Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Billy Budd
Bordeaux Chesnel
Messages : 26835
Inscription : 13 avr. 03, 13:59

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Billy Budd »

Je suis sidéré par les circonvolutions des uns et des autres pour expliquer, sinon justifier, certains passages du film.
Everybody's clever nowadays
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17124
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Watkinssien »

Billy Budd a écrit :Je suis sidéré par les circonvolutions des uns et des autres pour expliquer, sinon justifier, certains passages du film.
Et sinon, que penses-tu du film?
Image

Mother, I miss you :(
Avatar de l’utilisateur
Wulfa
Doublure lumière
Messages : 469
Inscription : 24 mars 19, 08:52

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Wulfa »

Once Upon A Time… In Hollywood : 8.5/10

Première impression à la sortie : un film généreux, avec beaucoup d’amour et quelques longueurs…

Les - :
Tout d’abord malgré une première partie assez émouvante, le film semble parfois s’enliser dans un montage qui nous perd presque dans le temps...
Deuxième chose qui m’a chagriné, c’est le peu de subtilité dans le traitement du mouvement hippie (comme l'ont bien montré certains), réduit dans le film, à la Mansion Family (bien heureusement totalement démythifiée). Le film adopte plutôt le point de vue de Rick et Cliff, et épouse quelque part leur vision de la société. Cependant, eux-mêmes ne sont pas épargnés par une certaine ambiguïté : leur côté bas du front ne nous est absolument pas caché et n'est pas totalement idéalisé. En revanche pour les hippies, mis à part un effet cool aidé par la beauté radieuse de Pussycat, on se retrouve quand même avec une vision du mouvement qui me semble manquer d’ambiguïté positive et de finesse.

Les + : toutes les scènes de bagnoles, tout l’arc consacré à la descente dans les limbes de Rick Dalton jusqu’à sa presque rédemption dans un murmure, un Brad Pitt rayonnant, la plupart des petites extraits de Bounty Law, F.B.I., les films italiens, etc., l’hommage rendu à Sharon Tate durant sa séance de cinéma assez simple et touchant (d’ailleurs si le film doit encore être vu dans 30, 50, 100 ans, j’espère qu’il sera vu comme un film tombeau), et la fin.

Concernant la fin donc,
Spoiler (cliquez pour afficher)
s’interroger sur les connaissances du spectateur me semble un faux problème. Le film perd effectivement quelque peu de sa tension et de sa profondeur si on ne sait pas que Sharon Tate a été assassinée. Cela dit, si le spectateur s’intéresse un minimum au film après sa séance, il découvrira l’histoire vraie, et de fait redécouvrira le film. Si ça ne l’intéresse pas, et bien tant pis ! C’est un parti pris assez casse-gueule de Tarantino, mais qui ne me semble pas rédhibitoire (une précision dans n'importe quel résumé et le tour est joué).

Maintenant pour la fin en elle-même, il faut avouer que lors de l’arrivée de la bande à Manson, après cette première partie solaire, je n’avais envie que d’une chose : que Sharon Tate ne soit pas tuée et que nos deux joyeux héros l’empêche dans un deus ex machina grandiloquent. Tarantino l'a fait, et j'ai presque été déçu d'avoir eu mon souhait d'enfant accompli. Pour autant, ce qui sauve à mon sens ce choix, ce sont les toutes dernières scènes : l’interphone, cette voix sortie d’outre tombe, cette musique féerique qui nous rappelle que nous sommes bien dans un conte, le titre. Oui dans la vraie vie Sharon Tate est morte, cette fin est une sorte de doudou mais qui ne console pas totalement, car nous savons. D’une certaine manière cette fin me fait penser à la saison 3 de Twin Peaks, dans un traitement totalement inversé. Dans les deux cas, nous savons la vérité, et quoiqu’il arrive dans la fiction, nous savons qu'une femme que l'on a aimée a été assassinée.
Avatar de l’utilisateur
G.T.O
Egal à lui-même
Messages : 4844
Inscription : 1 févr. 07, 13:11

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par G.T.O »

Billy Budd a écrit :Je suis sidéré par les circonvolutions des uns et des autres pour expliquer, sinon justifier, certains passages du film.
Merci de nous faire part de votre étonnement sur lesdites circonvolutions ! Et sinon, que penses tu du film ?!
Avatar de l’utilisateur
Billy Budd
Bordeaux Chesnel
Messages : 26835
Inscription : 13 avr. 03, 13:59

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Billy Budd »

