Les adaptations d'oeuvres littéraires

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

L'époque n'est sans doute pas totalement étrangère à ces changements, Visconti ne cachait pas ses penchants
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Tite Bouh
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Message par Tite Bouh »

Toute les oeuvres littéraires que jai vu adaptées m'ont décues
Manolito
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Message par Manolito »

Quelques petites anecdotes sur l'adaptation de "Mort à Venise". Un des plus gros changements est sans doute le cauchemar final qui est dans le roman du plus pur jus symboliste-fin de siècle. Il a été complètement changé : Visconti a envisagé de tourner un renvoi "contemporain" (70s !), tourné dans une boite de nuit en Allemagne. Mais il est finalement resté sage et a renoncé, favorisant une austre solution: le compositeur revit le bide de son dernier spectacle, bide qui l'a rendu malade et l'a poussé à prendre du repos à Venise. Le compositeur achève sa symphonie et est accueuillie par les huées et les sifflets du public. Ce cauchemar avait été inspiré à Visconti par l'accueil désastreux de "Rocco" à Venise.
Manolito
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Message par Manolito »

D'autre part, il faut aussi savoir que Visconti a eu bien du mal à monter la production de "Mort à Venise", même après le succès des "damnés". Les financiers ont insisté pour que Tadzio devienne un personnage fémnin, ce que Visocnti a, heureusement, refusé. Le réalisateur, les acteurs principaux et les plus fidèles collaborateurs de Visconti ont accepté de ne pas être payés, et d'être uniquement rénumérés au pourcentage des recettes. c'est ainsi que le soutien de Warner a pu être obtenu. Dans les années 1980, Dirk Bogarde affirmait que Warner n'avait toujours pas versé un sou à qui que ce soit !
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Roy Neary
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Message par Roy Neary »

La remarque de Solal sur le rapport de Mort à Venise aux années 70 est éclairante et très juste.
Le cinéaste est né dans une grande famille de la bourgeoisie lombarde et a passé une enfance dorée en cotoyant le milieu des arts et des lettres. Ce petit rappel biographique plus la teneur de ses films les plus connus font oublier que Visconti a été un temps compagnon des communistes et faisait partie des cinéastes néoréalistes (à ses débuts). Ce romantisme révolutionnaire n'est donc pas le fait du hasard.
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Simone Choule
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Message par Simone Choule »

Autre remarque sur Mort à Venise :
Le film est comme habité par une mélancolie proustienne. Sentiment absent du livre de Mann dont le style est bien plus cynique que celui de Proust. C'est d'ailleurs peut-être la raison pour laquelle Jeremy adore le film et non le livre.

Il faut savoir que le grand rêve de Visconti était d'adapter "A la Recherche du Temps Perdu".
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Simone Choule a écrit :Autre remarque sur Mort à Venise :
Le film est comme habité par une mélancolie proustienne. Sentiment absent du livre de Mann dont le style est bien plus cynique que celui de Proust. C'est d'ailleurs peut-être la raison pour laquelle Jeremy adore le film et non le livre.

Il faut savoir que le grand rêve de Visconti était d'adapter "A la Recherche du Temps Perdu".
Touché :D
Cinetudes
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Message par Cinetudes »

Merci bien de toutes ces précisions cher vous tous !!!

J'ai hier écrit ma critique du dvd et depuis le film n'arrête pas de tourner dans ma tête.

Voici ce que j'en ai écrit, à vif dans sans forcément le recul nécessaire et d'aprés les renseignements toruvés sur divers sites:

(C'est du premier jet donc soyez indulgents mais j'aimerai avoir votre avis sur le texte et sa pertinence )

Luchino Visconti a réussi avec Mort à Venise l'incroyable gageure d'adapter de façon fidèle le roman éponyme de Thomas Mann, fidèlement en ce sens qu'il suit les péripéties du roman à la lettre, mais paradoxalement en réussissant à traduire en images les sensations exprimées par les mots de Mann.

Mort à Venise est l'histoire toute simple d'un grand compositeur de musique, Gustav von Aschenbach (Dirk Bogarde), alors que fatigué et dans une impasse créative il se rend à Venise pour tenter de se remettre sur pied aussi bien physiquement que psychologiquement, voire même au niveau de sa créativité. Mais une fois sur place, à force de ressassements, il finira par douter de la vie qu'il a mené, de la forme qu'il a donné à son oeuvre et même de sa propre conception du travail d'artiste. Pour achever de le troubler jusqu'au plus profond de son âme, il va tomber éperduement amoureux d'un jeune éphèbe tout juste pubère, Tadzio (Bjorn Andrezen), qui va s'en apercevoir et jouer avec cette attirance irrésistible de ce vieux monsieur dont il ne sait rien. Von Ashenbach, qui avait toujours mené une vie placée sous le singe du contrôle de ses émotions et de la maîtrise de son comportement, va alors laisser libre court à sa sensualité enfin retrouvée, fusse-t-elle contre nature et condamnable.

