The Last Show (Robert Altman - 2006)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jordan White
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The Last Show (Robert Altman - 2006)

Message par Jordan White »

A Prairie Home Companion : Le dernier show radiophonique d'un groupe d'artistes se produisant dans la ville de Saint Paul. La première scène ( un plan-séquence) donne le ton du film : il oscille entre profonde mélancolie et envie d'aller de l'avant en se remémorant son passé et les bons moments qui y sont associés. Robert Altman signe peut-être son film qui me touche le plus, moi qui voyait surtout dans sa description de personnages un certain cynisme, ici au contraire il s'en affranchit pour toucher le coeur du film, à savoir le partage des souvenirs, et en filigrane la présence de la mort. Les acteurs dirigés de main de maître composent une galerie de protagonistes évoquant leur arrivée sur la scène, leurs séparations, leurs coups de blues (Lindsay Lohan brillante dans un petit rôle sur lequel je vais revenir plus tard) ou leurs espoirs.

Ils savent tous qu'ils entament leur dernière valse ensemble et qu'une fois le rideau tombé, certains ne pourront plus assurer le spectacle, tout simplement parce qu'ils ne seront plus de ce monde. D'ailleurs, dans le film il n'y a qu'une mort physique celle de Chuck, et malgré tout, le show continue, personne ne s'arrête, même si certains sont plus affectés que d'autres (un des deux cowboys joué par John C Reilly). Ils savent aussi que cette scène qu'ils ont côtoyé pendant des années a été leur raison de vivre, et c'est cela qui rend le film si riche, si fort sur le plan de l'émotion : les vieux de la vieille jouent leur dernière représentation et derrière, Lola, la plus jeune représente la possibilité d'une reprise, d'une délégation, d'un héritage, ce n'est pas pour rien que sa mère Yolanda lui a donné le propre prénom de sa grand-mère.

Quand les lumières s'allument, que les premières notes et que les premières paroles sont entonnées, l'émotion saisit le spectateur. Il faut être absolument réfractaire au genre musical pour s'y ennuyer ou rejeter en bloc, tant tout cela est fluide, tant tout cela est bien chanté.
Les acteurs ne sont pas doublés et leurs interprétations sont toutes plus belles les unes que les autres, avec un répertoire dont je ne connais pas la moitié, mais peu importe, c'est très beau. Le film parle beaucoup du Mississipi, du Minnesota, des Etats qui ne sont pas forcément les plus connus des Etats-Unis, et d'un pan culturel (énormément de références musicales dont pas mal m'ont échappé ne connaissant pas très bien leur histoire, mais ce n'est pas très grave en soi, le film nous en dit beaucoup et nous permet de les découvrir) pas en vogue, moins représenté que Hollywood ou la Côté Est. Evidemment on y parle de Dieu, c'est assez bouleversant.

Robert Altman agrémente son film de quelques touches d'humour bienvenues, je pense aux facéties de Kevin Kline, impeccable, un personnage lunaire, une sorte de Tati américain qui joue avec le décor ( une rambarde, une cymbale, un téléphone). C'est du visuel, c'est génial.
Les personnages ont leur zone d'ombre, on se pose des questions, le scénario développe des liens, des histoires communes. C'est un modèle de narration, et ce qui est fort c'est que le film ne se déroule quasiment que dans un seul décor, celui de la scène où ils chantent.
J'en reviens à Lindsay. Elle n'est pas très présente à l'image, je n'ai pas attendu en vain qu'elle soit là, le film repose sur un groupe pas que sur elle. Après des rôles de lolita et/ou d'ado desquels elle se sortait avec talent, elle aborde son premier rôle "adulte" et le réussit avec brio. C'était un peu une gageure au début comparé à La Coccinelle revient de la faire jouer une jeune fille dépressive écrivant des poèmes sur la mort, on peut avoir peur du cliché de la fille pas bien dans sa peau qui refuse de parler. Or, c'est l'inverse. Elle joue sur un demi-ton, avec une retenue convaincante, et se transforme physiquement et vocalement pour coller aux vicissitudes du personnage. Elle est formidable même si son rôle est secondaire. Mais c'est un contre-emploi qui arrive au bon moment, et sa chanson est très touchante, d'autant qu'elle improvise.