J’en pense a priori la même chose que Demi-Lune.
Everybody's clever nowadays
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17124
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Watkinssien »

Et Demi-Lune va nous préparer une de ces circonvolutions! :mrgreen:
Image

Mother, I miss you :(
Avatar de l’utilisateur
G.T.O
Egal à lui-même
Messages : 4844
Inscription : 1 févr. 07, 13:11

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par G.T.O »

Billy Budd a écrit :J’en pense a priori la même chose que Demi-Lune.
Toujours aussi laconique à ce que je vois ! :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Phnom&Penh
Assistant opérateur
Messages : 2077
Inscription : 28 févr. 08, 12:17
Localisation : Tengo un palacio en Granada

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Phnom&Penh »

Karras a écrit :Analyse ( pertinente ? ) des pieds dans la critique de Critikat :
https://www.critikat.com/actualite-cine ... llywood-2/
Pertinente, je ne sais pas, mais excellente, notamment parce qu'elle fait de l'analyse de séquence, ce qui manque souvent dans les critiques. Pour les pieds sales:
  • Ces pieds sont, détail important, sales, à l‘instar de tous ceux que Tarantino filme ici avec attention. On le sait, le pied chez Tarantino est une source de désir, or le désir dans Once Upon a Time… va de pair avec une saleté que le cinéaste affectionne, notamment celle du cinéma bis et de la télévision.
Rien à voir avec le discours de Murat (qui a l'excuse de batifoler à la radio), il dit qu'ils sont sales parce qu'utilisés, et "source de désir", ce qui est autrement ouvert au dialogue que "fétichiste". Donc, OK, dans le film, les pieds sont sales, comme des pieds en sandales pieds nus en milieu de journée: sens du détail.
Supfiction a écrit :
François Begaudeau a écrit : je pense par exemple qu’il saisit quelque chose de cette année 69, qui comme on sait fut la plus grande du siècle ...
Il est sérieux là ?
Oui, je pense: 1969, c'est quand même le pied (pas très érotique) de l'homme sur la lune. Bon, d'accord, c'est accessoire, mais plus important, c'est mon année de naissance, donc un grand cru, et l'année érotique 8)
Alexandre Angel a écrit :
Watkinssien a écrit :Bon, c'est officiel, ce topic va rendre les gens fous. :twisted:
Y a plus que ceux qui n'aiment pas qui parlent :mrgreen:
Ouaip, d'ailleurs le topic devenait un peu chiant à lire. Mais parmi les "immonde", "indéfendable", il y avait quand même l'honnêteté de GTO, pur et dur, mais pas malveillant:
G.T.O a écrit : Dire que c'est du cinéma est une façon de neutraliser l'affaire, en disant, non sans ironie, qu'il n y a de problème que dans la tête des quelques hurluberlus missionnaires.
Image
Je sais, Lincoln est avocat, pas pasteur, mais The Preacher.

En tout cas, hommage à ton difficile et ingrat travail pour prêcher la bonne parole dans le monde des tripots et des bordels, Thoret dixit :mrgreen: ... :wink:
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

Image
Avatar de l’utilisateur
Billy Budd
Bordeaux Chesnel
Messages : 26835
Inscription : 13 avr. 03, 13:59

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Billy Budd »

Wulfa a écrit :Once Upon A Time… In Hollywood : 8.5/10
Concernant la fin donc,

Spoiler (cliquez pour afficher)
Maintenant pour la fin en elle-même, il faut avouer que lors de l’arrivée de la bande à Manson, après cette première partie solaire, je n’avais envie que d’une chose : que Sharon Tate ne soit pas tuée et que nos deux joyeux héros l’empêche dans un deus ex machina grandiloquent. Tarantino l'a fait, et j'ai presque été déçu d'avoir eu mon souhait d'enfant accompli.

J'ai moi aussi eu un souhait :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Soudain, je me suis dit que Tarantino allait sauver son film et que Thaddeus pourrait en effet aller le voir et en sortir satisfait : Rick Dalton va se faire tuer et le film enchainera sur un journal télévisé relatant l'assassinat de Sharon Tate ou encore des réactions qu'il a provoquées, mais sans jamais un mot au sujet de Rick Dalton, le tout pendant le générique de fin.

