Commentaires à propos de votre film du mois

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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AtCloseRange
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Message par AtCloseRange »

Guy Marchand aurait fait un très bon Mad Max.
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Bogus
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Message par Bogus »

Et Charlotte Gainsbourg en impératrice Furiosa ça a quand même une autre gueule.
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Père Jules
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Message par Père Jules »

Federico a écrit :
Père Jules a écrit :Voici mon quinté:
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Bravo pour le bouleversant Zurlini. Film doublement provocateur de syndrome stendhalien puisqu'il y a Piero della Francesca et Sonia Petrova. :oops: :oops: :oops:
Sans oublier évidemment un Delon fracassé qui n'a peut-être jamais été aussi bien, dans un emploi à la... Maurice Ronet.
Et bravo aussi pour le très joli et très fin de Broca.
Pour moi son meilleur rôle avec Monsieur Klein.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
cinephage a écrit :



Film absolument sublime 8)
Ah oui alors :D
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Message par vic »

Film de mai :

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Mad Max: Road Fury (George Miller, 2015)


Autre film remarquable :

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This gun for hire (Frank Tuttle, 1942)
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Unité Ogami Ittô

Withdrawing in disgust is not the same thing as apathy.

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Message par Rick Blaine »

vic a écrit :
This gun for hire (Frank Tuttle, 1942)
Ca fait plaisir. Ce film est trop rarement cité alors que c'est une grande réussite du noir.
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Harkento
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Message par Harkento »

Rick Blaine a écrit :
vic a écrit :
This gun for hire (Frank Tuttle, 1942)
Ca fait plaisir. Ce film est trop rarement cité alors que c'est une grande réussite du noir.
Tout à fait d'accord, je plussoie !

Sinon dans le genre très noir, premier prétendant :

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Du rififi chez les hommes (1955) de Jules Dassin
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Thaddeus
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Message par Thaddeus »

Film de mai 2015


1. Deep End (Jerzy Skolimowski, 1970)


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2. Falbalas (Jacques Becker, 1945)


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3. Klute (Alan J. Pakula, 1970)


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Mes découvertes en détails :
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Les innocents (André Téchiné, 1987)
La citation finale d’Antigone le confirme : Téchiné a voulu faire une tragédie tourmentée à la Sophocle, où s’affirme son goût pour les êtres meurtris qui compensent leur désarroi par une agitation fiévreuse. Chez la jeune fille portant l’espoir fou d’un dépassement de la haine (lumineuse Sandrine Bonnaire), le garçon perdu et acoquiné avec une milice d’extrême-droite, son frère ennemi Beur (Abdel Kechiche, beau gosse) et le médecin épris de ce dernier, on perçoit toujours une soif d’absolu, une tentation à aller au plus profond du mal et à porter le malheur des autres pour pouvoir renaître. Plages lyriques et chocs brutaux, réalisation volontiers sophistiquée, alliage de pureté et de décadence, d’angélisme et de culpabilité… Autant d’éléments dont la sincérité prémunit des clichés du roman-photo. 4/6

Hammett (Wim Wenders, 1982)
Du cinéma de luxe, réglé au quart de réplique près, sans un défaut qui traîne des pardessus, des chapeaux feutres ou du savant clair-obscur des plateaux des Zoetrope Studios. Voici donc Hammett embringué dans une enquête filandreuse à Chinatown, avec toutes les conventions du film noir au rendez-vous : poulettes amoureuses et flics ripoux, notables corrompus et chefs de gang tirés à quatre épingles, mœurs crapuleuses et dessous nauséabonds. Double fond, jeu-duel entre fiction et réalité, règne exclusif de l’écriture, du cliché et du mensonge. Wenders a beau jouer honnêtement le jeu du suspense et du stylisation "à la manière de", son regard lent semble se promener sur des ectoplasmes et creuser quelque chose qui ressemble à du vide. L’exercice de style a de la gueule, mais guère plus. 3/6

La ronde (Max Ophuls, 1950)
Premier volet d’une trilogie officieuse marquant l’épanouissement de la manière d’Ophüls. Avec une distinction aristocratique, Anton Walbrook est le récitant, le maître de jeu, l’ordonnateur de cette ronde infinie de la vie et de l’amour à laquelle il apporte quelques réjouissantes manipulations (le coup de ciseau censurant la pellicule lorsque l’érotisme devient explicite, très drôle), et qui s’achève fort logiquement là où elle a commencé. La crème des acteurs du cinéma français se succède au fil de sketchs à la salacité enrobée d’humour, où se déploie sur un ton enjoué tout un éventail de dispositions et de comportements de séduction, et qui perfectionnent une esthétique de la mobilité en accord avec cette recherche d’épure, proche du cercle parfait, à laquelle le cinéaste s’est toujours appliquée. 4/6

Deep end (Jerzy Skolimowski, 1970)
Dans une piscine de l’East Side, une jolie jeune femme, amusée du trouble qu’elle provoque chez un innocent garçon, le précipite dans une spirale de fantasmes puis d’obsession dans laquelle elle est à son tour entraînée. L’occasion pour Skolimowksi d’entamer la marche funèbre du Swinging London et d’une Angleterre encore bercée des sixties, qui s’aperçoit à peine de son état de décomposition avancée. Sa chronique du désir fou, de la frustration et du passage à l’âge adulte est un joyau dont le vernis pop s’écaille au contact de la réalité, et dont la succulente drôlerie burlesque n’enlève rien à la cruauté – jusqu’au dénouement tragique qui laisse coi. Quant à Jane Asher, avec ses minijupes fleuries et ses bottes de skaï blanches, son grand regard brun et sa flamboyante chevelure rousse, elle est… violente. 5/6

Soleil trompeur (Nikita Mikhalkov, 1994)
Cette lumière paisible est celle de la campagne russe où le colonel Kotov sirote une sereine euphorie avec sa femme, blonde comme le blé, sa fille, petit lutin extralucide qui forme à elle seule le chœur antique du récit, et leurs proches. L’harmonie règne sur la datcha, les babouchkas bavardent, le thé noir coule dans les tasses de porcelaine, on porte des chapeaux de paille et des costumes de lin blanc. Mais en ce jour de 1936, la menace s’insinue insidieusement au sein du petit paradis champêtre, la mort arbore le visage d’un ami, et le spectre de Staline finit par flotter au vent tel le jugement dernier. Le long d’une chronique mélodieuse et nostalgique, d’une tragédie douce où la fatalité s’offre une pause entre cancan et tango, le cinéaste regarde vivre des hommes, les surprend à aimer, rêver, philosopher. 4/6

