Les Vestiges du Jour (James Ivory, 1993)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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tronche de cuir
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Message par tronche de cuir »

Les Vestiges du jour de James Ivory


Quel plaisir de revoir ce film. Outre son évidente puissance émotionnelle et esthétique, le film de James Ivory est aussi une formidable réflexion sur les rapports maître-élève (Stevens et son employeur) ainsi qu'une étude minutieuse de l'intendance dans les millieux aristocratique anglais. Dans la mesure où l'auteur du roman est écrit par un japonais, il n'est pas totalement idiot de considérer cette histoire comme une métaphore du système féodal japonnais. De l'autre, on peut la lire plus simplement comme l'une des plus belles histoires d'amour contrariée. Inutile de rappeler à quel point les acteurs sont bons, et en particulier le couple Hopkins-Thompson. La musique est elle aussi trés réussie...
julien
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Message par julien »

Et ça me rappelle un peu ce que fait Philip Glass ou Gavin Bryars. J'aime beaucoup moi aussi la musique de Richard Robbins, un compositeur qui, je crois bien a participé à toutes les bo de James Ivory. A écouter aussi le trés beau Surviving Picasso ou encore La Fille d'un Soldat ne Pleure jamais qui sont un peu dans la même tonalité.
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AtCloseRange
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Message par AtCloseRange »

Vestiges du Jour - James Ivory
ça reste mon Ivory préféré. Tout est parfait dans ce film. Justesse de l'interprétation, élégance de la mise en scène, finesse des sentiments et, sans avoir lu le livre (tellement je trouve le film d'une grande richesse thématique), un modèle d'adaptation.
Un autre aspect que j'admire, c'est cette façon de recréer le passé sans que ça sente un seul instant la reconstitution compassée et voyante.
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MJ
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Les Vestiges du Jour (James Ivory, 1993)

Message par MJ »

Revu aujourd'hui, j'ai beaucoup pleuré.
Si je considérais Retour à Howards End comme le chef-d'oeuvre d'Ivory, j'ai dû revoir mon jugement à la révision de cette "suite" - où il récupère le couple Hopkins/Thomson et passe d'une adaptation de E.M. Forster à Kazuo Ishiguro. Je dois avouer que tout l'aspect politique m'était passé au-dessus de la tête, et il est difficile de comprendre le propos du film sur l'engagement sans saisir ces enjeux. Ivory n'a ici rien à envier à Losey ou Visconti. Il dépasse d'ailleurs en cruauté à peu près tout ce qui peut s'imaginer.
Il est aussi intéressant de le mettre en parallèle avec un film sorti la même année, possédant peu ou prou le même sujet: Le Temps de l'Innocence de Scorsese. A l'expressionisme de l'italo-américain, l'exilé répond par une couleur impressioniste. Les parallèles ne manquent toutefois pas: même manière de "piéger" le spectateur, mise en scène fluide, abondance de fondus enchaînés, alternation d'emphase musicale et de silences lourds de sens, symbolisme visuel (la bûche chez Scorsese, l'oiseau en captivité chez Ivory). La fluidité c'est qui retient dans les deux cas, elle passe par la voix-off chez le premier, par un dialogue ahurissant entre les époques pour le second. L'engrenage est impitoyable, rien ne coince dans le mécanisme destructeur de la petite et de la grande histoire, l'alinéation du jeu social apparaît vite derrière l'intériorisation. La direction d'acteur est elle aussi incroyable: Reeves, Lonsdale, Hugh Grant et Ben Chaplin encore très jeunes. Quant à la mise en scène, pas un bout un de gras, on frise la perfection.
Il est difficile d'en parler, tant le film se passe de commentaires. C'est trop déroutant pour en parler précisément, trop bouleversant pour ne pas verser dans l'hyperbole.

Deux instants en état de grâce:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Emma Thompson cherchant à "coincer" Hopkins puis le surprenant avec de la littérature à l'eau de rose, cette dernière en larmes face à lui... lui demandant d'épousseter encore une fois la maison. Le non-dit, l'incapacité à exprimer des sentiments humains, l'humiliation, tout y est. Ca passe par les souffles, les regards. L'impression à ce moment là de respirer des glaçons.

