Philippe Volter s'est donné la mort

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Ben Castellano
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Philippe Volter s'est donné la mort

Message par Ben Castellano »

On en a quasiment pas parlé la semaine dernière :shock:

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C'était le lundi 23 septembre 2002 au Théâtre du Parc, pour un hommage à Jacqueline Bir et à ses cinquante ans de carrière. Philippe Volter monta sur scène pour évoquer, avec humour et tendresse, cette mère hors norme. Son père, Claude Volter, était dans la salle, bien incapable de prendre la parole en public: il s'éteignit à peine huit semaines plus tard, à 69 ans.

Difficile de mieux répondre à la définition d'un enfant de la balle que Philippe Volter. «Je dormais dans le théâtre de mes parents, confiait-il dans une interview à «L'Humanité» en juillet 2003. S'ils avaient été bouchers, j'aurais dormi dans la boucherie...» A quatre ans, il descendait un grand escalier sur scène en tenant la main de sa mère. Bientôt son père lui confierait le rôle de Britannicus. Autant dire qu'il avait peu à apprendre au Conservatoire de Bruxelles dont il n'acheva pas le cycle complet.

Un surdoué

«Je me souviens de l'arrivée de Philippe Volter sur nos scènes comme de celle d'un météore», dit Jacques De Decker. Dans L'Ange couteau de Jean Sigrid, il était fabuleux face à Claude Etienne. Plus tard, nous avons travaillé ensemble. Il avait tout: le panache, l'élégance, la beauté, le lyrisme, l'agilité physique. Toutes qualités qui en firent aussi un remarquable d'Artagnan dans «Les Trois Mousquetaires», puis un mémorable Hamlet - qui lui vaudra l'Eve du meilleur comédien en 1985, NdlR -, dont il donnait le monologue Être ou ne pas être juché sur une galerie métallique au sommet de la Rotonde du Botanique. Il y eut encore son Treplev dans La Mouette de Tchekhov...»

Ces trois spectacles étaient mis en scène par Daniel Scahaise, qui le dirigea aussi dans «La Nuit juste avant les forêts», le premier texte de Bernard-Marie Koltès monté en Belgique. «C'était un surdoué, confie un Scahaise inconsolable. Il s'investissait complètement dans ses rôles, au point d'en devenir parfois difficile à vivre. Il nourrissait la plus haute exigence à l'endroit de son art, pour lui-même comme pour les autres.»

Prise de risques

Promis à une confortable carrière d'acteur en Belgique, Philippe Volter est aussi lucide qu'ambitieux. Il comprend, à 25 ans, qu'il a déjà fait le tour de la question: il a joué au National, au Parc, au Rideau, aux Galeries, au Varia, à l'Ancre, etc. En 1985, il part pour Paris, pousse la porte du Conservatoire pour en repartir aussi sec, vit une vraie «galère» et finit par jouer dans le «Mariage de Figaro» de Beaumarchais mis en scène par Jean-Pierre Vincent.

Cela lui vaut de décrocher le personnage de Jean Nilson face à José Van Dam dans «Le Maître de musique», le film de Gérard Corbiau qui va changer la face du cinéma belge. Il enchaîne les films: «Les Bois noirs» de Jacques Deray, avec Béatrice Dalle et Stéphane Freiss, puis «La Double Vie de Véronique» de Krzysztof Kieslowski avec Irène Jacob. Ses qualités de bretteur font merveille face à (la doublure de) Gérard Depardieu dans le «Cyrano de Bergerac» de Rappeneau.

Au début des années 90, il paraît lancé dans une carrière cinématographique à succès. Mais les véhicules suivants ne s'avèrent pas à la mesure de ses espérances. Et puis, cet homme qui ignore le sens du mot compromis n'aime rien tant que prendre des risques... Il revient vers le théâtre, mettant en scène Jacqueline Bir dans «Master Class» de Terence McNally: le monde du chant et de l'opéra, encore et toujours.

La dépression

Au fil de la décennie, son physique se marque; mélomane, il souffre de troubles de l'ouïe. En 2003, après la mort de son père, il fait un fracassant retour au pays, prenant la direction de la Comédie Claude Volter aux côtés de Michel de Warzée. Un an plus tard, il démissionne, non sans avoir mis en scène un excellent «Misanthrope» de Molière.

«Depuis plusieurs mois, il traversait une terrible dépression, confie son ami le comédien Yves Claessens. C'était un être exceptionnel, mais son extrême lucidité pouvait le mener à un auto-aveuglement. Il était extraordinairement chaleureux et fidèle en amitié. Sur un plateau, c'était un pur-sang, fragilité et d'excès compris.»

Philippe Volter aura choisi sa fin, comme le loup solitaire qu'il était aussi. Victime de la dépression? Il n'a pas su trouver, en tout cas, la sortie du labyrinthe; sa part d'ombre a mangé toute sa lumière. Nos pensées vont à Jacqueline Bir qui vient de bouleverser la Belgique francophone pendant plusieurs mois avec son interprétation du petit garçon condamné par la leucémie dans «Oscar et la dame rose» d'Eric-Emmanuel Schmitt. Elle reprend en ce moment même «Le Récit de la servante Zerline» d'Hermann Broch, selon Jacques Franck, «le monologue le plus dur et le plus difficile de sa carrière». Terrible métier...

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Wall of Voodoo Fan
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Message par Wall of Voodoo Fan »

Intrigué, j'ai regardé ce topic en pensant que l'acteur Philippe Volter avait réalisé un film, ou un court-métrage appelé "Suicide". J'apprends qu'en fait c'est de sa mort qu'il s'agit. :( Un comédien d'un très grand charisme.
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Ben Castellano
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Message par Ben Castellano »

je viens d'éditer le titre du topic pour éviter la confusion... Très bon et rare comédien effectivement. :cry:
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