Irma la douce (Billy Wilder, 1963)
Quiproquos, imbroglios et déguisements : entre un protagoniste successivement policier, proxénète, lord anglais et manutentionnaire et un gérant de café qui multiplie les casquettes de soldat, d’avocat ou de médecin, le film pousse ses principes de métamorphoses jusqu’au point schizophrénique où le héros doit jouer les Fregoli afin de conserver son identité profonde et se voit assassiner le double qu’il s’est inventé pour ne plus être jaloux de lui-même. Dans le pittoresque codé d’un Paris digne du réalisme poétique d’avant-guerre, Wilder développe un conte de fées malicieux sur l’amour, le sexe et l’argent, dont toutes les péripéties sont dictées par les sentiments et les situations scabreuses neutralisées par de grandes bouffées de tendresse. Jack Lemmon est épatant, Shirley MacLaine adorable. 4/6

L’opéra de quat’sous (Georg Wilhelm Pabst, 1931)
Brecht s’estima trahi et fut notoirement mécontent de la transposition cinématographique qu’en fit Pabst, où celui-ci refuse de choisir entre fascination et leçon politique. S’il est vrai que le film tire le pamphlet du côté de la féérie, il n’en demeure pas moins adapté aux crises qui secouaient alors l’Europe. Le réalisateur y cherche une atmosphère de gueuserie à la Notre Dame de Paris, mixte de manière plus ou moins heureuse les ingrédients du vaudeville, du mélodrame policier, de la satire sociale, et tire de la partie de cache-cache entre truands et policiers une sorte d’arlequinade grinçante brodant sur les inégalités de classes, dont l’action est narquoisement commentée par la musique de Kurt Weill. Mais le temps n’a pas fait que du bien à cette espèce d’opérette populiste. 3/6

Mad Max : Fury road (George Miller, 2015)
Trente ans ont passé et le cinéaste septuagénaire n’a pas rien perdu de sa rage déchaînée, de son énergie orgiaque, les libérant en une furia steampunk cathartique, un stupéfiant cyclone d’action, de délire esthétique et d’hystérie formelle. La première demi-heure, saturée de hurlements, de vociférations, d’explosions et d’agressions visuelles à flanquer un mal de crâne, atteint à cet égard les limites de l’insupportable. Mais elle agit comme une note d’intention radicale pour imposer cet univers totalement à rebours des standards hollywoodiens, cet alliage de mythologie éprouvée et d’enjeux rudimentaires, dont l’effacement discursif au profit de la force brute des images garantit une fascination, voire une émotion, singulières. Charlize Theron est superbe de charisme et de détermination morale. 4/6

Klute (Alan J. Pakula, 1971)
Ce remarquable polar paranoïaque, aux prises avec les palpitations, les névroses, les balbutiements d’une époque en mutation, fait la preuve de la richesse du genre quand l’intuition d’un cinéaste le met en synchronisme avec son temps. Servi par le superbe clair-obscur de Gordon Willis, Pakula filme New York, ses immeubles d’affaires, ses appartements sordides, ses baies vitrées, comme une menace perpétuellement inquiétante, où alternent l’être et le paraître, le clinquant et le sombre, et dont le cloisonnement métaphorise une société schizophrène. Quant à Jane Fonda, radieusement belle jusque dans les cernes de l’angoisse, tour à tour femme fatale emplumée puis paumée au nez qui coule, elle offre à ce portrait de femme en plein processus de conscience toute sa magnétique sensibilité. 5/6

Les mariés de l’an II (Jean-Paul Rappeneau, 1971)
Le vaudeville propulsé dans les convulsions et l’agitation de la Terreur, avec courses-poursuites dans les couloirs des bastilles, remue-ménages en perruques et culottes courtes, joyeux bordel généralisé entre partisans jacobins, aristocrates en déroute et chouans complotistes. Comme à son habitude, le réalisateur emballe pied au plancher une rocambolesque aventure, un chassé-croisé en mouvement perpétuel, qui accumule les péripéties bondissantes, carbure à l’énergie des interprètes, furète du côté du boulevard et du cape et d’épée (héroïne capricieuse, soupirants assidus, jalousie incestueuse), s’abreuve aux convulsions de l’Histoire et finit par se fracasser sur la poudre et les canons des lignes franco-autrichiennes. Pas une minute pour s’ennuyer à cette fête malicieuse et enjouée. 4/6

Au seuil de la vie (Ingmar Bergman, 1958)
Trois femmes, la chambre d’une maternité, la vie comme seul sujet de conversation et d’introspection : on ne peut s’imaginer plus bergmanien. Si l’on y ajoute que ces héroïnes sont confrontées aux vicissitudes de leurs corps, à la mort et à la souffrance, et qu’une quatrième, maternante, attentive, toute de tendresse et d’apaisement, veille sur elles, on obtient le dispositif anticipé de Cris et Chuchotements. Avec un art totalement maîtrisé du rapport caméra/personnage, de la déclinaison des sentiments en fonction des situations, le cinéaste développe un huis-clos poignant où d’impressionnantes scènes de douleur et de hurlements alternent avec de grandes bouffées d’altruisme, d’écoute, de chaleur humaine. Une leçon de dramaturgie portée par une sensibilité à fleur de peau. 5/6

L’arriviste (Alexander Payne, 1999)
Aux urnes, lycéens. Dans une Amérique que les artistes, les sociologues et les éditorialistes n’hésitent pas à dire malade de ses jeunes, cette grinçante chronique de mœurs pré-étudiantes fait plutôt mouche. Le sujet laisse envisager une banale comédie de campus, mais les relations tordues unissant le professeur à l’une de ses élèves, petite ambitieuse cynique et tête-à-claque-modèle type, forment le moteur d’une satire assez amère dont chaque étape (les rebondissements liés à l’élection, la déchéance drôle mais pathétique du héros) parvient à déjouer les conventions. S’il n’est pas sans se chercher et tâtonner parfois, Payne met dans son récit assez d’acide, voire de méchanceté (les personnages peuvent se montrer odieux), pour garantir un drôle de plaisir coupable. 4/6