A Prairie Home Companion est un très beau film, par que sur le deuil de sa jeunesse, il y a des instants de joie, de communion, la toute dernière chanson pré-générique, portée par une musique admirable. Le show s'arrête, mais ils se reverront, car la musique elle ne s'arrête pas, elle continue. Sortie en salles le 6 décembre.
Merci beaucoup à Tom Peeping pour le prêt du DVD.
8/10
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Jordan White
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The Last Show (Robert Altman, 2006)

Message par Jordan White »

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Le dernier film de Robert Altman s'apprête à sortir sur les écrans ce mercredi 6 décembre. Dernier film dans tous les sens du terme : il n'y en aura plus jamais d'autre de la part du réalisateur décédé en novembre dernier, et vous verrez l'ultime long-métrage d'un homme qui se savait peut-être partir en réalisant pourtant en fin de compte un de ses films les plus optimistes. Ce n'est pas qu'un simple constat d'une période révolue, pas plus que la confrontation entre le monde de la radio et celui de la télé, radio dont les interprètes sont les derniers représentants.

Le film est interprété par une bande d'acteurs qui prennent un plaisir non feint à jouer ensemble, et bien qu'ils ne puissent savoir, c'est toute l'ironie du sort, qu'ils allaient donner le dernier clap à Altman, on n'a pas l'impression qu'ils donnent le "la" du dernier souffle. Ca sent la respiration, la communication. La chaleur humaine qui se dégage de The Last Show ( qui aurait très bien pu être intitulé The Beautiful Show) en fait un film facile à appréhender, dans lequel on rentre sans difficultés, enfin je trouve, et qui nous transporte par sa musique (même les allergiques à la country se laisseront emballer par la mise en scène) et le jeu des comédiens, Kevin Kline crévant l'écran à la moindre de ses tirades, dont certaines à pleurer de rire.

Meryl Streep est phénoménale, de même que la plupart des petits rôles, jusqu'à Lindsay Lohan en ado déprimée, l'inverse de ce qu'elle a pu interpréter. On pourrait rechigner devant les deux cowboys et le sketch un poil trop long des blagues ( la chanson " Bad Jokes ") qui sent presque l'improvisation, où les acteurs se lâchent. Etaient-ils dirigés dans ce sens, ou ont-ils pris une certaine liberté par rapport au script, c'est bien possible, tant ils semblent n'en faire presque qu'à leurs têtes.

C'est un film qui semble avoir été tourné en une nuit, peut-être pas en une seule prise mais donnant l'impression du truc filmé en temps réel avec des vieux de la vieille qui ont toujours vécu pour la musique, et le public ( que l'on ne voit jamais face caméra), public qui les lève comme un seul homme en applaudissant et en entonnant quelques airs. Derrière, dans les coulisses, les histoires des uns et des autres s'entrecroisent et c'est là que l'on retrouve la patte du réal avec ses directions chorales.
J'en avais déjà parlé dans le topic des films de novembre, je ne vais donc rajouter que quelques lignes par rapport à mes impressions premières qui resteront les mêmes je pense : une fois rentré dans le film, difficile d'en ressortir. Amateur ou pas de country, du Sud des Etats-Unis et de ses shows radiophoniques, croyants ou pas.
On peut à la rigueur être peu sensible au rôle de Tommy Lee Jones qui est pourtant déterminant même s'il ne joue que vingt minutes environ, et trouver celui de Virginia Madsen un peu appuyé ( personnellement c'est l'un de mes préférés, je suppose que c'est dû à son évanescence et à son angélisme, mais chut, je n'en dis pas plus).
Il n'y a pas de clap final, pas de fin indiquée en grosses lettrines, les choses sont suggérées, le film disant implicitement que le show continuera, que le ciné lui aussi, toujours, quoiqu'il arrive. En faisant vibrer des tas de choses, intimes comme collectives en chacun de nous.

J'ai appris, je ne le savais pas quand je l'ai découvert en DVD Z1, que le scénariste du film, Garrisson Keillor est le propre animateur d'une émission radio aux US, je me disais comment un comédien peut-être aussi fort et crédible ? La réponse est donnée, et il chante divinement bien.

