Slumdog Millionaire (Danny Boyle - 2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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LéoL
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Slumdog Millionaire (Danny Boyle - 2008)

Message par LéoL »

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Slumdog Millionaire de Dany Boyle
Jamal Malik, 18 ans, orphelin vivant dans les taudis de Mumbai, est sur le point de remporter la somme colossale de 20 millions de roupies lors de la version indienne de l'émission Qui veut gagner des millions ? Il n'est plus qu'à une question de la victoire lorsque la police l'arrête sur un soupçon de tricherie.
Sommé de justifier ses bonnes réponses, Jamal explique d'où lui viennent ses connaissances et raconte sa vie dans la rue, ses histoires de famille et même celle de cette fille dont il est tombé amoureux et qu'il a perdue.
Mais comment ce jeune homme est-il parvenu en finale d'une émission de télévision ? La réponse ne fait pas partie du jeu, mais elle est passionnante.



Le début d'année 2009 promet d'être de très bonne qualité si The Wrestler, Gran Torino, Benjamin Button et les autres atteignent au moins le niveau de ce magnifique film qu'est Slumdog Millionaire. Tout y est réussi, de l'histoire de ce jeune garçon qui se révèle au fur et à mesure des questions de Who wants to be a millionaire au portrait éblouissant de l'Inde d'aujourd'hui entre son extrême pauvreté et son expansion économique fulgurante. La mise en scène de Danny Boyle, irréprochable, se marrie à une photographie à couper le souffle qui révèle toute la beauté de l'Inde jusque dans sa misère la plus extrême. Les acteurs, à commencer par les enfants, sont tout simplement admirables et parachèvent ce qui, je l'espère, sera un succès amplement mérité. Danny Boyle signe ici un très bon film (hormis 28 jours plus tard que j'avais apprécié sans être fan du genre je ne connais pas sa filmographie) et me confirme donc son talent (je pense que ce sera aussi le cas pour ceux qui le connaissent mieux). Je ne peux que vous inviter à le découvrir le plus tôt possible.
Dernière modification par LéoL le 6 janv. 09, 12:34, modifié 1 fois.
Jordan White
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par Jordan White »

Le film a déjà reçu pas mal de récompenses.
Satellite Awards pour Meilleur film, réal et musique (signée AR Rahman).
Le très grand acteur Anil Kapoor interprète le rôle du présentateur.
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Nicolas Mag
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par Nicolas Mag »

j'osais pas faire le topic car j'ai pas encore vu le film mais je l'attends impatiemment
faut dire que je suis un inconditionnel de danny boyle, j'ai tout aimé de lui de petits meutres entres amis à sunshine, bizarrement celui que j'ai le moins aimé c'etait trainspotting pourtant considéré comme le meilleur mais je ne l'ai vu qu'une fois en 95 et j'etais peut être passé à coté mais sinon j'aime tout au point d'aimer enormément la plage
Art Core
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par Art Core »

J'aime beaucoup le début avec les gamins car le rythme est incroyable et les petites scénettes fonctionnent très bien sur le mode Oliver Twist mais par la suite tout s'effondre assez brutalement. Que ce soit la love-story improbable (l'actrice a un physique bonasse qui ne cadre pas terrible avec le jeunisme béat de Jamal) et tout le reste (sous-intrigue mafia bidon et les tergiversations autour du jeu qui deviennent un peu lourdes). Et c'est pas le générique final en forme de tentative fédératrice ridicule et puérile qui viendra arranger les choses.
Et plus j'y pense et plus je trouve que le film a un côté assez malaisant. Un anglais vient faire un film en Inde pour en montrer les côtés les plus crades et les plus bas. On se demande un peu quelle est sa légitimité, qu'est-ce qui justifie tout ça. Si on ajoute à ça beaucoup de choses un peu indélicates : le comportement des flics indiens :shock: , le fait que l'émission soit intégralement en anglais, que les personnages parlent d'abord indien puis soudain anglais sans raison et une réplique qui m'a paru totalement dégueulasse (j'ai pas réussi à savoir si c'était ironique), quand la touriste répond à l'enfant, qui lui dit qu'il lui a montré l'Inde, qu'elle va lui montrer ce qu'est l'Amérique en lui refilant un billet de 100 $. D'ailleurs le rapport à l'argent est assez gênant également. Car le film fait de la victoire de Jamal dans le jeu, l'enjeu important. Ce n'est pas une victoire dans un sport, une réussite personnelle aboutie suite à un travail mais le fait que le personnage va se mettre 20 Millions de Roupies dans les poches. C'est ça qui va galvaniser la foule. L'argent.
Bref c'est un film un peu étrange qui vieillit déjà très mal puisque derrière son histoire naïve et sa success story incroyable il y a quelque chose d'un peu indécent, d'un peu dégueulasse. Et aujourd'hui c'est ça qui me reste dans la bouche. Et c'est pas les ralentis hideux de Boyle (les mêmes qu'il utilise depuis dix ans) qui vont me convaincre du contraire.
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AtCloseRange
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par AtCloseRange »

