Tree of life (Terrence Malick - 2011)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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MJ
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Message par MJ »

Colqhoun a écrit :CLes dinosaures par exemple. Au delà d'une découverte de la pitié, je crois qu'il faut surtout associer leur comportement à la séquence qui suit: une météorite s'écrase sur terre entraînant la probable disparition de ces créatures. Dès lors ne faut-il pas y voir un "acte de Dieu" qui se décide à exterminer une race ayant trop évoluée, pour remettre les compteurs à zéro et laisser alors le champ libre à sa création la plus importante: l'être humain (puisque la scène de la naissance vient tout de suite après) ? Je n'ai pas de réponse précise, mais s'en tenir au seul fait que les dinosaures éprouvent de la pitié (et donc un sentiment qui n'a rien à faire dans le règne animal), c'est certes une constatation intéressante, mais je suis convaincu que cela doit amener d'autres interrogations.
Je me souviens en effet d'une scène où le plan de l'astéroïde apparaît plus comme une nécessité que comme une contingence, que ce soit par l'usage de la musique ou la composition du plan (on a vraiment l'impression qu'il est "projeté" par quelque chose hors cadre). Dans tous les cas, qu'on nous ramène directement à l'humain ensuite n'a rien de fortuit.
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O'Malley
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par O'Malley »

Enfin vu ce Tree of life...
Bon, il ya bcp (trop?) de choses à dire (et ce topic, que je viens de survoler en deux heures, a déjà bien été alimenté), je vais quand même ramené ma fraise sur deux ou trois points.

Déjà mon ressenti: j'ai bcp aimé ce dernier opus de Malick mais curieusement le film n'a pas été une expérience sensorielle intense, un "choc" cinématographique comme l'ont été la plupart des films de Kubrick (auquel Malick est dorénavant associé de part l'envergure de son cinéma mais aussi sa personnalité secrète et mystérieuse) ou même Le nouveau monde que j'ai découvert l'année dernière. L'intérêt que j'y porte est diffus par la rémanence de quelques séquences superbes (la création de l'Univers accompagné par le Lacrimosa de Preisner, le développement de Jack de sa naissance à sa petite enfance...) et par une multitude de plans (ou d'associations de plans), d'idées, de thèmes musicaux, le jeu de Brad Pitt qui trouve l'un de ses plus beaux rôles, de Jessica Chastain et de Hunter McCracken L'impregnation de ce film reste malgré tout assez évanescente, aérienne (à l'instar finalement de son rythme, de son identité), à l'opposé d'une adhésion viscerale.

