Victor Victoria (Blake Edwards - 1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jordan White
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Victor Victoria (Blake Edwards - 1982)

Message par Jordan White »

C'est l'histoire d'une chanteuse au chômage dont la vie est bouleversée par la rencontre de Toddy, un homme extravagant. Avec son aide, elle devient Victor, un chanteur à sensation dans les boîtes de nuit à Paris. Elle connaît très vite le succès mais les choses se compliquent de façon comique lorsqu'elle rencontre l'amour de sa vie, un gangster macho de Chicago... [/i]

J'ouvre un topic sur le film qui je crois n'en avais pas à lui à proprement parler. Je dois confesser que je n'ai absolument pas accroché, ayant même trouvé le temps très long. Les tunnels de dialogues "raffinés", les maximes et autres citations à tout bout de champ, l'impression de champagne autosatisfait comme si Blake Edwards avait le sentiment de faire le film parfait sur la condition de chanteuse travestie m'ont davantage fait sortir du film qu'entrer dans sa narration, son esprit. Je suis resté extérieur, alors que sur le papier l'histoire me séduisait. Hélas, hormis l'interprétation de Julie Andrews, le reste des acteurs m'a paru falot, pour ne pas dire insupportable, tel celui surjoué (dommage pour un film qui traite de la finesse d'esprit) de Norma, poule de luxe peinturlurée et se lançant dans un chant ayant eu raison de ma patience. J'ai cru à quelques reprises par sa faute que jallais arrêter le DVD. J'ai zappé des séquences, par moments, je n'en pouvais plus.

Une scène m'a étonnée dans le bon sens du terme, celle des "masques" avec l'interprétation de six hommes ayant chacun un masque porté derrière la tête, ou en trois minutes, Edwards me semble parler enfin du sujet du film, lorsque ceux-là tombent et dissimulent des identités difficiles à décrypter. Hommes/femmes, travestissement, homosexualité/hétérosexualité, confusion des genres, amour platonique ou enflammé. Les sujets sont passionnants, le traitement à mes yeux beaucoup moins, cliché jusque dans l'éclairage rosé, la frange lissée des cheveux de Victor/Victoria, jusque dans les trépignements au saut du lit, les confrontations déjà vues au restaurant avec le serveur dubitatif. Je crois aussi et essentiellement que l'humour d'Edwards ne me touche pas, et que je reste sceptique devant son utilisation du comique de geste qui m'apparaît ici répétitif durant la scène du cafard dans la salade par exemple. Il s'appuie sur cette dynamique de l'effet "hénaurme", mais je ris peu, voire pas. Raffiné, le real l'est probablement à d'autres moments quand il s'inscrute dans l'intimité du couple. Mais à côté de cela la patte traîne, dans les séquences de chanson que je trouve assez plates, et pas du tout emballantes, n'étant pas très fan du registre cabaret/flamenco. C'est la raison pour laquelle un bon tiers des séquences chantées me sont passées au dessus de la tête. Mais je ne remets nullement en cause l'impact de la musique sur la plupart des spectateurs, c'est juste que perso je peux pas, ou alors à très très petite dose. L'évocation du gai(y) Paris des années 30 (qui fait suite aux années folles) m'a fait penser à une oeuvre relativement soignée sur la forme mais peinant à donner de la vie et du souffle à ce qu'elle illustre. Je n'attendais pas de la folie à la French cancan, l'univers est ici plus proche des salons chics et mondains que du Moulin-Rouge et des Folies Bergèrs, des encanaillades, de la gouaille à la Joséphine Baker. Mais juste d'être pris, emporté. Au lieu de cela, rien.

Trouvant le temps long, je me suis peu à peu désintéressé à l'histoire et à ses aboutissants. Pour 1982 je veux bien que l'histoire paraisse originale et audacieuse, mais l'audace supérieure n'aurait-elle pas été de faire de deux homosexuels hommes les vrais héros, c'est-à-dire non pas mettre le travestissement à l'honneur, l'esprit de joie et de sophistication, mais plutôt celui de la tendresse entre deux personnes de même sexe. Je sais bien que ce n'est pas le sujet du film, mais au bout d'une demie-heure, étant donné que l'on sait qui est Victoria, pour moi il n'y a plus lieu de faire un film aussi long (2h15, pourquoi pas 2H30 ou 3h ?). Peut-être était-ce la première fois que l'on entendait le mot queer dans un film censé rassembler un large public, en premier lieu les amateurs de musical (qui je peux le comprendre ont trouvé des qualités au film pour des raisons strictement musicales), mais je crains en revanche que cela n'ait pas suffit à me sortir de la torpeur. J'ai été sans doute hermétique alors que je n'avais pas d'à priori, excepté le fait que La Party m'avait aussi ennuyé au bout de vingt minutes. Je ne saurai me repasser les chansons et encore moins les scènes de comédie, même si celle du restaurant où le couple se forme autour d'un dîner alors qu'ils savent pertinemment qu'ils ne paieront pas l'addition est à mes yeux la meilleure. La direction artistique est correcte, les costumes, les coiffures aussi, je n'ai pas tellement de reproches à faire, ce qui m'a vraiment embarassé, gêné, puis saoulé c'est la lourdeur du trait, les ressorts classiques et échevelés du comique, le discours sur la différence qui m'a par moments davantage fait penser à un autre plus lourd encore sur la tolérance.