Trois souvenirs de ma jeunesse (Arnaud Desplechin, 2015)
Paul Dédalus se souvient. Il réactive le souvenir de sa dulcinée (franchement agaçante, d’ailleurs) et opère le travail introspectif qui permet d’atteindre équilibre et quiétude. L’occasion pour Desplechin de récapituler sur un mode à la fois grave et ludique, le long d’une très belle chronique des illusions perdues, les ressorts, procédés et motifs de son cinéma. Mordant à pleines dents dans un foisonnant tissu narratif, s’autorisant des échappées parfois jubilatoires dans les registres du fantastique enfantin et de l’espionnage rétro, le cinéaste fait briller son art très personnel du romanesque et de la citation, stimule l’intellect autant que l’instinct de jeu, creuse une matière considérable où la littérature, la philosophie, la politique, la psychanalyse se nourrissent mutuellement. La réussite est totale. 5/6

Gigi (Vincente Minnelli, 1958)
Minnelli refait le coup d’Un Américain à Paris, avec ce savoir-faire éprouvé et parfaitement lisse qui s’avère souvent payant en termes de dividendes : cela n’a pas manqué, le film empocha sa razzia d’Oscars. On y admire donc l’impeccable profusion des toilettes, des robes froufroutantes et des accessoires Belle Époque, on y apprécie le charme d’une reconstitution 1900 millimétrée, à mi-chemin entre le guide touristique et la féérie multicolore, on s’amuse des affectations de comédiens synchrones avec la mièvrerie assez tarte de ce conte pour midinettes, où une jeune cocotte apprend les usages de la haute société et s’entiche d’un prince charmant garanti sans grumeaux. Sans jamais s’ôter de l’esprit que cette fantaisie superficielle est bel et bien (heureusement) d’un autre âge. 3/6

Alice’s restaurant (Arthur Penn, 1969)
Une ballade en images : la vie communautaire, la musique, la fête, le bonheur de l’amitié et des beaux projets. Mais aussi son envers, le drame de la drogue, l’inconciliable de l’utopie collective et de l’épanouissement conjugal. Avec cette œuvre que l’on devine très personnelle et qui émerge en pleine explosion libertaire, le cinéaste travaille à chaud dans l’effervescence du moment, capte le mouvement hippie tantôt avec sérénité, tantôt avec crispation, tantôt avec une rigidité funèbre, appréhendant déjà sa fin. Son approche parfois sournoise et insinuante, apte à créer la discordance, gorgée d’humour, de dynamisme, de chaleur humaine, ne romance jamais le sujet mais brode sur un canevas en roue libre, et cerne avec une profonde justesse les différents visages de la jeunesse et de la liberté. 5/6

L’heure d’été (Olivier Assayas, 2008)
La carrière d’Assayas balance entre des films de genre réfléchissant les mutations de la modernité mondialisée et des œuvres plus classiques où il se fait comme le dépositaire d’un art de vivre attaché à la valeur du passé. Ainsi de cette chronique excellemment interprétée, à la fois sereine et inquiète, chaleureuse et mélancolique, qui croque une famille d’exilés réunis un dernier été autour d’une aïeule soucieuse de transmettre la mémoire de son oncle peintre. Méditation sur le deuil, les héritages à porter et à partager, la contradiction entre la valeur marchande et le poids sentimental, elle se défait avec une certaine grâce d’un genre difficile et contraignant. Mais la conclusion artificielle prouve à nouveau que le cinéaste, malgré les efforts qu’il se donne, est infichu de filmer correctement la jeunesse. 4/6

Falbalas (Jacques Becker, 1945)
C’est avec une précision luxueuse que le cinéaste, à la fin de la guerre, filme le milieu de la haute couture parisienne. Sensibilité et rigueur dictent son inspiration, des notions de réalisme fugitives et fortes, ainsi que de formidables idées visuelles qui font transiter la moindre émotion par la mise en scène, telle la partie de ping-pong où le malaise de l’héroïne s’exprime sur son visage qui suit hagard le ballet mécanique de la balle faisant tic-tac comme une horloge. Portrait d’un mufle distingué soudain saisi par l’amour, pris au piège de son inconséquence, ce superbe et très subtil drame passionnel, qui évolue de la légèreté badine à la gravité tragique, offre à Raymond Rouleau, tour à tour désinvolte, cynique et pathétique, et à Micheline Presle, toute en spiritualité charmeuse, des rôles mémorables. 5/6

L’ombre des femmes (Philippe Garrel, 2015)
Même durée minimale que pour La Jalousie, même simplicité de la formulation qui échappe assez miraculeusement aux poncifs de ce qu’on est en droit de ne plus supporter dans ce cinéma de chambre très intello-franco-français. Le personnage de Merhar, égoïste, buté sur ses certitudes, morose à chaque instant, a de quoi agacer, mais le film tire une chimie très délicate de ses protagonistes féminins, toutes en courage et en lucidité. Filant la métaphore entre illusion des cœurs et vision trompeuse de l’histoire, associant différentes formes d’engagement en une même célébration de l’intégrité, Garrel rejoue les tourments de l’infidélité et du désamour, de l’incompréhension et de la douleur sentimentale, avec cette douceur cristalline, ce sens de l’évidence qui conjugue les vertus de l’acuité et celles de la poésie. 4/6

Un château en enfer (Sydney Pollack, 1969)
Peu encline à rencontrer la lumière crue du présent, l’œuvre de Pollack lui a souvent préféré le prisme du passé. Mais, aux antipodes de l’âge d’or du cinéma romanesque, c’est presque dans le théâtre de l’absurde qu’elle puise ici ses mécanismes et ses enjeux. Avec ce film étrange, parfois onirique, le cinéaste replie le théâtre traditionnel du film de guerre sur un cadre fermé, en quasi huis-clos, et affirme qu’il préfère, aux commentateurs, manipulateurs et interprètes de la réalité, ceux qui la subissent, fût-ce dans une candeur ou une inconscience totale. Il dépeint, dans la neige et la rudesse d’une bataille des Ardennes filmée comme un enfer métaphorique, la fragilité de l’art et des valeurs immatérielles, les drames et la vanité des hommes au sein d’un monde qui court vers son anéantissement. 4/6


