Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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AtCloseRange
Mémé Lenchon
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Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par AtCloseRange »

J'ai vu ce film il y a quelques années à l'Etrange Festival et c'est peu dire que, malgré ses défauts, cette séance reste encore gravée dans ma mémoire. Un film imparfait, un peu fou mais fascinant avec une belle distribution (Gene Hackman, la merveilleuse Theresa Russell, Rutger Hauer et un des premiers rôles de Mickey Rourke).
Que vaut le DVD Zone 2? Et vive le DVD qui permet à un film resté obscur aussi longtemps d'être disponible aujourd'hui.
tronche de cuir
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Message par tronche de cuir »

Eh, bien, le zone 2 est passable: le pressage n'est pas extraordinaire mais j'ai vu pire. Quant au film, c'est un P... d'ovni, les acteurs disparaissent en cours de route, d'autres sont mis au premier plan, la struture change, c'est trés onirique. Il commence comme une espèce de "Citizen Kane" ésotérique pour s'achever en sublime portrait de femme.
mannhunter
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Message par mannhunter »

un vrai ovni en effet,Roeg alterne les genres,c'est ambitieux et déroutant...et quel casting (encore un beau rôle pour Madame Roeg :wink: )!! :shock:
ça me donne envie de le revoir,tiens... :)
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Je n'aime pas beaucoup ce film de Roeg trop fourre-tout qui se disperse. La séquence d'ouverture du générique laisse présager un bon film mais Roeg passe à côté, ni Hackman ni Hauer ni Theresa Russell ne sauvent le film.
Vous voulez maroufler ? Je suis votre homme...
tronche de cuir
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Message par tronche de cuir »

Sergius Karamzin a écrit :Je n'aime pas beaucoup ce film de Roeg trop fourre-tout qui se disperse. La séquence d'ouverture du générique laisse présager un bon film mais Roeg passe à côté, ni Hackman ni Hauer ni Theresa Russell ne sauvent le film.
C'est vrai que le film est hétérogène mais je ne trouve que cela soit forcément un défaut. Au contraire. Quant au fait que Roeg passe soi-disant à côté, je pense que c'est un film qui demande à ce que l'on soit le plus ouvert possible tant il est vrai qu'il semble décevoir les attentes du départ. Le film parait élaborer son sujet au fur et à mesure. Fascinant.
Anorya
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Re: Eureka - Nicholas Roeg

Message par Anorya »

Eureka (Roeg - 1983).

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1925. Jack McCann, un chercheur d'or, tombe sur un filon et devient un des hommes les plus riches du monde. Vingt ans plus tard, McCann, désabusé, vit désormais reclu sur une île. Sa femme est alcoolique. Son associé tente de construire un casino, à son insu, avec l'aide de la mafia. Sa fille est mariée avec un homme qu'il déteste. Et son entourage proche convoite l'héritage...

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Comme d'habitude chez Roeg, l'on est gratifié d'un curieux objet cinématographique qui tient à la fois du style planant de son auteur comme de ses propres conditions de réalisation. D'ailleurs, Eureka (à ne pas confondre avec celui de Shinji Aoyama, complètement différent mais néanmoins superbe) est pour ainsi dire un film maudit et le fait qu'il soit encore relativement peu connu malgré certaines de ses qualités (visuellement, il y a des plans magnifiques et un casting ahurissant) n'engage pas tellement à en découvrir plus. Le nom de Roeg lui-même pourra en rebuter certains, un peu largués par le trip que pouvait être L'homme qui venait d'ailleurs.

En 1980, Enquête sur une passion (Bad Timing avec Harvey Keitel et Theresa Russell --mme Roeg à cette époque :D ) ayant remporté un petit succès critique et publique, Roeg se voit enfin s'ouvrir devant lui les portes d'Hollywood. Son prochain film sera produit par la MGM, il s'agira d'Eureka, inspiré du livre de l'avocat Marshall Houts, Who killed Sir Harry Oakes ? Pourtant, les problèmes démarrent très vite et malgré ses stars (Gene Hackman, Theresa Russell, Rutger Hauer, Mickey Rourke --qui débute le jeunot, même si ce n'est pas son premier rôle (il joue un certain Reese dans le 1941 de Spielberg !)--, Joe Pesci), la MGM, au vu de l'étrangeté du film, décide de le mettre au placard pendant 2 ans.


