Ça, c'est un véritable chef-d'oeuvre.ballantrae a écrit :La grange et la paille??? Est-ce le truc des Nuls qui parodiait Jacquou le croquant et autres Des grives aux loups????
Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Non mais c'est un peu de la provoc facile quand je dis "la grange et la Paille". Mais ce que je n'ai pas trop supporté c'est en fait l'esthétisme de ce film, cette photo numérique toute lisse et finalement assez laide, l'aspect contemplatif et satisfait qui enlève tout attachement aux personnages.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Surtout qu'au poin de vue esthétique c'est quand même plus proche de Tarkovski ou du ruban blanc d'Haneke.odelay a écrit :Non mais c'est un peu de la provoc facile quand je dis "la grange et la Paille".
Même si j'ai moins aimé la première partie, effectivement plus contemplative, il y a quand même de jolis moments comme la scène de danse. Mais je te conseille quand même d'essayer la seconde partie qui a une dramaturgie beaucoup plus forte ( comète, épidémie, émigration, ... ) tout en gardant l'esthétisme de la première.odelay a écrit : Mais ce que je n'ai pas trop supporté c'est en fait l'esthétisme de ce film, cette photo numérique toute lisse et finalement assez laide, l'aspect contemplatif et satisfait qui enlève tout attachement aux personnages.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Indéniablement, il s'agit d'une chronique rurale. Le rythme des évènements est donné par l'évolution des saisons, par la terre, et ce n'est ni un film d'action, ni un mélodrame : on suit la vie d'un village, en s'intéressant particulièrement à une famille parmi eux (les ancêtres de la famille suivie dans Heimat 1, 2 et 3). On voit les gens grandir, vieillir, tomber amoureux, se facher ou affronter la peine... Une chronique, en somme.
Par ailleurs, il s'agit d'une reconstitution exécutée sous l'angle de la nostalgie, de la tendresse à l'égard des personnages et d'un mode de vie révolu, mais aussi d'un rapport au temps et à l'environnement. Ces notions sont complexes à mettre en place, et une intrigue trop romanesque en perturberait le déroulement.
Enfin, il est certain que la beauté de l'image contribue à ces facteurs nostalgiques que j'évoque, puisqu'elle magnifie les champs, le mode de vie rural. Je n'irais pas parler d'un film esthétisant, mais plutôt d'un film qui cherche à mettre en valeur, par l'esthétique, ce qu'il décrit (et non ce qu'il raconte).
Par ailleurs, il s'agit d'une reconstitution exécutée sous l'angle de la nostalgie, de la tendresse à l'égard des personnages et d'un mode de vie révolu, mais aussi d'un rapport au temps et à l'environnement. Ces notions sont complexes à mettre en place, et une intrigue trop romanesque en perturberait le déroulement.
Enfin, il est certain que la beauté de l'image contribue à ces facteurs nostalgiques que j'évoque, puisqu'elle magnifie les champs, le mode de vie rural. Je n'irais pas parler d'un film esthétisant, mais plutôt d'un film qui cherche à mettre en valeur, par l'esthétique, ce qu'il décrit (et non ce qu'il raconte).
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
J'ai bien l'impression qu'ARTE rediffuse la série en ce moment.
Et... horreur malheur... l'image 1.33 est recadrée en 1.78 ! C'est la boucherie, c'est un festival de très gros plans de visages, de têtes à moitié amputées ou de pieds massicotés.
Que TF1, TMC, NT1, M6, W9, D8, Gulli s'amusent à recadrer, passons, c'est dans leur ADN de sales télés commerciales. Mais si ARTE s'y met, les carottes sont cuites.
Et... horreur malheur... l'image 1.33 est recadrée en 1.78 ! C'est la boucherie, c'est un festival de très gros plans de visages, de têtes à moitié amputées ou de pieds massicotés.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Moralité il faut s'acheter le DVD pour contempler ce chef-d'oeuvre !!!
