Quelques séquences - flaneries cinéphagiques (index p.1)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

suspiria
Assistant(e) machine à café
Messages : 142
Inscription : 10 mars 06, 21:32
Liste DVD

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par suspiria »

suspiria a écrit :Tu devrais voir The Prestige, ça te plairait :wink:
cinephage a écrit :Il dort dans ma dvdthèque
Je sais. :evil:
cinephage a écrit :je vais le reveiller.
Et vite! :twisted:
Fatalitas a écrit :je me demande le nombre de dvd qui dorment dans ta dvdtheque, ça doit etre impressionnant :mrgreen:
Il y a un topic qui traine à ce sujet là... si tu veux réellement te faire du mal :uhuh:
"l'abîme aussi te regarde"

My collection
Aragorn Elessar
Accessoiriste
Messages : 1954
Inscription : 17 avr. 06, 13:18

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par Aragorn Elessar »

cinephage a écrit :
suspiria a écrit :Tu devrais voir The Prestige, ça te plairait :wink:
Il dort dans ma dvdthèque, je vais le reveiller.
C'est scandaleux.
Image
Si la vie réelle est un chaos, en revanche une terrible logique gouverne l'imagination.
Ôtez le mensonge vital à un homme moyen, vous lui ôtez le bonheur, du même élan.
Fatalitas
Bête de zen
Messages : 38662
Inscription : 12 avr. 03, 21:58

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par Fatalitas »

suspiria a écrit :
suspiria a écrit :Tu devrais voir The Prestige, ça te plairait :wink:
cinephage a écrit :Il dort dans ma dvdthèque
Je sais. :evil:
cinephage a écrit :je vais le reveiller.
Et vite! :twisted:
Fatalitas a écrit :je me demande le nombre de dvd qui dorment dans ta dvdtheque, ça doit etre impressionnant :mrgreen:
Il y a un topic qui traine à ce sujet là... si tu veux réellement te faire du mal :uhuh:
et si je veux agoniser, je regarde celle de bruce randylan :mrgreen:
Image
homerwell
Assistant opérateur
Messages : 2502
Inscription : 12 mars 06, 09:57

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par homerwell »

ARAGORN elessar a écrit :
cinephage a écrit :
Il dort dans ma dvdthèque, je vais le reveiller.
C'est scandaleux.
Ha bon, il est bien ce film, vous parlez bien de celui de Nolan ! je passe commande... 8)
suspiria
Assistant(e) machine à café
Messages : 142
Inscription : 10 mars 06, 21:32
Liste DVD

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par suspiria »

ARAGORN elessar a écrit :
cinephage a écrit :Il dort dans ma dvdthèque, je vais le reveiller.
C'est scandaleux.
C'est bien plus que ça...
homerwell a écrit :Ha bon, il est bien ce film, vous parlez bien de celui de Nolan ! je passe commande... 8)
Un film avec David Bowie est toujours bien.
"l'abîme aussi te regarde"

My collection
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23872
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par cinephage »

Mardi 7 octobre, La bataille de la planète des singes, de Jack-Lee Thompson (1973)

Extrait choisi : La salle des archives (chap.6)

Triste hasard de la programmation, qui me fait choisir ce film, que je n'aurais pas revu autrement, car La bataille de la planète des singes reste pour moi le plus insignifiant opus de la série. La mise en scène de Thompson vaut par moments, pour son énergie, mais reste peu inventive et se limite souvent à un découpage appliqué. Si on est content de retrouver le héros de la Conquête de la planète des singes, le film précédent, c'est bien le seul point commun : alors que le précédent opus posait des postulats audaciaux et inventifs, sur l'exploitation des singes par les hommes, sur la disparition des animaux domestiques, des cirques, sur une société déshumanisée, ce film-ci se contente d'aligner des clichés hippies de bien peu d'intérêt (sans parler qu'il est invraisemblable qu'une telle société singe se batisse aussi vite après le soulèvement du précédent opus... Quelques générations auraient logiquement dû s'intercaler).