Je n'ai absolument aucune envie de le revoir à court ou moyen terme. Un déception que je mesure à la hauteur d'une attente qui n'était pas du tout exagérée. Pour le peu que j'en retiens, je ne crois guère avoir affaire à une déception dont j'aurais du mal à me remettre. C'est juste que le film en lui-même m'a paru non pas surestimé mais pas pour moi. Curieuse impression. Je n'ai plus qu'à rendre le DVD à Atcloserange. Il faut que je vois ce que peuvent donner les autres films de Blake Edwards, de préférence pré-80.
Dernière modification par Jordan White le 28 avr. 08, 20:40, modifié 1 fois.
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ed
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par ed »

Etant donné que j'adore ce film, je vais tenter de le défendre :
A l’instar de l’autre grande comédie américaine du travestissement (Certains l’aiment chaud de Billy Wilder), Victor, Victoria est l’adaptation d’un film allemand, tourné en 1933 par Reihold Schünzel, intitulé donc Viktor und Viktoria. Si l’imparable postulat de son film ne lui est pas entièrement imputable, Blake Edwards trouve toutefois dans cette intrigue une occasion unique de faire parler son savoir-faire, et de confier un rôle magnifique à son épouse Julie Andrews. En effet, depuis la fin des années 60, avec le déclin de l’âge d’or de la comédie musicale hollywoodienne, la carrière d’Andrews s’est un peu essoufflée, et Victor, Victoria sera pour elle comme une renaissance, qui lui permettra de remonter triomphalement sur les planches de Broadway. Si le talent d’interprète de Julie Andrews paraît en d’autres occasions contestable, elle rayonne dans ce rôle équivoque, à la mesure de son talent vocal. Son association avec Robert Preston, délicieux en vieille folle espiègle, offre au film parmi ses meilleures séquences de comédie, au milieu d’une galerie de personnages hauts en couleur (citons Lesley Ann Warren en insupportable poule ou l’impayable Graham Stark en serveur). Mais malgré l’ahurissant sens du rythme de Blake Edwards (sa gestion du timing des gags demeure un modèle du genre), malgré la pétillante partition d'Henry Mancini, malgré la loufoquerie des situations, malgré un Paris de carte postale où les quiproquos abondent et malgré l’indéniable potentiel euphorisant du film (certains numéros chantés sont jubilatoires, en particulier celui où Tobby prend la place de Victoria) Victor, Victoria n’est pas qu’une comédie sophistiquée , qu’elle soit musicale ou non d’ailleurs... C’est aussi une satire de mœurs presque wilderienne dans son amertume sur les masques sociaux que tous arborent, où la gaudriole masque à peine le mal-être de personnages qui ne trouvent la reconnaissance que lorsqu’ils jouent à être quelqu’un d’autre, et qui, bien que très différemment, prolonge le grand chef-d’œuvre caustique de mauvais goût et de désenchantement qu’était S.O.B., tourné par Edwards un an plus tôt. On a parfois eu le tort de résumer la carrière de Blake Edwards à son indispensable collaboration avec Peter Sellers. Sa filmographie du début des années 80 comporte cependant quelques immenses films de drôlerie acide, et Victor, Victoria en est un merveilleux exemple.
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MJ
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par MJ »

Avant d'ouvrir le topic je me suis dit "tiens, pour une fois je vais pouvoir être d'accord avec Jordan White"... perdu. :mrgreen:
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Jordan White
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Jordan White »

Tu as bien raison de le faire ed.
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frédéric
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par frédéric »

Je vais pas m'étendre beaucoup, mais j'aime beaucoup le film également.
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AtCloseRange
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par AtCloseRange »