sinon, il s'agit pour ma part d'un film profondément religieux, et plus particulièrement un film chrétien (dans l'approche compassionnelle de la Vie), qui prend fait et cause pour l'existence de Dieu, symbolisé par la Lumière, quasiment présente dans tout les plans, qu'il s'agisse du Soleil ("c'est là où dieu habite" dixit la mère) qui nimbe les personnages et la Nature, la lueur d'une bougie ou d'une lampe (la scène dans la chambre sous les draps avec la mère, Jack qui lit le soir dans son lit) jusqu'à cette fumée (?) originelle et légèrement colorée qui revient sans cesse...
Car, pour Malick, la Lumière est à l'origine de tout (le cosmos, la Nature, le vivant...) et c'est ce vers quoi ce "tout" désire accèder, vers ce à quoi toute la Création veut tendre: les premiers organismes, les algues et les poissons lorsqu'ils cherchent à atteidre la terre ferme sous l'aspect de plantes ou de reptiles, lorsque le bébé sort du ventre de sa mère (d'ou la métaphore marine de l'accouchement), lorsque l'homme essaye de construire des gratte ciels (la civilisation, cette Tour de Babel?).
Il s'agit non seulement pour la nature ou l'homme (de manière inconsciente ou consciente) d'atteindre une plénitude originelle (la Grâce) mais aussi de s'échapper à l'emprise violente de la Nature (si le premier reptile est arrivé sur la terre ferme, c'est pour se protéger aussi des prédateurs qui l'ont blessé... ). Tendre vers la Lumière, n'est-ce pas cette volonté indestructible de vouloir échapper au règne végétal ou animal? D'ailleurs, la présence de l'escalier dans la demeure des parents, de l'échelle, de l'ascenseur, du puit rocailleux illustre bien cette thématique qui renvoit à l'allégorie biblique de l'échelle de Jacob: tendre toujours vers le divin. Et c'est par là où Malick prend acte de l'héritage judéo-chrétien mais pour le généraliser à l'existence tout entière, à l'Être, présent dès les premières bactéries. L'Âme n'est donc pas seulement le propre de l'humain mais de la Vie, qui tente depuis l'origine de s'approcher du Dieu qui la créée, pour aussi mieux échapper à la violence du monde auquel ce dernier l'a placée. Et c'est aussi la raison d'être de l'arbre de vie: toujours aller plus haut...
L'enfant, c'est l'illustration de cette aspiration à un moment T, les années 1950, aux Etats-Unis, au sein de l'humanité (et plus particulièrement au sein d'une famille-miroir de celle du réalisateur). Il est partagé par le Père (qui représente le diktat de la nature, selon le principe de réalité qui le guide) et la Mère (qui le pousse vers la Grâce, vers une soif d'idéal). Bien ancré dans ses racines terrestres, et souvent rattrapé par ces dernières lorsque la volonté de domination ou la sexualité le suprend, il est néanmoins tiraillé par la volonté de faire le bien, ce dont son frère semble bien plus doué que lui. Mais ce rapport entre la Nature et la Grâce est tout autant contradictoire que complémentaire: sans l'un et l'autre, l'arbre de vie n'aurait pu se déployer et la vie serait restée à une forme primitive. D'où l'entrelact entre le quotidien et le cosmique, entre la grande histoire de l'Univers et la vie d'un individu, à un moment et un endroit précis.

Quelques mots aussi sur ce final sur la plage qui semble personnifier l'au-delà comme depuis toujours, de la mythologie grecque et la traversée du Styx au cinéma de Jean Rollin (à la différence de ce dernier, chez Malick, les défunts sont habillés :mrgreen: ). d'ailleurs, comme le souligne un forumeur précédemment, on entend furtivement un appareil d'hôpital qui mesure le rythme cardiaque quelques instants avant que cette plage n'apparaisse. Et quoi de mieux qu'une plage ( une seule dimension, horizontale, l'horizon pour personnifier l'infini, le ressac de l'eau en guise de mouvement perpétuel) pour signifier l'éternité, la confusion du temps et de l'espace mais aussi la fin des Temps, où tous les Morts ressusciteront (selon la promesse de l'Apocalypse de Jean). Par ailleurs, cette séquence juxtapose les retrouvailles des défunts avec de nouvelles images de l'Univers. Mais ce n'est plus sa création (qui ouvrait plus ou moins le film) mais la mort de celui-ci (qui le ferme): un soleil qui vascille, une terre nocturne devenue rocailleuse, prête à s'éteindre (l'eclipse). La fin des Temps et la résurrection des Morts sont bel et bien liées.
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Demi-Lune
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Message par Demi-Lune »

Commentaire très intéressant, O'Malley, comme l'est celui de Colqhoun. Notamment sur ce qui a trait à la religiosité du film. Ton point de vue propose une lecture très stimulante sur son caractère et sa philosophie sous-tendue (qui, pour ma part, ne m'ont pas insupporté durant la séance). C'est peut-être même ce que j'ai lu de plus pédagogique sur cette question complexe et à laquelle je repense beaucoup, pour ma part, sans parvenir à avoir encore une position fermement arrêtée.

En tout cas, chaque nouvelle contribution amène sa part de pistes de réflexions, de mises en évidence de ramifications... sans que, sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, la richesse de Tree of Life ne soit effeuillée. C'est assez remarquable, et passionnant.
O'Malley
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par O'Malley »

Merci.