Dans l'extrait choisi, on assiste à une incursion de la communauté de César, menée par lui, dans le sous-sol de la ville, encore occupé par les humains en cours de transformation en mutants, radioactivité oblige. Ils sont dans la salle des archives, et déterrent les minutes de l'enquête par le grand jury concernant Cornélius et Zira. César s'excite, il découvre ses parents. Il apprend aussi qu'en 3950, les gorilles seront responsables de la destruction de la Terre (alors qu'il était jusque là persuadé que les singes étaient moins violents que les hommes). Pendant ce temps, les mutants, avertis de l'intrusion, suivent le parcours de la petite troupe dans leur territoire, aidés par des caméras. Ils lancent l'alerte, et envoient des troupes dans la salle des archives, avec pour ordre d'arrêter les intrus, mais de les épargner pour interrogatoire. Menés par Virgil, le bon humain pacifique, la troupe parvient à se faufiler entre les gardes mutants (en termes de mise en scène, le traitement de cet aspect est nul : un montage parallèle nous fait suivre alternativement des gardes progressant dans les sous-sols, puis nos héros s'avançant furtivement dans les couloirs. Les progressions des uns et des autres ne se coupant pas, le spectateur n'ayant aucune disposition des lieux en têtes. A l'exception d'une progression contraire (les "gentils" vont de gauche à droite, les gardes de droite à gauche), rien ne nous renseigne, et on ne comprend pas que les uns passent la vigilance des autres, jusqu'à ce qu'une alerte soit donnée ('ils sont parvenus à sortir en évitant nos gardes. Tirez à vue !!").

Le découpage défaillant de la séquence est patent : si l'on ajoute à cela un rythme médiocre (plans longuets sur les mutants approchants ou les héros courant dans les coursives...), ça n'arrange pas la séquence. Mais des dialogues encore plus faibles viennent corser l'affaire. Lorsque le chef mutant annonce "s'ils résistent, tuez-les", son sbire/ministre/conseiller intervient, l'air alarmé :"si vous tuez un singe, ce sera la première fois en 12 ans que le sang coule entre nos deux civilisations". Et son chef de lui répliquer, l'air amusé : "Oui, c'était bien ennuyant, n'est-ce pas ?". :roll:

L'inconséquence et la méchanceté matinée de bêtise des mutants pourraient, par indulgence envers les scénaristes, être mises sur le dos de l'effet des radiations. Mais une minute plus tard, on est à nouveau consterné : lorsque les héros découvrent qu'ils sont observés, en constatant que la caméra dans la pièce où ils se trouvent bouge (ils sont vraiment pas doués, les mutants), ils la brisent. Le mutant chargé de l'observation signale la chose à son chef : "chef, la caméra de la salle machin ne fonctionne plus". Le chef, qui semble pourtant superviser les opérations, n'a pas l'air bien concerné... "Ne me dérangez pas avec vos problèmes de maintenance, enfin". "Mais chef, ce n'est pas un problème de maintenance, ce sont les intrus qui ont cassé la caméra". "Hein, quoi ? Mais alors, ils savent que nous les observons. A l'attaque !!".

Blague à part, cette séquence révèle sans doute les failles qui contribuent faire de ce film le plus faible de la saga, à mes yeux (un second rôle réussi, celui qui tient l'armurerie, et une séquence de bataille sont les seuls "bons" moments du film). Elle fait également apparaître un détail qui m'a toujours troublé dans la saga : en mettant la violence (et la fin du monde) sur le dos des gorilles, on adopte, quelque part une vision très eugéniste de la société des singes (une structure présente dès le début de la saga, dans le premier film, mais véritablement développée dans cet opus, sans doute par facilité), chacun se définit dans la société par sa race (gorille soldat violent, idiot et bagarreur, chimpanzé futé et manuel, mais avec un grand esprit pratique, orang-outans sages et intellectuels). Ce partage de la société, s'il permet d'ajouter à la satire du monde contemporain (les gorilles étant "les militaires", souvent à blamer dans les récits de fin du monde, surtout en cette période contestataire, les autres les civils ou les scientifiques, découpage social qu'on retrouvera chez Romero, mais de façon plus cohérente dans l'économie de son film), atténue d'autant la portée morale de la fable : les successeurs de l'humanité, les singes, auraient continué à vivre en paix s'il n'y avait eu les méchants gorilles belliqueux. Un point de vue qui ne me plait pas outre mesure, je préférais l'option du premier opus, où toute la société simienne portait son hypocrisie et son aveuglement, la violence étant dès lors un attribut propre à toute civilisation cherchant à se préserver du changement.

