Mardi 7 octobre, La bataille de la planète des singes, de Jack-Lee Thompson (1973)
Extrait choisi : La salle des archives (chap.6)
Triste hasard de la programmation, qui me fait choisir ce film, que je n'aurais pas revu autrement, car
La bataille de la planète des singes reste pour moi le plus insignifiant opus de la série. La mise en scène de Thompson vaut par moments, pour son énergie, mais reste peu inventive et se limite souvent à un découpage appliqué. Si on est content de retrouver le héros de
la Conquête de la planète des singes, le film précédent, c'est bien le seul point commun : alors que le précédent opus posait des postulats audaciaux et inventifs, sur l'exploitation des singes par les hommes, sur la disparition des animaux domestiques, des cirques, sur une société déshumanisée, ce film-ci se contente d'aligner des clichés hippies de bien peu d'intérêt (sans parler qu'il est invraisemblable qu'une telle société singe se batisse aussi vite après le soulèvement du précédent opus... Quelques générations auraient logiquement dû s'intercaler).
Dans l'extrait choisi, on assiste à une incursion de la communauté de César, menée par lui, dans le sous-sol de la ville, encore occupé par les humains en cours de transformation en mutants, radioactivité oblige. Ils sont dans la salle des archives, et déterrent les minutes de l'enquête par le grand jury concernant Cornélius et Zira. César s'excite, il découvre ses parents. Il apprend aussi qu'en 3950, les gorilles seront responsables de la destruction de la Terre (alors qu'il était jusque là persuadé que les singes étaient moins violents que les hommes). Pendant ce temps, les mutants, avertis de l'intrusion, suivent le parcours de la petite troupe dans leur territoire, aidés par des caméras. Ils lancent l'alerte, et envoient des troupes dans la salle des archives, avec pour ordre d'arrêter les intrus, mais de les épargner pour interrogatoire. Menés par Virgil, le bon humain pacifique, la troupe parvient à se faufiler entre les gardes mutants (en termes de mise en scène, le traitement de cet aspect est nul : un montage parallèle nous fait suivre alternativement des gardes progressant dans les sous-sols, puis nos héros s'avançant furtivement dans les couloirs. Les progressions des uns et des autres ne se coupant pas, le spectateur n'ayant aucune disposition des lieux en têtes. A l'exception d'une progression contraire (les "gentils" vont de gauche à droite, les gardes de droite à gauche), rien ne nous renseigne, et on ne comprend pas que les uns passent la vigilance des autres, jusqu'à ce qu'une alerte soit donnée ('ils sont parvenus à sortir en évitant nos gardes. Tirez à vue !!").
Le découpage défaillant de la séquence est patent : si l'on ajoute à cela un rythme médiocre (plans longuets sur les mutants approchants ou les héros courant dans les coursives...), ça n'arrange pas la séquence. Mais des dialogues encore plus faibles viennent corser l'affaire. Lorsque le chef mutant annonce "s'ils résistent, tuez-les", son sbire/ministre/conseiller intervient, l'air alarmé :"si vous tuez un singe, ce sera la première fois en 12 ans que le sang coule entre nos deux civilisations". Et son chef de lui répliquer, l'air amusé : "Oui, c'était bien ennuyant, n'est-ce pas ?".
L'inconséquence et la méchanceté matinée de bêtise des mutants pourraient, par indulgence envers les scénaristes, être mises sur le dos de l'effet des radiations. Mais une minute plus tard, on est à nouveau consterné : lorsque les héros découvrent qu'ils sont observés, en constatant que la caméra dans la pièce où ils se trouvent bouge (ils sont vraiment pas doués, les mutants), ils la brisent. Le mutant chargé de l'observation signale la chose à son chef : "chef, la caméra de la salle machin ne fonctionne plus". Le chef, qui semble pourtant superviser les opérations, n'a pas l'air bien concerné... "Ne me dérangez pas avec vos problèmes de maintenance, enfin". "Mais chef, ce n'est pas un problème de maintenance, ce sont les intrus qui ont cassé la caméra". "Hein, quoi ? Mais alors, ils savent que nous les observons. A l'attaque !!".
Blague à part, cette séquence révèle sans doute les failles qui contribuent faire de ce film le plus faible de la saga, à mes yeux (un second rôle réussi, celui qui tient l'armurerie, et une séquence de bataille sont les seuls "bons" moments du film). Elle fait également apparaître un détail qui m'a toujours troublé dans la saga : en mettant la violence (et la fin du monde) sur le dos des gorilles, on adopte, quelque part une vision très eugéniste de la société des singes (une structure présente dès le début de la saga, dans le premier film, mais véritablement développée dans cet opus, sans doute par facilité), chacun se définit dans la société par sa race (gorille soldat violent, idiot et bagarreur, chimpanzé futé et manuel, mais avec un grand esprit pratique, orang-outans sages et intellectuels). Ce partage de la société, s'il permet d'ajouter à la satire du monde contemporain (les gorilles étant "les militaires", souvent à blamer dans les récits de fin du monde, surtout en cette période contestataire, les autres les civils ou les scientifiques, découpage social qu'on retrouvera chez Romero, mais de façon plus cohérente dans l'économie de son film), atténue d'autant la portée morale de la fable : les successeurs de l'humanité, les singes, auraient continué à vivre en paix s'il n'y avait eu les méchants gorilles belliqueux. Un point de vue qui ne me plait pas outre mesure, je préférais l'option du premier opus, où toute la société simienne portait son hypocrisie et son aveuglement, la violence étant dès lors un attribut propre à toute civilisation cherchant à se préserver du changement.
Epilogue dispensable à une jolie saga,
la bataille de la planète des singes ouvrait peut-être aussi la voie à la série télé, que j'avoue très mal connaître.