Très grand film. D'autres admirateurs?
Dernière modification par Jeremy Fox le 19 mai 08, 07:40, modifié 1 fois.
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odelay
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par odelay »

je suis un grand fan de ce film (comme d'Howards End d'ailleurs, mais celui là a encore plus d'émotion). Je l'avais découvert à Londres (dans un ciné à 9 £ la place, je m'en souviens encore :shock:, et c'était en 95), j'avais la VHS Vo et je l'avais bien usé. A chaque fois c'est la même émotion, surtout lors de la scène du bus sous la pluie. Tout ce gachis sentimental...
Pour ceux qui ont le DVD, je conseille vivement découter le commentaire audio d'Ivory et Thompson, cette dernière étant très en forme et franchement drôle (en plus de ne pas être avare en anecdote).
Dernière modification par odelay le 18 mai 08, 22:29, modifié 1 fois.
angel with dirty face
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par angel with dirty face »

Pas revu depuis sa sortie, mais ton commentaire me donne sérieusement envie de le revoir... Un point positif!
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MJ
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par MJ »

Kazuo Ishiguro est un écrivain assez étonnant: homosexuel au début du 20ème siècle, de langue anglaise mais d'origine nippone... Pour le premier point cela pourrait expliquer son obsession du désir irréalisé, quant au second je sais que certaines personnes voient Remains of the Day comme une métaphore du système féodal asiatique. Qu'en pensez-vous?
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Watkinssien
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par Watkinssien »

Une oeuvre troublante, énigmatique, d'une élégance et d'un raffinement rare.

James Ivory est au sommet de son art dans cette magnifique évocation d'un amour non développé, dans un contexte historique propre à une réflexion brillante sur le sens du devoir, de l'identité et du choix à prendre.

Les comédiens sont tous formidables. Anthony Hopkins est grandiose !
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odelay
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par odelay »

MJ a écrit :Kazuo Ishiguro est un écrivain assez étonnant: homosexuel au début du 20ème siècle
Au début du XX siècle? Heu... il a une cinquantaine d'année aujourd'hui.
Dernière modification par odelay le 18 mai 08, 23:05, modifié 1 fois.
angel with dirty face
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par angel with dirty face »

odelay a écrit :
MJ a écrit :Kazuo Ishiguro est un écrivain assez étonnant: homosexuel au début du 20ème siècle
Au début du XX siècle? Heu... il a une cinquantaine d'année aujourd'hui.
Oui, il est né qu'en 1954...
chrislou
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Re: Les Vestiges du Jour de James Ivory

Message par chrislou »

film marquant avec un anthony Hopkins grandiose...
découvert à l'époque à sa sortie, revu réçemment, pas pris une ride, l'émotion est intacte.
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Jeremy Fox
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Re: Les Vestiges du Jour (James Ivory)

Message par Jeremy Fox »

MJ a écrit : Très grand film. D'autres admirateurs?
Oui sauf que je continue à placer Howards End encore au dessus. Mais à ce niveau d'excellence....



Alors qu’il était sur le tournage de Mr and Mrs Bridge, James Ivory, le cinéaste américain le plus british, lu et apprécia énormément un roman de Kazuo Ishiguro dont les droits d’adaptation étaient bloqués par la Columbia ; c’est ce livre-ci qu’il réussira à porter à l’écran quatre ans plus tard, ayant repris un projet qui n’arrivait pas à se concrétiser, au départ dévolu au cinéaste Mike Nichols et au dramaturge Harold Pinter. Grâce au succès public et critique amplement mérité de Retour à Howards End, la troisième plongée du cinéaste dans l’univers raffiné, sensible et hautement intelligent de l’écrivain E.M. Forster, il pu obtenir d’écarter Harold Pinter pour confier l’écriture à sa fidèle collaboratrice, auteur de ses plus beaux films, Ruth Prawer Jhabvala. On reconnait d’ailleurs aisément son style fluide et coulé dans Les Vestiges du jour, cette œuvre magnifique sur l’absurde loyauté, la peur d’avouer ses sentiments et l’amour impossible (entre autres thèmes).