Epilogue dispensable à une jolie saga, la bataille de la planète des singes ouvrait peut-être aussi la voie à la série télé, que j'avoue très mal connaître.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
bruce randylan
Mogul
Messages : 11652
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par bruce randylan »

Fatalitas a écrit :
Fatalitas a écrit :Il y a un topic qui traine à ce sujet là... si tu veux réellement te faire du mal :uhuh:
et si je veux agoniser, je regarde celle de bruce randylan :mrgreen:
:mrgreen:
Si ça peux te rassure, la liste a encore augmenté pour se situer vers les 1350 :fiou:

Bon, pour en revenir au principe du topic, c'est une idée que j'aime beaucoup et les interventions de Cinéphage sont toujours agréable à lire. C'est quelque chose que j'aimerais bien faire de temps en temps mais quand je vois le temps passer à écrire de genre d'avis, je me dit que j'aurai eut le temps de voire un film. :lol:
Et puis bon, j'ai bien assez de cartoon, court-métrage et série TV qui me serve de bouche trous
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23872
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par cinephage »

bruce randylan a écrit :Et puis bon, j'ai bien assez de cartoon, court-métrage et série TV qui me serve de bouche trous
Je regarde par ailleurs la deuxième saison des shadoks, épisode par épisode (beaucoup moins inventive que la première, malgré la merveilleuse voix de Claude Pieplu).

Mais le matin, avant de partir au boulot, c'est un p'tit extrait de film pour me le raconter dans la tête (ou le partager sur le forum, c'est toujours sympa d'avoir un retour) toute la journée, sinon rien... Il y aura sans doute des jours où je n'aurai pas le temps de poster ma petite bafouille, mais pour le moment je tiens le choc, et c'est pas désagréable. :wink:
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par julien »

cinephage a écrit :Epilogue dispensable à une jolie saga, la bataille de la planète des singes ouvrait peut-être aussi la voie à la série télé, que j'avoue très mal connaître.
Tu ne perds rien, parce que c'est encore plus nase. (A part la sublime partition de Lalo Schifrin). D'ailleurs la série n'a même pas marché commercialement. Elle s'est arrêtée au bout de 14 épisodes.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23872
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par cinephage »

julien a écrit :
cinephage a écrit :Epilogue dispensable à une jolie saga, la bataille de la planète des singes ouvrait peut-être aussi la voie à la série télé, que j'avoue très mal connaître.
Tu ne perds rien, parce que c'est encore plus nase. (A part la sublime partition de Lalo Schifrin). D'ailleurs la série n'a même pas marché commercialement. Elle s'est arrêtée au bout de 14 épisodes.
Je n'en avais vu qu'un épisode, qui m'avait passablement ennuyé... Du coup, j'ai soigneusement évité d'en voir un autre. En revanche, je vais tenter de mettre la main sur la BO (j'aime bien Schifrin).
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par julien »

cinephage a écrit :je vais tenter de mettre la main sur la BO (j'aime bien Schifrin).
Bonne chance, parce que le cd est vraiment rare et c'est assez différent du Schifrin que l'on connait. Ici point de jazz ou de lounge. C'est plus impressionniste comme musique, parfois atonal, dans l'esprit de la partition originale de Goldsmith pour La Planète des Singe. Donc si tu a bien apprécié cette bo tu devrais certainement aimer.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23872
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par cinephage »

