A Brighter Summer Day (Edward Yang - 1991)

[Joe Wilson]

Taiwan en 1960...Edward Yang s'attache ici à la première génération d'immigrés, les enfants de ceux qui ont fui avec Tchang Kai-Chek après la défaite face aux communistes. L'apprentissage d'une mémoire individuelle ou collective apparait impossible, tant le contexte conduit à une impasse émotionnelle et géographique. La Chine est une abstraction, un pur idéal alors que Taiwan se revendique encore et pour longtemps seul gouvernement légitime, contrôlant la population d'une poigne de fer par l'intermédiaire du Guomindang. Si l'on rappelle que de 1895 à 1945, Taiwan fut sous administration japonaise, et qu'une majeure partie des habitants chinois sont issus d'une immigration bien plus ancienne (trois siècles), il est aisé de mesurer une évidente complexité identitaire, qui noue un malaise constant, une faiblesse posée comme condition.
Pour une jeunesse sacrifiée, l'expression de soi passe par la constitution de gangs. La tutelle parentale parait presque invisible tant ceux-ci sont submergés par leurs propres angoisses. Apparait donc Xiao Si'r, quinze ans...si au cours de cette fresque particulièrement ample, Yang touche au destin de nombreux personnages, c'est celui-ci qui rassemble en lui les principaux enjeux. La considération d'un apprentissage initiatique d'une douleur intense est la condition d'une réflexion vaste sur la vie et nos attentes humaines.
A l'image de Yi Yi, Edward Yang exprime des valeurs magnifiques avec une aisance rare et une vulnérabilité légère presque troublantes. Tel un père répétant à son fils que sa vie doit représenter le fruit de ses efforts, une quête miraculeuse d'une initiative individuelle alors que la société est cloisonnée et sans échappatoires. Dans ses aboutissements, A Brighter Summer Day touche à la tragédie, brutale et bouleversante, mais Yang ne fait jamais disparaitre une douceur poétique constitutive de son cinéma, à travers des moments fugitifs et quasi rêvés.
L'imagination prend vite une part d'une importance essentielle, seule porte de sortie face à un avenir puit de souffrances. Le mode de vie américain représente un modèle lointain mais déjà matérialisé...la sensibilité musicale est un pont, puisque le titre du film est un extrait d'Are You Lonesome Tonight, d'Elvis Presley, dont la célébrité en forme de symbole hante la jeunesse. Le er rajouté, dans l'incompréhension de la langue, traduit cette identification incertaine, cet état d'entre-d'eux qui vise un nouveau départ qui ne semble pouvoir dépasser une incarnation chimérique.
La relation qui lie Xiao Si'r à sa camarade Ming traduit à merveille la richesse inouie du film. C'est l'expression de sentiments qui veulent figer une certaine beauté évanescente, une pureté expressive de l'enfance...le constat est à la fois dramatique car ces idéaux ne pourront résister à la marche des évènements, mais c'est par leur existence même que Yang symbolise l'espoir. L'éclat de la jeunesse ne peut que continuer de briller malgré la violence transmise en legs, subie par leur éducation puis par la perception de leur désoeuvrement face à leur environnement.
Edward Yang montre aussi, et c'est toute l'ambiguité du personnage de Xiao Si'r, le nécessaire deuil des utopies. Ainsi Ming réplique à l'illusion protectrice de Xiao Si'r que celui-ci ne peut transformer le monde ni la changer elle.
Est aussi lié à ce sentiment le personnage le plus fascinant du film, Honey, petit ami de Ming et figure respectée des gangs. Sa présence à l'écran est très courte, mais la sérénité étrange de sa démarche, et l'impassibilité fragile de son visage marquent durablement. C'est d'ailleurs après son passage que le fil tragique du film se tisse définitivement dans une sorte d'inéluctabilité. Sa personnalité mêle une fascination là-encore réappropriée de l'étranger (Guerre et Paix perçu comme une mythique représentation guerrière) à une sorte de détachement calme qui le laisse tout affronter. Chez lui l'utopie s'est déjà brisée mais subsiste une certitude intérieure inébranlable.

A Brighter Summer Day est baigné par l'obscurité, et ce n'est pas à un hasard si une lampe torche représente un fil rouge du récit. Il s'agit toujours de rendre une visibilité à des personnages, de poser une dignité nécessaire. Les évènements les plus violents sont tous figés dans un voile noir presque immatériel. L'enjeu artistique rejoint alors l'enjeu thématique, témoignant d'une osmose entre la forme et le récit.
La réalisation d'Edward Yang témoigne toujours d'une sensibilité grandiose, et c'est sans doute ce qui reste d'A Brighter Summer Day, cette affectivité à fleur de peau, ce balancement intemporel entre joie et tristesse...comme lorsque l'objectif fixe les larmes de Ming, peu après l'admission à l'hôpital de sa mère, alors qu'en fait il s'agit d'une pose puisque elle passe un test pour figurer dans un film. Ou quand Xiao Si'r et Ming dévoilent leur désespoir devant la répétition d'une fanfare, rendant leur peine presque invisible et indécente.
Si drame il y a c'est celui de l'intime, dans la confrontation de nos illusions humaines avec le vécu, ce qui laisse l'existence dans une fragilité délicate qui est pourtant ce qu'il y a de plus beau.

