Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon - 2007)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jordan White
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Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon - 2007)

Message par Jordan White »

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Elodie, une adolescente de quinze ans, décide avec sa meilleure amie, une gothique du même âge, de coucher pour la première fois avec des garçons. Il ne leur reste qu'une semaine avant les vacances. Elles vont se confronter à une réalité qu'elles avaient envisagée différemment. En parallèle, Elodie découvre comment l'amitié qu'elle partage avec son ami Vincent peut se transformer en sentiments amoureux...


J'ai découvert ce film de Lola Doillon qui m'a agréablement surpris. Il s'agit du premier film de la réalisatrice, elle-même fille de Jacques Doillon. Une belle tranche d'adolescence avec le sujet central de la première fois, véritable passage à la vie d'adulte pour des ados qui se posent des tas de questions. Le sujet est amené avec sensibilité tout en conjuguant la familiarité de façon très directe : dialogues parfois crus, langage oral buté, situations incongrues. Doillon qui a juste quinze ans de plus que ses héros les filme avec amour et respect. Avec compréhension aussi. On sent l'ado qui est restée en elle lorsqu'elle filme en gros plans le visage très jeune, quasi juvénile même de Vincent incarné par Gaël Tavarès, ou le minois porté par les cheveux courts devant et légèrement longs derrière façon carré garçonne de Lucie Desclozeaux qui bouffe l'écran à chaque de ses apparitions, c'est-à-dire quasiment tous les plans ou presque. Le film commence par un joli plan-séquence à la steadycam. Cela pourrait sembler un peu gratuit ou apparaissant comme un étalage gratuit de virtuosité. Il sert surtout d'articulation majeure du récit, puisqu'il lance l'enjeu ultime pour Elodie : coucher avant les vacances qui arrivent dans deux semaines.

A partir de ce postulat, le scénario développe ensuite les stratagèmes des uns et des autres pour parvenir à ce qu'ils désirent. Un désir cachant parfois une solitude ou un état d'errance que la réalisatrice filme dans le vif : Vincent se retrouve parfois seul à observer celle qu'il aime réellement alors même qu'il pourrait sortir avec une fille, desperado à la main qui n'a d'yeux que pour lui. La fête à laquelle il est invité ne représente plus rien pour lui car seul compte cette fille qui est aussi sa meilleure amie. Il montre aussi une amitié entre filles à l'épreuve des trahisons, des petites affaires réglées à la sauvette, des illusions aussi. Mise à mal par l'arrivée d'un garçon qui en profite pour "collectionner" les filles, celle-ci vire à l'amour-haine tout en restant sur le plan du scénario réservée à des petites piques pas à des grosses explications psychologiques qui auraient été hors-sujet. Le garçon susmentionné étant incarné par l'étonnant Nicolas Schweri, tout en masculinité et affirmation de sa personnalité (est-ce tout simplement un jeu ou gros égo ?) aventureuse. Il ne se blâme pas et assume complètement sa position de jeune lover. La réplique lui est donnée par Christa Theret, Julie dans le film, dans le rôle de la goth'. On voit au loin arriver le cliché de la jeune fille qui se cherche. Pas de ça ici, et elle joue même de son étiquette obligée lors de la fameuse soirée bédo et oinj', où elle se distingue par sa langue bien pendue. Et toi t'es sur qui raconte aussi la précipitation, le dilemme entre l'amour profond que l'on peut éprouver pour l'autre et l'urgence qu'on souhaite mettre parfois inconsciemment en essayant de se réaliser par un acte que l'on peut regretter et dans lequel on avait pourtant mis de l'idéal.

De la graine de talent dans ce film, avec une photo très spéciale, "désaturée" , à mi-chemin entre la HD et la pellicule, son Scope et ses plans larges réussis. On y parle de MSN, de drague, avec un téléphone portable ou de vive voix. La dernière scène, sans un mot, uniquement axée sur l'expression du visage d'Elodie est touchante. Voilà une oeuvre qui m'a rappelé au bon souvenir de Sheitan par la découverte de sa troupe d'acteurs. Même énergie, même spontanéité, même fraîcheur. Sur le DVD, on peut voir la préparation méticuleuse de la dernière scène, les répét'. Une réalisatrice qui se montre généreuse, ouverte et à fond derrière ses petits héros. Applaudissant, pleine d'euphorie derrière son combo. Ainsi qu'un doc sur Cannes où le film était présenté. Les acteurs se confrontent à la célébrité avec peps et émotion. Lucie craque et pleure devant tant d'attention, tandis que Gaël prend la pose avec Jane Birkin qui se propose spontanément pour prendre une photo avec lui. Court-métrage et scène coupée sont aussi de la partie.
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Nicolas Brulebois »

La fille du grand Jacques Doillon a hérité de son père la faculté de filmer brillamment des ados...