Profitant de quelques jours de congés, Stevens (Anthony Hopkins), le majordome de Darlington Hall, se rend de l’autre côté de l’Angleterre pour un rendez-vous avec Miss Kenton (Emma Thompson), l’ancienne intendante de la propriété à qui il n’a jamais pu avouer son amour, pour la décider à reprendre du service à ses côtés. Son maître n’est plus désormais Lord Darlington (James Fox), accusé un peu violemment d’avoir collaboré avec les Nazis, mais Jack Lewis (Christopher Reeve), un millionnaire américain qui l’avait prévenu vingt ans plus tôt de se méfier de ses dangereuses alliances politique. D’ailleurs, lors de son voyage, Stevens se remémore justement cette époque, en 1936…

Alors que la figure stylistique du flash-back est trop souvent maladroitement utilisée, faisant ressortir la plupart du temps de grandes faiblesses scénaristiques, Ivory et Ruth Prawer Jhabvala s’en sont au contraire rendus maîtres et le premier quart d’heure des Vestiges du jour mérite à ce titre d’être étudié dans les écoles de cinéma tellement les passages d’une époque à l’autre se révèlent suprêmement harmonieux, sans violents à coups, la somptuosité des fondus enchainés etla superbe musique mélancolique omniprésente de Richard Robbins liant le tout avec un total raffinement. A l’image de ce que l’on voit dans ce remarquable prologue, la caméra du réalisateur est presque toujours en mouvement, donnant du souffle et un fort lyrisme à de très nombreuses séquences. Au fur et à mesure qu’avance le film, la mise en scène se fait plus sobre et on se prend à deux ou trois reprises à regretter une fantaisie qui était présente au départ et tout du long de Howards End, son précédent film ; mais le sujet éminemment subtil imposait sans doute cette extrême retenue qui fait que les fêlures surgissent avec d’autant plus de ‘violence’.

Sous son aspect assez simple, le scénario brasse d’innombrables sujets et cache bien des richesses insoupçonnées ; il évoque la montée du nazisme vue de l’Angleterre, nous fait réfléchir sur la loyauté ou non qu’il faut avoir vis-à-vis d’un ‘employeur’ aux idées ‘douteuses’ qui fait mettre à la porte ses servantes juives pour ne pas incommoder ses invités allemands (mais attention, là aussi, tout n’est pas aussi simpliste qu’exposé brièvement ici, le personnage admirablement interprété par James Fox étant loin d’être un ‘salaud’), nous fait aussi surtout assister à une histoire d’amour non déclarée et sans lendemain, l’homme, digne et exagérément maniéré, étant trop préoccupé par l’étiquette et par sa dévotion maladive pour son patron pour penser à bien vivre en dehors de son travail.

Histoire d’une grande subtilité comme l’est l’interprétation d’ensemble, Anthony Hopkins et Emma Thompson rivalisant par ailleurs de talent. J'aurais aimé pouvoir dire que l’acteur n’a jamais été aussi inspiré que sous la direction de James Ivory si Surviving Picasso n’avait pas suivi. D’ailleurs, après Les vestiges du jour, James Ivory n’arrivera jamais plus à retrouver un tel niveau, s’enfonçant même à plusieurs reprises dans la médiocrité ; c’est bien dommage après de telles nombreuses formidables réussites.
joe-ernst
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Re: Les Vestiges du Jour (James Ivory)

Message par joe-ernst »

Jeremy Fox a écrit :
MJ a écrit : Très grand film. D'autres admirateurs?
Oui sauf que je continue à placer Howards End encore au dessus. Mais à ce niveau d'excellence....
Je le place juste en-dessous de Chambre avec vue mais au-dessus de Howards End...
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
rosebud
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Re: Les Vestiges du Jour (James Ivory)

Message par rosebud »

Une pure merveille! et celui que je préfère d'Ivory et Howards End juste derrière.Hopkins et Thomson remarquables , sans oublier les autres...
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villag
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Re: Les Vestiges du Jour (James Ivory)

Message par villag »

Merveilleux film à la fin la plus desesperante qui soit; j'ai vu recemment du même auteur : LA CONTESSE BLANCHE, superbe;Je vais m'interesser de tres près à ce cineaste que j'avoue ne pas connaitre tres bien!
F d F ( Fan de Ford )
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