Série noire pour une nuit blanche (John Landis - 1985)
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
- Beule
- Réalisateur de seconde équipe
- Messages : 5742
- Inscription : 12 avr. 03, 22:11
Série noire pour une nuit blanche (John Landis - 1985)
Opération toujours délicate que de se replonger dans une œuvre qui a illuminé votre adolescence mais dont vous ne conservez, tout au plus, que quelques souvenirs vagues et épars, pour ne pas dire de simples impressions. A fortiori si de ce voyage dans le temps résulte une escale au beau milieu des années 80. Sous le verni écorné de l’indicible nostalgie flatteuse, les qualités fantasmées de l’objet auront-elles subsisté ? Ou au contraire se seront-elles irrémédiablement dissoutes, rongées par la vulgarité agressive, par l’ostentation visuelle clinquante qui annihilent la pérennité de tant de productions en phase avec l’air du temps pas si béni des arrogantes eighties ?
Un générique d’ouverture opaque et planant qui ne révèlera son sens qu’avec l’apparition de sa Princesse Diana, puis une séquence d’exposition bercée d’une douce ironie goguenarde suffisent à balayer les appréhensions. Ce fantasme de film-là ressort de l’ombre toutes vertus hypnotiques intactes. En une visite guidée nocturne, les promesses de la nuit se sont matérialisées au son du chant de sirènes bluesy de l’intemporel Johnny Lee Hooker. L’apathie sensuelle de son Tall Guy insomniaque, aussi à l’étroit dans son petit intérieur beige clair, dans sa petite Toyota beige bon marché que sur son poste de travail confiné, ironiquement enclavé dans un immense open space, qui manifeste pour son monocorde environnement quotidien à peu près autant d’appétit que pour son œuf au plat matinal, suffit à promettre l’avènement de la prophétie… d’autant plus sûrement que l’auto-analyse de son mal-être achoppe sur le conformisme idéologique social alors ( … ) ambiant : « my career is at a dead end », etc. Lucides connotations discrètement sarcastiques auxquelles j’étais naturellement resté impénétrable à l’époque.
Le récit plonge alors notre grand Ed, suivant les recommandations d’un Dan Aykroyd libidineux, dans la faune de la nuit pour illico lui associer une troublante blonde en péril. Et de sembler alors vouloir fouler les plates-bandes de son contemporain After Hours - à moins que ce ne soit l’inverse… Au détail près que si Scorsese était un receleur de portraits de nuit new yorkaise tous plus barrés les uns que les autres, il refusait d’inscrire dans cette collection un Griffin Dunne graduellement plus fiévreux dans sa geôle underground sans barreaux. Rien de tel ici. Nous sommes à L.A. et non dans le no man’s land de Big Apple. C’est la Cité du Cinéma, non La Mecque de la dramaturgie.
L’odyssée nocturne de notre ingénieur en aéronautique préfère ainsi dédaigner le surréalisme cauchemardesque pour explorer les thèmes éternels de la mythologie hollywoodienne, sans jamais se départir -du moins dans sa première partie, tant que la Princesse Charmante n’a pas encore complètement réveillé son promis endormi- de cette subjectivité somnambulique qui est celle de notre guide. Ce faisant, elle convoque le film noir par un clin d’œil au mâle envoûté par sa mystérieuse sirène de la nuit, néanmoins ici au moins aussi désorientée que lui, en particulier le film de casse abstrait dont nous ne serions que les témoins d’un épilogue sous forme de course-poursuite nonsensique et dépassionnée, pour donc flirter avec le conte de fées malicieusement ironique (la bonne fée du récit, nommée Jack Caper, sert d’ailleurs de trait d’union entre ces deux aspects) et glisser sporadiquement vers la comédie romantique pleine d’(un mauvais) esprit :
_ My wife is unfaithful to me.
_ Oh! Your wife is having an affair?
_ ‘Makes it seem romantic!
_ Maybe it is...
