« Il est tellement méconnaissable d'un rôle à l'autre que j'ai mis du temps à me rendre compte que c'était un acteur récurrent. »
Moi aussi ! Quand j'ai compris médusé que l'antagoniste de Mifune dans
Yojimbo et
Sanjuro était le même acteur, j'ai fait : hô-hô !
« Un acteur qui aurait pu profiter de son physique de jeune premier pour devenir une grande star, mais qui a juste fait son métier le mieux possible, a tout donné pour ses rôles plutôt que de s'en servir pour assoir sa notoriété. »
Là par contre, je ne comprends pas. Tatsuya Nakadai EST devenu une grande star (à partir de
Ningen no joken en 1959), son physique de jeune premier n'étant, cela dit, qu'une de ses nombreuses armes pour y parvenir !
Et puis le sensei est une double star puisqu'il est aussi un
divo des planches nippones (ce qui était d'ailleurs sa première intention - quoique avant ça, paraît-il, il voulait devenir boxeur). Sa filmo est abondante (133 films, téléfilms et séries confondues), pourtant parallèlement il entre aussi dans la légende comme acteur de théâtre, par exemple pour son
Macbeth - qu'il a repris à nouveau cet automne, pour ainsi dire au moment où je vous parle ! - et tout comme au cinéma, toutes sortes de rôles aussi hétérogènes que possible (du nô à Arsène Lupin).
Comme on dit fort joliment sur Wikipédia, sa marque de fabrique est de ne pas en avoir. Autrement dit, il peut tout faire. Donc selon les besoins d'un rôle, il peut jouer avec la sobriété du type qui a gobé un plein gobelet de vinaigre lorsqu'il s'agit de camper le jeune inspecteur de
Entre le ciel et l'enfer, ou faire dans la truculence colorée pour un personnage de brute plus-grand-que-nature comme le chef yakuza
Onimasa /
Dans l'ombre du loup ou le garde-chiourme cinglé des
Lucioles du nord. Un jour il est salué pour son jeu "à l'américaine" et le lendemain pour son kabuki. Un jour il est un héros de film de sabre et le lendemain un acteur satirique (dans
Je suis un chat de Kon Ichikawa). Et il est tout aussi à sa place dans le grand film d'art pour cinéphiles comme
Ran que dans un film comme
Hachiko monogatari, émouvant mélodrame populaire centré sur la vie d'un chien, qu'il tourna l'année suivante. (Et je suis de plus en plus persuadé que ce genre de choix dans sa filmographie est tout sauf un hasard ). C''est vrai même de ses personnages de samouraïs : comment croire que c'est le même acteur qui interprète Genta dans
Kiru (1968) et Magobei dans
Goyokin (1969) ??
Et tiens, parlant de productions éclectiques, entre le chauffeur de
Driving Miss Daisy qu'il interprétait sur les planches au printemps dernier et le Shakespeare qu'il joue cet automne,
Tatsuya Nakadai a trouvé le temps d'enchaîner les tournages :
Haru tono tabi (Voyage avec Haru) de Masahiro Kobayashi (
Bashing), où il interprète un vieux pêcheur du nord du Japon qui se rend à Tokyo avec sa petite-fille ; et bien sûr, il est le redoutable adversaire auquel sera confronté le nouveau masseur aveugle Shingo Katori dans le grand duel final de
Zatoichi the Last. Deux sorties prévues pour 2010.
« Les films d'une seule couleur ne sont pas bons. » - Dino Risi, entertainer