Le film, de toute façon a stimulé, qu'il s'agit d'une appréciation postivie ou négative, une bonne partie des forumeurs qui ont écrit des textes passionnants...et en stimulera d'autres (et sûrement ceux qui n'étaient peut-être pas disposés au moment de leur découverte) tant le film est, comme tu le dis, d'une grande richesse thématique, stylistique. A propos de style, c'est vraiment un objet purement cinématographique comme l'a pu être 2001 ou les premiers films de Resnais.
Ce qui me chagrine, c'est que malgré tout cela, le film, ne me prend pas aux tripes comme l'avait fait Le nouveau monde... Suis-je devenu trop "vieux" pour connaître l'exaltation de la jeunesse devant un grand film (chef d'oeuvre?)? Ou après tout le caractère aérien de Tree of life fait qu'il agit par petites touches plutôt que par une grande envolée...
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par hydrelisk »

J'ai revu le film, je dois nuancer pas mal de mes affirmations: le point de vue varie, bien pour montrer que chacun à des époques différentes s'est posé les mêmes questions. En tout cas le questionnement forme un suite logique et bien qu'imbriquée assez unique et intemporel
Spoiler (cliquez pour afficher)
Job, quelle est cette justice, ce qu'on nous a dit sert à rien, réponse de l'Eternel par la Grâce qui équivaut à un "Qui est-tu pour estimer ce qui est juste", parallèle avec le père qui fait des préceptes mais n'est pas bon lui-même, les préceptes sont des mensonges, on ne vaut pas mieux que son père/Dieu car on fait pire, on se donne des lignes et des réponses qui sont les mêmes que celle qu'on a rejeté etc. Pour une part, il y a aussi l'avancée et la montée des arbres/escaliers, d'autres questions, d'autres réponses etc. Mais je pense déjà que le rythme précédent marche un peu.
Dont Sean Penn est le dernier à mener le questionnement, et c'est lui qui fait revenir tout le film (dès le début on voit des scènes de l'utopie de la plage, comme quoi il peut y être facilement sans s'en rendre compte.). Ca reste essentiel j'en démords pas :D

Colqhoun a écrit :Cela fait une semaine que j'ai envie de parler de ce film sans savoir par quel bout le prendre, comment me lancer dans un avis qui ait un tant soit peu de sens, sans pour autant laisser de côté l'une ou l'autre séquence importante.
Consensus là-dessus!
Je commencerais donc en disant que, pour moi, The Tree of Life est un film sur le choix et l'importance de ses conséquences. Tout comme Adam et Eve choisirent de goûter du fruit de l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, au lieu de s'en tenir à celui de l'Arbre de Vie. Un acte qui généra le péché sur Terre et le bannissement du couple originel du Jardin d'Eden.
The Tree of Life, ou la nécessité de remonter aux origines de la Vie pour comprendre le chagrin d'une mère qui pleure le décès de l'un de ses fils et qui ne comprend pas pourquoi le Dieu qu'elle aime, celui qui aurait créé toute chose, puisse rester indifférent face à ce drame. Voilà, pour moi, la grande idée qui sous-tend tout le film et qui permet à Malick de construire son oeuvre en amenant par la suite tout un tas de réflexion et d'interrogations voisines ou directement liées à cette idée première.
Justement j'ai l'impression que c'est sur la non-importance du choix (enfin il faut choisir, mais peu importe le choix, il aura ses conséquences et ce sera une ramification comme une autre). Enfin c'est assez peu le sujet, ça découle de la subjectivité de tous qui se ressemble et passent par les même questions.
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Côté Connaissance vs. Arbre de vie on voit effectivement un passage entre l'insouciance d'enfant, qui vit tout bêtement, et gravit sans réfléchir les marches, et le moment où les questions se posent, et les avancées moins nombreuses. Assez vite il y a des marches, mais avec au bout un grenier, où il tournera en rond.
Sinon oui : pour comprendre -apaiser!- le chagrin d'une mère il faut tout l'univers.