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Attention hier ce n'etait pas la serie mais le film de 2011 qui est le prologue à la serie (en version de 7 episodes et restaurée) de 1984.
http://download.pro.arte.tv/uploads/CP-heimat.pdf
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Non la série partie 1 du moins sur le programme tv c'est ce qui est indiqué.Nicolas Mag a écrit :Attention hier ce n'etait pas la serie mais le film de 2011 qui est le prologue à la serie (en version de 7 episodes et restaurée) de 1984.
http://download.pro.arte.tv/uploads/CP-heimat.pdf
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Les deux films prologues (Chronique d'un reve et L'Exode) ont été diffusés mercredi. La Serie 1 (realisée entre 1981 et 1984) a bien commencé hier soir comme l'indique Addis-Abeba (en 7 episodes au lieu de 12 ou 13, montage des episodes differents par Arte)Nicolas Mag a écrit :Attention hier ce n'etait pas la serie mais le film de 2011 qui est le prologue à la serie (en version de 7 episodes et restaurée) de 1984.
http://download.pro.arte.tv/uploads/CP-heimat.pdf
Ton lien indique bien mercredi 26 pour les 2 films prologue, et jeudi 27 pour le commencement de la serie
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Gros compte-rendu sur la version restaurée de Heimat, une chronique allemande qu'Arte aura diffusée sur plusieurs semaines (merci d'ailleurs à la chaîne de pouvoir encore faire de telles programmations).
Rappelons d'abord deux-trois éléments de contexte.
Heimat, c'est l’œuvre d'une vie : celle d'Edgar Reitz, cinéaste qui peut se targuer d'avoir réalisé une fresque aux proportions inégalées dans le cinéma. Toutes pièces rassemblées, le projet avoisine en l'état les soixante heures de développement et embrasse, au fil des générations de la famille rhénano-paysanne Simon-Wiegand, les grandes évolutions de l'Histoire allemande de la seconde moitié du XIXe siècle (les deux Heimat sortis en 2013) jusqu'à l'orée des années Schröder. Rien ne dit que ce travail de compilation ne se poursuive pas encore, tel un roman-feuilleton auquel on rajouterait inlassablement de nouveaux personnages, de nouvelles perspectives. Reitz est le maître-tisserand de ce colosse sur lequel cent fois il remet son ouvrage.
Avec 15h à son compteur, Heimat, une chronique allemande, est la première partie acclamée de cette saga familiale ; sa diffusion en 1984 parachève plus de cinq années de labeur. Son spectre à elle seule s'étend de 1919 à 1982. S'ensuivront Chronique d'une jeunesse (1960-1970) et Chronique d'une époque (1989-1999), qu'Arte ne diffusera malheureusement pas.
Bref. Tout cela est impressionnant, mais est-ce qu'Une chronique allemande c'est bien, au moins ?
OUI !
A quelques réserves près.
Déjà, commençons par la forme. C'est simple, l'excellence esthétique suffit à elle seule que l'on se penche sur ces 15h. La beauté du noir et blanc confine à la sorcellerie grâce à la restauration d'Arte et hypnotise nos rétines en sublimant la reconstitution. Pas impossible que Spielberg ait gardé ça dans un coin de sa mémoire pour l'esthétique de La liste de Schindler.
Tout cela ne paraît jamais figé dans une idéalisation ou une nostalgie rances grâce à la mise en scène élaborée de Reitz, qui n'a vraiment pas décidé de jouer les petits bras pour son grand œuvre. Un an après Rumble fish de Coppola, Heimat reprend avec parcimonie la figure de style de la coloration d'un élément du plan avec beaucoup de réussite, ajoutant à la fascination plastique que procurent les images. Par rapport à la copie fatiguée du coffret dvd TF1, Reitz semble avoir profité de la restauration pour peaufiner certains plans. Ces trouées de couleur (comme les œillets rouges jetés du ciel par Ernst, ou cette lueur de l'aube qui se projette doucement sur un mur) donnent une force surréelle à une reconstitution par ailleurs marquante par son réalisme : ce village de Schabbach, il a beau être imaginaire, il respire l'authenticité grâce au soin du détail, aux visages plus vrais que nature. Au détour d'un plan ou d'un travelling, on le voit évoluer, mûrir. La maison des Simon par exemple, on finit par s'y sentir chez soi pas seulement parce que c'est un décor récurrent, mais parce que le N&B capte quelque chose de rassurant, d'authentique dans la rusticité et l'humilité. Les résumés d'épisode à base de photos de famille jaunies renforcent la véracité d'une démarche qui finit par gentiment troubler, l'inscription dans le temps long aidant à ce qu'on se sente faire partie des meubles. On finit par croire en l'existence passée de ces gens.