Et aussi :

Le labyrinthe du silence (Giulio Ricciarelli, 2014) - 5/6
Titli (Kanu Behl, 2014) - 3/6
La tête haute (Emmanuelle Bercot, 2015) - 4/6
La loi du marché (Stéphane Brizé, 2015) - 4/6
Hôtel Terminus (Marcel Ophuls, 1988) - 5/6
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Films des mois précédents :
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Avril 2015Blue collar (Paul Schrader, 1978)
Mars 2015 - Pandora (Albert Lewin, 1951)
Février 2015 - La femme modèle (Vincente Minnelli, 1957)
Janvier 2015 - Aventures en Birmanie (Raoul Walsh, 1945)
Décembre 2014 - Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (Elio Petri, 1970)
Novembre 2014 - Lifeboat (Alfred Hitchcock, 1944)
Octobre 2014 - Zardoz (John Boorman, 1974)
Septembre 2014 - Un, deux, trois (Billy Wilder, 1961)
Août 2014 - Le prix d'un homme (Lindsay Anderson, 1963)
Juillet 2014 - Le soleil brille pour tout le monde (John Ford, 1953)
Juin 2014 - Bird people (Pascale Ferran, 2014)
Mai 2014 - Léon Morin, prêtre (Jean-Piere Melville, 1961) Top 100
Avril 2014L’homme d’Aran (Robert Flaherty, 1934)
Mars 2014 - Terre en transe (Glauber Rocha, 1967)
Février 2014 - Minnie et Moskowitz (John Cassavetes, 1971)
Janvier 2014 - 12 years a slave (Steve McQueen, 2013)
Décembre 2013 - La jalousie (Philippe Garrel, 2013)
Novembre 2013 - Elle et lui (Leo McCarey, 1957)
Octobre 2013 - L'arbre aux sabots (Ermanno Olmi, 1978)
Septembre 2013 - Blue Jasmine (Woody Allen, 2013)
Août 2013 - La randonnée (Nicolas Roeg, 1971) Top 100
Juillet 2013 - Le monde d'Apu (Satyajit Ray, 1959)
Juin 2013 - Choses secrètes (Jean-Claude Brisseau, 2002)
Mai 2013 - Mud (Jeff Nichols, 2012)
Avril 2013 - Les espions (Fritz Lang, 1928)
Mars 2013 - Chronique d'un été (Jean Rouch & Edgar Morin, 1961)
Février 2013 - Le salon de musique (Satyajit Ray, 1958)
Janvier 2013 - L'heure suprême (Frank Borzage, 1927) Top 100
Décembre 2012 - Tabou (Miguel Gomes, 2012)
Novembre 2012 - Mark Dixon, détective (Otto Preminger, 1950)
Octobre 2012 - Point limite (Sidney Lumet, 1964)
Septembre 2012 - Scènes de la vie conjugale (Ingmar Bergman, 1973)
Août 2012 - Barberousse (Akira Kurosawa, 1965) Top 100
Juillet 2012 - Que le spectacle commence ! (Bob Fosse, 1979)
Juin 2012 - Pique-nique à Hanging Rock (Peter Weir, 1975)
Mai 2012 - Moonrise kingdom (Wes Anderson, 2012)
Avril 2012 - Seuls les anges ont des ailes (Howard Hawks, 1939) Top 100
Mars 2012 - L'intendant Sansho (Kenji Mizoguchi, 1954)
Février 2012 - L'ombre d'un doute (Alfred Hitchcock, 1943)
Janvier 2012 - Brève rencontre (David Lean, 1945)
Décembre 2011 - Je t'aime, je t'aime (Alain Resnais, 1968)
Novembre 2011 - L'homme à la caméra (Dziga Vertov, 1929) Top 100 & L'incompris (Luigi Comencini, 1967) Top 100
Octobre 2011 - Georgia (Arthur Penn, 1981)
Septembre 2011 - Voyage à Tokyo (Yasujiro Ozu, 1953)
Août 2011 - Super 8 (J.J. Abrams, 2011)
Juillet 2011 - L'ami de mon amie (Éric Rohmer, 1987)
Dernière modification par Thaddeus le 16 mars 17, 18:06, modifié 1 fois.
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AtCloseRange
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par AtCloseRange »

Il y a vraiment des trucs (et des comportements) étranges sur Classik.
Le Labyrinthe du Silence est dans le top 5 et absolument personne ne trouve la moindre chose à dire dessus.
S'il y a bien une utilité à un forum, c'est de donner envie de découvrir des films peu exposés et qu'on aime.
On fonctionne vraiment à l'envers...
Hitchcock
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par Hitchcock »

Je pourrais qualifier mai de « petit mois » par rapport à mon rythme habituel, avec seulement 32 films vus, mais il s'agit certainement du plus riche en terme de qualité depuis le début de l'année. C'est donc Allan Dwan qui l'emporte, un léger cran au dessus de Preston Sturges, Joseph H. Lewis et Carl Dreyer. Suivent Asquith, Lang, Frears et l'étonnant Roy Ward Baker.

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Silver Lode - Allan Dwan

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Un coeur pris au piège - Preston Sturges

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Gun Crazy - Joseph H. Lewis

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La Passion de Jeanne d'Arc - Carl Dreyer

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Orders to Kill - Anthony Asquith

6. J'ai le droit de vivre - Fritz Lang

7. A Night to Remember - Roy Ward Baker

8. The Queen - Stephen Frears

9. Le Journal d'une femme de chambre - Luis Buñuel

10. La Nuit - Michelangelo Antonioni

11. Mr. Arkadin - Orson Welles

12. Que le meilleur l'emporte - Franklin J. Schaffner

Réalisateur du mois :

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Orson Welles

Redécouverte du mois :
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Au hasard Balthazar - Robert Bresson

Prix d'interprétation féminin :
Un vrai crève-coeur ce mois-ci, beaucoup de mal à départager Irene Worth, Jeanne Moreau, Bette Davis, Helen Mirren, Frances McDormand, Renée Falconnetti et la divine Barbara Stanwyck... Allez, c'est finalement la moins connue qui l'emporte, d'autant que c'est probablement l'interprétation qui m'a le plus marqué.