... mais il lui manque encore une consistance, une vue "surplombante" (sans être forcément plombante :mrgreen: ) qui permettrait au film de dépasser la simple chronique.

Pour être plus clair: j'ai trouvé qu'au-delà des petites histoires de dépucelages, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent. La fraîcheur de la forme ne suffit pas, selon moi, à masquer la légère inconsistance du fond.
L'adolescence est pourtant une période suffisamment riche - qui plus est, lorsqu'il est question de dépucelage ! - pour y trouver des thèmes à explorer !
Là, j'ai l'impression que la réalisatrice a juste réussi à transposer des petites expériences personnelles, sans y apporter le recul artistique et théorique que l'âge adulte lui a sans doute donné.

Dans le genre "film de dépucelage", j'ai préféré (et de loin) Naissance des Pieuvres, le beau premier film légèrement bancal (mais tellement + retors) de Céline Sciamma.
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Jordan White »

Nicolas Brulebois a écrit : Pour être plus clair: j'ai trouvé qu'au-delà des petites histoires de dépucelages, il n'y avait pas grand chose à se mettre sous la dent. La fraîcheur de la forme ne suffit pas, selon moi, à masquer la légère inconsistance du fond.
Le film est court. Lola a choisi de ne pas faire un film théorique sur l'amour mais un film où la spontanéité des interprètes primerait. Ce n'est pas une sociologue, c'est une cinéaste. Elle met de son vécu et s'attache à donner la parole à des acteurs débutants qui donnent cette impression de ne pas jouer mais d'être. Ils pourraient avoir été filmés sur le vif dans la rue, dans une cour de lycée, le résultat serait le même : à la fois touchant parce que possédant des défauts. Le sujet qu'elle traite n'est pas original, mais le traitement qui évite les ellipses (toute la partie sur le pari que s'est lancé Nicolas) nous fait entrer dans les contradictions de ses personnages.
L'adolescence est pourtant une période suffisamment riche - qui plus est, lorsqu'il est question de dépucelage ! - pour y trouver des thèmes à explorer !
Le film n'en manque pas.
Là, j'ai l'impression que la réalisatrice a juste réussi à transposer des petites expériences personnelles, sans y apporter le recul artistique et théorique que l'âge adulte lui a sans doute donné.
Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles son film paraît si spontané, ne recherchant pas du tout à théoriser ce qui peut sembler inexplicable, le sentiment d'être amoureux(se) par exemple, les trucs qui échappent au jugement, le pourquoi du comment on se sent attiré(e) par quelqu'un de sexe opposé ou du même sexe.
Dans le genre "film de dépucelage", j'ai préféré (et de loin) Naissance des Pieuvres, le beau premier film légèrement bancal (mais tellement + retors) de Céline Sciamma.
Faut-il nécessairement qu'un film soit retors pour bien parler de l'adolescence ?
Et toi t'es sur qui est peut-être l'inverse de Naissance des pieuvres que je n'ai pas vu. D'un côté, un film affectif, qui joue sur la liberté de jeu, la captation de l'émotion, de l'autre peut-être un film réflexif, théorique ?
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Nicolas Brulebois
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Nicolas Brulebois »