C'est bizarre, la bande annonce du film me fait extrêmement peur et ne cadre pas du tout avec la réputation très flatteuse du film. En la voyant, j'ai l'impression d'avoir affaire à Goal 3 avec un côté extrêmement carte postale.
J'ai beaucoup aimé Sunshine mais celui-là m'inquiète un peu et ton compte-rendu me rend encore plus méfiant.
LéoL
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par LéoL »

Art Core a écrit :J'aime beaucoup le début avec les gamins car le rythme est incroyable et les petites scénettes fonctionnent très bien sur le mode Oliver Twist mais par la suite tout s'effondre assez brutalement. Que ce soit la love-story improbable (l'actrice a un physique bonasse qui ne cadre pas terrible avec le jeunisme béat de Jamal) et tout le reste (sous-intrigue mafia bidon et les tergiversations autour du jeu qui deviennent un peu lourdes).
Je ne trouve pas la love-story improbable, après tout ce sont les retrouvailles de plusieurs années de séparation après une enfance et un début d'adolescence que les deux gosses ont vécu ensemble et dont les dificultés n'ont fait que rapprocher. Ce n'est pas juste d'attaquer ce point là je trouve (quand au a priori sur le physique, ce n'est pas parce que l'on voit partout que les "bonnasses" sont avec les "beaux gosses" que l'inverse n'est pas possible, surtout ici où franchement on ne peut pas dire que les relations entre les deux jeunes ne sont pas abordées en profondeur au préalable).
La sous-intrigue mafia est certes peut-être un peu facile, cependant elle me semble être totalement en accord avec la personnalité du frère de Jamal (j'ai oublié son nom). Toute son enfance et son caractère préparent en quelque sorte à un tel destin et il ne m'a pas semblé improbable de le voir "dans le métier". Encore une fois ca ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe.
Toutes les tergiversations autour du jeu m'ont semblé accentuer l'effet dramatique du film, et ne jamais faire retomber la pression ou la tension latente. Elles ne m'ont donc pas paru lourdes au contraire.
Art Core a écrit :Et c'est pas le générique final en forme de tentative fédératrice ridicule et puérile qui viendra arranger les choses.
J'ai plus pris ca comme un clin d'oeil au production Bollywood qu'autre chose, et un peu à prendre à part avec le reste du film, comme un bonus sympa.
Art Core a écrit :Et plus j'y pense et plus je trouve que le film a un côté assez malaisant. Un anglais vient faire un film en Inde pour en montrer les côtés les plus crades et les plus bas. On se demande un peu quelle est sa légitimité, qu'est-ce qui justifie tout ça. Si on ajoute à ça beaucoup de choses un peu indélicates : le comportement des flics indiens :shock: , le fait que l'émission soit intégralement en anglais, que les personnages parlent d'abord indien puis soudain anglais sans raison et une réplique qui m'a paru totalement dégueulasse (j'ai pas réussi à savoir si c'était ironique), quand la touriste répond à l'enfant, qui lui dit qu'il lui a montré l'Inde, qu'elle va lui montrer ce qu'est l'Amérique en lui refilant un billet de 100 $. D'ailleurs le rapport à l'argent est assez gênant également. Car le film fait de la victoire de Jamal dans le jeu, l'enjeu important. Ce n'est pas une victoire dans un sport, une réussite personnelle aboutie suite à un travail mais le fait que le personnage va se mettre 20 Millions de Roupies dans les poches. C'est ça qui va galvaniser la foule. L'argent.
Bref c'est un film un peu étrange qui vieillit déjà très mal puisque derrière son histoire naïve et sa success story incroyable il y a quelque chose d'un peu indécent, d'un peu dégueulasse. Et aujourd'hui c'est ça qui me reste dans la bouche. Et c'est pas les ralentis hideux de Boyle (les mêmes qu'il utilise depuis dix ans) qui vont me convaincre du contraire.
Je ne sais pas quelle légitimité Danny Boyle a pour réaliser ce film, ni même qui ont été ses collaborateurs (la co-réalisatrice est indienne semble t'il mais je n'en tire pas de conclusions), mais il me semble qu'il évite tout de même toute condescendance envers les Indiens, ne se permet pas de porter de jugements personnels sur le peuple et la culture indienne mais au contraire me semble montrer très justement les inégalités, la pauvreté, les contradictions d'un pays qui existent dans un pays en pleine expansion économique d'un milliard et demi d'habitants. Mais de toute façon, il s'agit avant tout d'une histoire d'amour et d'une aventure extraordinaire dont l'Inde n'est que la toile de fond (dont la misère contrebalance le résultat du jeu télévisé à savoir de l'argent "facile" et qui n'est bien évidement pas la solution).
De plus, je trouve que le jeu rassemble les foules plus sur la personne de Jamal que sur l'argent. Les foules voient un enfant, d'un trou paumé et pauvre atteindre l'impossible, et cela sucite bien plus la fascination et l'enchantement que la convoitise ou l'envie. J'ai clairement l'impression qu'il le félicite à la fin plutôt que l'envier ou le haïr pour son succès. Dans une société de classes, cela me semble totalement crédible et porte plutôt un message de tolérance et d'ouverture.
Je n'y vois donc rien de dégueulasse et d'indécent, au contraire.
Jordan White
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par Jordan White »