[-Kaonashi-]

Tu l'as vu coment ? vcd/divx ?
La qualité hésitante du sous-titrage ne t'a pas trop gêné ?

[Joe Wilson]

Tu l'as vu coment ? vcd/divx ?
La qualité hésitante du sous-titrage ne t'a pas trop gêné ?

Divx...
Le sous-titrage anglais est certes plus que passable mais cela se suit sans problème.
La qualité de l'image laisse aussi bien sûr largement à désirer, mais cela vaut franchement tout de même le coup. Pour un film aussi inaccessible, il n'y a pas à hésiter.

[-Kaonashi-]

Divx...
Le sous-titrage anglais est certes plus que passable mais cela se suit sans problème.
La qualité de l'image laisse aussi bien sûr largement à désirer, mais cela vaut franchement tout de même le coup. Pour un film aussi inaccessible, il n'y a pas à hésiter.

J'ai moi aussi le divx, j'attends d'avoir un créneau peinard de 4 heures pour découvrir ce film que je rêve de voir depuis un moment.

[Blue]

Tu l'as vu coment ? vcd/divx ?
La qualité hésitante du sous-titrage ne t'a pas trop gêné ?

Divx...
Le sous-titrage anglais est certes plus que passable mais cela se suit sans problème.
La qualité de l'image laisse aussi bien sûr largement à désirer, mais cela vaut franchement tout de même le coup. Pour un film aussi inaccessible, il n'y a pas à hésiter.

C'est la seule façon de le voir aujourd'hui, le VCD HK étant épuisé depuis un bon moment déjà.

J'ai pour ma part acheté récemment "Taipei Story" à un eBayeur Taïwanais. VCD qu'il a encodé à partir d'une VHS avec sta de ce film ultra-rare de Yang, où Hou Hsiao-Hsien joue le rôle principal.
Me reste plus qu'à dégoter son thriller "The Terrorizer" et j'aurais enfin accompli mon plus grand rêve de cinéphile.

[Southead]

Je remonte le sujet de ce film qui a l'air d’être une merveille mais que je n'ose pas regarder vu la qualité moyenne dont on dispose (un rip de Laserdisc à partir d'un vieux master). In the heat of the sun ou city of sadness, des films que j'ai vus et adorés, apparemment s'en rapprochent.
On sait que le film a été restauré il y a quelques années par Yang Estate et projeté dans quelques festivals à l'étranger et à la cinémathèque en France.
Aux Etats-Unis, Criterion a acquis les droits en 2013 il me semble et n'a toujours pas tenu sa promesse de sortir le film en Blu-ray. Idem pour des diffusions TV qui n'ont finalement jamais eu lieu.
Savez-vous qui détient les droits d'une éventuelle sortie DVD/BD en France? Où en est-on avec ce film qualifié de "plus beau film du monde" par le peu de personnes qui l'ont vu?

Merci

[-Kaonashi-]

Vu finalement à la Cinémathèque lors de la rétro Yang, c'est effectivement une merveille. Un film assez dur je trouve, au final, et bien plus sombre que Yi Yi, le seul autre Yang que j'ai vu.
Je serai bien incapable de dire lequel des deux films je préfère.

[-Kaonashi-]

La Cinetek l'indique comme "en cours d'acquisition" :
http://www.lacinetek.com/fr/tous-les-fi ... d-ete.html
À surveiller !

[Southead]

Malheureusement, la Cinetek est seulement un collectif de réalisateurs et ne peuvent pas sortir une œuvre en dvd/BD. J'imagine même difficilement qu'ils puissent le sortir en VOD.
Je pensais plutôt à des éditeurs comme Carlotta ou SC.
C'est quand même incroyable que des films aussi importants soient quasi invisibles depuis lors sortie.

[Tutut]

L'éditeur du VCD avait aussi sorti un DVD, en rupture de stock lui aussi, dommage qu'on ne le trouve qu'en rip de Laserdisc en "film de vacances".

[zybine]

Vu en salles à la sortie. Un choc.
Acheté en vcd à Hong Kong il y a quinze ans, mais je n'ose pas (depuis lors) le mettre dans mon lecteur.

Il ya deux films qui m'ont mis une grosse claque en salles et dont je paierais cher le DVD : celui-ci et le Principio y fin d'Arturo Ripstein (vu à peu près à la même époque).

[AtCloseRange]

Il ya deux films qui m'ont mis une grosse claque en salles et dont je paierais cher le DVD : celui-ci et le Principio y fin d'Arturo Ripstein (vu à peu près à la même époque).

Oui, gros gros choc aussi le Ripstein (les Tambours du Bronx à la fin).
Je n'y pense d'ailleurs jamais pour mon top 100 simplement parce que je ne l'ai jamais revu.

[AtCloseRange]

[Shin Cyberlapinou]

Voilà qui fait plus qu'envie. 237 minutes pour le film (?) quand même...

[G.T.O]

J'ai hâte.
Décidément, il nous gâte Criterion !