AtCloseRange a écrit :Je ne sais pas d'où ça vient mais c'est en contradiction - presque - totale avec ce qui est dit dans son dictionnaire (surtout pour Heaven's Gate).
Je pense que Bertrand Tavernier est en grande partie l'auteur du texte de 50 ans car, entre autres preuves, il cite déjà Pauline Kael et son histoire d'opérette de Romberg. Mais son commentaire actuel, aussi sévère soit-il, n'est pas un total revirement. Si tu relis bien le texte de 50 ans, tu comprends qu'il y a le parti-pris (celui que j'ai personnellement toujours eu) de se laisser porter par le film, comme si il était une rêverie, mue par sa propre logique, sa cohérence interne, son souffle et sa puissance. Déjà, tu peux percevoir les réserves de par la remise en cause de la vraisemblance du film (les immigrants, une fois de plus, au cœur de ces réflexions) mais Tavernier et/ou Coursodon font le choix de ne pas chercher la petite bête et de s'étourdir du spectacle offert.
Depuis, l'eau a coulé sous les ponts et ce n'est pas à un revirement que nous assistons mais plutôt à la progression, façon métastases, des griefs sur les louanges. Avec le temps, la question de la vraisemblance a pris chez Tavernier le pas sur tout le reste, surtout s'il s'agit d'Histoire et de westerns (voir son obsession de la crédibilité de la littérature westernienne). Après dans le discours, c'est toujours la même histoire : quand tu commences à avoir quelqu'un, ou quelque chose, dans le nez, tu finis par ne plus t'intéresser à ses qualités, à ne plus les voir même. Je crois qu'il arrive à Tavernier quelque chose de similaire vis-à-vis de Cimino.
Oui, je vois bien ça mais il y a de l'admiration pour le film au-delà de ses défauts et il n'en voit quasiment plus les qualités aujourd'hui.
ça reste un gros revirement. Je dirais que mon avis correspondait au sien à l'origine: un film rempli de beautés, impressionnant mais bancal (le trio amoureux qui pour moi fonctionne assez peu). Et contrairement à lui (mais il peut difficilement être objectif là-dessus), Huppert est le problème niveau interprétation. Elle est pour moi à côté de la plaque.
Alexandre Angel a écrit :Je crois qu'il arrive à Tavernier quelque chose de similaire vis-à-vis de Cimino. Même si il ne touche pas au "sublime" Deer Hunter.
Il défend quand même le visuel de "Heaven's gate"...contrairement à Cimino, apparemment.
Alexandre Angel a écrit :Je crois qu'il arrive à Tavernier quelque chose de similaire vis-à-vis de Cimino. Même si il ne touche pas au "sublime" Deer Hunter.
Il défend quand même le visuel de "Heaven's gate"...contrairement à Cimino, apparemment.
Oui, c'est bien pour cela que ce n'est pas un total revirement, même si j'accorde à ACR que ça peut y ressembler. Sur son blog en 2013 (à l'occasion de la ressortie "director's cut" du film), des échanges avaient déjà eu lieu. Et bien, ça s'est encore aggravé depuis Ses rencontres à Lyon avec Cimino (qu'il n'a l'air d'avoir apprécié) n'ont pas dû aider.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
mannhunter a écrit :Bertrand Tavernier visiblement peu client de Michael Cimino et son cinéma...:
"HEAVEN’S GATE contient en germe tous les défauts des films ultérieurs de Cimino, casting improbable ou médiocre, sauf Huppert « que Vincent Canby jugeait la moins credible de toutes les madames du western », ce qui est peut être juste historiquement mais faux quant à la qualité de l’interprétation), direction d’acteur médiocre (John Hurt, Walken, Sam Wasterson), scénario et dialogue écrits parfois avec les pieds. C’était en partie racheté par un flamboiement visuel, une vraie virtuosité plastique mais à chaque vision, la sottise de certains dialogues, saute aux yeux. Et cela s’aggravera dans l’Année du Dragon. Il reste des passages brillants mais la dramaturgie est inerte (4 ou 5 fois la même scène entre le héros et son supérieur), la vision de l’Orient infantile (il choisira une japonaise pour jouer une chinoise ce qui lui vaudra des attaques très violente de la communauté asiatique).
Je l’ai vu plusieurs fois à Lyon et le trouvait très pénible, arrogant et pas du tout intelligent. Reste le sublime DEER HUNTER son seul film abouti. Le Canardeur est agréable mais mineur. Volker Schlonndorf me disait qu’il était inculte, ne lisait rien et vivait sur l’argent de Heaven’s Gate.
J’ai rencontré des dizaines de réalisateurs américains. Il était le moins intéressant.