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Je ne sais pas ce que vaut le film, mais en ce qui concerne la BO (récemment récompensée par plusieurs prix dont le Golden Globe), je la trouve écoutable mais très loin d'être renversante. La patte Rahman est parfois là, présente sur trois morceaux très atypiques, alors que le reste me parait nettemment en deça, en plus des instrumentaux qui sont sympas sans être oubliables. L'album a un côté fourre-tout qui fait sa (petite) force et sa faiblesse : il y a un côté boîte de nuit occidentale, très branché pour le coup, avec un mixage puissant. L'aspect plus négatif c'est que ça sonne justement très électronique, du coup un peu froid, voire par moments totalement dénué d'émotions, tout en jouant sur une fibre électro très prononcée qui plait justement à ce même public occidental qui peut ne pas entrer dans un disque à la tonalité plus traditionnelle à base de tablas et dhols, instruments ici quasiment délaissés au profit de beats nerveux. Lesquels parfois prennent le pas sur certaines mélodies.

On peut difficilement taire la collaboration avec M.I.A, artiste tamoule ( comme AR Rahman) qui a sorti il y a quelques temps un album de rap engagé avec des titres devenus des classiques du hip hop indien, comme Paper Planes et sa lancinante ligne de basse et sa stridente boucle de guitare électrique. 7swans m'avait filé un lien vers le clip et repris dans le contexte de Slumdog Millionnaire (les taudis et la criminalité des gosses, trafics organisés dans les bidonvilles de Mumbai) ça sonne très urbain, très roots dans l'âme. AR Rahman reprend donc la chanson qui a fait connaître et en tout cas populariser davantage MIA avec son Paper Planes au flow élastique et au beat massif. C'est un des meilleurs titres de la BO de Slumdog Millionnaire alors qu'elle a peu à voir avec une musicalité indienne classique. Ca pourrait parfaitement sortir sur un disque de Mary G Blige. MIA est une artiste vidéaste, qui a fait de la vidéo un de ses principaux moyens d'expression. Ca a collé entre les deux artistes en tout cas.

