Le plan séquence

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Jack Carter
Certains l'aiment (So)chaud
Messages : 30167
Inscription : 31 déc. 04, 14:17

Re: Le plan séquence

Message par Jack Carter »

Image
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
Outerlimits
Assistant opérateur
Messages : 2903
Inscription : 26 avr. 08, 23:24

Re: Le plan séquence

Message par Outerlimits »

Chez des grands formalistes comme Scorsese ou Argento ça prend plus sens, effectivement, car ils en font un truc purement esthétique...
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5717
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Re: Le plan séquence

Message par Beule »

Mais le plan-séquence, comme l'induisait Tenia, n'est pas que l'apanage des seuls formalistes ou des actioners en quête de pseudo-immersion. Ça peut être une option purement cinégénique mais procéder tout aussi légitimement, par exemple, de la volonté d'introduire, sur la durée de la séquence, une variation significative du rapport au temps à l'écran, ou encore d'altérer de façon circonstancielle la dynamique générale du reste du métrage... Tous les motifs sont recevables. Seule la systématisation aveugle ou dogmatique du plan-séquence peut poser problème, mais il en va de même pour toutes les techniques de filmage. Laissons donc aux cinéastes, pour peu qu'ils bénéficient du soutien technique ad hoc, le choix de transcrire leur vision comme ils l'entendent.
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30709
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Le plan séquence

Message par tenia »

Ce n'est pas que purement esthétique, en tout cas, mais c'est un dispositif visuel comme des tas d'autres qui peut accompagner le bon moment, le bon sujet, la bonne action. Evidemment qu'il ne fonctionne pas pour tout, mais il y a des adéquations qui fonctionnent. Ce n'est pas parce que plein de gens s'en servent mal que c'est le dispositif qui est problématique ou inutile.
Par ex, j'ai récemment vu la série L'effondrement, dont chaque épisode (d'environ 20 à 30 minutes) est un plan séquence entier (et semble-t-il un vrai - en tout cas, je n'ai pas vu les raccords cachés). Sauf que dans la plupart des épisodes, cela n'a aucun intérêt, parce que c'est censé exacerber une tension qui n'existe pas dans l'écriture. Ne reste alors effectivement plus que le geste technique virant au gimmick marketing. Mais ce n'est pas la faute du procédé, uniquement du fait qu'il n'a rien à faire vivre.
Un peu comme un acteur doué à qui on filerait un rôle pourri à jouer.

Au fond, Pacaya résume parfaitement le problème actuel : beaucoup utilisent ces techniques très spécifiques de façon inadaptée. Tout simplement.
Avatar de l’utilisateur
Pacaya
Régisseur
Messages : 3096
Inscription : 21 avr. 03, 13:51

Re: Le plan séquence

Message par Pacaya »

Beule a écrit :Tu devrais en parler à Argento, Bellocchio, Bertolucci, De Palma donc, Fleischer, Kalatozov, Klimov, Naruse, Ophuls, Preminger, PTA... et une petite foultitude d'autres. Je suis certain qu'ils comprendraient ton point de vue.
Alors tu ferais mieux de t'asseoir, mais certains cinéastes ci-dessus sont morts. Déso pour toi :cry:
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17062
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Le plan séquence

Message par Watkinssien »

Steven Spielberg est un brillant utilisateur du plan-séquence, dit "invisible"...

Le très bon Tony Zhou en avait fait une vidéo excellente dessus:

Image

Mother, I miss you :(
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13983
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le plan séquence

Message par Alexandre Angel »