J'aurais adoré une telle conclusion, qui aurait tellement fait sens.
Everybody's clever nowadays
Avatar de l’utilisateur
Farnaby
Doublure lumière
Messages : 516
Inscription : 5 août 17, 22:14

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Farnaby »

Remarques en vrac d’un spectateur vierge (en films de Tarentino) :

J’aime énormément l’espèce d’inefficacité dramatique du film, sa longueur, sa langueur parfois, ses fausses digressions, son aspect composite : cela laisse une liberté au spectateur que bien peu de films de ce type laissent il me semble. Ça respire, je respire (mention ici des très belles séquences de voitures)

Je trouve le personnage de Tate absolument bouleversant. Merveilleuse gentillesse / innocence / insouciance / inconscience (« you’re the blind » lance la Manson family à Pitt), à la frontière du néant, du niais, de la bêtise, et de l’Etre : vivre, c’est peut-être cela, danser, se voir sur un écran de cinéma, lire un roman, traverser LA en MG, attendre un enfant, prendre une femme en auto-stop, habiter une belle maison sur une colline... et sourire, sans jamais penser à mal, soupçonner ni craindre.

Enfin la fin du film est sublime, et colore bien évidemment l’ensemble de la chose de sa lumière rétrospective. La fin, je veux dire la séquence de « massacre » et celle de la discussion avec le voisin. Sublime précisément par l’enchaînement des deux, leur articulation, ce qu’elles suggèrent ensemble. D’abord une chose qui pour moi est l’une des deux ou trois choses que le cinéma peut m’offrir de plus beau : la surprise, mais sans effet de rupture ou de choc criard (exemples dans les Bunuel français). Ici il s’agit de la séquence du voisin, qui, après la violence comique, grand-guignolesque du massacre, ouvre d’une manière absolument inattendue sur autre chose, une sorte de dialogue des morts à travers grille et interphone, à la fois drôle, triste et profondément émouvant. Pour moi ces deux minutes changent tout : le sens du massacre, mais plus encore le film lui-même, qui passe ainsi de belle comédie douce-amère ultra référencée à, je ne sais pas le dire autrement que d’une manière un peu ridicule, du cinéma(tographe).
« On a essayé, miss Tate, en utilisant les vieilles recettes du gros spectacle hollywoodien, d’écrire une nouvelle fin, mais ça n’a pas marché, vous êtes toujours de l’autre côté de l’interphone, désolé. 
– Grâce à vous je suis de nouveau sur l’affiche et sur l’écran. Quoi de mieux pour une Hollywood girl ? Montez boire un mojito. »
Tout cela est très mal dit (et bêtement rationalisé en plus) et je ne parviens pas à exprimer ce que la découverte de l’interphone (travelling ? Panoramique ? Plan fixe ?) dans le plan a provoqué chez moi : un sentiment purement cinématographique de surprise, de mystère et de profondeur, de traversée du miroir.

Quelques remarques sur les objections lues ici :

– aller chercher le « vigilantisme » et Bronson est peu honnête : les deux personnages ne partent pas à la recherche / poursuite des méchants pour se venger. Ils se défendent pour ne pas mourir eux-mêmes, dans leur maison, ça fait quand même une sacrée différence. D’ailleurs, le comportement de Pitt dans la séquence du ranch est sans équivoque : il trouve ces hippies louches, il tente d’aider Dern, mais ne va pas plus loin. Il n’appelle pas la police, ni n’essaie de faire justice lui-même bien qu’il les sache potentiellement dangereux.