Visconti était un aristocrate et un artiste au même titre que Mann, et à ce titre et malgré leurs styles opposés (opératisme contre intériorisation), il comprenait parfaitement les tourments décrits dans le roman de celui-ci. Les deux artistes s'intéressaient aux mêmes sujets, dont la décadence des classes supérieures et la deliquescence d'une société archaïque promise à des changements radicaux. Il décida de rester très simple dans son adaptation, tout en ajoutant à ce récit linéaire des flash-backs primordiaux tirés d'un autre roman de Mann, Le Docteur Faustus. Au cours des ces plages de souvenir, Aschenbach va se remémorer ses conversations passionnées avec son ami Alfred (Mark Burns) sur la nature même de la création, et divers passages de sa vie où il fixa ses opinions sur les questions fondamentales que se pose tout être humain.

Cela permet à Visconti d'enrichir la nouvelle de Mann en se servant d'un autre segment de l'oeuvre du même auteur, remplaçant par la même les immanquables différences qu'il y a entre son film et le roman, du fait même de leur moyen d'expression (littérature contre cinéma). Etre capable de transformer ainsi une "faiblesse" en une force ne peut qu'inspirer le respect et l'admiration. Non seulement ces flash-backs ajoutent du sens et de la profondeur à une oeuvre qui en contenait déja beaucoup, mais de surcroit ils permettent à Visconti d'aérer son film qui sans cela se serait avéré trop linéaire. De plus, Visconti en tant que metteur en scène d'opéra, avait une compréhension et une appréhension de la musique bien au-dela de celle de la majorité des cinéastes.

Grâce à cette capacité, il réussit à faire croire à ses spectateurs que la musique de Mahler à été composée pour le film. A ce titre, la première séquence du film est exemplaire. Elle va donner d'emblée le thème, le ton et la nature mêmes du film qui va suivre. Elle permet à tous les spectateurs d'entrer dans ce film différent, en les prenant aux tripes dès son début mais en usant de moyens inhabituels au cinéma du fait de la difficulté à les gérer. Ainsi au cours de cette scène muette, il va introduire son héros, montrer son désarroi et la beauté de Venise, tout en faisant ressentir au spectateur l'impression de toucher du doigt l'idée même de poésie alors que paradoxalement il utilise le language du réel et du tangible. C'est grâce à l'association parfaite entre la splendeur et l'expressivité de la musique de Mahler, la beauté des images, leur rythme et le jeu naturel de Bogarde que ce petit miracle va s'accomplir.

Le reste du film est à l'image de cette scène : une splendeur de tous les instants, doublée d'une réflexion intelligente sur diverses questions fondamentales à l'être humain, rehaussée par une utlisation sensible et singificative de la musique. Les critiques de l'époque reprochèrent à Visconti un certain académisme alors même que celui-ci au contraire innove, créant une nouvelle sorte de langage cinématographique qui s'adresse à l'âme autant qu'à l'intellect, au conscient qu'au subconscient et en cela, Mort à Venise est l'un des films les plus troublants et marquants qu'il soit et ce malgré un traitement qui ne laissait pas présager une telle réussite. L'homosexualité naissante du héros n'est qu'un de ses multiples tourments mais elle fut pourtant reprochée au film alors que celui-ci ne traite que d'amour, et que de façon évidente le jeune Tadzio se joue de la passion destructrice d'Aschenbach.

Ce même Aschenbach qui a été toute sa vie à la recherche de la beauté et de la perfection au travers d'une attitude rigoureuse et contrôlée (sujet de poémique entre lui et son ami Frank), la découvre en la personne de Tadzio. Il va donc revenir immédiatement vers une façon de vivre plus charnelle et impétueuse, qui va se heurter de façon logique avec le système rigide qu'il avait mis en place auparavant. Il est alors de suite évident qu'il n'y a rien de tendancieux dans le regard que Visconti porte sur cette "relation", alors que certains distributeurs auraient voulu remplacer le jeune homme par une jeune fille afin de moins choquer leur public potentiel.

La magnificence de ce portrait d'un artiste en proie au doute est en partie due au superbe travail de Pasqualino de Santis à la photographie, celui de Piero Tosi à la conception des magnifiques costumes dans le plus pur style 1910, et enfin de Ferdinando Scarfiotti qui supervisa la direction artistique.

La réunion de tant de talents, supervisés par un véritable maître du cinéma, a pour résultat une oeuvre unique et inoubliable qui ne se révèlera peut-être pas entièrement dès le premier visionnage mais vous accompagnera à coup sur durant votre vie, se rappelant à vous lorsque les circonstances évoqueront les questions universelles que pose Mort à Venise.

