Séance (Kurosawa Kiyoshi, 1999)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Mani
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Séance (Kurosawa Kiyoshi, 1999)

Message par Mani »

Séance - Kurosawa Kiyoshi - 2000

Dans la lignée des Kairo, Dark Water, Ring (et même Les Autres ou le Sixième Sens), la dernière histoire de fantômes de Kurosawa constitue une nouvelle facette passionnante de l'oeuvre que ce cinéste majeur dessine sous nos yeux bon an (Cure) mal an (Jellyfish).

Bâtir une telle merveille sur un scénario pourtant hautement improbable (la coincidence à la base du récit policier est énorme) témoigne du génie de Kurosawa, qui, creusant sensiblement le même sillon depuis plusieurs années arrive toutefois à renouveler ses thêmes majeurs avec maestria. Les effets, d'une simplicité déconcertante, font du film une splendeur que je place au panthéon de cette année cinématographique. Jeu sur la bande sonore, travail du cadre éblouissant, acteurs au sommet : Séance est une vraie baffe.

Pour ceux qui hésiteraient à aller le voir : courez-y !

Image

Une belle critique de Fluctuat.net : http://www.fluctuat.net/imprimer.php3?id_article=1643

Mani
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axel
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Message par axel »

vu au festival asiatique du mk2 bibliothèque y'a plus d'un mois. j'ai vraiment trouvé ce film décevant. ca démarre plutot bien, avec une action dispersée sur plusieurs personnages interressant, et puis paf ! au milieu du (télé)film, on va la chose arriver gros comme une maison, le reste du film devient prévisible. dès lors la séance peinera a s'achever. nettement moins bon que ce qu'il a réussi à faire sur Kairo à mon avis.
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Re: Séance (Kurosawa Kiyoshi)

Message par Pancake »

Moi j'ai bieng aimé
http://www.filmdeculte.com/film/film.php?id=816

LE CERCLE

Dans le flot de yurei ega produits à la suite du Ring de Nakata, Kiyoshi Kurosawa a signé l’un des chefs-d’œuvre de ce renouveau avec Kaïro, où la capitale nippone était décimée par une invasion de fantômes venus du net. Un an auparavant, le cinéaste s’était déjà lancé dans un galop d’essai intitulé Séance, film avec lequel il partage une même volonté de débroussailler un genre surcodé. La principale échelle de qualité entre les deux longs-métrages réside en leur but - Séance, produit pour la télévision, ne jouit pas des largesses (déjà relatives mais parfaitement exploitées) de Kaïro.

Il reste ainsi de ce film en particulier un léger goût brouillon, une photo assez fade et quelques effets cheap comme autant de handicaps maquillés par une ingéniosité et un savoir-faire affûtés de la part du réalisateur. Tout d’abord, comme chez Nakata, on accepte les règles esthétiques du genre pour installer le fantôme en lieux connus. La schizophrénie spatiale (opposition entre l’univers urbain et le milieu rural), le motif des portes entre les mondes ou la représentation du spectre sont fidèles à l’imagerie classique, et constituent la charpente sur laquelle seront jouées les notes du renouvellement.


LA REGLE DU JEU

En l’état, l’entreprise est déjà une réussite: Séance distille une horreur diffuse mais extrêmement efficace, et se révèle être un objet formel des plus rigoureux. A l’instar des grands maîtres de l’archipel, Kurosawa utilise le surcadrage pour faire de l’image un fourmillement constant d’informations. La formidable scène où Jun ressent chez elle la présence du spectre en est le meilleur exemple. L’actrice au premier plan est surencadrée par deux portes successives, tandis que la dernière d’entre elles semble appeler la jeune femme à travers à une utilisation expressionniste de la lumière et des effets sonores - ou comment la géométrie du cadre sert l’implacabilité de l’effroi dont les vibrations sont tracées au compas.

Comme nombre de ses ancêtres, Séance fait de la gestion des différents espaces un enjeu essentiel dans la rencontre du monde des morts avec celui des vivants, voir l’importance des hautes herbes grignotant la ville, l’envahissement sonore de l’image ou le silence le plus nu pour la déshabiller des prises auxquelles on serait tenté de se raccrocher. Mais si Kurosawa se moule dans les règles écrites, c’est pour mieux les déformer en adoptant un discours qui s’intègre dans la mouvance de ce nouveau genre.


L’AMOUR EN DANGER

Pendant que Nakata, quelques années plus tard, allait faire du fantôme une figure sociale dans Dark Water (explosion du cocon familial, calvaire féminin dans une société patriarcale), Kurosawa avait préparé le terrain avec ce film en particulier. Le réalisateur peint un couple engoncé dans son quotidien morne et vide, sans enfant, et où l’épouse ne songe qu’à fuir sa condition de femme au foyer docile, même pour endosser des habits de serveuse. Le fantôme porte, pour sa part, plusieurs visages: projection d’un désir et d’une frustration, refrain tangible de culpabilité, présence physique du souvenir ou objet révélateur et destructeur du couple. L’accomplissement féminin, lui, ne semble exister au mieux, que dans le fantasme, au pire, dans la supercherie. Et l’époux de refouler ses remords en brûlant son double lors d’une apparition inattendue sur un air de cornemuse…

Kurosawa s’amuse ainsi des règles pour nourrir une réflexion qui rejoint celle de ses autres œuvres dans leur noirceur. Même si ici, l’ellipse évite la représentation frontale du chaos, leitmotiv amer dans la filmographie du cinéaste. Et malgré les imperfections évidentes de Séance, l’impact n’en est pas moins fort.