Cela dit Tenia a raison sur un point : l’auto-défense tourne au massacre et donc devient autre chose. D’abord il ne faut pas oublier le contexte américain : l’auto-défense est bien mieux protégée chez eux que chez nous, où le principe de proportionnalité de la réponse sera examiné scrupuleusement par un juge. Ensuite l’exagération de la violence dit l’échec de cette nouvelle fin imaginaire, de ce fantasme de vengeance cinématographique 50 ans plus tard : exterminer ces trois clowns est une pure scène de film, un pur produit hollywoodien, et d’ailleurs on rit volontiers et de l’exagération et du grotesque (le lance flamme, l’hystérique etc.). Enfin et surtout, car je ne veux pas évacuer la question morale, je ne comprends pas quel mal il y aurait à jouir, oui jouir, de voir ces trois horreurs se faire massacrer. Moi qui n’ai jamais fait de mal à une mouche, qui récuse la loi du talion, vénère la Justice (enfin l’idée, pas ce qu’elle est effectivement en France), le truchement, la Loi, oui je jouis quand Pitt fracasse la tête du criminel 6 ou 7 fois. Ce n’est pas une catharsis car pour cela il faudrait que Pitt soit lui-même puni de sa violence. C’est simplement la jouissance pure du spectacle de la violence. Ce que je ne comprends pas, c’est que ce spectacle soit acceptable moralement dans un film d’horreur, ou si la victime est une gentille victime, mais devient inacceptable quand la victime est méchante. Y aurait-il eu ici une condamnation morale si on avait eu les mêmes 6 coups sur la tête d’une / de la victime ? Non. Ou alors seulement la critique classique sur le niveau de violence. Donc autant je comprends parfaitement que l’on, cinéaste et spectateur, se pose la question esthetiquement et moralement de la représentation de la violence, autant je ne comprends pas pourquoi, si l’on choisit de représenter la violence, le massacre, on devrait s’interdire de montrer des massacres de méchants et n’accepter que des massacres de gentilles victimes : elles, on peut les découper en morceaux tant qu’on veut, et jouir du spectacle sans entrave, mais les méchants, eux, pas touche.
Dictionnaire des idées reçues :
Assassins et criminels : que leur mort ne soit jamais donnée en spectacle (ça peut exciter les pires instincts de l’homme). Toujours s’interroger sur leur enfance. Toujours plus complexes qu’on ne le croit. Ils sont aussi des êtres humains.
Innocents : chair à canon sur laquelle un cinéaste peut exercer son sadisme, son goût du spectacle horrifique et violent, afin de faire jouir les spectateurs dans la bonne humeur (et aucun risque que ça excite les bas instincts de l’homme).

– le seul reproche moral/esthétique valide à mon avis est celui de la caricature des hippies. Pour être plus précis, les hippies ne sont pas caricaturés, ce sont les deux héros qui généralisent et voient les hippies dans leur ensemble commes des crétins, et passent allègrement du ranch de Manson à tous les hippies. J’ai énormément aimé cela car moi aussi, comme le « bas de plafond » Pitt, je [hais] n’ai pas beaucoup de sympathie pour les hippies. Mais Tarentino aurait pu montrer ou évoquer même d’un mot l’autre face de la pièce hippie, c’est vrai. Cela dit, est-ce que l’on a fait le même reproche à Antonioni dans Zabriskie Point ? Jamais il ne montre les camés hystériques, la bêtise, la crasse et l’effet de secte. Pas d’autre face de la pièce, uniquement la beauté, la liberté, l’ouverture, la générosité, ce qui n’empêche pas le film d’être très beau d’ailleurs.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14076
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Farnaby a écrit :Remarques en vrac d’un spectateur vierge (en films de Tarentino)
On dirait (presque) le titre d'une nouvelle de Tanizaki :mrgreen:
Bon, je te lis de suite...
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14076
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Alexandre Angel a écrit :
Farnaby a écrit :Remarques en vrac d’un spectateur vierge (en films de Tarentino)
On dirait (presque) le titre d'une nouvelle de Tanizaki :mrgreen:
Bon, je te lis de suite...
Et je t'ai lu (hop!)

Je suis globalement de ton avis mais ton texte me prend la tête parce que j'ai une envie furieuse de le nuancer ici et là. Et comme je suis fatigué à cette heure, je vais le potasser à tête reposée et sans doute y revenir (le pleutre :mrgreen: ).

Mais ton commentaire virginal me stimule énormément. D'ailleurs, je vais revoir le film ce week-end!

#Watkinssien a raison : Tarantino rend fou
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Phnom&Penh
Assistant opérateur
Messages : 2077
Inscription : 28 févr. 08, 12:17
Localisation : Tengo un palacio en Granada

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Phnom&Penh »

Farnaby a écrit :Remarques en vrac d’un spectateur vierge (en films de Tarentino) :