Merci si avez pris le temps de lire le texte et si vous laissez votre avis dessus.

Stefan
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Ronan
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Message par Ronan »

Alex Blackwell a écrit :Néanmoins j'affirme que je pense par moi même et que ce que je dis ne doit pas grand chose à quiconque, voilà, et j'emmerde heidegger aussi bien que hegel. Re voilà.

Là, il devient temps de changer le cap des biblos proposées, en fouillant au rayon du vieux néopolar franchouillard, tu devrais pouvoir trouver un "J'encule Hegel" (pas lu, je sais pas si c'est bien, ma tolérance à ce genre d'auteur (Deanninx, Pouy, tout ça) étant très limitée) qui te tombera moins des mains que tous ces livres tout en grec et en tirets...

Sinon, curieuse façon de renvoyer dos à dos les deux duellistes de ce post, soit au titre de pipeaulogue, soit à celui de "trop brillant j'ai rien compris", parceque bon, quand même, franchement, Alex, je t'ai connu mieux inspiré, sans vouloir te vexer.

Et merci à tous de me donner envie de voir le Visconti, le roman m'avait définitivement faché avec Mann...
Alex Blackwell
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Message par Alex Blackwell »

Cinetudes a écrit :Pour achever de le troubler jusqu'au plus profond de son âme, il va tomber éperduement amoureux d'un jeune éphèbe tout juste pubère, Tadzio (Bjorn Andrezen), qui va s'en apercevoir et jouer avec cette attirance irrésistible de ce vieux monsieur dont il ne sait rien.
Désolé de casser l'ambiance mais Tadzio avait 10 ans à tout casser lorsqu'il a croisé à Venise le chemin de Thomas Mann, qui a écrit un ouvrage à caractère nettement autobiographique, en cela je ne vois pas comment on peut parler de fidélité au roman.
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Message par Alex Blackwell »

Ronan a écrit :Sinon, curieuse façon de renvoyer dos à dos les deux duellistes de ce post, soit au titre de pipeaulogue, soit à celui de "trop brillant j'ai rien compris", parceque bon, quand même, franchement, Alex, je t'ai connu mieux inspiré, sans vouloir te vexer.
Je voulais simplement dire que ce que j'écrivais n'était pas du recrachage de lectures mal assimilées. Je me suis un peu familiarisé avec l'étude de l'esthétique mais je m'y réfère que rarement dans mes propos sauf peut-être parfois pour l'englober dans un cadre plus large afin de donner des pistes. Dans ce cas je ne parle en général que de Kant.
Je n'apprécie donc pas qu'on balaie ce que j'écris en parlant d'inculture, voilà tout.

Et comme vous le savez, je suis Inspiré Image
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Message par Cinetudes »

Alex, donc pour toi le simple fait d'avoir modifié de quelques années (tout en faisant toujours un personnage mineur de façon évidente) l'année de Tadzio qui doit avoir 14 ans à tout casser dans le film (d'aprés son apparence extérieure) suffit à dire que Visconti n'a pas été fidèle au roman ?

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Message par Alex Blackwell »

Cinetudes a écrit :Alex, donc pour toi le simple fait d'avoir modifié de quelques années (tout en faisant toujours un personnage mineur de façon évidente) l'année de Tadzio qui doit avoir 14 ans à tout casser dans le film (d'aprés son apparence extérieure) suffit à dire que Visconti n'a pas été fidèle au roman ?

Stefan
Oui, car de manière plus ou moins consciente nous avons affaire à des adaptateurs qui retirent au texte sa signification véritable. Les conséquences esthétiques et morales ne sont de toute évidence pas les mêmes selon que l'on parle de l'amour pour un petit garçon ou de celui pour un jeune éphèbe dont l'apparence est d'ailleurs sans sexe et sans âge selon moi. Il y a là une différence du même ordre que la distribution du rôle à un homme ou à une femme.
Pourtant il est vrai que l'interprète de Tadzio a mal réagi une fois adulte lorsque les implications profondes du propos ont été saisis.
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Alex Blackwell a écrit : Pourtant il est vrai que l'interprète de Tadzio a mal réagi une fois adulte lorsque les implications profondes du propos ont été saisis.
Il me semblait pourtant qu'il n'a jamais été adulte, s'étant tué à moto ou je ne sais quoi très jeune
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Message par Alex Blackwell »

Nikita a écrit :
Alex Blackwell a écrit : Pourtant il est vrai que l'interprète de Tadzio a mal réagi une fois adulte lorsque les implications profondes du propos ont été saisis.
Il me semblait pourtant qu'il n'a jamais été adulte, s'étant tué à moto ou je ne sais quoi très jeune
Non, Bjorn Andersen approche la cinquantaine.
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