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Irene Worth dans Orders to kill

Prix d'interprétation masculin :
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Henry Fonda dans Un coeur pris au piège
Pas forcément son rôle le plus marquant mais un talent comique et une osmose parfaite avec Stanwyck rarement égalés dans une comédie américaine.
Mentions diverses à Michael Goodliffe (A Night to Remember), Leslie French (Orders to kill), Anthony Perkins (Le Procès), Steve Buscemi (Fargo), Vittorio Gassman (Ame noire) et l'ensemble des interprètes de Silver Lode, particulièrement John Payne et Dan Duryea.
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Frances
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par Frances »

Thaddeus a écrit :
Film de mai 2015


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La citation finale d’Antigone le confirme : Téchiné a voulu faire une tragédie tourmentée à la Sophocle, où s’affirme son goût pour les êtres meurtris qui compensent leur désarroi par une agitation fiévreuse. Chez la jeune fille portant l’espoir fou d’un dépassement de la haine (lumineuse Sandrine Bonnaire), le garçon perdu et acoquiné avec une milice d’extrême-droite, son frère ennemi Beur (Abdel Kechiche, beau gosse) et le médecin épris de ce dernier, on perçoit toujours une soif d’absolu, une tentation à aller au plus profond du mal et à porter le malheur des autres pour pouvoir renaître. Plages lyriques et chocs brutaux, réalisation volontiers sophistiquée, alliage de pureté et de décadence, d’angélisme et de culpabilité… Autant d’éléments dont la sincérité prémunit des clichés du roman-photo. 4/6

Hammett (Wim Wenders, 1982)
Du cinéma de luxe, réglé au quart de réplique près, sans un défaut qui traîne des pardessus, des chapeaux feutres ou du savant clair-obscur des plateaux des Zoetrope Studios. Voici donc Hammett embringué dans une enquête filandreuse à Chinatown, avec toutes les conventions du film noir au rendez-vous : poulettes amoureuses et flics ripoux, notables corrompus et chefs de gang tirés à quatre épingles, mœurs crapuleuses et dessous nauséabonds. Double fond, jeu-duel entre fiction et réalité, règne exclusif de l’écriture, du cliché et du mensonge. Wenders a beau jouer honnêtement le jeu du suspense et du stylisation "à la manière de", son regard lent semble se promener sur des ectoplasmes et creuser quelque chose qui ressemble à du vide. L’exercice de style a de la gueule, mais guère plus. 3/6

La ronde (Max Ophuls, 1950)
Premier volet d’une trilogie officieuse marquant l’épanouissement de la manière d’Ophüls. Avec une distinction aristocratique, Anton Walbrook est le récitant, le maître de jeu, l’ordonnateur de cette ronde infinie de la vie et de l’amour à laquelle il apporte quelques réjouissantes manipulations (le coup de ciseau censurant la pellicule lorsque l’érotisme devient explicite, très drôle), et qui s’achève fort logiquement là où elle a commencé. La crème des acteurs du cinéma français se succède au fil de sketchs à la salacité enrobée d’humour, où se déploie sur un ton enjoué tout un éventail de dispositions et de comportements de séduction, et qui perfectionnent une esthétique de la mobilité en accord avec cette recherche d’épure, proche du cercle parfait, à laquelle le cinéaste s’est toujours appliquée. 4/6

Deep end (Jerzy Skolimowski, 1970)
Dans une piscine de l’East Side, une jolie jeune femme, amusée du trouble qu’elle provoque chez un innocent garçon, le précipite dans une spirale de fantasmes puis d’obsession dans laquelle elle est à son tour entraînée. L’occasion pour Skolimowksi d’entamer la marche funèbre du Swinging London et d’une Angleterre encore bercée des sixties, qui s’aperçoit à peine de son état de décomposition avancée. Sa chronique du désir fou, de la frustration et du passage à l’âge adulte est un joyau dont le vernis pop s’écaille au contact de la réalité, et dont la succulente drôlerie burlesque n’enlève rien à la cruauté – jusqu’au dénouement tragique qui laisse coi. Quant à Jane Asher, avec ses minijupes fleuries et ses bottes de skaï blanches, son grand regard brun et sa flamboyante chevelure rousse, elle est… violente. 5/6

Soleil trompeur (Nikita Mikhalkov, 1994)
Cette lumière paisible est celle de la campagne russe où le colonel Kotov sirote une sereine euphorie avec sa femme, blonde comme le blé, sa fille, petit lutin extralucide qui forme à elle seule le chœur antique du récit, et leurs proches. L’harmonie règne sur la datcha, les babouchkas bavardent, le thé noir coule dans les tasses de porcelaine, on porte des chapeaux de paille et des costumes de lin blanc. Mais en ce jour de 1936, la menace s’insinue insidieusement au sein du petit paradis champêtre, la mort arbore le visage d’un ami, et le spectre de Staline finit par flotter au vent tel le jugement dernier. Le long d’une chronique mélodieuse et nostalgique, d’une tragédie douce où la fatalité s’offre une pause entre cancan et tango, le cinéaste regarde vivre des hommes, les surprend à aimer, rêver, philosopher. 4/6

Irma la douce (Billy Wilder, 1963)
Quiproquos, imbroglios et déguisements : entre un protagoniste successivement policier, proxénète, lord anglais et manutentionnaire et un gérant de café qui multiplie les casquettes de soldat, d’avocat ou de médecin, le film pousse ses principes de métamorphoses jusqu’au point schizophrénique où le héros doit jouer les Fregoli afin de conserver son identité profonde et se voit assassiner le double qu’il s’est inventé pour ne plus être jaloux de lui-même. Dans le pittoresque codé d’un Paris digne du réalisme poétique d’avant-guerre, Wilder développe un conte de fées malicieux sur l’amour, le sexe et l’argent, dont toutes les péripéties sont dictées par les sentiments et les situations scabreuses neutralisées par de grandes bouffées de tendresse. Jack Lemmon est épatant, Shirley MacLaine adorable. 4/6