5/6
Ben Castellano
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Message par Ben Castellano »

C'est le second du réal que je découvre aprés le tré bon "Cure"... Et moyennement emballé, sans doute en raison d'un lien trop démonstratif du fantastique avec la situation du couple décrit, qui finit par n'agir que comme idée abstraite et conceptuelle. Malgré quelques belles idées formelles et les deux excellents acteurs principaux, ce qu'il y a de mystérieux devient de plus en plus éventé... mais comme beaucoup de films de fantômes japonais c'est presque plus du théâtre en fin de compte.
julien
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Message par julien »

Pas mal mais largement inférieur à Kaïro ou Dark Water qui développaient une conception du fantastique nettement plus ambitieuse.
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magobei
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Re: Notez les films - juillet 2010

Message par magobei »

Séance, de Kiyoshi Kurosawa

Tourné en 1999, donc juste avant Kairo, Séance a été réalisé pour la télé - ce qui n'a pas empêché une sortie en salles, où je l'ai vu la 1ère fois. Et cette seconde vision me fait encore plus apprécier sa qualité. Kurosawa utilise les clichés de la J-Horror (qu'il a contribué à créer, Ringu n'est sorti qu'en 1998), mais les transcende:

1) par la qualité de sa mise en scène (sens du cadre, travail sur le son, la musique, sur la lumière); c'est très fort, redoutable même.
2) par la classe du scénar, comédie noire où un couple se retrouve - accidentellement - empêtré dans une histoire de kidnapping. Yakusho Koji est excellent.

Bref, Séance transcende son origine de téléfilm, film faussement mineur dans la filmo (majeure) de K. Kurosawa. Ce qui me donne envie de me refaire la totale.
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Demi-Lune
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Re: Séance (Kurosawa Kiyoshi)

Message par Demi-Lune »

Image Image Image
Dans la banlieue de Tokyo, un bruiteur (Koji Yakusho) et sa femme, médium (Jun Fubuki), vivent une vie calme, jusqu’au jour où la police, par l’intermédiaire d’un étudiant en psychologie spécialiste des sciences occultes, fait appel à ses talents de médium pour retrouver une fillette qui a été enlevée.
SPOILERS. Un an avant Kaïro, Kiyoshi Kurosawa se confrontait déjà aux fantômes du Yurei Eiga que Hideo Nakata avait remis sur le devant de la scène avec le magistral Ring (1997). Avec cette Séance ma foi très réussie, qui semblera formellement plus modeste (format télévisé oblige) que le futur Kaïro mais un peu plus soutenue niveau rythme, le cinéaste mêle efficacement ressorts policiers et éléments horrifiques, avec ce style froid et pesant qui lui est propre. Moins étouffant que l'apocalyptique Kaïro (qui ne contait rien de moins que la disparition de toute une société), Séance se concentre presque entièrement sur un couple banal, sans histoires, et dont l'anonymat est de plus en plus mal vécu par l'épouse, médium aux facultés manifestes qui ne songe qu'à s'enfuir de sa condition vide. L'occasion qui lui est fournie (l'irruption de la fillette kidnappée dans sa vie, et l'instrumentalisation maladroite qu'elle désire en faire pour acquérir une reconnaissance sociale) sera la première manifestation d'une fatalité chère à Kurosawa qui frappera alors sans relâche le couple, coupable d'avoir convoité un statut défendu : telle une boîte de Pandore, l'ouverture du caisson du preneur de son précipite les deux personnages dans un engrenage inextricable, aux accents de film noir, dont l'issue libératrice semble passer par l'acceptation de leur destin funeste. Les apparitions fantomatiques de la fillette décédée par leur faute se lisent alors autant comme une vengeance propre au Yurei Eiga que comme la matérialisation psychanalytique d'une culpabilité partagée, comme semble nous l'indiquer l'étrange dialogue qui ouvre le film. Séance, ou le fantôme comme projection de ses propres tourments (voir cette scène pour le moins étrange où le mari se retrouve confronté à son doppelgänger, assis et immobile, et l'immole au son d'une cornemuse invisible). Techniquement, Kurosawa livre à nouveau une réalisation ciselée au millimètre, tirant parti du format 1.33. Il instaure très vite cette atmosphère pesante et spectrale qui caractérise également Kaïro, et manie brillamment l'épouvante, surgissant sans tambours, sans qu'on l'attende (la scène ô combien déstabilisante du café). Exploitant une logique que l'on retrouvera dans son film suivant, Kurosawa isole ses personnages dans des décors compartimentés, dont les ouvertures deviennent les centres de l'attention d'un spectateur guettant le surgissement de l'horreur. Le meilleur exemple de cette utilisation visuelle de l'espace serait cette séquence où la médium, au premier plan, s'affaire tandis que derrière elle, la lumière changeante du soleil "ouvre" une voie vers le couloir et la porte du garage, une voie vers le surnaturel, vers son destin (capture 2). Les rebondissements de l'intrigue, ainsi que l'efficacité de l'épouvante diffuse qui imprègne le film, font de Séance une très belle réussite, à nouveau révélatrice du talent de son auteur. Malgré une fin abrupte, je suis admiratif du résultat, qui mérite peut-être mieux que de vivre dans l'ombre du futur très gros œuvre qu'est Kaïro.
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Demi-Lune
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Re: Séance (Kurosawa Kiyoshi)