En fait il manque un verset du livre de Job avant ceux cités en préambule:
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Job 38
1 L’Éternel répondit à Job du milieu de la tempête et dit :
[...]
4 Où étais-tu quand je fondais la terre ?
[...]
7 alors que les étoiles du matin éclataient en chants d’allégresse,
et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie ?

Il manque le premier verset, qui explique qu'il s'agit d'une forme de réponse (la mère questionne quand la longue séquence se lance, et au milieu de la séquence réclame un nouveau un "answer me" qui lance euh.. je sais plus les dinosaures peut-être)
Et là où je vois à la fois une force et une faiblesse, c'est dans cette manière d'amener plein de chemins de questionnement, de s'interroger sur tout un tas de chose tout en cherchant à comprendre la raison de ce qui arrive à chacun. Perte d'un fils, perte d'un emploi, décès d'un autre enfant, attirance pour cette voisine mystérieuse, etc... le film m'ayant quelque peu glissé entre les doigts après l'avoir découvert, je peine à me remémorer correctement tout ce qui s'y passe. Mais j'ai souvent pensé, comme d'autres, au Miroir de Tarkovski, pour cet aspect fragmentaire, sans ligne temporelle claire, où les associations d'idées et d'images importent plus qu'un réel sens intellectuel où tout devrait être décoder. Cela dit, je vois tout de même quelques pistes intéressantes à explorer.
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C'est la manière avec laquelle Ce qui Est répond. On sait tous que les réponses au questionnement du ciel sont au mieux de cette nature. Elles nous échappent beaucoup.
Les dinosaures par exemple. Au delà d'une découverte de la pitié, je crois qu'il faut surtout associer leur comportement à la séquence qui suit: une météorite s'écrase sur terre entraînant la probable disparition de ces créatures. Dès lors ne faut-il pas y voir un "acte de Dieu" qui se décide à exterminer une race ayant trop évoluée, pour remettre les compteurs à zéro et laisser alors le champ libre à sa création la plus importante: l'être humain (puisque la scène de la naissance vient tout de suite après) ? Je n'ai pas de réponse précise, mais s'en tenir au seul fait que les dinosaures éprouvent de la pitié (et donc un sentiment qui n'a rien à faire dans le règne animal), c'est certes une constatation intéressante, mais je suis convaincu que cela doit amener d'autres interrogations.
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Il faut surtout y voir je pense un contrepoids à la perte de l'enfant de la mère: certes il est mort de façon incompréhensible, mais en un autre temps, un autre lieu, la miséricorde s'est appliquée à un dinosaure, sans que la mère ne s'en émeuve. C'est pour ça que le côté "réponse" de la séquence préparée par les versets de Job est important.
Et tout est répétition et cycle presque: l'eau (naissance à divers endroit, que ce soit au début où à la fin) est ici tsunami sur une race, fin d'une vie (au niveau des espèces, plus des individus) et prélude à de nouvelle.
Autre piste qui m'a interpellé, les rôles respectifs du père et de la mère. J'y ai vu ici une sorte d'allégorie de l'ancien et du nouveau testament. Le père, autoritaire, adepte de violence, de quête de perfection, de lois à suivre et détenteur d'une foi rigide, mais qui manque d'une réelle liberté d'action tant il pris au piège par ses convictions. En parallèle, la mère, elle, rayonne de vie, d'amour inconditionnel et fait constamment preuve de pardon, de patience, de joie et vit ses émotions sans frein. Deux conceptions de la vie parfaitement contradictoires et qui pourtant se retrouvent sous le même toit et -encore plus fort- croient au même Dieu puis en viennent à avoir des enfants et à les élever. L'aîné se retrouve alors tiraillé entre ses deux parents, perdu entre ces deux sensibilités et ne saura plus vers qui se tourner. Peut-être que mes cours de catéchisme font des siennes et que je peine à voir le film sous un autre angle, mais il me semble évident qu'il y a derrière ces images une vision du monde directement inspirée du message biblique, sans que cela ne tienne pour autant du prosélytisme. Cela dit, je choisis aussi cet angle de réflexion car mes connaissances philosophiques tiennent plus de références de bistrot que d'autre chose et je serais bien mal avisé de vouloir creuser cette piste.
Ce sont les deux voies du monde : celle de la nature et celle de la grâce, comme expliqué par les soeurs à la mère, narre-t-elle. Mais il y a un parallèle entre Dieu "le Père" (YHVH, Ce qui Est, et qui est le dieu craint des juifs car au fond il est capable de CELA -derrière la beauté mise par Malick, c'est tragique le sujet quand même-, de Job etc.) et le père bien entendu.
Et c'est assez peu prosélyte, car le YHVH reste un Dieu qui répond de façon cryptique, et donc on est libre de ne pas apprécier la réponse et surtout de ne pas reconnaitre la Bible comme étant la réponse exprimée. C'est du bon vieil existentialisme.
Il y a bien sur aussi ces séquences avec Sean Penn, que je peine (!) à savoir comment prendre. Voyage mental, une vie qui équivaut à une traversée du désert, puis le choix de passer cette porte, d'aller de l'avant, de rejoindre les siens sur cette plage, lieu d'un éternel recommencement, scène des origines de la vie (cette créature, plus tôt dans le film, lors des séquences de création, qui se tient sur la plage), où la famille humaine et ses semblables peut reprendre son histoire là où elle s'était arrêtée. En l'état, même si certains éléments restent encore obscures dans mon esprit, sur un plan purement cinématographique, j'y ai vu la partie la plus faible du film. Une esthétique capillotractée, du contemplatif fatigant et un acteur (Penn) qui rappelle d'abord Droopy plutôt qu'un type en proie à des questionnements intenses sur son passé. L'idée est casse-gueule, le résultat fait peine à voir, mais les idées que Malick y insuffle ne sont pas forcément à balayer d'un revers de main.
Malheureux!! (ou Bienheureux c'est selon...) C'est une partie mal comprise certes, mais la plus importante de toute. Celle qui prouve que Malick ne faisait pas un truc naïf et chronologique avant.
Spoiler (cliquez pour afficher)
De son époque, après avoir vu le passé, Sean Penn est effectivement hagard, "ailleurs" tout bêtement (si bête que c'est du langage courant). Ni dans le présent, ni dans le passé, nulle part, en errance, seul. Le monde étant subjectif (le mot est balancé à la va vite dans le film, mais il est balancé, pas trop avant que ça revienne vers Sean Penn d'ailleurs) cette utopie non seulement a une certaine réalité (bon après un désert on représente comme on peut) mais est le lieu où tout se trouve, tout ce qui n'est pas pur événement. C'est là que sont les leviers d'actions. Chacun errant dans les mêmes utopies, à différentes époques, rien n'empêche une utopie de convergence, où les gens se pardonnent, se retrouvent, sont en phase. Et quand la mère avait accepté à demi la mort de son fils, le fait que Sean Penn ravive son petit frère lui fait évidemment grand bien. Bien entendu ce n'est pas une résurrection du petit dans le vrai monde, mais cette fois ils peuvent accepter de le laisser partir du fait des choses. De cette plage aussi, tous ensemble ils sont pour affronter cette mise en abyme du monde dans le questionnement existentiel avec la question de la Fin des Temps, et de l'obscurité qui tombe. Puis Sean Penn redescend (ascenseur, car il a beaucoup grimpé d'escaliers et d'échelles, sans être cette fois bloqué dans un grenier de petite maison, là non il est allé haut, comme suggéré par la taille des immeubles) dans le monde, en homme nouveau (il y a une reprise de la scène de naissance qui traîne à peu près à ce moment d'ailleurs).