Il y a quelques bonnes choses sur la BO de Slumdog Millionnaire, l'intro nerveuse, tendue avec O Saya chanté par AR Rahman lui-même, avec des bruits de bottes, une tension qui va crescendo, des percussions qui prennent le pas par rapport aux instruments à cordes. On peut entendre des cris d'enfants, des clapotements, et le morceau a quelque chose à voir avec la troupe Stomp avec une griffe virtuose propre à Rahman, lequel cependant ne semble jamais donner véritablement le meilleur de lui-même, comme s'il réalisait une simple oeuvre de commande. Le titre Ringa Ringa, qui commence comme un bhangra, le morceau le plus traditionnel du disque, ses quasi seules touches en fait, avec flute de pan, et la voix d'Alka Yagnik (doubleuse de Kajol dans les 90's) est agréable et se réécoute sans mal et sans lassitude. On pense aussi aux productions de la même époque d'AR Rahman, à Taal en particulier. Le titre qui fait le plus bande originale de film hindi alors qu'il s'agit bien d'une production anglaise.

Liquid Dance utilise lui aussi la boucle sonore comme base rythmique. Ce n'est pas la chanson la plus accessible de l'album. Ca devient même franchement lourd et répétitif après une minute dix d'écoute.

La chanson la plus abordable, capable de rassembler, reste Jai Ho, chantée par Sukhwinder Singh. Le travail sur le rythme et la progression de ce dernier jusqu'au refrain (après un premier couplet linéaire) est concluant. Le refrain est vraiment emballant, facilement à retenir, et donc aisément exportable. C'est d'ailleurs ce qui semble le plus évident sur cette BO : elle fait musique du monde, parsemée de petites touches, intonations très indiennes dans l'esprit tout en étant ouverte sur l'occident. Non sans une certaine lourdeur.

Pour les morceaux les moins aimables, il y a quelques titres qui ne passent pas ou très difficilement : Millionnaire, Gangsta Blues (limite insupportable) et Dreams on fire, qui ressemble à la seule chanson ratée de Lagaan, elle aussi chantée en anglais. Et l'intérêt mineur de mettre Aaj Ki Raat sur la BO, alors que ce morceau a été composé par Shankar/Ehsaan/Loy pour Don the chase begins, réalisé par Farhan Akhtar en 2006

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La BO est en écoute ici :
http://www.apunkabollywood.net/browser/ ... 0;2008)
Dernière modification par Jordan White le 13 janv. 09, 20:29, modifié 1 fois.
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Karras
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par Karras »

Jordan White a écrit : La BO est en écoute ici :
http://www.apunkabollywood.net/browser/ ... 0;2008)[/justify]
ou ici : http://www.deezer.com/#music/album/262643
7swans
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par 7swans »

Jordan White a écrit : On peut difficilement taire la collaboration avec M.I.A, artiste tamoule ( comme AR Rahman) qui a sorti il y a quelques temps un album de rap engagé avec des titres devenus des classiques du hip hop indien, comme Paper Planes et sa lancinante ligne de basse et sa stridente boucle de guitare électrique. 7swans m'avait filé un lien vers le clip
Effectivement, j'aime beaucoup cette chanson, Paper Plane de M.I.A, qui avait été utilisé pour la Bande Annonce de Pineapple Express :

BA :


Le clip :
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par frédéric »

Danny Boyle surprend et étonne surtout après la grosse machine SF de Sunshine pour un film que l'on voit rarement en Europe. Une histoire touchante et juste servie par de formidables interprètes, mais dont certaines scènes assez dures auraient pût être évités et faut s'accrocher quand même à un montage très spécial. Beaucoup aimé pour ma part donc, à voir pour voir quelque chose de différent.
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par Jack Griffin »