Pas de claustration des péripéties. Au contraire, c’est la voie du road movie (urbain) qu’empreinte l’odyssée du couple vedette, au gré de quelques plans-séquences explorant placidement les dimensions gigantesques de la mégalopole du Pacifique dans un travelling arrière épousant un axe presque immuable, sans même chercher à en fixer la topographie.
Et chaque halte d’offrir son clin d’œil référentiel sans jamais céder au triste plagiat. Ci par l’entremise d’un de ces innombrables caméos qui ont assuré au film sa seule réputation ( ?), là par un glissement feutré, quand ce n’est pas simplement en hors champ, dans le slapstick, la comédie la plus noire et grinçante ou la satire sociale. Une seule fois ce virage est amorcé par Ed lui-même, qui après s’être ébahi devant la complexité de la logistique aujourd’hui requise pour le tournage d’un simple épisode de série TV, entreprend le saccage du set dans un élan d’impavidité tranquille digne d’un Hrundi V. Bakshi. Le reste du temps, cette animation burlesque, subjectivité narrative onirique oblige, est dévolue aux intervenants périphériques, à commencer par les Shaheen’s Boys, impayable quatuor de tueurs iraniens dont les interprètes ne sont autres que Landis en personne et trois membres de son équipe technique. Le vice de ces quatre sbires-là n’a d’égal (et encore !) que leur ineffable manque de coordination motrice, sauf lorsqu’ils entreprennent conjointement de liquider… un saladier entier de cacahuètes ! Il faut voir ces inquiétants Pieds Nickelés s’invectiver à qui mieux mieux, en iranien dans le texte et sans sous-titre s’il vous plait, s’empêtrer pathétiquement sur le franchissement d’une simple glissière de sécurité, manquer de pulvériser, pantalon aux chevilles, le seuil vitré de l’échoppe d’un tailleur sélect, seul obstacle les séparant de leur cible désignée, ou plus tard, confrontés à un aléa identique, fusiller hystériquement, comme avant cela un « gentil » chien beuglant ou un perroquet trop bavard, une simple serrure, non verrouillée de surcroît, pour mieux s’enferrer obstinément sur l’abattant dans un empressement aveugle digne de Clouseau, ou, mettons, de Dreyfus… Avant de se délester avec application de leur arsenal pour orchestrer la noyade d’une fuyarde terrorisée au cours d’une séquence marquée du sceau d’un froid sadisme, dont le caractère impromptu évoque encore et toujours Blake Edwards, mais celui, ô combien plus cinglant et déstabilisant, de SOB. Il va sans dire que plus brutale sera leur chute.
La nuit qui enveloppe ce périple comateux gomme, déforme et absout tous les particularismes, étreignant le stoïcisme hébété de notre Ed avec le même naturel, la même évidence, que la morgue possessive d’un clone d’Elvis homo et ventripotent (Bruce McGill sensationnel en frérot de la belle Michelle s’éclipsant sur un tonitruant « You may have Fucked Elvis but you don’t know him » qui lui assure sa postérité). Jusqu’à même, non sans malice, lui conférer une légitimité de fait dont il était justement privé dans le monde des vivants. Non seulement sa nonchalance et son absence d’affect lui permettront de s’extirper de plus d’un mauvais pas, mais encore lui vaudront-ils la reconnaissance admirative d’un expert en la personnalité fantomatique d’une gâchette anglaise à la sexualité ostentatoire. " I ‘m impressed. You’re really very good. I’m amazed we’ve not met before. You can stop performing now, Ed… if that’s your name... I like you, Ed, I do like you. You’re very good" , concède l’homme venu d’ailleurs à un Goldblum interloqué avant, souriant, de lui pénétrer la bouche de son petit calibre.