Ça aurait été un peu emmerdant qu'un film qui s'intitule Heimat loupe le coche sur ce plan et on peut dire que Reitz sait transmettre et nous faire découvrir l'âme de sa région de Rhénanie-Palatinat, à la fois austère et ennuyeuse avec ses champs à perte de vue et ses forêts, mais aussi indéfinissablement mystérieuse et rehaussée par sa galerie de portraits villageois. Certaines séquences sont intégralement filmées en couleur selon un sens énigmatique - à partir des années 1950, la balance s'inverse, l'entrée dans le monde moderne appelle la couleur et le noir et blanc devient réservé à la poésie.
Sur le fond, Reitz se défend d'avoir conçu sa saga-fleuve comme un panorama d'historien. En effet, les évolutions saillantes de l'Histoire allemande ne sont considérées qu'au travers du prisme familial et rural, l'action étant globalement circonscrite au village de Schabbach. L'Histoire dicte les destinées des personnages mais reste une toile de fond. C'est bien de l'histoire de la famille dont il s'agit. Ainsi, ce que les personnages ne voient pas, on n'en parle pas (les autodafés, les discriminations, les exécutions, les camps, la Shoah, la partition en deux Allemagnes...).
C'est une démarche qui a le mérite de la constance, mais que je ne trouve pas entièrement concluante, à vrai dire. L'Histoire "par le petit bout de la lorgnette" donne un effet rétrécissant qui est frustrant sinon gênant (prendre ce village pauvre, paysan et reculé pour cadre permet de mettre en angle mort ou de raconter sur un mode mineur beaucoup de questions sensibles). Malgré sa durée énorme, le traitement donne du coup le sentiment d'éluder (commodément ou non) le fond des choses quant aux racines du nazisme, puisque c'est logiquement l'épicentre des deux tiers de la saga. Il y a un déséquilibre que je trouve un peu problématique entre l'importance de ce qui se trame et l'étroitesse de la prise en charge de ces considérations par le film. On a de petites allusions dès le début des années 20 sur la fierté nationale à reconquérir, sur l'attente d'un leader providentiel, avec le personnage réac de Wiegand puis son fils Wilfried qui, passé par les Hitlerjugend, s'endoctrinera à fond (devenant l'incarnation au village du régime hitlérien). Ou avec le personnage parvenu de Lucie, l'ex-tenancière de bordel, pour qui toutes les opportunités sont bonnes pour s'élever socialement. Mais en réalité, les ellipses de la narration sont autant de trous à la compréhension profonde du phénomène. Reitz ne s'attarde pas sur ces choses : les personnages sont (c'est-à-dire, saisis à un instant T), mais on ne les voit qu'incomplètement devenir. Wilfried est devenu nazi, ok. Next. Il manque les liants, et c'est bien dommage, parce que la durée hors-normes de l'entreprise laissait assez de latitudes pour aborder ces phénomènes et ces évolutions sur le plan psychologique ou idéologique sans forcément sacrifier l'ambition de restreindre l'évocation au seul village de Schabbach.
En résulte donc une analyse en demi-teinte, pas inintéressante (elle témoigne de la "préservation", dans une certaine mesure, de la ruralité face aux horreurs du nazisme) mais malheureusement limitée par ses figures obligées (le nazillon, la pute sans valeurs) qui agissent par conformisme, sans vrai approfondissement des causes et des fondements du drame — on se tournera vers l'extraordinaire ouvrage de Johann Chapoutot La loi du sang. Penser et agir en nazi (Gallimard, 2015). Le film donne l'impression de donner plus d'importance à l'anecdote, comme l'arrivée de la radio, de la photo, du téléphone ou de l'automobile, qu'aux mécanismes de compréhension de la montée et de l'enracinement du fascisme (les exactions contre les Juifs se cantonnant à une seule scène de carreaux de fenêtre cassés, quand la haine des socialistes n'est abordée qu'au travers d'une scène d'arrestation), comme si tout était de toute façon inéluctable, et ces paysans bien impuissants, observant ces uniformes et ces orages depuis leur fenêtre. Un peu court, quand même.
Faillible en tant que projet historique, est-ce plus solide en tant que saga familiale ?
Heureusement oui.
Tout commence en 1919, lorsque Paul Simon, démobilisé de l'armée allemande, revient dans son village de Schabbach retrouver les siens, et découvre son premier amour de jeunesse avec Apollonia, et celui de raison, avec la douce Maria.