J’aime énormément l’espèce d’inefficacité dramatique du film, sa longueur, sa langueur parfois, ses fausses digressions, son aspect composite : cela laisse une liberté au spectateur que bien peu de films de ce type laissent il me semble. Ça respire, je respire (mention ici des très belles séquences de voitures)......
Belle critique et intéressante chronique d'un dépucelage cinématographique :mrgreen:
Je suis d'accord avec tout ce que tu dis et notamment la poésie de la fin, que tu décris très bien.
Farnaby a écrit :– le seul reproche moral/esthétique valide à mon avis est celui de la caricature des hippies. Pour être plus précis, les hippies ne sont pas caricaturés, ce sont les deux héros qui généralisent et voient les hippies dans leur ensemble commes des crétins, et passent allègrement du ranch de Manson à tous les hippies. J’ai énormément aimé cela car moi aussi, comme le « bas de plafond » Pitt, je [hais] n’ai pas beaucoup de sympathie pour les hippies. Mais Tarentino aurait pu montrer ou évoquer même d’un mot l’autre face de la pièce hippie, c’est vrai. Cela dit, est-ce que l’on a fait le même reproche à Antonioni dans Zabriskie Point ? Jamais il ne montre les camés hystériques, la bêtise, la crasse et l’effet de secte. Pas d’autre face de la pièce, uniquement la beauté, la liberté, l’ouverture, la générosité, ce qui n’empêche pas le film d’être très beau d’ailleurs.
C'est vrai mais c'est de l'humour typique de Tarantino. C'est parce que les méchants sont caricaturés que leur massacre est évidemment une grosse pochade et pas une vengeance. Et ça marche dans les deux sens, les hippies sont réduits à la Manson Family mais les "hippies" classiques, Flower Power, Vietnam et tutti quanti, ne sont pas ciblés réellement puisque absents du film.
D'autre part, le terme revient de façon récurrente dans la bouche de Dalton, pas tant dans celle de Booth. Et Dalton n'est pas une lumière, c'est lui aussi un personnage caricatural, donc son avis sur les hippies lui donne surtout une connotation "gros réac".

Je ne suis pas surpris mais très content que tu ais aimé autant cette découverte :wink:
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

Image
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30882
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par tenia »

Je me permets de préciser : je pense que l'appel au vigilitantisme bronsonien n'a pas tant à voir avec la légitime défense que l'ampleur du massacre qui, lui, dépasse la légitimité de la défense. Il y a 1001 façons de dégager 3 gus comme ça, Tarantino a choisi d'en faire un massacre graphique façon American History X et de finir le tout au lance-flamme. Cela dépasse, pour moi, la légitimité de la défense en question. Mais tu as raison, et pour en avoir discuter avec des américains, cela choque effectivement moins de leur côté (d'ailleurs, ils ne parlent pas de légitime défense mais uniquement de "self-defense", ce qui permet sémantiquement de ne pas se poser la question de la légitimité mais surtout de la proportionnalité des choses).
Enfin, le petit point qui me gêne est précisément que cet aspect clairement grand-guignolesque semble se cacher derrière la légitime défense (en plus, il était sous LSD alors ça va quoi), et le fait que comme on sait ce qui s'est passé dans la vraie vie, c'est justifié. Par le passé, Tarantino assumait clairement ses choix d'une violence clairement créée pour le divertissement du spectateur, mais là, cela semble essayer de se trouver des excuses, des raisons. "Ce n'est pas pour notre seul divertissement qu'ils sont punis de la sorte." Euh, si, quand même.
Pour autant, cela reste une pure scène d'action cathartique comme le cinéma en produit des tonnes.
Farnaby a écrit :– le seul reproche moral/esthétique valide à mon avis est celui de la caricature des hippies.
A partir du moment où on suppose que le film, et par extension Tarantino, regrette l'âge d'or d'Hollywood et cherche à venger sa fin précipitée, cela fait sens que les hippies soient caricaturés de façon négative. Je ne dis pas que c'est bien ou mal, mais ça m'a semblé parfaitement logique, surtout qu'ils sont souvent discutés par des personnes appartenant aux générations les précédant, et qui, je suppose, ne voyaient pas d'un très bon oeil ces ahuris mal lavés.
On pourra cependant noter qu'au départ, seul Dalton est antipathique envers eux, là où Pitt semble plutôt neutre, ou au moins naïvement bienveillant. Il n'y a qu'après la visite au ranch que cela change réellement, et encore, ce ne sont plus "les hippies", mais la famille Manson qui est alors clairement ciblée.

Et puis, il faut que les méchants soient suffisamment méchants pour qu'on accepte qu'ils se fassent démonter de la sorte.

EDIT : grillé par P&P.
Avatar de l’utilisateur
Wuwei
Assistant(e) machine à café
Messages : 157
Inscription : 19 mars 19, 20:19

Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Wuwei »

J’avais envie d’aller au cinéma… voir Midsommar (j’ai adoré hérédité) mais il ne passe pas près de chez moi… du coup… Tarantino…alors que je n’avais pas envie de voir Tarantino.
J’ai trop souvent l’impression que l’événement du monde, que c’est un « il faut le voir » mais qu’au final ça me marque de moins en moins. Comme si le monde avait absorbé certaines de ses visions, certains de ses tics, que tout avait basculé dans l’hypermodernisme et que depuis il ne faisait qu’alimenter la route.

