleur d'un vieil homme face au temps qui passe, mais Davies atténue ce regard quand il s'attarde sur la ferveur ordinaire de la jeunesse un samedi soir, ce besoin de s'oublier et se divertir n'ayant pas d'âge. Le réalisateur a ainsi rendu profondément personnel ce qui était pourtant une commande des producteurs Solon Papadopoulos et Roy Boulter dans le cadre du programme " Liverpool Ville Européenne de la Culture 2008 ". Le travail sur les images d'archives est impressionnant, la multiplicité des sources (Pathé, la BBC et ITN, Conseil municipal de la ville et films de famille) contribuant au ton si singulier du film. Une des plus belles réussites de Terence Davies. 5/6
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Re: Terence Davies

Message par Duke Red »

A Quiet Passion (2017) : Fort peu de passion, même tranquille, dans cette évocation corsetée et assez emmerdifiante de la poétesse américaine Emily Dickinson, dont même les vers m'ont laissé de marbre. J'avais trouvé Sunset Song un brin ennuyeux mais au moins le réalisateur nous épargnait les dialogues surécrits à mort et l'interprétation théâtrale, contrairement à ici, et se rattrapait par une séquence finale puissamment mélancolique. Je comprends que la dame n'ait pas eu une vie particulièrement folichonne mais on dirait presque par moments un sinistre téléfilm à costumes de la BBC...
"On est juste une bande de glands qui n'a rien trouvé de mieux à faire de sa vie." (Colqhoun)
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Re: Terence Davies

Message par Chapichapo »

De la veine de "House of Mirth" et de "The deep blue sea", un très grand Davies.
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Re: Terence Davies

Message par Supfiction »

Le BR de SUNSET SONG revient à 5 euros pour qui se concocte une opé amazon 60=30.
https://www.amazon.fr/gp/product/B01FUB ... NB96&psc=1
Ça fait un moment que ce film m’attire. Pas vu de retour sur classik à propos de ce film.
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Re: Terence Davies

Message par -Kaonashi- »

Supfiction a écrit :Le BR de SUNSET SONG revient à 5 euros pour qui se concocte une opé amazon 60=30.
https://www.amazon.fr/gp/product/B01FUB ... NB96&psc=1
Ça fait un moment que ce film m’attire. Pas vu de retour sur classik à propos de ce film.
J'ai le Br depuis un an, j'avais très envie de le voir à l'époque, mais je n'ai toujours pas sauté le pas... :oops:
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Re: Terence Davies

Message par Profondo Rosso »

Supfiction a écrit :Le BR de SUNSET SONG revient à 5 euros pour qui se concocte une opé amazon 60=30.
https://www.amazon.fr/gp/product/B01FUB ... NB96&psc=1
Ça fait un moment que ce film m’attire. Pas vu de retour sur classik à propos de ce film.
Pourtant le topic existe :wink: http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... g#p2554884
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Supfiction
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Re: Terence Davies

Message par Supfiction »

Profondo Rosso a écrit :
Supfiction a écrit :Le BR de SUNSET SONG revient à 5 euros pour qui se concocte une opé amazon 60=30.
https://www.amazon.fr/gp/product/B01FUB ... NB96&psc=1
Ça fait un moment que ce film m’attire. Pas vu de retour sur classik à propos de ce film.
Pourtant le topic existe :wink: http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... g#p2554884
Merci. Quand on fait une recherche avec la barre, le topic ne remonte pas.
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