Lorsqu'on entreprend l'ascension d'Heimat, on peut ressentir au début une sorte de perplexité face à cette indolence de la narration, cet accent mis sur la restitution du détail ou de l'anecdote (l'inauguration du monument aux morts de 14-18, les arrivées techniques qui scandent la vie du village), sur tous ces petits riens impressionnistes que Reitz compile prioritairement à tout développement d'intrigue. Mais sur 15h de film, la lenteur de la mise en place est un passage presque obligé, et que l'on reconsidère avec beaucoup plus d'intérêt du haut de l'achèvement de la saga, des trajectoires de chacun, de la densification de leur vécu. Il faut bien introduire le cadre et les personnages centraux de Schabbach : la mère Katharina Simon et son mari forgeron Mathias, sa sœur Marie-Goot, leurs trois enfants Eduard, Pauline et Paul, la famille Wiegand avec Alois le nationaliste, ses enfants Maria et Wilfried, et tous les autres villageois, récurrents comme Glasnich (le narrateur), ou éphémères comme Apollonia, le premier amour de Paul.
Cette présentation se suit sans réel ennui grâce à l'aspect aussi bien vignette que proustien — le premier épisode, contemplatif, étant celui qui donne le plus la part belle à la terre du Hunsrück, qui rentre à rebours dans le XXe siècle au gré des irruptions de la mécanisation ou de la radio. Si on ne comprend pas forcément sur le coup pourquoi on passe du temps sur des petits riens (où sont les nœuds dramatiques ? à quoi bon, par exemple, partir sur une histoire de cadavre de femme dans les bois si c'est pour que ça ne débouche sur rien ?), rétrospectivement ces moments de mise en place dégagent une tendresse et une insouciance que la suite des événements rendra plus précieuses. Cette difficulté de départ à l'implication s'explique aussi par le traitement tout en retenue des personnages : sans parler de froideur, ces petites gens ne se laissent pas apprivoiser tout de suite. Paul, notamment, est particulièrement difficile à cerner, presque à la frontière de l'autisme. Au-delà de sa passion pour la radio, il est lisse comme une page blanche. Si bien que lorsqu'il part sans un mot du jour au lendemain pour les USA en laissant derrière lui femme et enfants, à la fin du premier épisode, on redoute avec une certaine perplexité la suite d'une saga qui s'annonce bien cryptique sur le plan psychologique.
Là encore, il faut vraiment considérer la saga en tant que tout et ne pas se laisser déstabiliser par ces partis-pris elliptiques de narration, moins problématiques sur le plan feuilletonesque que sur le plan historique.
Car comme toute bonne saga, Une chronique allemande révèle ses arcs peu à peu. Vous croyiez que Paul allait être le personnage principal ? Que nenni, c'est en réalité Maria, son épouse abandonnée, plongée dans la même incompréhension que le spectateur, qui sera tout du long l'héroïne, le pivot de tout. Des personnages disparaissent, réapparaissent, d'autres s'invitent pour étoffer l'arbre généalogique (la sulfureuse Lucie qui fera rentrer Eduard au Parti nazi, l'horloger-bijoutier qui épouse Pauline, les enfants de Maria eus avec Paul puis avec Otto, son second amour, puis les épouses des enfants...) ou graviter autour de lui (toute cette espèce de communauté qui finit par faire de la famille Simon-Wiegand une véritable tribu - comme le dit quelqu'un dans le film, dans cette maison, on accueille vraiment tout le monde). Remarquablement, ces différentes greffes ne trahissent pas trop l'artifice de la plume, qui agrémenterait et rallongerait le feuilleton avec des entrées et des sorties bien rodées. Cette mutation permanente du socle initial de protagonistes fait tout le sel du suivi sur trois générations, mais la logique elliptique paraît parfois assez étrange et oblige à une attention soutenue (une petite phrase ou un encart dans le journal, c'est tout ce qu'on aura des fois sur ce qu'est devenu un personnage). Par ailleurs, sur le plan dramatique on reste toujours dans quelque chose de très feutré, très pudique, très allusif.
Marita Breuer, dans le rôle de Maria, personnifie ce vertige du temps : âgée de moins d'une trentaine d'années lors du tournage, elle doit camper un personnage de ses 18 ans à son crépuscule. Il y a peu d'exemples qui me viennent en tête d'actrices dont le changement de visage tout au long d'un film soit si marquant. Sharon Stone dans Casino, de la splendeur aux stigmates de la haine. Maria de Heimat accède à mon panthéon imaginaire : c'est fascinant de se dire que cette actrice parvient à faire vivre, sans effets de manche, un vieillissement complet, comme si le personnage avait pris possession d'elle au-delà du cadre du cinéma. Ce n'est pas que le travail subtil de maquillage, c'est l'âme qu'elle inspire de façon communicative à Maria, jeune paysanne attentionnée, puis mère courage, puis quarantenaire ravagée, puis vieille dame digne à qui la vie a tout pris. Il y a quelque chose de la madone tarkovskienne dans la manière dont Reitz la filme parfois. Heimat, cette terre, c'est elle.