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Après quelques coupes lors de scènes érotiques (une constante chez Roeg) afin d'éviter une classification X, le studio décide de se débarasser purement et simplement de l'objet en le programmant dans quelques villes américaines, signant du même coup le retour à un cinéma indépendant pour le pauvre Roeg. En Europe, le film ne sort qu'en Angleterre, accentuant son statut d'ovni étrange et culte. Alors, après tout ce temps et à la faveur d'un rare dvd qui est disparu aussi vite qu'il était réapparu, qu'en est-il vraiment ?

Eh bien, Eureka est bien un film étrange et déstabilisant. Ce qui peut commencer comme un film d'aventure où l'on suit McCann (Gene Hackman) à la recherche d'or continue ensuite comme un drame sur la désaffection des siens qu'a apporté la puissance corruptrice de l'or (la seconde partie du film qui réserve quelques longueurs avant de se reprendre lors d'un carnaval vaudou où tout va basculer)... Pour déboucher finalement sur un splendide et sublime portrait de femme (où l'on sent que le cinéaste déclare amoureusement sa flamme à son épouse, mais d'une manière bien plus subtile qu'un Rob Zombie dans The house of 1000 corpses / La maison des 1000 morts, où Sherry Moon Zombie dévoilait un peu trop gratuitement son corps pour la caméra de son rockeur de mari) lors d'une séquence de procès plus que touchante.


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On sent, dans le style même, un cinéaste aussi bien touché par la nature de l'or et le sentiment de découverte qui l'accompagne que de ses conséquences sur la nature de l'Homme. Tout ce qui symbolise l'or dans la première partie semble cadré avec soin (le générique alternant images d'une rivière baignée d'or avec plans majestueux de sapins survolés en hélicoptère sur fond de mystérieuses notes de piano), parfois tracé au cordeau (le plan d'une montagne découpée par le soleil levant comme si elle était elle-même un fragment d'or pur), quand ce n'est pas enrobé d'un bel écrin (Wagner et notamment "L'or du Rhin" si je me souviens bien, lors de la découverte du filon. Je suis sûr que Malick a vu ce film si ça se trouve). Quand aux conséquences, ce sont les parties suivantes...

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Le film semble tout entier, malgré ses évolutions successives en cours de chemin (qui en font tout le sel), l'occasion de portraits de femmes. Des hommages magnifiques où celle-ci, au début du film, semble comme divinisée, devineresse, comme une sorte de providence où, observant bien plus loin qu'une simple petite boule de cristal, voit à travers le temps et l'espace et guide l'Homme (le personnage de Frieda). Plus loin, lors d'un procès retentissant, ce sera Theresa Russell qui choisira de défendre l'homme qu'elle aime avec des mots simples en ne choisissant de dire que l'exacte vérité, quitte à perturber l'auditoire. Oui, l'Homme est un enfant qui recherche toujours à aller plus loin mais il lui faut le soutien de la femme sans quoi il ne pourrait pas escalader le piédestal qu'il s'est choisi d'escalader afin d'aller toujours plus loin. Un portrait juste et estomaquant qui laisse des femmes brisées et abandonnées par des hommes craintifs et incapables de se regarder dans la glace (le regard déprimé de Rutger Hauer dans le miroir à la fin du film) quand ils ne sont pas définitivement prisonniers de leurs obsessions (McCann).

Et sans doute est-ce cela qui me fait plus qu'apprécier ce film. Cela et l'aspect visuel, toujours aussi bien soigné et parfois d'une rare beauté chez Roeg. Un film bancal avec des longueurs mais traversé de belles fulgurences. Et puis j'avoue, je n'avais pas retrouvé un portrait aussi élégant et mystérieux à la fois de la gente féminine depuis Antonioni... J'ai hâte de continuer plus avant dans la filmo du monsieur...