L'un des évènements du mois de Décembre, un des films les plus forts de l'année, Tom en reparlera sans doute s'il le souhaite, tant il marque les esprits, que l'on soit fan ou pas d'Altman à la base, ça vaut pour moi aussi, force est de reconnaître qu'il m'a touché en plein coeur avec cet ultime opus. Ultime qui ne veut pas dire triste, passéiste ou anémique. Non, l'image est belle, la musique est attendrissante et énergique, les comédiens tous épatants.
A voir sans aucun doute.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Anticipateur ce titre....

Un film que j'attends évidemment.
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Major Tom
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Re: The Last Show de Robert Altman

Message par Major Tom »

Jordan White a écrit :Image
Elle n'est pas terrible cette affiche photoshop...
Griffin Mill
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Message par Griffin Mill »

C'est vrai que ces deux-là sont bien plus réussies :
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ed
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Message par ed »

j'ai comme l'impression que dans l'esprit un peu nostalgique, l'atmosphère country, etc... ce film s'inscrit dans la continuité de Cookie's fortune...
Si c'est effectivement le cas, je suis déjà conquis !
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Griffin Mill
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Message par Griffin Mill »

Ça me fait penser à Broadway, 39ème rue de Tim Robbins qui n'avait bien sûr pas du tout cet aspect country.
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Tom Peeping
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Message par Tom Peeping »

Le visuel de l'affiche française reprend bien la thématique du film. Comme Jordan l'a dit, The Last Show est un film qui peut marquer profondément. Le fait qu'il ait été réalisé par un vieux cinéaste qui savait sa fin imminente lui donne un supplément d'âme que j'ai rarement vu dans un film. Il y a beaucoup de thèmes qui s'y croisent, indéchiffrables pour certains à la première vision mais qui se révèlent ensuite, dans toute leur richesse et leur humanité. Si le titre français du film est prémonitoire, le titre original l'est aussi : A Prairie Home Companion évoque aussi, outre le titre réel de l'émission de radio, les Prairies, ces "paturages du Ciel" qui sont les champs d'éternité pour les anglo-saxons. Ce n'est pourtant pas un film morbide, bien au contraire : un running gag formidable est d'ailleurs l'un des plus (dé)culottés qu'on puisse imaginer. Mais trop parler de ce film avant sa sortie serait déflorer sa troublante magie pour ceux qui ne l'ont pas encore vu. Je comprends qu'on puisse rester insensible à The Last Show (c'est un film qui détonne dans la production actuelle) mais pour ma part, c'est un film que j'ai vraiment adoré. Chapeau bas à Altman, une fois de plus.
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

Pour continuer sur le cinéma de genre, visitez mon blog : http://sniffandpuff.blogspot.com/
Jordan White
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Message par Jordan White »

Sortie du film hier. Pour une oeuvre qui traite de la nostalgie mais avec la verve d'un jeune premier ou quasiment, et avec un fond musical country, il est plutôt bien distribué (96 salles).
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Julien Léonard
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Message par Julien Léonard »

Je serais bien aller le voir (d'autant que j'aime beaucoup le cinéma de Robert Altman et que j'aurais aimé aller voir le testament cinématographique du cinéaste)... Mais (et pardon Jordan White, vraiment hein), j'ai vraiment du mal avec cette Lindsay Lohan... :?
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Jordan White
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Message par Jordan White »

Julien Léonard a écrit :Je serais bien aller le voir (d'autant que j'aime beaucoup le cinéma de Robert Altman et que j'aurais aimé aller voir le testament cinématographique du cinéaste)... Mais (et pardon Jordan White, vraiment hein), j'ai vraiment du mal avec cette Lindsay Lohan... :?
Elle n'est présente en tout et pour tout que 15 minutes, elle a peu de dialogues car c'est un petit rôle secondaire. Mais elle est surprenante, surtout si on a vu ses films précédents, le changement étant radical. On va donc voir The Last Show pour l'ensemble des comédiens et pour Robert, son cinéma, et dans le cas présent pour la joyeuse euphorie qui s'en dégage.
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Julien Léonard
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Message par Julien Léonard »