Même si son charme irrésistible reste en toute occasion pour Diana un atout indéfectible, c’est a contrario le jour qui pare ce bel oiseau de nuit de ces mêmes vertus stimugènes : « elle est très forte », soupire laconiquement le gangster frenchy M. Melville (Roger Vadim) lorsqu’au matin venu les ressources d’Ed semblent s’être amenuisées et qu’à son tour l’éblouissante Michelle doit s’employer pour les sortir des griffes du fâcheux. Et l’on craindrait presque que Landis, après avoir démontré jusque dans leur appréciation par leurs ennemis la symbiose parfaite de ce couple de fortune ne nous premake la malédiction de Ladyhawke en refermant son Il était une fois… sur une note mélancolique. Celle du réveil d’Ed, seul, sans sa princesse fantasmée, condamné à revivre ses aventures de somnambule dans l’éphéméride des nuits pour renouer avec l’élue de son cœur. D’autant qu’à bien y repenser, la narration s’accommoderait fort élégamment d’une pareille conclusion en boucle…
Avec Série noire pour une nuit blanche, le modeste Landis n’a certainement pas voulu révolutionner le cinéma ni s’inscrire au Panthéon des grands auteurs. Tout au plus a-t-il à la manière du meilleur Joe Dante, celui de Hurlements ou de Matinee, cherché à rendre un humble hommage au cinéma qui lui est cher. Il n’en a pas moins confectionné, me semble-t-il, son œuvre la plus personnelle et la plus attachante, suprêmement maîtrisée sous ses dehors trompeurs de désinvolture un peu potache. La plus brillante aussi. Il suffirait pour s’en convaincre d’examiner l’admirable séquence au terme de laquelle ces deux antithétiques légendes du rock que sont Bowie et le permanenté Carl Perkins finissent par s’étriper joyeusement en tirant profit de la concomitance offerte par le climax sonore ET visuel de… Deux Nigauds contre Frankenstein (esprit potache vous dis-je) diffusé par un énorme écran de télévision. Déjà aux prémices de la séquence, le cinéaste avait-il su utiliser ces mêmes bruits de source pour compenser l’absence de toute musique dans l’instauration d’une ambiance des plus pesantes (si si !) et sembler faire communiquer Goldblum et Pfeiffer comme par télépathie, par le truchement des dialogues dudit film, après que le cruel Bowie eut intimé le silence à notre héros en menaçant de trancher la gorge de sa belle. Un admirable tour de force.
Mais surtout, surtout, Into the night respire un plaisir de filmer euphorisant, une générosité et une complicité jusque dans l’intervention de chacune de ses guest stars (outre celles déjà citées, Cronenberg en responsable d’un groupe de travail spécialiste des scanners, Vera Miles en rombière cupide –snif !, Paul Mazursky ou même Paul Bartel le temps d’un clin d’œil muet, et tant d’autres, le générique collectionnant comme des perles les noms de vieilles gloires et de réalisateurs en devenir) qui mettent le cœur en liesse. Dans la lignée de SOB, donc, et préfigurant à sa manière ces autres petits joyaux inclassables dans la production US, tout en ruptures de ton mais pétris d’un charme indéfinissable, que s’avèreront au fil des ans des films aussi discrets que Mad Dog and Glory ou Grosse Pointe Blank par exemple, ce Landis-là se déguste égoïstement entre happy fews et constitue un petit moment de cinéma simplement é-pa-tant.
Pour autant, sans faire injure aux qualités plus formatées du réjouissant Three Amigos, son échec semble avoir coupé les ailes de son réalisateur. Et j’ai eu beau écarquiller les yeux et explorer les archives du forum dans tous les sens, je n’ai pu trouver la moindre miette le concernant. Into the night est pourtant dispo en zone 1 depuis l’automne dernier, et depuis quelques temps dans une édition budget passable en zone 2. Alors, pas d’autres amateurs pour me tenir compagnie ? Pas même parmi les fidèles de la première heure du cinéaste (Cosmo, Manny…) ?