Rappelons d'abord deux-trois éléments de contexte.
Heimat, c'est l’œuvre d'une vie : celle d'Edgar Reitz, cinéaste qui peut se targuer d'avoir réalisé une fresque aux proportions inégalées dans le cinéma. Toutes pièces rassemblées, le projet avoisine en l'état les soixante heures de développement et embrasse, au fil des générations de la famille rhénano-paysanne Simon-Wiegand, les grandes évolutions de l'Histoire allemande de la seconde moitié du XIXe siècle (les deux Heimat sortis en 2013) jusqu'à l'orée des années Schröder. Rien ne dit que ce travail de compilation ne se poursuive pas encore, tel un roman-feuilleton auquel on rajouterait inlassablement de nouveaux personnages, de nouvelles perspectives. Reitz est le maître-tisserand de ce colosse sur lequel cent fois il remet son ouvrage.
Avec 15h à son compteur, Heimat, une chronique allemande, est la première partie acclamée de cette saga familiale ; sa diffusion en 1984 parachève plus de cinq années de labeur. Son spectre à elle seule s'étend de 1919 à 1982. S'ensuivront Chronique d'une jeunesse (1960-1970) et Chronique d'une époque (1989-1999), qu'Arte ne diffusera malheureusement pas.
Bref. Tout cela est impressionnant, mais est-ce qu'Une chronique allemande c'est bien, au moins ?
OUI !
A quelques réserves près.
Déjà, commençons par la forme. C'est simple, l'excellence esthétique suffit à elle seule que l'on se penche sur ces 15h. La beauté du noir et blanc confine à la sorcellerie grâce à la restauration d'Arte et hypnotise nos rétines en sublimant la reconstitution. Pas impossible que Spielberg ait gardé ça dans un coin de sa mémoire pour l'esthétique de La liste de Schindler.
Tout cela ne paraît jamais figé dans une idéalisation ou une nostalgie rances grâce à la mise en scène élaborée de Reitz, qui n'a vraiment pas décidé de jouer les petits bras pour son grand œuvre. Un an après Rumble fish de Coppola, Heimat reprend avec parcimonie la figure de style de la coloration d'un élément du plan avec beaucoup de réussite, ajoutant à la fascination plastique que procurent les images. Par rapport à la copie fatiguée du coffret dvd TF1, Reitz semble avoir profité de la restauration pour peaufiner certains plans. Ces trouées de couleur (comme les œillets rouges jetés du ciel par Ernst, ou cette lueur de l'aube qui se projette doucement sur un mur) donnent une force surréelle à une reconstitution par ailleurs marquante par son réalisme : ce village de Schabbach, il a beau être imaginaire, il respire l'authenticité grâce au soin du détail, aux visages plus vrais que nature. Au détour d'un plan ou d'un travelling, on le voit évoluer, mûrir. La maison des Simon par exemple, on finit par s'y sentir chez soi pas seulement parce que c'est un décor récurrent, mais parce que le N&B capte quelque chose de rassurant, d'authentique dans la rusticité et l'humilité. Les résumés d'épisode à base de photos de famille jaunies renforcent la véracité d'une démarche qui finit par gentiment troubler, l'inscription dans le temps long aidant à ce qu'on se sente faire partie des meubles. On finit par croire en l'existence passée de ces gens.
Ça aurait été un peu emmerdant qu'un film qui s'intitule Heimat loupe le coche sur ce plan et on peut dire que Reitz sait transmettre et nous faire découvrir l'âme de sa région de Rhénanie-Palatinat, à la fois austère et ennuyeuse avec ses champs à perte de vue et ses forêts, mais aussi indéfinissablement mystérieuse et rehaussée par sa galerie de portraits villageois. Certaines séquences sont intégralement filmées en couleur selon un sens énigmatique - à partir des années 1950, la balance s'inverse, l'entrée dans le monde moderne appelle la couleur et le noir et blanc devient réservé à la poésie.