Jordan White a écrit :
Julien Léonard a écrit :Je serais bien aller le voir (d'autant que j'aime beaucoup le cinéma de Robert Altman et que j'aurais aimé aller voir le testament cinématographique du cinéaste)... Mais (et pardon Jordan White, vraiment hein), j'ai vraiment du mal avec cette Lindsay Lohan... :?
Elle n'est présente en tout et pour tout que 15 minutes, elle a peu de dialogues car c'est un petit rôle secondaire. Mais elle est surprenante, surtout si on a vu ses films précédents, le changement étant radical. On va donc voir The Last Show pour l'ensemble des comédiens et pour Robert, son cinéma, et dans le cas présent pour la joyeuse euphorie qui s'en dégage.
Là ça me donne du coup bien envie...
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Joe Wilson
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Message par Joe Wilson »

A Prairie Home Companion est un film qui s'offre sans détours, et que l'on quitte le coeur réjoui. C'est aussi une oeuvre qui se laisse aimer...les quelques reproches ou autres insatisfactions comptent peu tant l'on ressent de générosité, de plaisir de créer. Pour sa dernière tournée, Altman donne toute son énergie et sa liberté d'artiste. A Prairie Home Companion est certainement hors-modes, atypique, une expression pure de tendresse en quelque sorte, un voile apaisant en guise d'au-revoir.
Altman ne parle que de continuité, à travers toutes les interventions du formidable Garrison Keillor. Le cinéma est une scène, il se fond dans la musique et celle-ci est un mouvement perpétuel, une source jamais tarie.
On est parfois dans l'improvisation la plus bancale mais elle devient formidable de justesse. La maladresse nourrit l'euphorie mais jamais l'amertume. Par cette humilité artistique, il y a la conscience de laisser une trace infime, un souvenir affectif, et ce sentiment vaut tous les sacrifices. Keillor transmet cette sérénité imperturbable, qui semble surmonter tous les soucis passagers de la vie.
A Prairie Home Companion convoque une large gallerie de personnages. Altman joue d'ailleurs avec malice sur des clichés démythifiés, des archétypes rêvés : l'agent de sécurité se prend pour un détective tout droit sorti d'un vieux film noir (de la tenue à la cigarette), les deux cow-boys sortent d'un passé enfoui et et se tournent en ridicule avec conviction. La moquerie est d'humeur enthousiaste, et pourtant la gravité et la souffrance sont toujours en ligne de mire. Mais la dignité et la camaraderie emportent les pleurs et les regrets.
Altman a su retranscrire l'évidente simplicité de la country, une attitude et des traditions. Son show respire une authenticité lointaine, mais bien loin d'être passéiste. C'est un brillant hommage, modeste dans sa lucidité. Il montre une communauté humaine qui se serre les coudes et réfute l'idée d'une disparition. La transmission ignore tout simplement l'oubli, et l'on peut s'en aller en paix, dans une forme d'éternité contemplative.
Le casting est dans l'ensemble un régal : mention spéciale à une Meryl Streep admirable (une fois de plus) et à un Kevin Kline absolument réjouissant. Je suis partagé sur le rôle de Virginia Madsen. L'actrice joue bien, sa prestation est convaincante mais je trouve la symbolique trop démonstrative, en rupture avec une ton d'une subtilité plus proche du rêve, d'une retenue et d'une discrétion rares.
Quant à Lindsay Lohan (je précise que je n'ai vu aucun de ses films et pars donc sans aucun à priori), sa prestation chantée est certainement trop forcée et criarde (c'est un défaut assez commun) mais elle s'en sort dans l'ensemble avec les honneurs dans un rôle important. Elle incarne en effet une relève de génération, elle porte la responsabilité d'un souvenir et la fraîcheur d'une jeunesse à l'écoute de ses aînés. Altman détourne là-encore un cliché (l'adolescente dépressive et suicidaire) et son regard n'est qu'affection.
A Prairie Home Companion est le chant d'un cinéaste acceptant sa propre finitude, un témoignage d'une intense émotion en guise de leçon de vie.
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7swans
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Message par 7swans »

Surement, de mon point de vu, un chef d'oeuvre, et le film de l'année.

Un film plein de coeur et d'humour, cet humour particulier a altman, peut etre d'un cynisme plus mélancolique qu'autrefois.

Le testament serein d'un cinéaste qui s'éteint.