Un générique d’ouverture opaque et planant qui ne révèlera son sens qu’avec l’apparition de sa Princesse Diana, puis une séquence d’exposition bercée d’une douce ironie goguenarde suffisent à balayer les appréhensions. Ce fantasme de film-là ressort de l’ombre toutes vertus hypnotiques intactes. En une visite guidée nocturne, les promesses de la nuit se sont matérialisées au son du chant de sirènes bluesy de l’intemporel Johnny Lee Hooker. L’apathie sensuelle de son Tall Guy insomniaque, aussi à l’étroit dans son petit intérieur beige clair, dans sa petite Toyota beige bon marché que sur son poste de travail confiné, ironiquement enclavé dans un immense open space, qui manifeste pour son monocorde environnement quotidien à peu près autant d’appétit que pour son œuf au plat matinal, suffit à promettre l’avènement de la prophétie… d’autant plus sûrement que l’auto-analyse de son mal-être achoppe sur le conformisme idéologique social alors ( … ) ambiant : « my career is at a dead end », etc. Lucides connotations discrètement sarcastiques auxquelles j’étais naturellement resté impénétrable à l’époque.
Le récit plonge alors notre grand Ed, suivant les recommandations d’un Dan Aykroyd libidineux, dans la faune de la nuit pour illico lui associer une troublante blonde en péril. Et de sembler alors vouloir fouler les plates-bandes de son contemporain After Hours - à moins que ce ne soit l’inverse… Au détail près que si Scorsese était un receleur de portraits de nuit new yorkaise tous plus barrés les uns que les autres, il refusait d’inscrire dans cette collection un Griffin Dunne graduellement plus fiévreux dans sa geôle underground sans barreaux. Rien de tel ici. Nous sommes à L.A. et non dans le no man’s land de Big Apple. C’est la Cité du Cinéma, non La Mecque de la dramaturgie.
L’odyssée nocturne de notre ingénieur en aéronautique préfère ainsi dédaigner le surréalisme cauchemardesque pour explorer les thèmes éternels de la mythologie hollywoodienne, sans jamais se départir -du moins dans sa première partie, tant que la Princesse Charmante n’a pas encore complètement réveillé son promis endormi- de cette subjectivité somnambulique qui est celle de notre guide. Ce faisant, elle convoque le film noir par un clin d’œil au mâle envoûté par sa mystérieuse sirène de la nuit, néanmoins ici au moins aussi désorientée que lui, en particulier le film de casse abstrait dont nous ne serions que les témoins d’un épilogue sous forme de course-poursuite nonsensique et dépassionnée, pour donc flirter avec le conte de fées malicieusement ironique (la bonne fée du récit, nommée Jack Caper, sert d’ailleurs de trait d’union entre ces deux aspects) et glisser sporadiquement vers la comédie romantique pleine d’(un mauvais) esprit :
_ My wife is unfaithful to me.
_ Oh! Your wife is having an affair?
_ ‘Makes it seem romantic!
_ Maybe it is...
Pas de claustration des péripéties. Au contraire, c’est la voie du road movie (urbain) qu’empreinte l’odyssée du couple vedette, au gré de quelques plans-séquences explorant placidement les dimensions gigantesques de la mégalopole du Pacifique dans un travelling arrière épousant un axe presque immuable, sans même chercher à en fixer la topographie.