Rien chez Walken dans HEAVEN'S GATE ne sonne juste par rapport à l’époque, au lieu. Ni son accent, ni sa manière de marcher Il joue son personnage comme un maffieux new yorkais d’aujourd’hui. Très peu d’acteurs américains étaient capables de se déplacer dans des rôles historiques (d’où le recours aux comédiens britanniques ou européens), sauf certains acteurs de western (Lancaster était formidable dans le Guépard et Sterling Hayden dans 1900. Il suffit de comparer Walken qui a été bon dans des polars modernes et Jack Palance qui joue le même personnage dans SHANE (inspiré par les mêmes évènements historiques) pour voir la différence, la justesse de Palance, cette manière d’être à la fois étranger à la communauté, au décor et pourtant faisant partie de la même époque, respirant le même air. Hurt n’a qu’une seule note. Je n’aime guère non plus cette manière de filmer les étrangers (des braillards « qui semblent sortis d’une opérette de Sigmung Romberg » écrivait Pauline Kael) qui sont incapables d’avoir un plan sensé. Il faudra un Américain pour leur donner l’idée de la tortue, ce à quoi ces professeurs, ces intellectuels, ces chasseurs n’ont pas pensé. Heureusement un Américain blanc veille et leur donne un surplus d’intelligence et de tactique (dans la réalité ils ont été intelligents, se sont planqués sans se faire tirer dessus, ont cerné les éleveurs qui ont été délivrés par l’armée). En fait il n’y a aucune différence dans la vision de Cimino entre la manière dont il filme cette communauté et son approche délirante de fausseté de Salvatore Giuliano. C’est la même arrogance américaine (qui lui fait reprocher à Rosi de se tromper sur l’age de Giuliano qu’on ne voit jamais dans le film, ce qu’il n’a pas réalisé – il n’a pas vu le film. La différence entre LE SICILIEN et HEAVEN’S GATE, réside dans la splendeur visuelle du second (alors que Cimino à Lyon vomissait sur Vilmos Szgismond avec une hargne incompréhensible). Ses autres films en dehors de l’Année du Dragon sont beaucoup plus platement photographié. Et puis l’entendre parler de la Condition Humaine de Malraux vous achevait. C’était une vision de bande dessinée qui ne comprenait rien à la situation politique"
Merci de me conforter une bonne fois pour toutes dans mon mépris pour Bertrand Tavernier, cinéaste il est vrai tellement supérieur à Michael Cimino.
Tavernier est extrêmement sévère envers Cimino, mais il n'est certainement pas méprisable. Tout ceci vient à la suite des rencontres qu'il a eues avec lui. On peut accuser Tavernier de rancœur mêlée de non adhésion, peut-être un peu puérile, mais bon voilà, je ne suis pas d'accord avec sa vision trop axée sociopolitique.
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
Rockatansky a écrit :Il a bien le droit de ne pas aimer Cimino
Tout à fait. Perso je n'ai pas beaucoup d'affinités non plus avec le cinéma de Cimino, préférant de très très loin celui de Tavernier. J'espère ne pas subir ton mépris pour ça.
Oui mais bon dans ce livre on a l'impression qu'il n'aime personne, j'ai vite laissé tomber, et j'ai trouvé effectivement beaucoup de mépris de Tavernier envers certains "petits" réalisateurs.Ce genre de livre m'énerve plus qu'autre chose.
Dernière modification par Addis-Abeba le 13 juil. 16, 10:01, modifié 1 fois.
Addis-Abeba a écrit :Oui mais bon dans ce livre on a l'impression qu'il n'aime personne
Tu l'as juste survolé alors. Je ne suis pas non plus d'accord avec de nombreux de ses avis mais là tu exagères sacrément. Et puis (comme Lourcelles) quand il aime, il sait faire partager ses passions ; et ça, c'est très appréciable.
Addis-Abeba a écrit :Oui mais bon dans ce livre on a l'impression qu'il n'aime personne
Tu l'as juste survolé alors. Je ne suis pas d'accord avec de nombreux de ses avis mais là tu exagères sacrément.
Ah mais oui Jeremy je l'ai survolé, mais chaque fois que j'ai regardé un de ses avis, le réalisateur se faisait démonter, j'approfondirai peut-être un jour, mais sur la coup ça m'a dégoûté, surtout que moi aussi j'aime beaucoup tavernier.
Même si je fais peu de cas du cinéma de Tavernier je préfère toujours tenir compte des avis positifs que des négatifs, en général cela me permet de découvrir des films sur lesquels je serais peut être passé à côté, après qu'il n'aime pas un film que j'aime c'est son problème pas le mien
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Jeremy Fox a écrit :
Tu l'as juste survolé alors. Je ne suis pas d'accord avec de nombreux de ses avis mais là tu exagères sacrément.
Ah mais oui Jeremy je l'ai survolé, mais chaque fois que j'ai regardé un de ses avis, le réalisateur se faisait démonter, j'approfondirai peut-être un jour, mais sur la coup ça m'a dégoûté, surtout que moi aussi j'aime beaucoup tavernier.
Tu l'as vraiment survolé alors, car il y a de nombreuses démonstrations d'enthousiasme dans ce livre. Tu tomberas forcément sur des points ou tu es en désaccord avec lui c'est normal, mais il y a beaucoup de cinéastes qu'il défend, plus que de cinéaste qu'il enfonce.
Quant à sa sortie sur Cimino, je en vois pas pourquoi il n'aurait pas le droit de penser cela, même si c'est vrai que cela constitue un changement d'avis. Comme tout le monde, il évolue, il a réévalué pas mal de chose, normal que le chemin inverse existe aussi.