Je sais tu as dis d'un "plan cinématographique", mais en fait c'est assez bien construit, car c'est présent très en amont dans le film, et reprend notamment la notion des marches à gravir, idée cinématographique de génie et qui est dans tout le film
Comme d'autre, c'est principalement la chronique familiale qui m'aura marqué. Pour l'énergie improbable de sa mise en scène (ces travelling ultra rapides qui suivent les moindres faits et gestes des personnages), pour l'extraordinaire qualité de jeu des acteurs (les enfants ! Brad Pitt ! Jessica Chastain !), l'élégance de la photographie, qui fait souffler le chaud et le froid parfois dans les mêmes images. Il faudrait aussi probablement un article complet pour parler correctement des choix musicaux de Malick. Certains sentent la facilité (musique sacrée sur la création du monde... qui relève d'une vision où créationisme et théorie de l'évolution se confrontent dans un maelstrom d'idées et de concepts), d'autres sont d'une acuité remarquable.
Tout pareil, mais ce qui est "sacré" ici est le Monde et chaque Vie, pas un espèce de vieux barbu naïf. Donc le créationnisme si tu le vois trop dans ce film c'est que tu es prédisposé pour, il ne fait que montrer du réel (avec une belle caméra, ca enjolive) jamais de coup de baguette magique. Comme je l'ai dit ce n'est pas bêtement prosélyte...
Et je retire de ce film le sentiment que Malick a peut-être trouvé ici les limites de son cinéma. Une oeuvre-somme où la grâce tutoie le ridicule. Où sa vision du monde, son propre passé et sa capacité à retranscrire cinématographiquement des questionnements sur les relation entre la terre, la foi, l'humanité et le divin peinent à prendre une forme réellement homogène. D'autant plus qu'en substance, je garde l'impression que tout était déjà dit -et de bien plus belle manière- dans son chef d'oeuvre, The Thin Red Line.