Et chaque halte d’offrir son clin d’œil référentiel sans jamais céder au triste plagiat. Ci par l’entremise d’un de ces innombrables caméos qui ont assuré au film sa seule réputation ( ?), là par un glissement feutré, quand ce n’est pas simplement en hors champ, dans le slapstick, la comédie la plus noire et grinçante ou la satire sociale. Une seule fois ce virage est amorcé par Ed lui-même, qui après s’être ébahi devant la complexité de la logistique aujourd’hui requise pour le tournage d’un simple épisode de série TV, entreprend le saccage du set dans un élan d’impavidité tranquille digne d’un Hrundi V. Bakshi. Le reste du temps, cette animation burlesque, subjectivité narrative onirique oblige, est dévolue aux intervenants périphériques, à commencer par les Shaheen’s Boys, impayable quatuor de tueurs iraniens dont les interprètes ne sont autres que Landis en personne et trois membres de son équipe technique. Le vice de ces quatre sbires-là n’a d’égal (et encore !) que leur ineffable manque de coordination motrice, sauf lorsqu’ils entreprennent conjointement de liquider… un saladier entier de cacahuètes ! Il faut voir ces inquiétants Pieds Nickelés s’invectiver à qui mieux mieux, en iranien dans le texte et sans sous-titre s’il vous plait, s’empêtrer pathétiquement sur le franchissement d’une simple glissière de sécurité, manquer de pulvériser, pantalon aux chevilles, le seuil vitré de l’échoppe d’un tailleur sélect, seul obstacle les séparant de leur cible désignée, ou plus tard, confrontés à un aléa identique, fusiller hystériquement, comme avant cela un « gentil » chien beuglant ou un perroquet trop bavard, une simple serrure, non verrouillée de surcroît, pour mieux s’enferrer obstinément sur l’abattant dans un empressement aveugle digne de Clouseau, ou, mettons, de Dreyfus… Avant de se délester avec application de leur arsenal pour orchestrer la noyade d’une fuyarde terrorisée au cours d’une séquence marquée du sceau d’un froid sadisme, dont le caractère impromptu évoque encore et toujours Blake Edwards, mais celui, ô combien plus cinglant et déstabilisant, de SOB. Il va sans dire que plus brutale sera leur chute.
La nuit qui enveloppe ce périple comateux gomme, déforme et absout tous les particularismes, étreignant le stoïcisme hébété de notre Ed avec le même naturel, la même évidence, que la morgue possessive d’un clone d’Elvis homo et ventripotent (Bruce McGill sensationnel en frérot de la belle Michelle s’éclipsant sur un tonitruant « You may have Fucked Elvis but you don’t know him » qui lui assure sa postérité). Jusqu’à même, non sans malice, lui conférer une légitimité de fait dont il était justement privé dans le monde des vivants. Non seulement sa nonchalance et son absence d’affect lui permettront de s’extirper de plus d’un mauvais pas, mais encore lui vaudront-ils la reconnaissance admirative d’un expert en la personnalité fantomatique d’une gâchette anglaise à la sexualité ostentatoire. " I ‘m impressed. You’re really very good. I’m amazed we’ve not met before. You can stop performing now, Ed… if that’s your name... I like you, Ed, I do like you. You’re very good" , concède l’homme venu d’ailleurs à un Goldblum interloqué avant, souriant, de lui pénétrer la bouche de son petit calibre.
Même si son charme irrésistible reste en toute occasion pour Diana un atout indéfectible, c’est a contrario le jour qui pare ce bel oiseau de nuit de ces mêmes vertus stimugènes : « elle est très forte », soupire laconiquement le gangster frenchy M. Melville (Roger Vadim) lorsqu’au matin venu les ressources d’Ed semblent s’être amenuisées et qu’à son tour l’éblouissante Michelle doit s’employer pour les sortir des griffes du fâcheux. Et l’on craindrait presque que Landis, après avoir démontré jusque dans leur appréciation par leurs ennemis la symbiose parfaite de ce couple de fortune ne nous premake la malédiction de Ladyhawke en refermant son Il était une fois… sur une note mélancolique. Celle du réveil d’Ed, seul, sans sa princesse fantasmée, condamné à revivre ses aventures de somnambule dans l’éphéméride des nuits pour renouer avec l’élue de son cœur. D’autant qu’à bien y repenser, la narration s’accommoderait fort élégamment d’une pareille conclusion en boucle…
Avec Série noire pour une nuit blanche, le modeste Landis n’a certainement pas voulu révolutionner le cinéma ni s’inscrire au Panthéon des grands auteurs. Tout au plus a-t-il à la manière du meilleur Joe Dante, celui de Hurlements ou de Matinee, cherché à rendre un humble hommage au cinéma qui lui est cher. Il n’en a pas moins confectionné, me semble-t-il, son œuvre la plus personnelle et la plus attachante, suprêmement maîtrisée sous ses dehors trompeurs de désinvolture un peu potache. La plus brillante aussi. Il suffirait pour s’en convaincre d’examiner l’admirable séquence au terme de laquelle ces deux antithétiques légendes du rock que sont Bowie et le permanenté Carl Perkins finissent par s’étriper joyeusement en tirant profit de la concomitance offerte par le climax sonore ET visuel de… Deux Nigauds contre Frankenstein (esprit potache vous dis-je) diffusé par un énorme écran de télévision. Déjà aux prémices de la séquence, le cinéaste avait-il su utiliser ces mêmes bruits de source pour compenser l’absence de toute musique dans l’instauration d’une ambiance des plus pesantes (si si !) et sembler faire communiquer Goldblum et Pfeiffer comme par télépathie, par le truchement des dialogues dudit film, après que le cruel Bowie eut intimé le silence à notre héros en menaçant de trancher la gorge de sa belle. Un admirable tour de force.