julien a écrit :
cinephage a écrit :je vais tenter de mettre la main sur la BO (j'aime bien Schifrin).
Bonne chance, parce que le cd est vraiment rare et c'est assez différent du Schifrin que l'on connait. Ici point de jazz ou de lounge. C'est plus impressionniste comme musique, parfois atonal, dans l'esprit de la partition originale de Goldsmith pour La Planète des Singe. Donc si tu a bien apprécié cette bo tu devrais sans doute aimer.
J'aime énormément la BO de Goldsmith (qui a ponctué plus d'une partie de jeu de rôle, en mon temps)... Elle est ample, sauvage, il y a beaucoup de cuivres, de percussions... Elle établit une sacrée ambiance. C'est un registre plus inattendu de la part de Schifrin. Si l'occasion se présente, je serais curieux d'entendre ça.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par julien »

cinephage a écrit :J'aime énormément la BO de Goldsmith (qui a ponctué plus d'une partie de jeu de rôle, en mon temps)... Elle est ample, sauvage, il y a beaucoup de cuivres, de percussions... Elle établit une sacrée ambiance. C'est un registre plus inattendu de la part de Schifrin. Si l'occasion se présente, je serais curieux d'entendre ça.
Schifrin a fait également d'autres compositions dans cet esprit comme la musique étonnante du documentaire animalier de science-fiction, The Hellstrom Chronicle. Sinon, si tu ne trouve pas le score de Planet of the Apes, je peux te le filer. Envois moi un MP si ça t'intéresse.
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54619
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par Flol »

julien a écrit :C'est plus impressionniste comme musique, parfois atonal, dans l'esprit de la partition originale de Goldsmith pour La Planète des Singe. Donc si tu a bien apprécié cette bo tu devrais certainement aimer.
Dans le même genre, le score composé par Leonard Rosenman pour le second épisode n'est pas mal non plus.
Avatar de l’utilisateur
cinephage
C'est du harfang
Messages : 23872
Inscription : 13 oct. 05, 17:50

Re: Quelques séquences - flaneries cinéphagiques

Message par cinephage »

Lundi 13 octobre, Appelez Nord 777, de Henry Hataway (1948)

Extrait choisi : Le journal clot le dossier (chap.12)

Appelez Nord 777 est un film policier assez réussi, filmé de façon réaliste (on tourne dans une vraie prison, de vrais extérieurs naturels, et les mécanismes de la loi sont décortiqués de manière assez fine), dans un noir et blanc plus documentaire que stylisé. Dans la carrière de James Stewart, il s'agit d'un de ces films d'après la guerre, qui correspondent chez lui à un basculement, sans doute lié à son expérience dans l'armée : les personnages positifs et parfois naïfs d'avant-guerre cèdent le pas devant des personnages plus tourmentés, avec une part d'ombre. Plus question pour lui de nier que le mal existe, ou que l'homme en soit capable : ses personnages y gagneront en épaisseur.
'PJ' est un personnage, justement, entre les deux : il commence le film avec un certain cynisme détaché, mais qui finit par s'estomper lors du traitement d'un dossier où il s'agit de sauver un innocent. Le personnage de Stewart va donc devenir de plus en plus positif, entrant dans une lutte judiciaire, mais aussi morale (sauver Frank, c'est aussi se racheter une conduite, ou, plus modestement, faire quelque chose de bien). Ses personnages ultérieurs seront encore plus sombres, et ne basculeront pour ainsi dire plus du coté de la lumière (ou alors à la conclusion du film, lors de fins ouvertes laissant espérer une rédemption).

Dans la séquence en question, on commence sur James Stewart, alias Jim 'PJ' McNeal, en train de taper à la machine un texte explicitant son arrivée à un cul-de-sac judiciaire : la femme dont le faux témoignage a fait basculer le procès en défaveur du pauvre Frank Wiecek refuse de se rétracter. Il ne sert donc à rien de rouvrir le dossier. Une réunion avec le rédacteur en chef et le juriste du journal parvient à la même conclusion. Plus important, l'affaire réactualisée ayant provoqué un intérêt public (et des ventes), il convient d'en rédiger la triste conclusion, et de boucler l'affaire. Un collègue de PJ s'en chargera.