Est-ce que je passe de bons moments devant ses films ? Bien sûr, il filme bien et les acteurs sont souvent bons mais est-ce que ses derniers films me marquent ? pas vraiment.
Bref, j’hésitais (entre ça et un blu ray) lorsque le voisin du dessus et ses travaux ont décidé pour moi.

Je n’avais pas idée de la durée du film et je savais à peine de quoi il allait parler… une seule chose me faisait envie : revoir Timothy Olyphant (et je ne fus pas déçu).
après coup : il ne s’agit pas d’un « grand » Tarantino, au sens où il ne me procurera pas le même choc que Pulp fiction et le même coup du lapin que Jackie Brown. Il fait ce qu’il sait faire, il écrit un scénario basé autour de scènes, il fait durer les scènes avec des dialogues, choisis de bons acteurs, de la bonne musique, de jolis plans de caméras… et filme des pieds.

De fait, je ne me suis pas ennuyé mais je suis resté en dehors du film pas mal de fois. Toute l’ambiance rétro a eu du mal à passer, je comprends que la mort de sharon tate ait bouleversé l’amérique et les illusions d’alors (pour moi c’est plus le mort durant le set des stones en 70 à Altamont… ou même les déchets laissés par les spectateurs hippies à la fin de woodstock mais il est indéniable que la mort de l’actrice marque un tournant dans l’histoire d’hollywood)… mais j’ai eu du mal à y « croire », à voir polanski, tate, bruce lee et quelques autres vraiment incarnés (seule la scène où elle va se voir au cinéma m’a fait vibrer). Ils m’ont semblé aussi caricaturaux que la bande de Manson. Ceci explique sans doute pourquoi le plan final m'a laissé de marbre, je n'en nie pas le potentiel narratif, dramatique, poétique... mais là aussi j'ai trouvé trop "décor".

Du coup, tout l’aspect « reconstitution » d’une époque m’a glissé dessus (idem pour la bande son), j’ai trouvé que ça faisait décor de cinéma. Certes c’est le but et certes aussi cela permet une forme de mise en miroir du monde du cinéma à travers sa représentation tandis que l’on suit un faux acteur à travers sa vie et ses films. Mais, cet aspect (la reconstitution) m’a semblé vraiment « tout ça pour ça », quelques anecdotes (bruce lee, la soirée play boy, etc) qui sont à peine des tranches de vies et qui n’explorent pas grand-chose et à chaque fois ce sentiment de « x joue untel » (d’ailleurs noter le nom de « steve mcqueen » sur l’écran a accentué cet aspect).

En revanche, impossible de nier que le reste m’a énormément plu. La vie de cet acteur vieillissant, de sa doublure cascade des quelques personnes qu’ils croisent, je me suis cru dans un (bon) film des frères Coen. Di Caprio est vraiment touchant dans ce rôle, le petit bégaiement qu’il a pourrait être trop lourd mais il le fait à merveille, sa prestation durant le film avec Julia Butters est poignante (et… cette jeune actrice a promis à une grande carrière, si elle fait les bons choix). Les scènes des vieilles séries, leur univers, tout cela m’a vraiment intéressé. Et puis, Brad Pitt… je crois que c’est la première fois que j’aime autant cet acteur, d’ordinaire je le trouve bon ou il m’indiffère mais là, il est juste parfait.
Certes si n’aime pas Tarantino (qu’on y voit qu’une longue suite de scènes bavardes qui ne vont nulle part et des explosions de violence gratuite) on va passer un horrible moment et j’avoue que (comme pour ses derniers films) j’ai trouvé le temps long à certains moments mais dans l’ensemble j’ai passé un bon moment dans la vie des deux personnages principaux.

après, la violence finale semble choquer... franchement, je la trouve complaisante (comme toujours - souvent- chez le réalisateur) mais pas forcément vide de sens non plus, elle correspond aux personnages (ce qui ne "l'excuse" pas mais en explique l'existence).

sinon, je trouve Tarantino plus ouvertement littéraire qu'auparavant, Brad repère une antenne, la situation lui en rappelle une autre (voix off) et hop on voit la scène se dérouler sous nos yeux avant de revenir sur le toit avec brad pitt. Cela me semble plus marqué (pas nouveau chez lui mais plus ouvertement "littéraire") et de fait parfois plus efficace mais aussi plus loupé.
Répondre