Sur le fond, Reitz se défend d'avoir conçu sa saga-fleuve comme un panorama d'historien. En effet, les évolutions saillantes de l'Histoire allemande ne sont considérées qu'au travers du prisme familial et rural, l'action étant globalement circonscrite au village de Schabbach. L'Histoire dicte les destinées des personnages mais reste une toile de fond. C'est bien de l'histoire de la famille dont il s'agit. Ainsi, ce que les personnages ne voient pas, on n'en parle pas (les autodafés, les discriminations, les exécutions, les camps, la Shoah, la partition en deux Allemagnes...).
C'est une démarche qui a le mérite de la constance, mais que je ne trouve pas entièrement concluante, à vrai dire. L'Histoire "par le petit bout de la lorgnette" donne un effet rétrécissant qui est frustrant sinon gênant (prendre ce village pauvre, paysan et reculé pour cadre permet de mettre en angle mort ou de raconter sur un mode mineur beaucoup de questions sensibles). Malgré sa durée énorme, le traitement donne du coup le sentiment d'éluder (commodément ou non) le fond des choses quant aux racines du nazisme, puisque c'est logiquement l'épicentre des deux tiers de la saga. Il y a un déséquilibre que je trouve un peu problématique entre l'importance de ce qui se trame et l'étroitesse de la prise en charge de ces considérations par le film. On a de petites allusions dès le début des années 20 sur la fierté nationale à reconquérir, sur l'attente d'un leader providentiel, avec le personnage réac de Wiegand puis son fils Wilfried qui, passé par les Hitlerjugend, s'endoctrinera à fond (devenant l'incarnation au village du régime hitlérien). Ou avec le personnage parvenu de Lucie, l'ex-tenancière de bordel, pour qui toutes les opportunités sont bonnes pour s'élever socialement. Mais en réalité, les ellipses de la narration sont autant de trous à la compréhension profonde du phénomène. Reitz ne s'attarde pas sur ces choses : les personnages sont (c'est-à-dire, saisis à un instant T), mais on ne les voit qu'incomplètement devenir. Wilfried est devenu nazi, ok. Next. Il manque les liants, et c'est bien dommage, parce que la durée hors-normes de l'entreprise laissait assez de latitudes pour aborder ces phénomènes et ces évolutions sur le plan psychologique ou idéologique sans forcément sacrifier l'ambition de restreindre l'évocation au seul village de Schabbach.
En résulte donc une analyse en demi-teinte, pas inintéressante (elle témoigne de la "préservation", dans une certaine mesure, de la ruralité face aux horreurs du nazisme) mais malheureusement limitée par ses figures obligées (le nazillon, la pute sans valeurs) qui agissent par conformisme, sans vrai approfondissement des causes et des fondements du drame — on se tournera vers l'extraordinaire ouvrage de Johann Chapoutot La loi du sang. Penser et agir en nazi (Gallimard, 2015). Le film donne l'impression de donner plus d'importance à l'anecdote, comme l'arrivée de la radio, de la photo, du téléphone ou de l'automobile, qu'aux mécanismes de compréhension de la montée et de l'enracinement du fascisme (les exactions contre les Juifs se cantonnant à une seule scène de carreaux de fenêtre cassés, quand la haine des socialistes n'est abordée qu'au travers d'une scène d'arrestation), comme si tout était de toute façon inéluctable, et ces paysans bien impuissants, observant ces uniformes et ces orages depuis leur fenêtre. Un peu court, quand même.
Faillible en tant que projet historique, est-ce plus solide en tant que saga familiale ?
Heureusement oui.
Tout commence en 1919, lorsque Paul Simon, démobilisé de l'armée allemande, revient dans son village de Schabbach retrouver les siens, et découvre son premier amour de jeunesse avec Apollonia, et celui de raison, avec la douce Maria.
Lorsqu'on entreprend l'ascension d'Heimat, on peut ressentir au début une sorte de perplexité face à cette indolence de la narration, cet accent mis sur la restitution du détail ou de l'anecdote (l'inauguration du monument aux morts de 14-18, les arrivées techniques qui scandent la vie du village), sur tous ces petits riens impressionnistes que Reitz compile prioritairement à tout développement d'intrigue. Mais sur 15h de film, la lenteur de la mise en place est un passage presque obligé, et que l'on reconsidère avec beaucoup plus d'intérêt du haut de l'achèvement de la saga, des trajectoires de chacun, de la densification de leur vécu. Il faut bien introduire le cadre et les personnages centraux de Schabbach : la mère Katharina Simon et son mari forgeron Mathias, sa sœur Marie-Goot, leurs trois enfants Eduard, Pauline et Paul, la famille Wiegand avec Alois le nationaliste, ses enfants Maria et Wilfried, et tous les autres villageois, récurrents comme Glasnich (le narrateur), ou éphémères comme Apollonia, le premier amour de Paul.