Mais surtout, surtout, Into the night respire un plaisir de filmer euphorisant, une générosité et une complicité jusque dans l’intervention de chacune de ses guest stars (outre celles déjà citées, Cronenberg en responsable d’un groupe de travail spécialiste des scanners, Vera Miles en rombière cupide –snif !, Paul Mazursky ou même Paul Bartel le temps d’un clin d’œil muet, et tant d’autres, le générique collectionnant comme des perles les noms de vieilles gloires et de réalisateurs en devenir) qui mettent le cœur en liesse. Dans la lignée de SOB, donc, et préfigurant à sa manière ces autres petits joyaux inclassables dans la production US, tout en ruptures de ton mais pétris d’un charme indéfinissable, que s’avèreront au fil des ans des films aussi discrets que Mad Dog and Glory ou Grosse Pointe Blank par exemple, ce Landis-là se déguste égoïstement entre happy fews et constitue un petit moment de cinéma simplement é-pa-tant.
Pour autant, sans faire injure aux qualités plus formatées du réjouissant Three Amigos, son échec semble avoir coupé les ailes de son réalisateur. Et j’ai eu beau écarquiller les yeux et explorer les archives du forum dans tous les sens, je n’ai pu trouver la moindre miette le concernant. Into the night est pourtant dispo en zone 1 depuis l’automne dernier, et depuis quelques temps dans une édition budget passable en zone 2. Alors, pas d’autres amateurs pour me tenir compagnie ? Pas même parmi les fidèles de la première heure du cinéaste (Cosmo, Manny…) ?
Re: Back into the night
T'es pas seul, Beule. J'aime beaucoup ce film assez méconnu de John Landis (aaah, Michelle...)
Tu as bien fait de lui consacrer un beau topic.
Tu as bien fait de lui consacrer un beau topic.
-
- A mes délires
- Messages : 9466
- Inscription : 3 janv. 04, 01:49
- Localisation : 17 Paseo Verde
-
- Au poil soyeux
- Messages : 31866
- Inscription : 12 avr. 03, 15:00
- Localisation : The Swanage
Re: Back into the night
D'autant plus que c'est le film qui a immédiatement suivi l'"affaire" Twilight Zone, il est presque étonnant qu'il ait réussi à tourner ensuite. Quoiqu'il en soit, je garde un souvenir lointain mais agréable de ce film défendu en son temps par Starfix. Un achat pour révision est même très envisageable.Beule a écrit :Pour autant, sans faire injure aux qualités plus formatées du réjouissant Three Amigos, son échec semble avoir coupé les ailes de son réalisateur.