De par son contexte particulier, chaque élément du film peut faire référence a la carrière du réalisateur : a cette ultime bataille d'altman face a l'etablishment hollywoodien, et de ses 50 années passées a essayer de continuer a faire ces films en otarcie, a cette façon de dire "au revoir, mais pas d'apitoiement, mon art parlera pour moi", et de penser que, les jeunes, artistes ou pas, deviendont des banquiers (une charge contre la nouvelle génération de réalisateur?)

Un grand Altma, un grand film.
Comme les Notting Hillbillies : "Missing...Presumed Having a Good Time (on Letterboxd : https://letterboxd.com/ishenryfool/)"
Jordan White
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Message par Jordan White »

Superbe texte de Joe, je reprends juste cela :
Quant à Lindsay Lohan (je précise que je n'ai vu aucun de ses films et pars donc sans aucun à priori), sa prestation chantée est certainement trop forcée et criarde (c'est un défaut assez commun) mais elle s'en sort dans l'ensemble avec les honneurs dans un rôle important. Elle incarne en effet une relève de génération, elle porte la responsabilité d'un souvenir et la fraîcheur d'une jeunesse à l'écoute de ses aînés. Altman détourne là-encore un cliché (l'adolescente dépressive et suicidaire) et son regard n'est qu'affection.
Sa prestation chantée (la première car elle revient ensuite pour le tour de chant de fin) est à mon sens montrée comme une libération, un exutoire à un moment où elle ne s'y attendait pas. Elle était auparavant complètement renfermée dans son univers, noyée sous une chape de plomb. Dans une scène extrêmement importante, celle de la rencontre avec les deux cowboys, elle explique qu'elle aimerait bien chanter mais qu'elle ne connaît que des chansons sur la mort, des trucs qu'elle a écrit, et qu'elle considère donc comme hyper personnels, mortifères, mais lui tenant aussi à coeur. L'un des deux cowboys lui montre sa stupéfaction car il pense qu'il est difficile d'imaginer une si jeune fille parler aussi ouvertement de la mort. Elle ne se sent pas capable, pas encore mûre pour chanter sur scène, encore moins quand il s'agit d'interpréter son propre texte.

Or, son personnage, dans la scène finale effectue une mue très impressionnante, alors qu'il a longtemps été dans un mutisme sinon dans la simple expression de borborygmes( quelques mots "échangés", murmurés plutôt avec sa mère et son amie tout au plus, dans la loge, murée dans son silence, s'affairant à écrire ce qu'elle pense incompréhensible pour les autres - à ce titre, à sa question "Qu'en as-tu pensé ?" qu'elle adresse à sa maman, celle-ci reste très évasive) grâce à une libération par le chant. Et là, elle est le témoin vivant naturel, le relais d'une troupe, d'un groupe.

Du coup son interprétation est un peu forcée mais ça s'explique parce que l'expression se libère soudain, du coup tout arrive très vite, il faut qu'elle se débrouille avec ça, on la sent happée par quelque chose qui aurait pu la dépasser complètement, d'autant que la chanson est en grande partie improvisée - on retrouve la même idée avec la feuille du fil conducteur de l'émission perdue et que les animateurs meublent en imitations, blagues, et autres joyeusetés, idée qui sera reprise lorsque Lola recherchera le texte de son poème, qu'elle laisse tomber par terre avant de revenir sur scène - et qu'elle ne sait pas trop quoi faire.
Elle n'est pour moi pas criarde, mais étant donnée qu'elle se retrouve seule devant un parterre là pour l'applaudir, l'angoisse monte, et sa gaucherie émeut, parce qu'elle pousse sa voix dans ses retranchements (essayer de chanter sans vous chauffer la voix, vous n'allez pas être tout de suite dans la note). Etant la plus jeune de toute, le poids est lourd à porter, mais elle s'en sort comme la nouvelle venue qui ferait ses gammes sans savoir comment elle sera reçue.
Sinon d'accord sur l'aspect libérateur de Lola, sur la filiation qu'elle incarne directement, sur son regard plein d'affection.
En fin de compte, Lola est sauvée par la chanson, c'est ce qui rend le film si beau.

Par rapport à 7swans, je n'ai pas vu une once de cynisme dans ce Altman. Un poil ironique sans doute en partie en raison du rôle joué par Tommy Lee Jones et le sort réservé à ce dernier, mais il n'y a pas de méchanceté ou une volonté de voguer à contre-courant.
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