Message par Demi-Lune »

Deux avis glanés sur ce film :
Mµ, en août 2010 a écrit :Première déception (relative) au sortir d'un film de Kurosawa. La faute ne revient pas à sa mise en scène, toujours aussi impeccable (le 4/3 est d'ailleurs exploité à merveille, la gestion du cadre et de l'espace fabuleuse) mais à une histoire cousue de fil blanc, émaillée de nombreuses faiblesses (facilités ?), qui ne tire pas assez parti d'un pitch et des questionnements pourtant prometteurs.
Restent quelques petits moments de frousses très élégamment amenés et une ambiance bien pesante comme sait en concocter le monsieur. Je pense à ce titre que sans Kurosawa, ce (télé)film aurait versé dans le naveton.
Impression globale mitigée, donc.
magobei, en juillet 2010 a écrit :Tourné en 1999, donc juste avant Kairo, Séance a été réalisé pour la télé - ce qui n'a pas empêché une sortie en salles, où je l'ai vu la 1ère fois. Et cette seconde vision me fait encore plus apprécier sa qualité. Kurosawa utilise les clichés de la J-Horror (qu'il a contribué à créer, Ringu n'est sorti qu'en 1998), mais les transcende:

1) par la qualité de sa mise en scène (sens du cadre, travail sur le son, la musique, sur la lumière); c'est très fort, redoutable même.
2) par la classe du scénar, comédie noire où un couple se retrouve - accidentellement - empêtré dans une histoire de kidnapping. Yakusho Koji est excellent.

Bref, Séance transcende son origine de téléfilm, film faussement mineur dans la filmo (majeure) de K. Kurosawa. Ce qui me donne envie de me refaire la totale.
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Re: Séance (Kurosawa Kiyoshi, 1999)

Message par Anorya »

Séance (K.Kurosawa - 1999).

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Belle découverte tardive que voilà. :)
Kurosawa réutilise une fois de plus le genre du Kwaïdan (le film de fantômes japonais) pour le retravailler de l'intérieur, les manifestations fantômatiques ici donnant plus une inquiétante impression de malaise (même si la peur n'est jamais loin) qu'une évidente attaque d'un ou des personnages (la différence avec Ring ou pour rester chez Kurosawa, Kaïro). Le réalisateur le confirme lui-même dans les bonus du dvd où, comme il l'indique, c'est surtout le portrait d'un couple en crise qui va être mis à l'épreuve. Adapté d'un roman anglais de Mark McShane écrit dans les années 60, le réalisateur va retravailler le matériau de base par sa propre approche personnelle, plus psychologique et inquiétante, immédiatement reconnaissable.

Ce qui est intéressant ici, c'est avec quelle pessimisme Kurosawa montre la lente déchéance d'un couple dans une suite d'évènements tragiques qui s'ensuivent et comment il y réussit largement quand on sait (comme il a été dit plus haut dans les excellentes chroniques du film), que c'est à la base quelque chose de destiné à la télévision. L'économie de moyens et la sobriétés fonctionnent parfaitement ici. Outre le travail du cadre, c'est le travail du son qui impressionne, créant à chaque apparition une ambiance qui prépare toujours un parfait décalage chez le spectateur. Séance est aussi intéressant car, dans le prolongement de la continuité filmographique du réal : il prépare sans trop le montrer ce qui s'étendra sur Kaïro (où la menace fantômatique tourne à l'apocalypse) ou deviendra un film à part entière avec Doppelgänger (avec le toujours excellent Koji Yakusho). Ici, l'on voit bien un doppelgänger mais le traitement s'avère assez ironique (musique écossaise !) et n'est qu'une parenthèse au creux du film (elle a son importance toutefois car justifie la fin programmée des protagonistes). Il y a bien aussi une petite ouverture sur le rôle du son comme porte ouverte sur l'au-delà (du fait que le personnage principal est bruiteur et sa femme médium, on remarque une intéressante scène où le patron du personnage principal écoute des bandes de bruit de vent et entend une voix inhumaine qui lui flanque la chair de poule), mais ce n'est pas le but premier du film et le réalisateur laisse judicieusement ça de côté pour Kaïro, le film d'après.

Bref, pas un grand Kurosawa mais une fois de plus un bon film au sein de sa longue filmographie.


4,5/6.
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