"One Day There'll Be a Place for Us"
- Jack Griffin
- Goinfrard
- Messages : 12389
- Inscription : 17 févr. 05, 19:45
- Rockatansky
- Le x20, c'est dangereux
- Messages : 44831
- Inscription : 13 avr. 03, 11:30
- Last.fm
- Liste DVD
Le film qui a confirmé mon admiration sans limites pour Michelle Pfeiffer.
En tout cas ton message m'a donné envie de le revoir, car comme tu le dis au début de ton texte, j'avais également peur d'etre déçu et préférai vivre avec le souvenir excellent que j'en avais.
En tout cas ton message m'a donné envie de le revoir, car comme tu le dis au début de ton texte, j'avais également peur d'etre déçu et préférai vivre avec le souvenir excellent que j'en avais.
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
Vu au cinéma 2 fois la même semaine. A chaque fois une salle quasiment vide. Et moi qui me disais tant mieux, ce film "à moi, rien qu'à moi".
Autant dire que j'avais adoré d'amblée ce Into The Night, emballé par cette course poursuite nocturne, entre rêve et cauchemar constamment désamorcé par un mélange d'humour potache et non sensique, et déjà frappé par son travail référentiel sans évidemment pouvoir en saisir toutes les richesses. Et surtout, tel le loup de Tex Avery, j'étais en arrêt devant le charme incroyable de Michelle Pfeiffer quelques semaines après Ladyhawke (à cette époque, je ne faisais pas le lien avec Scarface où je l'avais découverte, mais en même temps Al Pacino bouffait tout le monde à l'écran...). et ce malgré ses cheveux courts. Quant à à Jeff Goldblum, l'identification fonctionnait à plein... alors que je n'étais qu'un ado de 15 ans (mais plutôt mature pour mon âge.... depuis le rapport s'est inversé ).
J'ai du revoir le film il y a un dizaine d'années et je n'avais pas du tout été déçu. La lecture du générique final est en effet la petite cerise sur le gâteau.
Autant dire que j'avais adoré d'amblée ce Into The Night, emballé par cette course poursuite nocturne, entre rêve et cauchemar constamment désamorcé par un mélange d'humour potache et non sensique, et déjà frappé par son travail référentiel sans évidemment pouvoir en saisir toutes les richesses. Et surtout, tel le loup de Tex Avery, j'étais en arrêt devant le charme incroyable de Michelle Pfeiffer quelques semaines après Ladyhawke (à cette époque, je ne faisais pas le lien avec Scarface où je l'avais découverte, mais en même temps Al Pacino bouffait tout le monde à l'écran...). et ce malgré ses cheveux courts. Quant à à Jeff Goldblum, l'identification fonctionnait à plein... alors que je n'étais qu'un ado de 15 ans (mais plutôt mature pour mon âge.... depuis le rapport s'est inversé ).
J'ai du revoir le film il y a un dizaine d'années et je n'avais pas du tout été déçu. La lecture du générique final est en effet la petite cerise sur le gâteau.
- Rockatansky
- Le x20, c'est dangereux
- Messages : 44831
- Inscription : 13 avr. 03, 11:30
- Last.fm
- Liste DVD
Perso j'avais déjà craqué sur Grease 2Roy Neary a écrit :Vu au cinéma 2 fois la même semaine. A chaque fois une salle quasiment vide. Et moi qui me disais tant mieux, ce film "à moi, rien qu'à moi".
Autant dire que j'avais adoré d'amblée ce Into The Night, emballé par cette course poursuite nocturne, entre rêve et cauchemar constamment désamorcé par un mélange d'humour potache et non sensique, et déjà frappé par son travail référentiel sans évidemment pouvoir en saisir toutes les richesses. Et surtout, tel le loup de Tex Avery, j'étais en arrêt devant le charme incroyable de Michelle Pfeiffer quelques semaines après Ladyhawke (à cette époque, je ne faisais pas le lien avec Scarface où je l'avais découverte, mais en même temps Al Pacino bouffait tout le monde à l'écran...). et ce malgré ses cheveux courts. Quant à à Jeff Goldblum, l'identification fonctionnait à plein... alors que je n'étais qu'un ado de 15 ans (mais plutôt mature pour mon âge.... depuis le rapport s'est inversé ).