5/6.
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AtCloseRange
Mémé Lenchon
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Re: Eureka - Nicholas Roeg

Message par AtCloseRange »

Je l'avais finalement revu et s'il reste fascinant par instants (le début notamment) avec des moments électrisants, Roeg a bien du mal à garder le rythme, il y a beaucoup de longueurs et j'ai beau être amoureux inconditionnel de Theresa Russell, je dois reconnaître que parfois (notamment pendant le procès), elle joue comme une savate (même si ce jeu très outrancier est poussé par Roeg).
Mais bon, dans ce film, elle est tellement sublime...

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G.T.O
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Re: Eureka (Nicholas Roeg)

Message par G.T.O »

J'aime beaucoup ce Roeg ! Quel montage nom d'une pipe ! De l'aveu même de Lynch, Roeg est le cinéaste qu'il l'a le plus influencé.
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Profondo Rosso
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Re: Eureka (Nicholas Roeg)

Message par Profondo Rosso »

Eureka de Nicolas Roeg (1983)

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Au Canada, en 1925, Jack McCann, perturbé par le désespoir et entouré par la mort, devient subitement un homme riche en découvrant un filon d'or. 20 ans plus tard, désabusé et installé sur une île jamaïcaine, il vit reclus avec sa femme alcoolique, sa fille mariée à un homme qu'il déteste, et son associé qui essaie à son insu, via la mafia, de construire un casino.

Cinquième film de Nicolas Roeg, Eureka apportait une nouvelle preuve de sa singularité avec cette histoire simple et profonde mais à nouveau narrée de manière anticonformiste. Le film adapte le livre Who Killed Sir Harry Oakes? de Marshall Houts inspiré d'un des crimes les plus mystérieux (et irrésolu) qui soit avec la mort du milliardaire Harold Oakes. Celui-ci était un aventurier chercheur d'or qui fit fortune en 1912 avec la découverte d'une mine d'or dont il réussit à la force du poignet à conserver le contrôle et faire fructifier. Bien des années plus tard, milliardaire et réfugié aux Bahamas pour échapper au fisc il est assassiné de la manière la plus barbare qui soit, brûlé vif et décapité. Son beau-fils sera accusé, jugé puis acquitté, faisant du meurtre d’Oakes une des plus grandes énigmes criminelles de son temps.

Nicolas Roeg suit très fidèlement la tournure des évènements telle qu'on la connaît mais comme toujours avec lui le résultat final ne ressemble à rien de connu. Le film s'ouvre dans un pur enfer blanc enneigé où Jack McCann (Gene Hackman) oppose sa volonté de fer à la fureur des éléments avec un objectif inébranlable : trouver un filon d'or. Roeg instaure une pure atmosphère fantastique et cauchemardesque où McCann doit abandonner toute humanité pour survivre, renoncer à l'amour et l'amitié pour achever sa quête. Les visions dantesques s'enchaînent avec un traumatisant et très graphique suicide, des loups qui comme effrayé par la détermination de Jack renoncent à le dévorer et bien évidemment la découverte de la fameuse mine. Là, Roeg déploie une symphonie visuelle, un tourbillon sensoriel par son sens du montage où Jack devient soudain le centre de l'univers, tout puissant et comblé. On ne le sait pas encore mais le climax du film vient déjà de se dérouler avec ce qui sera le moment le plus exaltant de l'existence de Jack.