LéoL a écrit : Je ne sais pas quelle légitimité Danny Boyle a pour réaliser ce film, ni même qui ont été ses collaborateurs (la co-réalisatrice est indienne semble t'il mais je n'en tire pas de conclusions),
Adapté un bouquin indien qui s'est bien vendu un peu partout
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par nobody smith »

Toujours du mal à savoir par quel bout il faut prendre la naïveté de Boyle dès qu’il parle d’argent. Sans forcément être aussi catégorique que dans certaines de ses œuvres précédentes (le happy end est à mon sens beaucoup moins dérangeant que le final moralisateur de petits meurtres entre amis), les intentions de Boyle restent assez impénétrables par rapport à cette collection de personnages caricaturaux obsédés par le fric (et son pouvoir) gravitant autour d’un héros innocent comme tout. Heureusement qu’à côté de Boyle le supposé candide, il reste toujours Boyle le formaliste survolté. Désireux d’en donner aux spectateurs pour ses sous avec un budget pas forcément énorme, Boyle multiplie les effets de styles accrocheurs. Mise en scène vivifiante, BO jubilatoire, couleurs chatoyantes... pas le temps de s’emmerder devant l’énergie de la chose. Dommage que son trop plein de bonne volonté provoque quelques cafouillages notamment du point de vu de la narration entre lourdeur (le troisième axe narratif dans le commissariat n’est pas d’une grande utilité) et exploitation relative de son gimmick (les questions n’ont parfois qu’un rapport lointain avec les flashbacks). Malgré mes réserves, je ressors pourtant avec une bonne impression sur ce conte moderne qui méritera bien un approfondissement en DVD.
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cinephage
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par cinephage »

nobody smith a écrit :Toujours du mal à savoir par quel bout il faut prendre la naïveté de Boyle dès qu’il parle d’argent.
Par le mauvais bout, je le crains... Bien souvent, dans ses films, l'argent semble faire le bonheur.

Mais c'est à mes yeux le moindre des défauts de ce récit dont le postulat de base est bien difficile à gober
Spoiler (cliquez pour afficher)
(chacune des questions du jeu qu'a gagné le héros se rapporte à une étape de son parcours chaotique. Un véritable questionnaire sur mesure, en somme, soit un sacré coup de pot ! Un parcours qu'il raconte au policier éberlué, mais bien compréhensif quoiqu'un peu arriéré (après un coup de gégène, il le laisse raconter sa vie, en marquant un "ho !" d'ébahissement à chaque chapitre), et qui nous est donc ainsi compté en flashback. Comment il abandonne une gamine, puis, quelques années plus tard, revient la chercher, pour l'abandonner à son frère, puis, quelques années plus tard encore, revient la chercher une nouvelle fois (on a du mal à imaginer qu'il ne l'abandonne pas à nouveau une fois qu'il l'aura avec lui), histoire de multiplier les séparations déchirantes (mais toujours par sa faute), et les retrouvailles émouvantes (quoiqu'improbables).
Le film renoue avec le style surchargé de Boyle, plans courts, souvent beaux, jamais aboutis, mouvements de caméra brusques, montage jump et pas très justifié, sinon pour marquer le rythme. On ne saura pas si les comédiens sont bons, on n'en verra aucun dans un plan de durée supérieure à 3 secondes. L'Inde semble tirée d'une carte postale, loin de la reconstruction fantasmatique d'un Wes Anderson, on a plutôt les clichés pesants (même si, comme tous les clichés, ils s'appuient sur une base authentique, faut-il pour autant tous nous les asséner ??).
Le coté Bollywood pour les nuls m'a un peu dérangé (musique certifiée indienne, mais juste ce qu'il faut, mixé avec des rythmes bien occidentaux, R'n'b technoïde et boites à rythme dansants), comme dans l'étrange chorégraphie finale, qui ne présente aucun enjeu chorégraphique (la masse se tourne sur le coté et tape dans ses mains), là encore une version appauvrie des somptueuses danses des films indiens.

