cinephage a écrit :Si je comprends la position de Nicolas, je dois dire que je ne suis pas d'accord.
Certes, il est, d'un certain coté, dérangeant de voir un humain "normal" imiter, voire parfois singer, les extrêmes d'attitudes outrancières qu'adoptent, au sens large, les personnes souffrant de diverses inadaptations mentales et/ou physiques. On pourrait trouver un certain cynisme à ce que les comédiens reçoivent des prix en représentant des "anomalies" comportementales, faisant d'une condition malheureuse un spectacle.
Je crois néanmoins qu'on touche là à l'enjeu du métier d'acteur : ceux-ci, de la même façon, imitent la perte, la douleur, l'amour, sans les éprouver
Mais tu mentionnes là des états psychologiques ou affectifs qui sont COMMUNS à (presque) tout le monde !
Je veux dire que mimer l’amour, la tristesse, la joie, la souffrance, etc. ne relève pas de la science-fiction ; il y a, dans ces sentiments, une universalité qui les rend accessibles à l’art du comédien.
En revanche, j’ai plus de mal avec un domaine (la psychiatrie) si mal connu que les scientifiques eux-mêmes se trouvent parfois bien embêtés face à certains cas…
Là, on nage tout de même dans des eaux plus troubles, moins balisées par l’Art. Et donc, il me semble, infiniment plus casse-gueule dans la représentation réaliste.
C’est peut-être très bête, mais je me sentirais moins gêné que ce genre de rôles soient tenus par des acteurs (professionnels ou pas) ayant déjà souffert de ce genre de troubles. Il me semble que, dans ce cas, l’aspect «
performance d’acteur » m’agresserait moins. Et que la caution plus «
réaliste » (ou même un peu «
documentaire », osons le mot !) de la prestation m’intéresserait plus.
***
Et tiens, puisqu'on en est à parler de ça... dans la catégorie «
rôles un peu borderline », j’ai découvert récemment
La Faute à Voltaire, d’Abdellatif Kechiche, et me suis trouvé là face au même dilemme qu’avec Gene Rowlands : est-ce qu’Elodie Bouchez n’en faisait pas un (tout) petit peu trop, pour mimer la fragilité psychologique de son personnage ? Je n’ai pas été capable de trancher. Cela dit, j’ai été moins horripilé que face à
Une Femme…, car ce film-ci avait le bon goût de ne pas se focaliser trop fixement et complaisamment là-dessus (contrairement au
Cassavetes), et aérerait l’histoire et les personnages.
Autre film, autre actrice: Valérie Donzelli, dans
Martha Martha (de Sandrine Veysset), était elle aussi à la limite du trouble… mais il me semble (c’est une appréciation personnelle) que celui-ci était moins accentué, moins surjoué. Elle mimait des scènes de colère aveugle ou, au contraire, d’abandon lacrymal extrême (choses qui ne relèvent pas SPECIFIQUEMENT de la psychiatrie), et se retrouvait à l’hôpital.
Mais la fragilité psychologique du personnage était plus suggérée (par les commentaires des médecins, des proches, etc.) que matraquée – l’actrice évitait les mimiques hyper-accentuées. J’ai trouvé ça plus probant.