Nous le retrouvons ainsi bin plus tard, vieil homme riche et repu vivant dans l'opulence de son île Eureka. Cette volonté et cette hargne qui l'ont maintenu en vie dans les neiges hostiles se sont estompées et il semble avoir perdu toute raison de vivre. Pourtant autour de lui avance la jeune génération, toute aussi exaltée qu'il ne lui fut dans sa quête de réussite. cela se manifeste par un homme d'affaires mafieux incarné par Joe Pesci souhaitant lui racheter un terrain pour construire un casino, voire même sa propre fille (Theresa Russel) qui le défie dans la passion qu'elle voue à un homme qu'il méprise (Rutger Hauer). Roeg élève magnifiquement son récit au-delà du crime sordide servant de postulat au départ pour une réflexion sur l'ambition, le sens de la vie. Le rythme se fait boiteux à l'image de l'existence de cet homme qui s'est arrêté et Roeg délivre à nouveau des moments extrêmes et expérimentaux dont il le secret pour illustrer ses thèmes. On retiendra un étouffant et hystérique rituel vaudou et surtout l'incroyable séquence d'assassinat de Jack qui même en partie censurée par le studio est aussi insoutenable que fascinante. L'apparition furtive d'une boule à neige fait le lien avec Citizen Kane (là encore un faux biopic qui partait complètement ailleurs) et fait le lien avec le souvenir le plus joyeux de leur personnage principal.

Gene Hackman, intense ou totalement éteint est absolument incroyable et le film ne retrouve plus cette hauteur une fois son personnage disparu. Le procès, les atermoiements du couple Rutger Hauer/Theresa Russell, tout cela s'avère bien moins passionnant et surligne ce qu'on avait saisi sans explications (Jack a organisé son propre suicide) même si de beaux moments demeurent comme ce dialogue suspendu et hors du temps dans le tribunal. La conclusion semble suggérer que seul ceux n'ayant pas encore réalisés leur rêve ou déterminé sa nature sont destinés vibrer encore (le personnage le plus indéterminé s'envolant vers d'autres cieux) les autres n'ayant plus que la solitude. Sans atteindre la magie de Walkabout ou le malaise de Ne vous retournez pas encore une grande réussite pour Nicolas Roeg.4,5/6
Jericho
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Re: Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par Jericho »

Premier long métrage de Nicolas Roeg que je découvre. Et ça peut aller, je ne me suis pas spécialement ennuyé, au contraire même. A lire certains avis, je pensais qu'il aurait un style bien plus radical et autiste. Personnellement, ce n'est pas la sensation que j'ai eu.
Alors certes, j'ai trouvé le film un peu étrange sur le plan de la mise en scène par moments, néanmoins ça reste très accessible pour ceux qui n'ont vu aucune oeuvre du cinéaste.
J'ignore si Roeg adopte toujours ce style sur toute sa filmographie, mais avec Eureka, j'avais l'impression de voir un mélange improbable de Werner Herzog et de Ken Russell. En gros, ça veut dire que c'est bien fascinant.
Je ne suis pas non plus totalement convaincu par le film, il y a des scènes outrancières qui passent moyennement bien, faisant cabotiner Gene Hackman et Rutger Hauer (à de rares moments quand même).
Et selon certains personnages, la VF est exaspérante voire inaudible, comme par exemple la femme qui double l'actrice jouant la fille de Jack McCann. Lors du procès à la fin avec son monologue larmoyant, j'en pouvais plus, tellement sa voix avait un ton bien niais...
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Blue
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Re: Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par Blue »

Jericho a écrit :A lire certains avis, je pensais qu'il aurait un style bien plus radical et autiste.
Je trouve que les films précédents du cinéaste sont moins "conventionnels" que celui-ci sur le plan narratif.
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Jeremy Fox
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Re: Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par Jeremy Fox »

Le film vient de sortir en DVD chez Potemkine
Wagner
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Re: Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par Wagner »

Le film existe également en blu-ray en Australie.
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julien
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Re: Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par julien »

Et puis bon, il existait déjà en dvd, dans une précédente édition. Pourquoi ils éditent pas plutôt des films qui ne sont pas encore dispos ?
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"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Jericho
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Re: Eureka (Nicholas Roeg - 1983)

Message par Jericho »

Peut être parce que l'ancienne édition n'était plus disponible.
C'est aussi simple que ça.

Sinon c'est vraiment dommage qu'il ne sorte pas en blu ray !
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