Jordan White a écrit :Lola a choisi de ne pas faire un film théorique sur l'amour mais un film où la spontanéité des interprètes primerait. Ce n'est pas une sociologue, c'est une cinéaste... Elle met de son vécu et s'attache à donner la parole à des acteurs débutants qui donnent cette impression de ne pas jouer mais d'être. Ils pourraient avoir été filmés sur le vif dans la rue, dans une cour de lycée (...) c'est l'une des raisons pour lesquelles son film paraît si spontané, ne recherchant pas du tout à théoriser ce qui peut sembler inexplicable (...) Et toi t'es sur qui est peut-être l'inverse de Naissance des pieuvres que je n'ai pas vu. D'un côté, un film affectif, qui joue sur la liberté de jeu, la captation de l'émotion, de l'autre peut-être un film réflexif, théorique ?
Je me suis peut-être mal exprimé: quand j'ai parlé de "théorisation", je ne parlais pas d'une oeuvre froide et abstraite, mais d'un film proposant un point de vue un peu plus élaboré. Je n'oppose pas bêtement l'émotion/spontanéité et la froideur théorique, ce serait trop binaire. D'ailleurs, un film qui se situerait exclusivement dans l'une ou l'autre des ces catégories ne m'intéresserait pas.

Un film peut être à la fois frais dans l'interprétation et riche par la réflexion qu'il suscite chez le spectateur.

Pour ma part, je ne peux pas me contenter d'une oeuvre dont le propos se limite à quelque chose comme "les amours adolescentes sont compliquées; heureusement qu'il reste l'amitié". Je trouve qu'il manque un point de vue singulier à la petite histoire que propose Lola Doillon; quelque chose pour faire "contrepoint" et permettre de dépasser la simple chronique. Quelque chose qui permette au cinéma de se distinguer du tout-venant télévisuel.

Le film de Céline Sciamma le faisait en traitant cette thématique (sexualité adolescente, appréhension de la première fois) sous l'angle de la frustration/fascination/attirance trouble d'un petit laideron face à la lolita-bombe-sexuelle du lycée. C'était peut-être bancal, mais il y avait au moins un contrepoint à la simplicité de l'histoire, quelque chose qui permettait à l'esprit de dépasser le cadre de la chronique adolescente pour explorer quelque chose d'un peu plus profond (et à cela faisait écho le choix des lieux, et la manière de filmer ceux-ci).
En comparaison, le joli film de Lola Doillon me paraît + ressembler aux "Années Collège" ou à un "Premiers Baisers" amélioré qu'à une vraie proposition de cinéma, pour reprendre un terme à la mode sous la plume des critiques. La fraîcheur et l'émotion ne suffisent pas à caractériser une oeuvre d'art, à mes yeux.

Note: à propos de cette opposition entre sincérité/spontanéité et abstraction/froideur, et pour rester dans la famille... "Et Toi T'es sur Qui?" me paraît, dans ses défauts, être le négatif complet d'un film de Jacques Doillon intitulé "La Fille de 15 ans", qui avait un peu le même thème (l'entrée dans la sexualité d'une adolescente) et le défaut inverse. Autant celui de la fille est simplissime, se focalise sur la spontanéité du jeu des acteurs et ne propose guère de "réflexion" sur le fond, autant celui du père perdait toute espèce de fraîcheur à force de donner dans la complexité psychologique verbeuse et l'affêterie artiste et poseuse !
Dans les deux cas, ça ne m'a pas vraiment plu.
Court-métrage et scène coupée sont aussi de la partie
que vaut le court-métrage, au juste? Est-ce qu'on y trouve des pistes annonçant le long?
Nestor Almendros
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Nestor Almendros »

Voici ce que j'avais posté le 16 juin 2007
ET TOI T'ES SUR QUI ? de Lola Doillon

Poursuivant vraisemblablement certaines démarches artistiques de son père, Lola Doillon filme la jeunesse avec des acteurs non professionnels. Les premières minutes m'ont fait très peur. C'est vrai que ces jeunes sont très crédibles (les acteurs sont presque leurs rôles, certainement) mais à les voir évoluer et parler (ils ne savent pas articuler) j'avais plutôt envie de les baffer :uhuh: . Il y a aussi le problème du scénario. On est vraiment dans un épisode de sitcom. La progression dramatique est digne d'HELENE ET LES GARCONS. C'est basique, simple, facile. On ajoute quelques dialogues plus piquants, on parle de MSN, etc... histoire de recentrer le film dans son époque. Mais l'intrigue reste presque affligeante de simplicité. Alors d'où vient l'intérêt? Pourquoi la critique s'emballe-t-elle?
Dans mon cas, ce sont les personnages qui ont fait la différence. Car, malgré un propos plutôt succint, on s'attache très vite aux personnages, et on reste accroché à l'histoire. On arrive à être ému, sur le quai de la gare à la fin, et on en ressort plutôt content. L'approche du sexe par ces gamins est à la fois amusante et relativement intéressante. Les deux scènes de rapport sexuel sont ainsi montrées sans démonstrations de plaisir. C'est physique, presque mécanique, sans réelle sensibilité (ce à quoi voulait en venir la réalisatrice).