J'ai du revoir le film il y a un dizaine d'années et je n'avais pas du tout été déçu. La lecture du générique final est en effet la petite cerise sur le gâteau.
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
- vic
- viking
- Messages : 3657
- Inscription : 26 avr. 03, 18:37
- Localisation : IHTFP
Okay, je sais maintenant que je l'ai vu : il y a une bonne quinzaine d'années, un ami que ma passion pour After Hours énervait au plus au point m'en avait presque imposer la vision, espérant que j'allais voir la lumière et reconnaitre la supériorité de Landis sur Scorcese. Peine perdu, je suis resté un ardent défenseur d'After Hours et le Landis est resté dans ma mémoire comme un objet anecdotique et plat jusqu'à l'oubli presque total.
Mais que pouvais-je bien comprendre d'un tel film à l'époque ? Sans doute pas grand-chose, étant incapable d'apprécier les clins d'oeil et caméo que Beule évoque ici avec un enthousiasme communicatif. Mais Landis (tout comme Dante, cinéaste que j'apprécie de plus en plus à chaque révision de son oeuvre) manie en général ces éléments de main de maître et la référence à Grosse Point Blank achève de me convaincre. Et un film avec (le trop rare) Jeff Goldblum ça ne se refuse pas. Je n'ai pas de sous mais je vais l'acheter demain...
Mais que pouvais-je bien comprendre d'un tel film à l'époque ? Sans doute pas grand-chose, étant incapable d'apprécier les clins d'oeil et caméo que Beule évoque ici avec un enthousiasme communicatif. Mais Landis (tout comme Dante, cinéaste que j'apprécie de plus en plus à chaque révision de son oeuvre) manie en général ces éléments de main de maître et la référence à Grosse Point Blank achève de me convaincre. Et un film avec (le trop rare) Jeff Goldblum ça ne se refuse pas. Je n'ai pas de sous mais je vais l'acheter demain...
Unité Ogami Ittô
Withdrawing in disgust is not the same thing as apathy.
*Insane Insomniac Team*
- Rockatansky
- Le x20, c'est dangereux
- Messages : 44831
- Inscription : 13 avr. 03, 11:30
- Last.fm
- Liste DVD
A 37 ans (36 sur la photo) je me dis que ça va ou alors il ne faut aimer que les prépubèresBob Harris a écrit :Tu m'étonnes, elle est trop canon dans ce film. Dommage que les femmes vieillissent.Rockatansky a écrit :Perso j'avais déjà craqué sur Grease 2
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
-
- Au poil soyeux
- Messages : 31866
- Inscription : 12 avr. 03, 15:00
- Localisation : The Swanage
Très rapidement : lors du tournage d'une séquence nocturne du sketch de Landis, Vic Morrow et deux enfants ont été décapités par les pales d'un hélicoptère suite à une explosion. Cette tragédie a entrainé une polémique sur les mesures de sécurité - l'explosion était-elle trop forte ? Certains techniciens et cascadeurs étaient ils ivres ou drogués ? - ainsi que des rumeurs diverses - Spielberg aurait dissimulé sa présence sur le plateau cette nuit-là, on n'aurais pas dit aux parents des deux jeunes acteurs que la scène comprenait des explosion -, et bien entendu plaintes des familles des acteurs décédés.Jack Griffin a écrit :Tu peux en dire plus sur cette affaire Twilght Zone, Swan?
John Landis a été le plus touché - cinq chefs d'accusation retenus contre lui - et ne s'en est jamais remis, même si à l'époque de l'affaire trading Places triomphait à l'écran, il s'est plus ou moins retrouvé mis au ban d'Hollywood.
"One Day There'll Be a Place for Us"
- Jack Griffin
- Goinfrard
- Messages : 12389
- Inscription : 17 févr. 05, 19:45