Dans le hall à l'issue de cette réunion, Stewart peste et reprend les termes de son patron. "Boucler le dossier", "plier l'affaire"... Son collègue l'incite à rendre visite à la mère du condamné une dernière fois, celle dont l'annonce dans le journal est à l'origine de la remise en question du procès. Stewart, jusqu'ici très cynique, est comme malmené par sa conscience : "Dire à sa mère qu'on abandonne... Je ne pourrais jamais faire ça..."

Il s'y rend pourtant. D'abord accueilli par un entousiasme débordant (ce sont ses articles qui ont fait déterrer le dossier, et ameuté l'opinion publique), la maman de Frank lui offrant du café, Stewart doit lui annoncer la sinistre nouvelle : le témoin refusant de se rétracter, demander une réouverture du dossier est une démarche vouée à l'échec, et potentiellement néfaste aux demandes de liberté sur parole de Frank. On y renonce donc. La mère comprend d'autant mieux qu'elle se souvient de cette femme. Un serpent qui ne reviendra jamais sur sa parole. Mais, alors qu'elle se reprend pour positiver, "nous trouverons autre chose", Stewart enchaine pour lui expliquer que le journal laisse tomber l'affaire. Mais, s'alarme-t-elle, vous étiez notre seul ami. Si vous nous abandonnez, il ne nous en restera plus. Consterné, PJ quitte la mère pieuse en larmes. Celle-ci se précipite prier devant la statuette de la vierge qui se tient dans son salon (et demeure en avant plan pendant toute la séquence), après quelques instants, elle se reprend avec un sourire : "Suis-je sotte. Une ami, mais il m'en reste une, bien sur..." La ténacité et l'optimiste de cette femme sont bouleversants.

Filmée quasiment exclusivement en plans fixes (avec de légers panoramiques), la séquence est donc touchante. Dans le film, elle marque un basculement (après une progression linéaire du récit, il "faut" un moment d'obstacle, d'opposition, qui marque l'enjeu à surmonter) : ici, l'affaire tourne court, après un démarrage prometteur, on n'avance plus, il est temps de tourner la page. Le spectateur est frustré : il espèrait la libération de cet innocent, moteur de l'intrigue. Mais cette séquence marque aussi une transformation du cynique PJ : le journaliste est réellement ému par cette femme qui lutte pour son fils, abandonnant au passage (pour un temps ?) son cynisme de journaliste blasé, il est prêt désormais à se laisser convaincre de son innocence.

Le personnage de la mère est crucial dans le film : comme pour souligner son importance, c'est son annonce qui donne son titre au film. Elle incarne une droiture morale (ses économies pour sauver son fils forcent le respect), et offre comme une rédemption au personnage de Stewart. Mais aussi, sur le plan sociologique (le film prenant une position sociale se veut discours sur la société, ou sur le systême judiciaire), c'est sur elle, plus encore que sur l'incarcéré par erreur, que le récit s'appuie pour sensibiliser au scandale de l'erreur judiciaire, une vieille femme se tuant au travail restant plus touchante qu'un type bourru. Enfin elle incarne pour le spectateur à la fois un modèle (femme droite et travailleuse), et un avertissement (elle est touchée par une erreur judiciaire, alors que ni elle ni son fils n'ont rien fait), donnant au récit sa force et son impact émotionnel.

Enfin, pour s'attacher à un aspect de la mise en scène qui me séduit, le découpage en plans fixes est d'une grande efficacité. De nos jours, un pareil découpage est presque inimaginable, il faut que la caméra bouge. Travelling, steadicam, caméra à l'épaule ou zoom avant/arrière, si les mouvements de caméra ont indéniablement leurs vertus, il est à regretter, me semble-t-il, qu'on aie, peut-être momentanément, comme oublié la force tranquille des plans fixes qui faisaient l'efficacité des plus grands films de Ford ou Hathaway...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
Répondre