Un film sympathique au final, mais qui ne mérite certainement pas toutes ces louanges lues ici et là. Je suis surpris de voir Profondo citer L'ESQUIVE (que j'ai beaucoup aimé, au demeurant). Je n'aurais probablement pas comparé ces film qui ne dépeignent pas totalement le même univers (même s'ils ont des points communs)...
et la réponse d'Art Core
Vu hier également ce Et toi t'es sur qui ? et j'ai été loin d'être convaincu. Alors que je m'attendais à revivre avec nostalgie mon adolescence j'ai été bien déçu de ce jeux vain de jalousie entre 4 personnages assez inintéréssants. Alors bien sûr on retrouve une certaine description de la jeunesse d'aujourd'hui assez juste (MSN, portable, Jeux-Video...) mais franchement ça ne va pas plus loin. De plus j'ai été assez choqué par l'approche fatalement négative de cette "première fois" où on le fait comme ça sans raison, juste parcequ'il faut le faire. il n'y a absolument aucune candeur, aucune naïveté mais des personnages presque cyniques.
Moi de mon temps on était pas comme ça :mrgreen: ...

Enfin bref, ça se laisse regarder car les personnages finissent par être attachants mais comme Nestor je ne comprends absolument pas, l'engouement lu ici ou là. Aussitôt vu, aussitôt oublié.
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Nicolas Brulebois »

Nestor Almendros a écrit : Poursuivant vraisemblablement certaines démarches artistiques de son père, Lola Doillon filme la jeunesse avec des acteurs non professionnels. Les premières minutes m'ont fait très peur. C'est vrai que ces jeunes sont très crédibles (les acteurs sont presque leurs rôles, certainement) mais à les voir évoluer et parler (ils ne savent pas articuler) j'avais plutôt envie de les baffer :uhuh: . Il y a aussi le problème du scénario. On est vraiment dans un épisode de sitcom. La progression dramatique est digne d'HELENE ET LES GARCONS. C'est basique, simple, facile. On ajoute quelques dialogues plus piquants, on parle de MSN, etc... histoire de recentrer le film dans son époque. Mais l'intrigue reste presque affligeante de simplicité
Le cinéma de Jacques Doillon ne se résume pas à savoir filmer un matériau adolescent brut. C'est commettre une grave erreur que de lier trop intimement ce film à ceux de son père, qui sont plus complexes, plus lettrés, plus heurtés. Les adolescents chez Jacques Doillon sont beaucoup plus "retors" (pour utiliser un mot qui déplait à Jordan White) que ceux mis en scène chez Lola... Ils sont traversés d'accès de bizarrerie ou de violence qui les éloignent d'un banal naturalisme-sitcom, expriment d'intenses frustrations dans une langue ou une pensée qui peut être chaotique, labyrinthique, très éloignée de la simplicité "télévisuelle" des personnages montrés ici.

On ne peut pas se contenter de filmer une amourette et prétendre faire du Cinéma.
J'ai l'impression qu'il manque à ce film une "dimension" inédite, un regard original sur cette histoire, susceptible de dépasser l'anecdote pour atteindre une profondeur, et devenir artistique au lieu de se contenter d'être simplement "sincère" ou "spontané"
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Jordan White »

Nicolas Brulebois a écrit : On ne peut pas se contenter de filmer une amourette et prétendre faire du Cinéma.
Je pense que c'est plus compliqué que cela. On peut très bien faire de grands films avec une histoire tenant sur un ticket de métro, aussi "amourette" soit-elle à la base. Et à l'inverse avoir un scénar de 200 pages, très développé et réaliser un mauvais film.
J'ai l'impression qu'il manque à ce film une "dimension" inédite, un regard original sur cette histoire, susceptible de dépasser l'anecdote pour atteindre une profondeur, et devenir artistique au lieu de se contenter d'être simplement "sincère" ou "spontané"
Ce qui est sincère, spontané chez Lola l'empêcherait donc de réaliser un film artistique, lui ôterait son statut d'oeuvre ?
Reprocher au film sa légèreté, de rester à la surface des choses, soit, quoique... Lui nier son statut d'oeuvre artistique je ne pige pas ?
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Nicolas Brulebois
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Nicolas Brulebois »