Cette présentation se suit sans réel ennui grâce à l'aspect aussi bien vignette que proustien — le premier épisode, contemplatif, étant celui qui donne le plus la part belle à la terre du Hunsrück, qui rentre à rebours dans le XXe siècle au gré des irruptions de la mécanisation ou de la radio. Si on ne comprend pas forcément sur le coup pourquoi on passe du temps sur des petits riens (où sont les nœuds dramatiques ? à quoi bon, par exemple, partir sur une histoire de cadavre de femme dans les bois si c'est pour que ça ne débouche sur rien ?), rétrospectivement ces moments de mise en place dégagent une tendresse et une insouciance que la suite des événements rendra plus précieuses. Cette difficulté de départ à l'implication s'explique aussi par le traitement tout en retenue des personnages : sans parler de froideur, ces petites gens ne se laissent pas apprivoiser tout de suite. Paul, notamment, est particulièrement difficile à cerner, presque à la frontière de l'autisme. Au-delà de sa passion pour la radio, il est lisse comme une page blanche. Si bien que lorsqu'il part sans un mot du jour au lendemain pour les USA en laissant derrière lui femme et enfants, à la fin du premier épisode, on redoute avec une certaine perplexité la suite d'une saga qui s'annonce bien cryptique sur le plan psychologique.
Là encore, il faut vraiment considérer la saga en tant que tout et ne pas se laisser déstabiliser par ces partis-pris elliptiques de narration, moins problématiques sur le plan feuilletonesque que sur le plan historique.
Car comme toute bonne saga, Une chronique allemande révèle ses arcs peu à peu. Vous croyiez que Paul allait être le personnage principal ? Que nenni, c'est en réalité Maria, son épouse abandonnée, plongée dans la même incompréhension que le spectateur, qui sera tout du long l'héroïne, le pivot de tout. Des personnages disparaissent, réapparaissent, d'autres s'invitent pour étoffer l'arbre généalogique (la sulfureuse Lucie qui fera rentrer Eduard au Parti nazi, l'horloger-bijoutier qui épouse Pauline, les enfants de Maria eus avec Paul puis avec Otto, son second amour, puis les épouses des enfants...) ou graviter autour de lui (toute cette espèce de communauté qui finit par faire de la famille Simon-Wiegand une véritable tribu - comme le dit quelqu'un dans le film, dans cette maison, on accueille vraiment tout le monde). Remarquablement, ces différentes greffes ne trahissent pas trop l'artifice de la plume, qui agrémenterait et rallongerait le feuilleton avec des entrées et des sorties bien rodées. Cette mutation permanente du socle initial de protagonistes fait tout le sel du suivi sur trois générations, mais la logique elliptique paraît parfois assez étrange et oblige à une attention soutenue (une petite phrase ou un encart dans le journal, c'est tout ce qu'on aura des fois sur ce qu'est devenu un personnage). Par ailleurs, sur le plan dramatique on reste toujours dans quelque chose de très feutré, très pudique, très allusif.
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Marita Breuer, dans le rôle de Maria, personnifie ce vertige du temps : âgée de moins d'une trentaine d'années lors du tournage, elle doit camper un personnage de ses 18 ans à son crépuscule. Il y a peu d'exemples qui me viennent en tête d'actrices dont le changement de visage tout au long d'un film soit si marquant. Sharon Stone dans Casino, de la splendeur aux stigmates de la haine. Maria de Heimat accède à mon panthéon imaginaire : c'est fascinant de se dire que cette actrice parvient à faire vivre, sans effets de manche, un vieillissement complet, comme si le personnage avait pris possession d'elle au-delà du cadre du cinéma. Ce n'est pas que le travail subtil de maquillage, c'est l'âme qu'elle inspire de façon communicative à Maria, jeune paysanne attentionnée, puis mère courage, puis quarantenaire ravagée, puis vieille dame digne à qui la vie a tout pris. Il y a quelque chose de la madone tarkovskienne dans la manière dont Reitz la filme parfois. Heimat, cette terre, c'est elle.