L’opéra de quat’sous (Georg Wilhelm Pabst, 1931)
Brecht s’estima trahi et fut notoirement mécontent de la transposition cinématographique qu’en fit Pabst, où celui-ci refuse de choisir entre fascination et leçon politique. S’il est vrai que le film tire le pamphlet du côté de la féérie, il n’en demeure pas moins adapté aux crises qui secouaient alors l’Europe. Le réalisateur y cherche une atmosphère de gueuserie à la Notre Dame de Paris, mixte de manière plus ou moins heureuse les ingrédients du vaudeville, du mélodrame policier, de la satire sociale, et tire de la partie de cache-cache entre truands et policiers une sorte d’arlequinade grinçante brodant sur les inégalités de classes, dont l’action est narquoisement commentée par la musique de Kurt Weill. Mais le temps n’a pas fait que du bien à cette espèce d’opérette populiste. 3/6

Mad Max : Fury road (George Miller, 2015)
Trente ans ont passé et le cinéaste septuagénaire n’a pas rien perdu de sa rage déchaînée, de son énergie orgiaque, les libérant en une furia steampunk cathartique, un stupéfiant cyclone d’action, de délire esthétique et d’hystérie formelle. La première demi-heure, saturée de hurlements, de vociférations, d’explosions et d’agressions visuelles à flanquer un mal de crâne, atteint à cet égard les limites de l’insupportable. Mais elle agit comme une note d’intention radicale pour imposer cet univers totalement à rebours des standards hollywoodiens, cet alliage de mythologie éprouvée et d’enjeux rudimentaires, dont l’effacement discursif au profit de la force brute des images garantit une fascination, voire une émotion, singulières. Charlize Theron est superbe de charisme et de détermination morale. 4/6

Klute (Alan J. Pakula, 1971)
Ce remarquable polar paranoïaque, aux prises avec les palpitations, les névroses, les balbutiements d’une époque en mutation, fait la preuve de la richesse du genre quand l’intuition d’un cinéaste le met en synchronisme avec son temps. Servi par le superbe clair-obscur de Gordon Willis, Pakula filme New York, ses immeubles d’affaires, ses appartements sordides, ses baies vitrées, comme une menace perpétuellement inquiétante, où alternent l’être et le paraître, le clinquant et le sombre, et dont le cloisonnement métaphorise une société schizophrène. Quant à Jane Fonda, radieusement belle jusque dans les cernes de l’angoisse, tour à tour femme fatale emplumée puis paumée au nez qui coule, elle offre à ce portrait de femme en plein processus de conscience toute sa magnétique sensibilité. 5/6

Les mariés de l’an II (Jean-Paul Rappeneau, 1971)
Le vaudeville propulsé dans les convulsions et l’agitation de la Terreur, avec courses-poursuites dans les couloirs des bastilles, remue-ménages en perruques et culottes courtes, joyeux bordel généralisé entre partisans jacobins, aristocrates en déroute et chouans complotistes. Comme à son habitude, le réalisateur emballe pied au plancher une rocambolesque aventure, un chassé-croisé en mouvement perpétuel, qui accumule les péripéties bondissantes, carbure à l’énergie des interprètes, furète du côté du boulevard et du cape et d’épée (héroïne capricieuse, soupirants assidus, jalousie incestueuse), s’abreuve aux convulsions de l’Histoire et finit par se fracasser sur la poudre et les canons des lignes franco-autrichiennes. Pas une minute pour s’ennuyer à cette fête malicieuse et enjouée. 4/6

Au seuil de la vie (Ingmar Bergman, 1958)
Trois femmes, la chambre d’une maternité, la vie comme seul sujet de conversation et d’introspection : on ne peut s’imaginer plus bergmanien. Si l’on y ajoute que ces héroïnes sont confrontées aux vicissitudes de leurs corps, à la mort et à la souffrance, et qu’une quatrième, maternante, attentive, toute de tendresse et d’apaisement, veille sur elles, on obtient le dispositif anticipé de Cris et Chuchotements. Avec un art totalement maîtrisé du rapport caméra/personnage, de la déclinaison des sentiments en fonction des situations, le cinéaste développe un huis-clos poignant où d’impressionnantes scènes de douleur et de hurlements alternent avec de grandes bouffées d’altruisme, d’écoute, de chaleur humaine. Une leçon de dramaturgie portée par une sensibilité à fleur de peau. 5/6

L’arriviste (Alexander Payne, 1999)
Aux urnes, lycéens. Dans une Amérique que les artistes, les sociologues et les éditorialistes n’hésitent pas à dire malade de ses jeunes, cette grinçante chronique de mœurs pré-étudiantes fait plutôt mouche. Le sujet laisse envisager une banale comédie de campus, mais les relations tordues unissant le professeur à l’une de ses élèves, petite ambitieuse cynique et tête-à-claque-modèle type, forment le moteur d’une satire assez amère dont chaque étape (les rebondissements liés à l’élection, la déchéance drôle mais pathétique du héros) parvient à déjouer les conventions. S’il n’est pas sans se chercher et tâtonner parfois, Payne met dans son récit assez d’acide, voire de méchanceté (les personnages peuvent se montrer odieux), pour garantir un drôle de plaisir coupable. 4/6

Trois souvenirs de ma jeunesse (Arnaud Desplechin, 2015)
Paul Dédalus se souvient. Il réactive le souvenir de sa dulcinée (franchement agaçante, d’ailleurs) et opère le travail introspectif qui permet d’atteindre équilibre et quiétude. L’occasion pour Desplechin de récapituler sur un mode à la fois grave et ludique, le long d’une très belle chronique des illusions perdues, les ressorts, procédés et motifs de son cinéma. Mordant à pleines dents dans un foisonnant tissu narratif, s’autorisant des échappées parfois jubilatoires dans les registres du fantastique enfantin et de l’espionnage rétro, le cinéaste fait briller son art très personnel du romanesque et de la citation, stimule l’intellect autant que l’instinct de jeu, creuse une matière considérable où la littérature, la philosophie, la politique, la psychanalyse se nourrissent mutuellement. La réussite est totale. 5/6