Jordan White a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit : On ne peut pas se contenter de filmer une amourette et prétendre faire du Cinéma.
Je pense que c'est plus compliqué que cela. On peut très bien faire de grands films avec une histoire tenant sur un ticket de métro, aussi "amourette" soit-elle à la base. Et à l'inverse avoir un scénar de 200 pages, très développé et réaliser un mauvais film.
évidemment que c'est plus compliqué que ça, et tu n'as manifestement pas compris ce que je voulais dire. Je ne faisais pas référence à l'épaisseur d'un scénario (je suis plutôt partisan des histoires simples, voire minimalistes), mais à un "contrepoint", une idée/thématique sous-jacente qui pemettrait d'envisager cette histoire simple sous un angle un chouia plus élevé que celui de la simple chronique sincère & sympa.
Les grands films sur l'adolescence ne se contentent pas de suggérer que "la sexualité c'est compliqué; heureusement qu'il y a l'amitié", mais proposent au-delà de leur historiette un regard, une ouverture sur le monde, que je ne trouve pas ici.
J'ai l'impression qu'il manque à ce film une "dimension" inédite, un regard original sur cette histoire, susceptible de dépasser l'anecdote pour atteindre une profondeur, et devenir artistique au lieu de se contenter d'être simplement "sincère" ou "spontané"
Ce qui est sincère, spontané chez Lola l'empêcherait donc de réaliser un film artistique, lui ôterait son statut d'oeuvre ?
Reprocher au film sa légèreté, de rester à la surface des choses, soit, quoique... Lui nier son statut d'oeuvre artistique je ne pige pas
On n'a pas dit ça. Simplement qu'elle ne s'éloigne pas assez de ce qui fait le tout-venant télévisuel. Il n'y a pas le petit "+" (une construction, une forme, ou un angle de vue original) qui le distinguerait de séries pour ados comme les "Années Collège" ou "Premiers Baisers".

Pour prendre un exemple choisi chez l'un de mes cinéastes de chevet: Louis Skorecki, dans Libération, a souvent écrit que le cinéma de Rohmer ressemblait à du Hélène & et Garçons. C'est de la provoc', mais esthétiquement parlant, par moments, ce n'est pas faux (L'Ami de mon Amie, par exemple, me paraît bien illustrer ça). Rohmer lui-même a souvent dit (peut-être par provoc', là aussi) qu'il préférait l'esthétique de certains téléfilms à celle de beaucoup d'oeuvres de cinéma.
Bon, ça ne l'empêche pas de proposer des structures narratives et une profondeur thématique qui le distinguent INDUBITABLEMENT d'un matériau télévisuel quelconque.
Par contre, je ne trouve pas ça dans le film de Lola Doillon: on croirait une histoire écrite et racontée par et pour une adolescente, et je n'y vois pas d'élément qui établirait une différence artistique avec un épisode de série TV.
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Jordan White »