Bref, si l'on ajoute le manque total de suspense, la faible crédibilité de l'histoire d'amour : à aucun moment il n'y a d'échange entre eux, ils ne font que se croiser, et elle ne semble pas très intéressée par lui, en revanche obsédé récurrent (une fois tous les 4 ans), du coup leur couple ne fait pas rêver. Tout au plus le suit-elle pour échapper à son statut. Le peu de personnages intéressants, les références douteuses au crime organisé (bien mal organisé, il faut dire, puisqu'un gamin de 15 ans y fait la loi au point qu'on se demande pourquoi les autres se laissent exploiter), le montage aléatoire et le récit, qui nous demande d'avaler une énorme coincidence comme base de l'histoire, Slumdog Millionnaire est un film qui vaut plus pour ses intentions que pour son résultat.

Car louable est l'envie de raconter la vie des bidonvilles, d'unir l'Inde et l'Angleterre par un récit qui les rapproche, de familiariser l'occident avec cette merveille colorée et musicale qu'est le cinéma indien. Même si je n'aime pas ce film, je reste entousiasmé par sa démarche, et l'accueil du film me semble plus s'y attacher qu'au film proprement dit.
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LéoL
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par LéoL »

C'est étonnant la manière dont vous abordez ce film.
C'est un véritable conte de fée, magique, naïf, enchanteur autour d'une histoire improbable et d'une romance exaltée. C'est beau, c'est fascinant, c'est coloré et c'est forcément exagéré. Que tout soit excessif ne pose pas de problèmes si l'on décide de prendre part à cette fable moderne et à son univers si particulier. La mise en scène de Boyle me semble en totale adéquation avec cette idée, elle donne du punch, du dynamisme et correspond à l'un des caractères de l'Inde d'aujourd'hui. Il est fort probable que dans l'exubérance Boyle ait commit quelques erreurs ou maladresses. Mais dans l'ensemble, il réussit quelque chose de cohérent et de réellement envoutant. J'ai marché à fond.
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cinephage
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Re: Slumdog Millionaire (Danny Boyle, 2009)

Message par cinephage »

LéoL a écrit :C'est un véritable conte de fée, magique, naïf, enchanteur autour d'une histoire improbable et d'une romance exaltée.
Franchement, j'aurais préféré aimer le film. Mais j'ai du mal à voir le coté conte de fée, pour deux principales raisons.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Le premier, c'est le coté craspec, réalité sociale (ça commence par des policiers qui passent à tabac un suspect), les bidonvilles, tout cela est mis en valeur... J'ai du mal à y voir un objet à fantasmagorie merveilleuse, parce que ce n'est pas un pays imaginaire, mais un pays réel, dans lequel ces faits sont pour certains une réalité. Ca ne me fait pas fantasmer ni rêver, la misère humaine... Ou alors il faut mieux la travestir...
Le second, c'est l'histoire d'amour, qui ne marche pas pour moi. Pourquoi la laisse-t-il partir chaque fois avec une telle faculté à renoncer ?? Pourquoi se réveille-t-il des années plus tard, et ça devient une véritable obsession, c'est vital pour lui... Pourquoi avoir tant attendu ?? Pourquoi baisser les bras comme ça ? Par ailleurs, elle n'a pas l'air du tout intéressée par lui, sauf quand il se présente en porte de sortie pour sa condition de femme exploitée (dans laquelle elle semble se remettre d'elle-même dès qu'il n'est plus là)... Enfin, on ne les a jamais vu s'aimer, se séduire, il n'existe aucun liant qui donne corps à cet amour que tout semble nier.
Cela dit, tu es loin d'être le seul à avoir aimé ce film, et je reconnais ne pas avoir grand goût pour les enchassements frénétiques (sur fond de musique electronique, toujours) de la mise en scène de Boyle, donc à la base, son style me gêne.
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