Gigi (Vincente Minnelli, 1958)
Minnelli refait le coup d’Un Américain à Paris, avec ce savoir-faire éprouvé et parfaitement lisse qui s’avère souvent payant en termes de dividendes : cela n’a pas manqué, le film empocha sa razzia d’Oscars. On y admire donc l’impeccable profusion des toilettes, des robes froufroutantes et des accessoires Belle Époque, on y apprécie le charme d’une reconstitution 1900 millimétrée, à mi-chemin entre le guide touristique et la féérie multicolore, on s’amuse des affectations de comédiens synchrones avec la mièvrerie assez tarte de ce conte pour midinettes, où une jeune cocotte apprend les usages de la haute société et s’entiche d’un prince charmant garanti sans grumeaux. Sans jamais s’ôter de l’esprit que cette fantaisie superficielle est bel et bien (heureusement) d’un autre âge. 3/6

Alice’s restaurant (Arthur Penn, 1969)
Une ballade en images : la vie communautaire, la musique, la fête, le bonheur de l’amitié et des beaux projets. Mais aussi son envers, le drame de la drogue, l’inconciliable de l’utopie collective et de l’épanouissement conjugal. Avec cette œuvre que l’on devine très personnelle et qui émerge en pleine explosion libertaire, le cinéaste travaille à chaud dans l’effervescence du moment, capte le mouvement hippie tantôt avec sérénité, tantôt avec crispation, tantôt avec une rigidité funèbre, appréhendant déjà sa fin. Son approche parfois sournoise et insinuante, apte à créer la discordance, gorgée d’humour, de dynamisme, de chaleur humaine, ne romance jamais le sujet mais brode sur un canevas en roue libre, et cerne avec une profonde justesse les différents visages de la jeunesse et de la liberté. 5/6

L’heure d’été (Olivier Assayas, 2008)
La carrière d’Assayas balance entre des films de genre réfléchissant les mutations de la modernité mondialisée et des œuvres plus classiques où il se fait comme le dépositaire d’un art de vivre attaché à la valeur du passé. Ainsi de cette chronique excellemment interprétée, à la fois sereine et inquiète, chaleureuse et mélancolique, qui croque une famille d’exilés réunis un dernier été autour d’une aïeule soucieuse de transmettre la mémoire de son oncle peintre. Méditation sur le deuil, les héritages à porter et à partager, la contradiction entre la valeur marchande et le poids sentimental, elle se défait avec une certaine grâce d’un genre difficile et contraignant. Mais la conclusion artificielle prouve à nouveau que le cinéaste, malgré les efforts qu’il se donne, est infichu de filmer correctement la jeunesse. 4/6

Falbalas (Jacques Becker, 1945)
C’est avec une précision luxueuse que le cinéaste, à la fin de la guerre, filme le milieu de la haute couture parisienne. Sensibilité et rigueur dictent son inspiration, des notions de réalisme fugitives et fortes, ainsi que de formidables idées visuelles qui font transiter la moindre émotion par la mise en scène, telle la partie de ping-pong où le malaise de l’héroïne s’exprime sur son visage qui suit hagard le ballet mécanique de la balle faisant tic-tac comme une horloge. Portrait d’un mufle distingué soudain saisi par l’amour, pris au piège de son inconséquence, ce superbe et très subtil drame passionnel, qui évolue de la légèreté badine à la gravité tragique, offre à Raymond Rouleau, tour à tour désinvolte, cynique et pathétique, et à Micheline Presle, toute en spiritualité charmeuse, des rôles mémorables. 5/6

L’ombre des femmes (Philippe Garrel, 2015)
Même durée minimale que pour La Jalousie, même simplicité de la formulation qui échappe assez miraculeusement aux poncifs de ce qu’on est en droit de ne plus supporter dans ce cinéma de chambre très intello-franco-français. Le personnage de Merhar, égoïste, buté sur ses certitudes, morose à chaque instant, a de quoi agacer, mais le film tire une chimie très délicate de ses protagonistes féminins, toutes en courage et en lucidité. Filant la métaphore entre illusion des cœurs et vision trompeuse de l’histoire, associant différentes formes d’engagement en une même célébration de l’intégrité, Garrel rejoue les tourments de l’infidélité et du désamour, de l’incompréhension et de la douleur sentimentale, avec cette douceur cristalline, ce sens de l’évidence qui conjugue les vertus de l’acuité et celles de la poésie. 4/6

Un château en enfer (Sydney Pollack, 1969)
Peu encline à rencontrer la lumière crue du présent, l’œuvre de Pollack lui a souvent préféré le prisme du passé. Mais, aux antipodes de l’âge d’or du cinéma romanesque, c’est presque dans le théâtre de l’absurde qu’elle puise ici ses mécanismes et ses enjeux. Avec ce film étrange, parfois onirique, le cinéaste replie le théâtre traditionnel du film de guerre sur un cadre fermé, en quasi huis-clos, et affirme qu’il préfère, aux commentateurs, manipulateurs et interprètes de la réalité, ceux qui la subissent, fût-ce dans une candeur ou une inconscience totale. Il dépeint, dans la neige et la rudesse d’une bataille des Ardennes filmée comme un enfer métaphorique, la fragilité de l’art et des valeurs immatérielles, les drames et la vanité des hommes au sein d’un monde qui court vers son anéantissement. 4/6


Et aussi :