Nicolas Brulebois a écrit :
Jordan White a écrit : Je pense que c'est plus compliqué que cela. On peut très bien faire de grands films avec une histoire tenant sur un ticket de métro, aussi "amourette" soit-elle à la base. Et à l'inverse avoir un scénar de 200 pages, très développé et réaliser un mauvais film.
évidemment que c'est plus compliqué que ça, et tu n'as manifestement pas compris ce que je voulais dire. Je ne faisais pas référence à l'épaisseur d'un scénario (je suis plutôt partisan des histoires simples, voire minimalistes), mais à un "contrepoint", une idée/thématique sous-jacente qui pemettrait d'envisager cette histoire simple sous un angle un chouia plus élevé que celui de la simple chronique sincère & sympa.
Ce qui m'interpellait dans ta formulation c'était de dire que Lola ne réalise pas un film artistique sous prétexte que son film est léger, qu'il n'entre pas en profondeur dans son sujet, qu'il ne propose pas de regard neuf ou novateur de cinéaste. Je te répondrai : très bien en quoi ça n'en fait pas un film de cinéma ?
Les grands films sur l'adolescence ne se contentent pas de suggérer que "la sexualité c'est compliqué; heureusement qu'il y a l'amitié", mais proposent au-delà de leur historiette un regard, une ouverture sur le monde, que je ne trouve pas ici.
Je pense que le film d'apparence très simple : six personnages principaux (dont Marion qu'on voit finalement peu mais qui a son rôle à jouer) qui parlent d'amour à leur façon et de leur première fois lie aussi des histoires qui peuvent basculer par rapport à un mot ou une action précise et entraîner des conséquences. C'est le pari qu'ils se lancent les uns les autres qui façonne la façon dont ils se comportent, surtout pour Nicolas. Marion reste en dehors du clan, mais que ce serait-il passé si elle avait accepté ce que lui demande Julie au début du film? Comment Vincent envisage-t-il sa relation amicale avec Nicolas à moyen terme ? Que va décider Elodie après avoir pris le train ? Resteront-ils amis tout simplement ?
On n'a pas dit ça. Simplement qu'elle ne s'éloigne pas assez de ce qui fait le tout-venant télévisuel. Il n'y a pas le petit "+" (une construction, une forme, ou un angle de vue original) qui le distinguerait de séries pour ados comme les "Années Collège" ou "Premiers Baisers".
On y parlait moins djeun's (j'ai d'ailleurs aimé la façon dont la langue était maltraitée tout en gardant une cohérence orale, ce qui ne m'empêche pas d'adorer un film comme Ma Nuit chez Maud par ailleurs), c'était moins spontané. Mais c'était pas si mauvais que cela.
Par contre, je ne trouve pas ça dans le film de Lola Doillon: on croirait une histoire écrite et racontée par et pour une adolescente, et je n'y vois pas d'élément qui établirait une différence artistique avec un épisode de série TV.
La raison pour laquelle cela se ressent c'est sans doute parce qu'elle a justement voulu garder un regard de cinéaste adulte encore proche de l'adolescence, très proche de ses héros. Quant à la différence artistique avec un épisode de série TV, je dirais que le format même du film, l'utilisation judicieuse du Scope pour les plans larges, la lumière soignée jouent en faveur du film, ce qui ne retire rien à la qualité visuelle dont peuvent se flatter certaines séries télé.
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Nicolas Mag »

Nicolas Brulebois a écrit :Dans le genre "film de dépucelage", j'ai préféré (et de loin) Naissance des Pieuvres, le beau premier film légèrement bancal (mais tellement + retors) de Céline Sciamma.
c'est marrant j'ai vu les 2 films coup sur coup et oui il n'y a pas photo , même si l'un est plus comédie et l'autre dramatique (dans la naissance des pieuvres j'adore les silences, c'est là ou l'on comprend que l'on a à faire à un vrai regard de metteur en scène), le film de lola doillon est une grosse deception, plaisant à regarder mais manquant d'interet. Le coté realiste du film est parfois manqué par des dialogues trop ecrits (ou de moins bons acteurs). A un realisme manquant de piquant on préfère finalement les exhubérences d'un Supergrave
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon, 2006)

Message par Aragorn Elessar »

J'aime pas la seconde partie du film, mais j'aime la direction d'acteurs. Par contre Naissance des Pieuvres est parfait en effet, à découvrir !
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon - 2006)

Message par Jeremy Fox »

Chronique de mœurs sur la première préoccupation des adolescents de fin de collège, les premières relations sexuelles. Une intrigue certes quasi inexistante mais un ton réaliste et parfois assez cru, des jeunes comédiens assez justes, une mise en scène plutôt bien maitrisée pour un film au final bien attachant : les derniers plans sont même sacrément émouvants.

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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon - 2006)

Message par Flol »

Celui-là, je l'avais découvert peu de temps avant (ou après, je sais plus) Naissance des Pieuvres. Autant dire que le Sciamma m'a eu l'air de voler 5 000 pieds au-dessus de ce tout petit film anodin, et que je n'avais pas trouvé si bien joué que ça, pour ma part.
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Jeremy Fox
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon - 2006)

Message par Jeremy Fox »

Pour moi ce sont les films de Sciamma qui demeurent une énigme. Ils me sont totalement hermétiques.
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Re: Et toi, t'es sur qui ? (Lola Doillon - 2006)

Message par Flol »

C'est toi l'énigme.
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