Outerlimits a écrit :Plus globalement, je n'ai jamais trop compris l'intérêt du plan-séquence au cinéma (en dehors des films-concept). Ca n'embellit en rien l'image ni à proprement parler la mise en scène, ça reste invisible aux yeux de la plupart des gens (à tel point que ça y va à grand renfort de publicité autour de l'effet avant la sortie-même du film, au cas où personne ne le remarquerait), ça n'amène pas forcément une plus grande immersion (et même peut avoir à ce sujet des effets contre-productifs pour d'évidentes raisons) quand d'autres artifices de mise en scène s'avèrent bien plus efficaces et/ou visuellement esthétiques…
La séquence d'intro de SPECTRE aurait-elle été moins immersive si elle n'avait pas été tournée en PS ? J'en doute..
En fait je vois plus cela comme un gadget cinématographique où le réalisateur peut se tester lui-même, se prouver qu' "il est capable de" et non comme un véritable outil narratif en soi.
A la limite je comprends mieux l'intérêt immédiat de la shakycam (que je déteste pourtant en règle générale).
3 exceptions cependant : celui de Snake eyes et celui de La soif du mal (et à un moindre degré "La corde").
J'ai l'impression qu'on ramène trop ici la notion de plan-séquence à une performance technique et spectaculaire induite par la discussion autour de 1917.
On trouve des plans séquence extrêmement remarquables et élaborés dans des films de Tarkovski, d'Angelopoulos ou, avant eux, d'Antonioni (Profession : reporter) qui sont tout sauf mis en avant comme de la virtuosité technique, mais plutôt comme l'expression d'une écriture poétique et exigeante.
C'est aussi une alternative qui va dans le sens de ce qui a été dis plus haut: à savoir la liberté pour le créateur d'exprimer quelque chose avec les moyens qu'il juge bon d'employer.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Outerlimits
Assistant opérateur
Messages : 2903
Inscription : 26 avr. 08, 23:24

Re: Le plan séquence

Message par Outerlimits »

Justement c'est un ce que je dis ; quand ça n'est pas esthétique, ça ne se remarque pas et, pour moi (à quelques exceptions près), le plus souvent ça n'amène pas plus d'immersion. Pour reprendre l'exemple cité du même réalisateur : le plan séquence de SPECTRE est incontestablement virtuose, mais, en ce qui me concerne, ne sert à rien (si on l'enlevait la scène ne serait pas moins tendue pour autant, enfin c'est l'impression que j'en ai). Dans "Snake Eyes" par contre je trouve cela beaucoup plus justifié par rapport au sujet même du film, sa rythmique, le caractère huis-clos, la présentation du héros qui va être le moteur de l'histoire, la découverte du lieu autour duquel va se broder toute l'histoire etc...
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13983
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le plan séquence

Message par Alexandre Angel »

Outerlimits a écrit :Justement c'est un ce que je dis
Je crois surtout que c'est moi qui tend à trop étendre la définition du plan-séquence qui, quand on la recherche, s'avère ramener le procédé à ce que décrive les forumeurs : donner l'illusion (ou pas) qu'une seule action s'inscrit dans la durée en traversant plusieurs décors.
Moi, j'étais sûr que dès qu'un plan était un tant soit peu long, avec une action au sens large qui se déploie à l'intérieur de ce plan, c'était un plan séquence. Il semblerait que non...
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Beule
Réalisateur de seconde équipe
Messages : 5717
Inscription : 12 avr. 03, 22:11

Re: Le plan séquence

Message par Beule »

Pacaya a écrit : Alors tu ferais mieux de t'asseoir, mais certains cinéastes ci-dessus sont morts. Déso pour toi :cry:
Ah mince :|
De Palma, c'est ça ? C'est un peu dur mais c'est probablement pas faux.

Je ne sais pas comment je dois prendre ta petite pique. Si c'est pour me remettre doucement à ma place, au vu d'une réaction trop péremptoire et d'une formulation inappropriée, je la mérite dans doute. Si c'est pour signifier que ces exemples appartiennent à un passé révolu dont on doit faire table rase aujourd'hui, là ça coince. Je pourrais d'ailleurs objecter que ton illustration par Breaking news n'est elle-même déjà plus de la toute première fraîcheur.
Avatar de l’utilisateur
-Kaonashi-
Tata Yuyu
Messages : 11413
Inscription : 21 avr. 03, 16:18
Contact :

Re: Le plan séquence

Message par -Kaonashi- »

Pacaya a écrit :Je ne comprends pas cette obsession du plan séquence ou du "trans-trav" chez certains, qu'on retrouve dès les premières années d'école de cinéma. Pour des résultats merdiques parce que bizarrement, on n'a pas l'intelligence d'un Welles ou d'un Hitchcock, ni les compétences de leurs techniciens.