The Tree of Life est un film intrigant, plein de belles images, de passages réellement émouvants (le moment où le père demande pardon à son fils) et, en parallèle, de moments embarrassants, où le réalisateur peine à équilibrer le trop-plein d'informations qu'il veut offrir au spectateur. Son film déborde alors et le savant équilibre qu'il maintenait jusque là s'effondre. Mais le jusqu'au boutisme de l'oeuvre, la radicalité de la forme et la sincérité totale de son réalisateur rendent le projet fascinant. De loin pas totalement réussi, mais fascinant. Rendant, de ce fait, le film essentiel.
Je crois que c'est en ce sens qu'il est beaucoup plus clair que la Ligne Rouge, et va beaucoup, beaucoup plus loin.
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Colqhoun
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Colqhoun »

hydrelisk a écrit :Comme je l'ai dit ce n'est pas bêtement prosélyte...
Je l'ai aussi dit. Et tu as exprimé le pourquoi bien mieux que moi. Ta réponse m'a apporté quelques éclaircissements, mais avec le recul et le fait d'avoir pris le temps de poser quelques unes de mes pensées sur le film, je réalise que j'ai trouvé tout cela peut être un peu trop grandiloquent. Ce sentiment de trop-plein prend le dessus des aspects positifs et c'est en partie pour cela que je continue de lui trouver La Ligne Rouge supérieure (je ne saurais parler du Nouveau Monde, que je n'ai vu qu'une seule fois et qui m'avait grandement ennuyé).
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Watkinssien »

J'ai remarqué également que Dieu dans le film crée et reprend : c'est pour cela qu'à la question que la Mère se pose en ayant perdu son enfant, Malick filme l'univers et la Terre en train de se former, il y filme l'évolution de la vie. La séquence des dinosaures évoque également (car elle repose sur d'autres pistes de réflexions) ce début "d'échange" (ce qui fait la beauté de la création de la vie). Puis le montage elliptique choisit de montrer directement la destruction de la vie avec le météore. La réponse cinématographique à la question de la Mère est que dès l’origine Dieu crée et détruit, donne et reprend... Que ce sera toujours comme ça, mais la force du cinéma, c'est de pouvoir à l'envie retrouver cette plénitude, ce qu'on a perdu, même si ce n'est qu'en représentation...