Même s'il s'agit de mon DVD, je dois avouer que c'est un Blake Edwards avec lequel j'ai parfois un peu de mal mais j'essaie de temps en temps d'y revenir. J'ai parfois l'impression que pour ce film l'élégance et l'opulence ont finalement pris un peu le pas sur le comique dévastateur habituel d'Edwards. Je préfère largement un Boire et Déboires par exemple voire un SOB pour les années 80.
C'est vrai que le personnage de Lesley Ann Warren est proche de l'insupportable (c'est voulu par le rôle mais quand même) et celui de Robert Preston pas léger, léger.
Mais bon, on n'attend pas toujours de la légèreté chez Edwards. Seulement là, je ris moins que d'habitude.
Et le problème vient sans doute aussi du matériau d'origine.
Nomorereasons
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Nomorereasons »

Jordan, j'adhère en tout point à ta critique déçue du film. D'une idée en effet riche en dérision, ce film ne tire que quelques effets balourds au milieu d'une ambiance très "champagne" comme tu dis, mais de champagne distribué en fin de repas lorsque tout le monde est écoeuré. Si Lubitsch (ou Wilder, à la rigueur) s'en était chargé ç'aurait eu une autre allure, mais bon, voilà, c'est Edwardes le Lubitsch du pauvre qui s'en charge -dont The Party ne m'a pas non plus arraché un seul sourire.
Je n'ai pas été sensible un seul instant à l'aspect de "comédie des apparences" comme le défendent ed et, ailleurs, MJ tant le propos est scolaire et terne la reflexion sur le travestissement (le seul film "queer" réussi que j'aie vu jusque-là c'est notre grand Rohmer qui nous l'a donné avec "Les Amours de l'Astrée et Céladon").
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par joe-ernst »

Un film que j'apprécie énormément... :D
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Jeremy Fox
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Jeremy Fox »

joe-ernst a écrit :Un film que j'apprécie énormément... :D
Et moi donc. Et il m'est arrivé d'écouter en boucle pendant une semaine la musique d'Henry Mancini.
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Kevin95
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Kevin95 »

Jeremy Fox a écrit :
joe-ernst a écrit :Un film que j'apprécie énormément... :D
Et moi donc. Et il m'est arrivé d'écouter en boucle pendant une semaine la musique d'Henry Mancini.
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Beck »

Tout simplement un chef d'oeuvre pour ma part, ça sent le Black Edwards et le vieux Paris à plein nez. :D
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Watkinssien
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Watkinssien »

Juste après Certains l'aiment chaud, c'est le meilleur film sur le sujet (il n'est pas le seul dans ce film) du travestissement.

Aucune lourdeur dans ce film brillant, ample, majestueux, d'une intelligence rare car accessible tout en restant drôle et sensé.
La mise en scène et l'interprétation sont au diapason, la science du gag lent, caractéristique de Edwards, est encore une fois exploré avec un talent incontestable, la musique de Mancini est comme d'habitude sublime, l'amertume est souvent présente comme l'atteste cette séquence :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Où Julie Andrews enlève son "masque" pour faire comprendre que c'est un "homme", l'effet est comique pour l'assemblée mais tragique pour cette femme. Quelle délicatesse !
Le film reste une sorte de modèle du genre !
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Nomorereasons
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Nomorereasons »

J'ai toujours beaucoup aimé ce film qui nous montre que les travestis et les homosexuels sont souvent des gens très bien.
Sabsena
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par Sabsena »

J'ai adoré ce film, bien dans la suite de la party et des pantheres roses, toujours cet humour de Blake Edwards qui fait des ravages.
Vous conviendrez qu'il vaut mieux arroser quelqu'un que de l'assassiner. Fernando Rey : Cet obscur objet du désir.
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Re: Victor Victoria (Blake Edwards, 1982)

Message par xave44 »

Watkinssien a écrit :Juste après Certains l'aiment chaud, c'est le meilleur film sur le sujet (il n'est pas le seul dans ce film) du travestissement.

Aucune lourdeur dans ce film brillant, ample, majestueux, d'une intelligence rare car accessible tout en restant drôle et sensé.
La mise en scène et l'interprétation sont au diapason, la science du gag lent, caractéristique de Edwards, est encore une fois exploré avec un talent incontestable, la musique de Mancini est comme d'habitude sublime, l'amertume est souvent présente comme l'atteste cette séquence :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Où Julie Andrews enlève son "masque" pour faire comprendre que c'est un "homme", l'effet est comique pour l'assemblée mais tragique pour cette femme. Quelle délicatesse !
Le film reste une sorte de modèle du genre !
Je n'aurai pas su mieux dire. Pour moi le Chef d'oeuvre de Blake Edwards.
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