Quand j'ai vu Breaking News de Johnnie To, j'ai pu m'empêcher de me marrer tellement j'ai trouvé ça mauvais et foiré. Et même dans la Corde d'Hitchcock, je me rappelle d'un travelling/zoom dégueulasse sur le dos d'un mec pour cacher une coupe. Alors que je n'ai même pas capté les vrais cut !

Du coup, voir un film dont la pub est axé sur le plan séquence, je sais d'emblée de jeu que ça ne va pas me plaire...
Alors pour ma part j'ai une fascination, je le reconnais, pour l'utilisation du plan séquence, que je vois autant comme une figure de style, un bon outil de mise en scène, ou bien une "simple" prouesse technique. Et il peut certes tourner au joujou pour impressionner, voire à l'argument de vente, comme pour le dernier Sam Mendes justement. Et c'est une des raisons pou lesquelles je suis un peu sceptique sur ce film, avant même de l'avoir vu.

Cependant le plan-séquence n'est pas forcément une démonstration technique et peut se faire très discret, et être totalement au service du jeu des acteurs et de la mise en scène. Je pense dans ce genre de cas à de magnifiques scènes très peu voire pas du tout découpées chez Mizoguchi, en longs plans fixes qui permettent l'air de rien de faire sortir peu à peu l'émotion. Idem pour le récent A Elephant Sitting Still, dont j'ai réalisé seulement au bout de quelques scènes que chaque séquence, chaque scène est construite autour d'un seul plan-séquence, que ce soit dans une seule pièce avec quelques légers mouvements, ou bien dans plusieurs endroits avec travellings en intérieurs puis extérieur.

Accessoirement, et c'est peut-être un point de vue faussé par la sélection qui nous en arrive, mais j'ai l'impression que le plan-séquence est une figure de style beaucoup utilisée par le cinéma d'auteur chinois actuel. Ça donne des choses intéressantes, comme la montée de tension dans Le Lac aux oies sauvages ou le lien entre plusieurs personnages dans un même lieu dans Séjour dans les Monts Fuchun. D'autre fois ça donne une dimension onirique bienvenue après un première partie très déconstruite dans Un grand voyage dans la nuit, même si là on a les mêmes défauts que pour Breaking News : c'est forcément maladroit, avec des mouvements d'appareil étranges.

Après, ma fascination ne m'empêche pas de trouver totalement vaines certaines utilisations massives ou systématiques du plan-séquence, comme par exemple La Corde, que tu cites Pacaya, ou même L'Arche russe, que j'aime beaucoup (pour ce qu'il raconte), mais qui aurait aussi pu fonctionner avec un découpage/montage, ou encore le film allemand Victoria que je n'ai pu regarder en entier. Je trouve ça vain aussi quand Inarritu fait Birdman "en réaction à" son pote Cuaron qui a fait ça, lui, avec talent, émotion et originalité.

Ah, Pacaya, un détail : tu dis 'plan-séquence ou "trans-trav"', mais c'est pas la même chose. J'ai du mal à imaginer toute une scène en travelling compensé, encore moins tout un film ! :mrgreen: John Woo en fait d'assez longs dans Les 3 royaumes, mais il y a forcément une limite dans cet effet, celle de la bague de mise au point.
Dernière modification par -Kaonashi- le 20 janv. 20, 10:48, modifié 1 fois.
Image
perso / senscritique.com/-Kaonashi- / Letterboxd
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24411
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Le plan séquence

Message par ed »