On peut donc évoquer que le film est une lutte entre le Divin et l'Art (encore un rapprochement avec Tarkovski), en même temps qu'une complémentarité évidente (l'un sert l'autre).
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par wontolla »

J'y ai amené hier soir (c'était ma cinquième vision !) un confrère (qui a été mon professeur de liturgie et de sacramentaire) et une religieuse camerounaise. Je vous ferai un (triple) écho à l'occasion, sur le plan religieux. :wink:
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Nass' »

Je conçois le film comme une égalité entre les chaos bouillonnants qui gouvernent l'homme avec ceux de la vie. La vie et l'homme se rejoignent et répondent à leurs lois respectives mais pas si différentes finalement. La vie est encapsulée entre l'anarchie et la grâce. Actuellement, on a tendance à enjoliver et positiver l'action de la nature qui est pourtant loin d'être si innocente que cela... Elle peut être aussi brutale et sauvage que l'homme. Ce qu'a fait Malick est génial, il ne prend jamais parti pour un pôle, il observe, acte et filme. Point barre.
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Brody »

wontolla a écrit :Je vous ferai un (triple) écho à l'occasion, sur le plan religieux. :wink:
Depuis le temps que tu le promets...
A moins que ce soit un hommage au film lui-même qui a mis 2 ans à sortir... :wink:


Sinon j'ai vu aussi ce très beau Tree of life, et en ai à peu près le même ressenti que O'Malley : touché par des moments, par une grâce générale, mais pas bouleversé comme j'avais pu l'être par Le Nouveau monde. Pourtant Malick radicalise encore plus son discours filmique, sa forme, qui m'avaient tant touchés dans son oeuvre précédente.
Une dizaine de jours après ma découverte, ne me restent que les souvenirs , outre la partie centrale qui elle m'a vraiment parlé profondément dans ses valeurs et son humanisme (je parle plus de la relation père-fils que de l'aspect religieux porté par la mère), que quelques bribes, images ou sensations pour lesquelles j'ai vraiment l'impression qu'elles me demanderont une seconde (au moins) vision, afin de les analyser de façon plus approfondie.
Mais je dois avouer qu'à ce stade de la découverte du film, pas mal d'images m'ont assez peu parlé (notamment toutes les scènes autour de Sean Penn) car flirtant avec une symbolique bien naïve. Reproche que je formulais à l'encontre du trop-plein de reflexions en voix-off de la Ligne rouge. Les images ont ici remplacé les mots. Il est probable que lors de prochaines visions (le terme est choisi à dessein :wink: ) j'en saisisse et apprécie de nouveaux pans de lecture.

En tous cas, je comprends mieux les 50 pages de débats du topic (que je n'ai quasiment pas lues) qui en soi témoignent déjà par leur existence de la richesse du film.
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par wontolla »

Brody a écrit :
wontolla a écrit :Je vous ferai un (triple) écho à l'occasion, sur le plan religieux. :wink:
Depuis le temps que tu le promets...
A moins que ce soit un hommage au film lui-même qui a mis 2 ans à sortir... :wink:
Oui, je sais. Mais j'irai plus vite que Terrence Malick.
J'avais donné à la première vision une réaction "négative" au plan religieux; je me suis ravisé depuis. Donc, entre les films que je vois, le boulot en paroisse, celui au service Commu de l'évêché, les séances de fitness pour contrer la SEP... :? je mets le film en boîte dès que possible. :wink:
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Brody »

Je plaisantais hein :wink: j'ai tout le topic à lire déjà...
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par wontolla »

Brody a écrit :Je plaisantais hein :wink: j'ai tout le topic à lire déjà...
Aucun problème, Brody.
Et en plus j'hésite entre une version cinéma longue et une autre, plus longue Director's cut :fiou:
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par Eusebio Cafarelli »

Il est plus aisé pour un chameau de passer par le trou d'une aiguille que pour wontolla d'entrer dans le royaume de Malick :wink:
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Re: Tree of life (Terrence Malick - 2011) Avis Page 31

Message par wontolla »

Eusebio Cafarelli a écrit :Il est plus aisé pour un chameau de passer par le trou d'une aiguille que pour wontolla d'entrer dans le royaume de Malick :wink:
Je commence à comprendre l'origine de ton avatar :oops: :uhuh: :fiou:
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