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Dernière modification par Demi-Lune le 28 sept. 15, 11:02, modifié 1 fois.
- Thaddeus
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Hé bé... Ça donne envie.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Oui, bravo Demi-Lune. Dire que lors de sa première diffusion j'avais eu la flemme de le voir. Gros regret mais je ne désespère pas.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Pas de rediffusion prévue sur Arte, en tout cas. Reste à espérer qu'un coffret blu-ray voie le jour puisque le master HD existe.Jeremy Fox a écrit :Oui, bravo Demi-Lune. Dire que lors de sa première diffusion j'avais eu la flemme de le voir. Gros regret mais je ne désespère pas.
Dommage quand même qu'Arte s'arrête à la première chronique et n'ait pas eu l'audace de l'exhaustivité. Car on n'a qu'une envie : celle de continuer l'aventure.
Je ne pense pas prendre un trop gros risque en prédisant que tu aimeras. Peut-être même film du mois.Thaddeus a écrit :Hé bé... Ça donne envie.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Pour ceux qui ne passeraient pas du côté de la rubrique HD du forum, Heimat vient de sortir en coffret 5 blu-ray chez nos amis belges (alors que Potemkine vient de le rééditer seulement en dvd).
Il y a de très, très fortes chances pour qu'il s'agisse de la restauration diffusée sur Arte (preuve en est le nouveau chapitrage des épisodes). Et c'était splendide.
Il y a de très, très fortes chances pour qu'il s'agisse de la restauration diffusée sur Arte (preuve en est le nouveau chapitrage des épisodes). Et c'était splendide.
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Re: Heimat, une chronique d'Allemagne (Edgar Reitz - 1984)
Vu pleins de coffrets blu-ray chez Gibert Joseph ce week-end, pour ceux que ça intéresse. Pour rappel, la France n'a sorti que des dvd remastérisés.Demi-Lune a écrit :Pour ceux qui ne passeraient pas du côté de la rubrique HD du forum, Heimat vient de sortir en coffret 5 blu-ray chez nos amis belges (alors que Potemkine vient de le rééditer seulement en dvd).
Par association d'idées, je me suis du coup attelé au prologue Chronique d'un rêve / L'exode qui est sorti il y a trois ans, et c'est fascinant de retrouver la terre rhénane du Hunsrück et le village de Schabbach. La démarche monumentale de Reitz avec sa saga dans le temps long crée une proximité émotionnelle avec cette famille Simon, et c'est une impression vraiment particulière que de faire un nouveau saut dans le temps pour découvrir l'existence des ancêtres paysans de la mi-XIXe siècle. Le simple jeu de Reitz sur le cast de Marita Breuer, les décors du village (et notamment la maison familiale) et les résonances romanesques entre l'obsession de Paul, en 1919, et de Jakob, en 1842, pour l'émigration outre-Atlantique, participe de ce trouble en conférant rétrospectivement à l'histoire familiale une dimension presque mystique (l'atmosphère est d'ailleurs très étrange dans ce diptyque, très pesante, avec une musique inquiétante). Comme disait ballantrae, Reitz me fait l'effet d'être le trait d'union entre la grande littérature par cycles à la Balzac ou Zola, et l'expérience cinématographique transcendantale comme savent parfois le faire les Nordiques (Dreyer, Bergman, Tarkovski, Tarr). En "resserrant" son histoire en 3h45, Reitz n'a pas le loisir de se disperser en sous-intrigues, et c'est ce côté compact, implacable, libéré de considérations historiques en gruyère (en plus de l'excellence formelle qui surpasse Une chronique allemande), qui permet à ce Heimat 4 d'avoir ma préférence, même si le premier reste objectivement plus ambitieux et un sacré gros morceau de cinéma. L'émotion reste toujours contenue sous le vernis de l'austérité, mais il y a dans le resserrement des enjeux et des protagonistes une facilitation d'empathie qui fait mouche à de nombreux moments. Ce qui fonctionne pour soi fonctionne d'ailleurs aussi lorsque l'on repense plus globalement à la suite de la saga. Cela contribue à un vertige qui laisse pensif sur le destin (au-delà de la plume du scénariste-démiurge) qui guide inlassablement les générations. En tout cas, pris isolément ou non, ce diptyque est un tour de force artistique - je ne sais pas s'il existe film meilleur sur l'évocation de la vie rurale au XIXe siècle.