Le labyrinthe du silence (Giulio Ricciarelli, 2014) - 5/6
Titli (Kanu Behl, 2014) - 3/6
La tête haute (Emmanuelle Bercot, 2015) - 4/6
La loi du marché (Stéphane Brizé, 2015) - 4/6
Hôtel Terminus (Marcel Ophuls, 1988) - 5/6
Films des mois précédents :
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Avril 2015Blue collar (Paul Schrader, 1978)
Mars 2015 - Pandora (Albert Lewin, 1951)
Février 2015 - La femme modèle (Vincente Minnelli, 1957)
Janvier 2015 - Aventures en Birmanie (Raoul Walsh, 1945)
Décembre 2014 - Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (Elio Petri, 1970)
Novembre 2014 - Lifeboat (Alfred Hitchcock, 1944)
Octobre 2014 - Zardoz (John Boorman, 1974)
Septembre 2014 - Un, deux, trois (Billy Wilder, 1961)
Août 2014 - Le prix d'un homme (Lindsay Anderson, 1963)
Juillet 2014 - Le soleil brille pour tout le monde (John Ford, 1953)
Juin 2014 - Bird people (Pascale Ferran, 2014)
Mai 2014 - Léon Morin, prêtre (Jean-Piere Melville, 1961) Top 100
Avril 2014L’homme d’Aran (Robert Flaherty, 1934)
Mars 2014 - Terre en transe (Glauber Rocha, 1967)
Février 2014 - Minnie et Moskowitz (John Cassavetes, 1971)
Janvier 2014 - 12 years a slave (Steve McQueen, 2013)
Décembre 2013 - La jalousie (Philippe Garrel, 2013)
Novembre 2013 - Elle et lui (Leo McCarey, 1957)
Octobre 2013 - L'arbre aux sabots (Ermanno Olmi, 1978)
Septembre 2013 - Blue Jasmine (Woody Allen, 2013)
Août 2013 - La randonnée (Nicolas Roeg, 1971) Top 100
Juillet 2013 - Le monde d'Apu (Satyajit Ray, 1959)
Juin 2013 - Choses secrètes (Jean-Claude Brisseau, 2002)
Mai 2013 - Mud (Jeff Nichols, 2012)
Avril 2013 - Les espions (Fritz Lang, 1928)
Mars 2013 - Chronique d'un été (Jean Rouch & Edgar Morin, 1961)
Février 2013 - Le salon de musique (Satyajit Ray, 1958)
Janvier 2013 - L'heure suprême (Frank Borzage, 1927) Top 100
Décembre 2012 - Tabou (Miguel Gomes, 2012)
Novembre 2012 - Mark Dixon, détective (Otto Preminger, 1950)
Octobre 2012 - Point limite (Sidney Lumet, 1964)
Septembre 2012 - Scènes de la vie conjugale (Ingmar Bergman, 1973)
Août 2012 - Barberousse (Akira Kurosawa, 1965) Top 100
Juillet 2012 - Que le spectacle commence ! (Bob Fosse, 1979)
Juin 2012 - Pique-nique à Hanging Rock (Peter Weir, 1975)
Mai 2012 - Moonrise kingdom (Wes Anderson, 2012)
Avril 2012 - Seuls les anges ont des ailes (Howard Hawks, 1939) Top 100
Mars 2012 - L'intendant Sansho (Kenji Mizoguchi, 1954)
Février 2012 - L'ombre d'un doute (Alfred Hitchcock, 1943)
Janvier 2012 - Brève rencontre (David Lean, 1945)
Décembre 2011 - Je t'aime, je t'aime (Alain Resnais, 1968)
Novembre 2011 - L'homme à la caméra (Dziga Vertov, 1929) Top 100 & L'incompris (Luigi Comencini, 1967) Top 100
Octobre 2011 - Georgia (Arthur Penn, 1981)
Septembre 2011 - Voyage à Tokyo (Yasujiro Ozu, 1953)
Août 2011 - Super 8 (J.J. Abrams, 2011)
Juillet 2011 - L'ami de mon amie (Éric Rohmer, 1987)
Excellents choix, forts hétéroclites soit mais trois oeuvres passionnantes.
"Il faut vouloir saisir plus qu'on ne peut étreindre." Robert Browning.
" - De mon temps, on pouvait cracher où on voulait. On n'avait pas encore inventé les microbes." Goupi
Mains Rouges.

Mes films du mois :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Jan 21 : Cousin Jules
Fev 21 : Midnight special
Mar 21 : Nanouk l'esquimau
Avr 21 : Garden of stones
Mai 21 : Fellini Roma
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Rick Blaine
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par Rick Blaine »

Je ne connais ni le Skolimowski, ni le Becker, mais ça a intérêt à être de sacré films pour avoir relégué ainsi le Pakula ! :mrgreen:
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Jeremy Fox
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :Je ne connais ni le Skolimowski, ni le Becker, mais ça a intérêt à être de sacré films pour avoir relégué ainsi le Pakula ! :mrgreen:
A revoir le Pakula qui avait été une sacré douche froide... il y a longtemps. J'aime énormément les deux autres en revanche.
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Rick Blaine
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par Rick Blaine »

Je ne suis pas forcémen surpris, pas sur que ce soit ton genre de film le Pakula. Si c'est pour voir un 2/10, je ne sais pas si j'ai envie que tu lui redonne une chance... :mrgreen:

Je note les deux autres, d'ailleurs j'ai déjà le Becker dans un coin.
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locktal
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Re: Commentaires à propos de votre film du mois

Message par locktal »

AtCloseRange a écrit :Il y a vraiment des trucs (et des comportements) étranges sur Classik.
Le Labyrinthe du Silence est dans le top 5 et absolument personne ne trouve la moindre chose à dire dessus.
S'il y a bien une utilité à un forum, c'est de donner envie de découvrir des films peu exposés et qu'on aime.
On fonctionne vraiment à l'envers...
Le labyrinthe du silence de Giulio Ricciarelli est un film-dossier extrêmement documenté qui revient sur le procès historique qui eut lieu en Allemagne d'octobre 1963 à août 1965 et confrontant pour la première fois ce pays à son passé nazi. Le film, d'une sobriété exemplaire, est constamment passionnant, tendu, souvent haletant, filmé avec la précision d'un thriller (le film rappelle par exemple le génial Les hommes du président de Pakula) : il dessine le portait touchant d'un jeune procureur nommé Radmann (inspiré des personnes ayant instruit réellement le dossier) confronté à l'horreur absolue, à ce que Hannah Arendt appelait la banalité du mal, alors même que son pays, l'Allemagne, se réfugie dans le silence et fait comme si de rien n'était.

Cette quête de la vérité finit par devenir obsessionnelle, dans un contexte flirtant avec la paranoïa. Une réplique du film reste en mémoire longtemps après le visionnage du film : lorsqu'un des collègues du héros, surpris par l'élan de Radmann, lui déclare : « Est-ce vraiment utile que tous les jeunes Allemands se demandent si leur père est un meurtrier ? ».

Une très belle réussite.
"Vouloir le bonheur, c’est déjà un peu le bonheur"
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