Alexandre Angel a écrit : Moi, j'étais sûr que dès qu'un plan était un tant soit peu long, avec une action au sens large qui se déploie à l'intérieur de ce plan, c'était un plan séquence. Il semblerait que non...
Je m'étais promis de plus revenir sur ce point, mais il faut croire que je suis maniaque.
Un plan fixe de 5 secondes sur un type assis à une table en train de regarder un livre, ça peut être un plan séquence, si le plan qui précède et celui qui suit appartiennent à d'autres séquences.
Par contre, l'exemple souvent cité de La Soif du mal, c'est pas un plan-séquence, à cause de l'insert d'un plan sur la voiture qui explose à la fin de la séquence.
La définition d'un plan-séquence, c'est un plan (unité technique) qui est aussi une séquence (unité narrative), c'est tout. Il n'y a aucune considération ni de longueur ni de virtuosité dans cette définition.
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13983
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le plan séquence

Message par Alexandre Angel »

ed a écrit :
Alexandre Angel a écrit : Moi, j'étais sûr que dès qu'un plan était un tant soit peu long, avec une action au sens large qui se déploie à l'intérieur de ce plan, c'était un plan séquence. Il semblerait que non...
Je m'étais promis de plus revenir sur ce point, mais il faut croire que je suis maniaque.
Un plan fixe de 5 secondes sur un type assis à une table en train de regarder un livre, ça peut être un plan séquence, si le plan qui précède et celui qui suit appartiennent à d'autres séquences.
Par contre, l'exemple souvent cité de La Soif du mal, c'est pas un plan-séquence, à cause de l'insert d'un plan sur la voiture qui explose à la fin de la séquence.
La définition d'un plan-séquence, c'est un plan (unité technique) qui est aussi une séquence (unité narrative), c'est tout. Il n'y a aucune considération ni de longueur ni de virtuosité dans cette définition.
Pourquoi ne pas y revenir?
Donc, à te lire, ça me donnerait plutôt raison mais sur internet (Wiki ou autre) , on nous dit de ne pas confondre plan-séquence avec plan long.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13983
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le plan séquence

Message par Alexandre Angel »

-Kaonashi Yupa- a écrit :Je trouve ça vain aussi quand Inarritu fait Birdman "en réaction à" son pote Cuaron qui a fait ça, lui, avec talent, émotion et originalité.
Assez d'accord : sur le moment, j'avais bien aimé Birdman mais j'ai jamais eu envie de le revoir. Alors que Gravity, j'ai acheté le BR et ai revu le film deux fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6143
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Le plan séquence

Message par Thaddeus »

J'ai eu exactement le même cheminement que toi, Alexandre. J'étais persuadé que le plan-séquence était à prendre au sens littéral des deux mots qui le composent, à savoir comme la conjonction d'un "plan" et d'une "séquence". Ainsi, les procédés de Birdman ou de 1917, s'ils se définissent en effet par leur plan unique (du moins son illusion), ne me semblaient pas relever de la séquence dans la mesure où les récits qu'ils épousent pouvaient être dramaturgiquement segmentés en plusieurs scènes distinctes. Pas sûr donc de pouvoir les considérer comme des plans-séquences. A contrario, Jeanne Dielman me semblait être agencé comme une suite de plans-séquences (fixes en l'occurrence). Bref, j'abondais à la définition telle que la précise ed juste au-dessus.
Sauf que je lis dans Wikipédia : "un plan-séquence est un plan qui consiste en une prise de vues unique se déroulant en plusieurs endroits d'un même lieu ou successivement en plusieurs lieux reliés l'un à l'autre. Cette dimension d'ubiquité fait que le plan-séquence comprend forcément de nombreux mouvements de caméra, panoramiques et travellings (sinon, il s'agit d'un plan long situé dans un même décor, voir ci-dessous)" puis "Le plan-séquence est souvent confondu avec le plan long, un plan qui contient une scène complète dans un cadrage fixe". Alors quoi ? Ce point crucial mérite d'être tranché. :mrgreen:
Répondre